Les mains d’or
« Les mains d’or, elles travaillent sans modèle, sans filet, à main levée, et pratiquement les yeux fermés tant est faible la lueur des torches dont on mouche la pointe contre la paroi lorsqu’elles se mettent à fumer noir »
Les spécialistes qui les premiers pénétrèrent dans ces grottes, ont cru que ces dessins, ces gravures étaient l'oeuvre des maitres de l’époque, en somme une supercherie.
Et pourtant ceux que l’on imaginait incultes, grossiers, rustres, nous ont laissé en héritage des images peintes qui n’ont rien à envier à un Rembrandt, un Michel-Ange.
Un héritage de 20 000, 25 000, 30 000 ans qui a pu faire comparer Lascaux ou la grotte Chauvet à la Chapelle Sixtine, aux cathédrales gothiques.
Lascaux
C’est le propos de Jean Rouaud dans ce livre, tenter de comprendre le pourquoi de ces oeuvres qui peut-être n’étaient pas faites pour être vues, pas faites pour décorer ou émerveiller d’autres hommes mais peut être pour apporter témoignage, pour créer un lien entre l’homme et l’univers.
Jean Rouaud s’interroge, les paléontologues sont figés dans leur interprétation, pas question pour un historien d’avancer des hypothèses sans les étayer. Le scientifique peut nous éclairer sur la composition des pigments, sur la façon de projeter la peinture sur la roche, sur la datation mais aucune d’indication sur le sens même des oeuvres.
Le poète, l’écrivain lui peut imaginer à sa convenance.
Altamira
Il nous emmène de Altamira à Pech Merle, de Niaux à Rouffiniac, et bien sûr les grottes de Lascaux et Chauvet
Pour Jean Rouaud ces oeuvres sont une manifestation du sacré que ces hommes ont eu besoin de d'inventer pour comprendre et accepter les phénomènes météorologiques, les faits déroutants, la mort.
Grotte de Niaux
« Face à ce gigantesque imbroglio de manifestations étranges, jour, nuit, éclairs, soleil, lune, volcan, grêle, orage, nuages, neige, fleurs, arc-en-ciel, naissance, mort, ils sont comme des penseurs aux mains nues. »
« Les mains d’or » qui ont oeuvré dans des conditions parfois difficiles s’adressaient sans doute aux puissances invisibles, la sûreté du geste est fantastique alors que l’artiste n’a pratiquement parfois aucun recul et trace d’un trait d’un seul un cheval de 5 mètres de long sans aucun repentir.
Le cheval de Cussac
L’auteur nous invite à réfléchir : si nous voyons une colombe au dessus de l’enfant Jésus dans la paille, personne ne pensera qu’un oiseau s’est introduit dans la crèche !
Accordons à ces Mains d’or la même volonté que le peintre du XVème devant sa toile, Rouaud en veut pour preuve les rapprochements que l’on peut faire entre les vaches de Lascaux et les toros de Mésopotamie.
Quant au cheval c’est le symbole peut être du soleil, métaphore et image que l’on retrouvera chez les grecs. Le cheval comme le soleil peut parcourir de grande distance rapidement, il est en majesté à Lascaux, beaucoup plus que les prédateurs qui devaient pourtant effrayer les hommes. De Chauvet à Lascaux le cheval est devenu, en quelques 15 000 ans, prééminent.
« Les mains d’or, elles travaillent sans modèle, sans filet, à main levée, et pratiquement les yeux fermés tant est faible la lueur des torches dont on mouche la pointe contre la paroi lorsqu’elles se mettent à fumer noir »
L’imagination et les propositions de Jean Rouaud m’ont plu. Dans une interview il dit que sur les fresques lorsque qu’un cheval baisse la tête il serait un plus logique d’y voir un signe de soumission plutôt que de voir un cheval broutant de l’herbe, les oies qui décorent l’entrée de la grotte de Cussac ne sont elles pas la métaphore des saisons qui toujours reviennent « Ce qui implique, ces aller-retours des migrateurs, que le monde est fini ? »
L’homme cherche des réponses « Dans quel monde parallèle se repose le soleil en attente de la bonne heure matinale »
Pourquoi ont ils dessiné ? « Pour décider de la vie d'un simple trait » nous dit superbement Jean Rouaud.
