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Poésie - Page 15

  • Le Garçon sauvage carnet de montagne - Paolo Cognetti

    Retour à la montagne

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    C’est un jeune homme, la trentaine tout juste, il quitte la villela douleur accompagne cette évasion.
    « J’avais trente ans et je me sentais à bout de forces, désemparé et abattu, comme quand une entreprise en laquelle tu as cru, échoue misérablement. »

    Il va passer du temps dans une solitude quasi totale pratiquant ainsi une rupture radicale avec sa vie d’avant, plusieurs semaines sans voir âme qui vive, il va ainsi tenter de reprendre pieds dans la vie.

    Il nous invite sur les pentes de sa montagne
    « les pâturages étaient encore en sommeil, teintés des couleurs brunes et ocres du dégel; les montagnes et les vallons ombragés encore recouvert de neige. » pas très loin du Grand Paradis.

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    Paolo Cognetti est un admirateur de Thoreau mais pour autant il ne construit pas sa cabane, non il a pour s’enfouir loin du monde

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    «  une baita en bois et en pierre à deux mille mètres d’altitude, là où les dernières forêts de conifères cèdent la place aux hauts pâturages. »

    Il emporte de quoi lire et écrire, Thoreau bien sûr, Elisée Reclus le géographe  et puis il a en tête des auteurs choisis : Mario Rigoni Stern, Erri de Luca, Charles-Ferdinand Ramuz ...

    Il trace la carte du pays, il a envie comme Reclus de cataloguer la faune et la flore  « une tentative de lire les histoires que le terrain avait à raconter. »

    Il parcourt les pentes, contemple « les nuages gonflés d’eau » et prend avec les aigles « une leçon de voltige » ou entendre le bruit d’éclatement du mélèze frappé par la foudre. A sa suite on surprend le renard dans sa clairière et on l’entend imiter le sifflet des marmottes.

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    Photo © Daniel Nagi

    Après quelques semaines l’envie d’échanger à nouveau avec les hommes revient et lorsque quelqu’un toque à la porte il pleinement heureux, il va faire une rencontre prémices d’une belle amitié.

    Dans sa baita il découvre un livre de poésie et c’est une vraie chance pour nous lecteur que de lire pour la première fois un poème d’Antonia Pozzi, poétesse qui se donna la mort à 26 ans lors de la montée du fascisme en Italie.

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    Dire que j’ai aimé ce livre est peu dire. Ce petit livre se classe dans la catégorie des livres d’ermitages, à côté de Thoreau bien sûr mais il a aussi une parenté très forte avec Mario Rigoni Stern que Cognetti cite souvent et qu’il admire manifestement. 

    C’est un recours aux montagnes comme Thoreau proposait un recours aux forêts, un voyage vers soi-même. Paolo Cognetti met dans cette introspection beaucoup de pudeur et de poésie.

    Et pour vous donner envie de découvrir Antonia Pozzi

    J'ai écumé les monts
    hérissée comme une fleur —
    regardant les rochers,
    les hautes parois
    dans les mers du vent —
    et, chantant à mi-voix, je me souvenais
    d'un ancien été
    où les rhododendrons amers
    prenaient feu dans mon sang.

                              Antonia Pozzi - Névés - La route du mourir

     

    L'avis positif aussi d'Hélène

     

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    Le livre : Le garçon sauvage Carnets de montagne - Paolo Cognetti - Traduit par Anita Rochedy - Editions ZOE

     

  • Bribes russes

    Hommage et secret de la création

     

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    Un cri de colère, l’odeur du goudron frais,

    Le mystère d’une tâche de moisi sur un mur...

    Et voilà qu’un vers tinte, malicieux et tendre,

    Pour votre joie et pour mon tourment.

                                                  Extrait de Les secrets du métiers

     

     

     

     

    Le pays a la fièvre, mais le bagnard d’Omsk ¹

    A tout compris, fait une croix sur tout,

    Voilà maintenant qu’il mélange tout,

    Et qu’il s’élance, planant tel un esprit

    Au dessus du chaos originel. Minuit sonne.

    La plume grince et de bien des pages

    Emanent des relents de potence.

     

    ¹ Dostoievski

     

    Le livre : Elégies du nord et Les secrets du métier - Anna Akhmatova - Traduit  par Sophie Benech - Editions Interférences

  • Bribes de Robert Marteau

     

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    © Pierre Fassbind

     

    La cantillation du grillon mêle au chant

    Des tourterelles l’acidité du vert, la

    Crudité du rouge : on écoute cette musique

    En marchant entre les blés verts et crus qui croissent

    immobiles sous les nuages ou sous le soleil du jour

    Mêlée à la mélodie ininterrompue

    Des merles là bas tout au fond du paysage

    Où le pays se perd absorbé par la courbe

    Perdu peut-être dans ce qui s’étend plus loin.

     

                     ******************************

     

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    Le crépuscule est au jour ce que l’aube est à 

    La nuit. La lune en haut s’accroît en lumière, en 

    Bas le soleil roule et brûle sans dévier

    Comme serait le fond d’une tapisserie : 

    Hommes et animaux, et l’eau imaginée

    Qui feint une cascade.

     

     

     

    Le livre : Salve - Robert Marteau - Champ Vallon 

  • Bribes de Pascal Riou

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    Hirondelles rassemblées dans le ciel d’équinoxe

    dire que l’on aime à vous saluer

    est paraître benêt dans l’âge où nous sommes ;

    et vous, nuages qui poussez du sud

    pour attiédir septembre et porter sur nos terres 

    le sable du désert et le sel de la mer, 

    pour combien de temps encore

    aimera-t-on, sur la terre et sous le ciel, 

    suivre, au pas des yeux,

    vos courses et vos déroutes ?

