Compagnons de captivité
Un jeune femme clouée au lit par un virus agressif et inconnu, seule la position allongée lui convient, pas question de mettre un pied par terre, pas question de rester assise.
Fini les balades avec le chien, fini de voir changer la forêt au gré des saisons, seuls restent le rêve, l’imagination, les souvenirs et les visites des amis.
« J’avais toutes les peines du monde à vivre le moindre instant, et le moindre instant était pour moi une heure interminable »
Elisabeth Tova Bailey aurait pu intituler son livre : à l’ami qui m’a sauvé la vie, cette amie qui un jour cueille pour elle une pousse de violette et y ajoute un petit escargot qui aussitôt part en exploration.
« A mon réveil le lendemain matin, l’escargot était de retour dans le pot, blotti dans sa coquille, endormi sous une feuille de violette »
Cet escargot, confiné dans sa coquille comme elle dans son lit, va devenir son horizon, son point fixe, sa passion secrète. Elle va remarquer les trous qu’il fait dans le papier pour se nourrir, les petites traces brillantes qu’il laisse
« Sa curiosité et sa grâce m’entraînaient insensiblement, dans un monde paisible et solitaire »
Après l’avoir nourri de fleurs de violette fanées et de champignon la vie de l’escargot va s’organiser dans un terrarium où il trouve l’humidité et les végétaux qui lui conviennent. Il lui tient compagnie silencieusement, enfin presque, parce que le bruit des dents de l’escargot croquant la nourriture c’est proprement sauvage.
C’est microcosmos chez les gastéropodes.
Le terrarium d'Elisabeth T Bailey
Empruntant comme elle le peut de la documentation elle va finir par tout savoir sur ces bestioles qui vont exercer sur elle une étrange séduction.
Un peu d’anthropomorphisme ne nuit pas et l’auteur s’amuse de comparaisons entre sa vie étiolée et celle du petit-gris sous estimé. Saviez-vous que l’escargot possède un pouvoir extraordinaire pour réparer sa coquille, trous et déchirures colmatées il reprend sa vie une sorte de résilience à hauteur de gastéropode.
Mais attention si vous voulez l'imiter; sachez que d’un seul escargot peuvent naître au bout d’un certain temps des couvées importantes
« je devais admettre que c’était moi qui était un peu dépassée » l’expérience se termine avec 118 petites coquilles !
L’aventure va se terminer :
« J’arrivais désormais à parcourir de temps à autre la courte distance jusqu’à l’orée du bois. Un soir après qu’une légère pluie s’était changée en bruine, je suis allée placer mon jeune escargot dans un endroit abrité par de grands arbres feuillus »
Un récit lumineux, fait de simplicité, de détachement et d’amour de la vie, entremêlant les apports scientifiques très sérieux et la poésie à hauteur d’herbes.
Une réussite.
Le livre : Les nuits mouvementées de l’escargot sauvage - Elisabeth Tova Bailey - Editions Autrement