Les chevaux de Chauvet
« qu'au commencement l'animal était Dieu et que Dieu est un animal »
C’est un livre passionnant, qui oblige le lecteur à s’interroger, à imaginer ce que fut la pensée de ces hommes qui ont vu les derniers volcans en activité, leur conception du monde, qui ébranle nos certitudes. Jean Rouaud a une pierre de Rosette qui lui sert un peu de fil rouge : le galet d’Etiolles.
Un essai très réussi, même si à une ou deux reprise les phrases sont un peu complexes et nous perdent un peu en route, on se rattrape bien vite et on est fasciné par la finesse de l’observation et de l’analyse, par les clins d’oeil malicieux qui parsèment le récit
Le livre : La Splendeur escamotée de frère cheval - Jean Rouaud - Editions Grasset
Le paléo Circus - Jean Rouaud - Editions Flohic ( A chercher d'occasion)
Commentaires
Pfou, magnifique présentation! Les livres présentent les illustrations?
Non pas du tout, j'ai lu avec à côté de moi son paléo circus mais surtout ma tablette pour afficher chaque fois les images j'allais de l'un à l'autre sans me lasser
Quel sujet passionnant, ton billet aussi qui relaie toutes ces questions et ces réflexions.
j'avais un peu lu Yves Coppens mais on voit bien la réticence qu'on les scientifiques à interpréter ce qui me semble normal , le poète, l'écrivain a tous les droits et Rouaud en a profiter
Tout ceci excite l'imagination et la réflexion, merci pour ce magnifique billet!
Il y a peu j'ai lu une hypothèse selon laquelle ce serait les femmes, qui restaient dans les grottes avec les enfants, qui réalisaient ces dessins...allez savoir!
oui d'ailleurs Rouaud l'évoque, c'est passionnant, hommes ou femmes qu'importe que voulaient t-ils dire en dessinant, en gravant
Très intéressant !
le sujet m'a passionné
C'est bien que le littéraire (ou le poète des cavernes, belle appellation! ) prenne le relais du scientifique !
oui c'est vraiment ce qui fait l'intérêt de ce livre, foin de la science ...et si on rêvait, si on imaginait
Je me souviens de mon émotion à la visite de Lascaux 2 (que devait être Lascaux 1 ?) et une visite plus ancienne de Pech Merle. Ce bouquin doit être passionnant.
passionnant en effet mais attention sans illustrations il faut pianoter sur une tablette à côté ou avoir quelques livres sur le sujet
Je me souviens de mon émotion à la visite de Lascaux 2 (que devait être Lascaux 1 ?) et de ma visite plus ancienne de Pech Merle. Ce bouquin doit être passionnant.
Tu me gâtes, Dominique avec cette première photo ! C'est un livre que je vais lire et je te remercie de nous en avoir aussi bien parlé.
un livre un peu exigeant mais vraiment très passionnant
Les mains d'or (quelle poésie !) qui touchent au monde intérieur, c'est beau sujet ! J'ai vu récemment ce très beau film Altamira qui justement me faisait dire que j'allais m'intéresser de plus prés à ce domaine... Merci Dominique, douce journée à toi. brigitte
j'ai vu en effet qu'on trouve plusieurs DVD sur les différentes grottes et ça me tente beaucoup en attendant de pouvoir les visiter un jours
Noté.
bonne lecture
Quelle tentation! J essoeourtant d être raisonnable d autant plus que j ai eu de teps ourlire en voyagé
être raisonnable c'est quelque chose que je peux faire pour tout ...sauf pour les livres
J'aime beaucoup le questionnement sur ces œuvres du passé, et j'ai passé beaucoup de temps à regarder tes illustrations si bien choisies
Voilà encore une tentation de lecture !!! Merci !