     

                 **********************************

     

     

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    Je regarde le brouillard qui va,

    poussé par l’est

    sur les ressauts et les combes,

    chênes et pins disparaissent, renaissent,

    surgissent à demi sous l’eau légère.

     

                            ************************

     

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    Certains soirs de juin, si tombe la fraîcheur, 

    je voudrais ne laisser de ma venue

    que du seringa le seul parfum

     

    Toute forme est vacuité, dit une sagesse, 

    et la vacuité une forme ; puis une autre : 

    l’esprit souffle où il veut, ne voyez-vous

    l’herbe et les fleurs des champs ? 

     

    Salut à vous pétales si légers,

    parfaits sous la frêle couronne.

     

     

    Le livre : Sur la terre - Pascal Riou - Editions de la revue Conférence

  • Bribes de violet des roses

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    Ceux qui ont reçu un don

    l’exercent sans vanité.

    Ils disent le temps, élisent les simples,

    délivrent la mère, tarissent le lait, 

    perdent la source ou le serpent,

    gardent l’équilibre du monde,

    tenant tour à tour ombre et lumière

    loin derrière l’églantier.

     

                 *********************************

     

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    Il arrive qu’un jour,

    à la croisée des chemins,

    ils rencontrent un ange.

     

    Ils se saluent sans rien dire,

    en voisins.

     

     

     

    Le livre : Par le violet des roses - André Rochedy - Editions du Cheyne

  • Trois huttes - Christian Doumet

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    © Jonathan Andrew

    Si vous avez un penchant pour la poésie japonaise, pour la vie d’ermite et pour la peinture alors ce livre est fait pour vous.

    Partons retrouver : Bashô, Patinir et Thoreau.

    Christian Doumet nous propose trois lieux et trois huttes où se retirer, où méditer, il nous présente trois « constructeurs de solitude », pour se faire il utilise même un verbe que je n’avais jamais rencontré : le verbe hutter.

    Hutter c’est habiter un lieu «  à distance des choses afin de mieux en éprouver le goût. » c’est « éprouver la vie, le silence relatif, la solitude »

     

    Pour Thoreau je pense que vous n’êtes pas surpris de le trouver là, c’est vraiment le symbole du retirement du monde, car nous dit Christian Doumet, Walden « peut être lu comme le plus vaste des poèmes en prose ». Sa lecture procure un plaisir singulier même à ceux qui sont généralement hostiles à la nature. 

    Thoreau nous dit-il fait partie de « la grande famille des solitudes de la littérature », la hutte est son laboratoire mais elle n’est pas « la demeure d’un oisif ».

    En une soixantaine de page Christian Doumet nous aide à penser Walden avec Thoreau.

     

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    La hutte de Thoreau

    « l’isolement, le retranchement du monde qui dotaient l’endroit d’une étrangeté surnaturelle »

     

    Patinir cela était nettement moins évident pour moi, je connaissais ses tableaux car je suis amateur de peinture flamande mais je ne les avais pas en tête, vive le web qui m’a permis de lire un oeil sur le livre et l’autre sur la reproduction du tableau Saint Jérôme dans le désert.

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    Clic pour avoir le tableau en grand

     

    Je dois dire que j’ai été bluffé par la richesse du propos sur cette oeuvre.

    On dit que Patinir inventa l’art du paysage mais il fait entrer aussi la philosophie dans le tableau car il manifeste une intelligence du monde dont le spectateur se sent inondé.

    Pour Christian Doumet, Patinir peint des huttes qui nous offrent « l’idée d’un parfait ermitage », il enrichit encore le propos en nous invitant à voir mieux des tableaux de Dürer, de Metsys. Il nous contraint, mais la contrainte est douce, à comparer deux cabanes, à les chercher car se sont dit Doumet des « huttes passagères » et le but du peintre est peut être de « montrer ceci : la ferveur d’une contemplation ? ».

    Saint Jérôme est pour le peintre à la fois un modèle et une leçon. Et nous, nous jouons les voyeurs car c’est grâce à l’enveloppe crevée de la hutte que ce secret nous est livré. 

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    «  C’est ainsi que Patinir peint Jérôme. Ainsi que l’homme des Flandres casanières imagine la sainteté »

     

     

    Avec Bashô le point de vue est différent car nous avons là un ermite poète mais surtout un grand marcheur qui a du concilier « l’appel des horizons immenses et le goût du repli ». 

    Bashô c’est l’éternel vagabond, le marcheur des confins et des brumes du nord, la hutte ne lui sert que de havre provisoire, au Japon il fait halte dans des ermitages d’où le nom d’un recueil de ses poèmes.

     

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    « La pente douce du jardin d’azalées, la petite source tout près, la croupe du Mont Hiei, la lumière du couchant ....)

     

    Le poète amateur de concision avec les mots, a aussi le goût des habitats provisoires, des demeures de fortune qui lui laisse tout loisir de marcher et d’écrire ce qui nous dit Christian Doumet « relèvent de la même pulsion vitale. »

    Pour Bashô il suffit de « construire une hutte pour atteindre la fin du voyage ; de tracer une seule phrase pour faire le tour du langage. »

     

    Cet essai est superbe et j’ai pris un immense plaisir à la lecture de ce triptyque poétique et philosophique

     

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    Joachim Patinir, Triptyque de la Pénitence de Saint Jérôme

     Metropolitan Museum

    Si vous êtes amateur d’ « Éloignement, isolement, retranchements. » ajoutez ce livre à votre bibliothèque

     

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    Le livre : Trois Huttes - Christian Doumet - Editions Fata Morgana