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Littérature russe

  • Tchékhov un homme et son œuvre – Korneï Tchoukovski

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    « ...jamais il n'y eut dans toute l'histoire de la littérature un autre poète qui, sans jamais charger ses œuvres de scènes horribles, uniquement au moyen d'un lyrisme calme et retenu, fut capable d'arracher autant de larmes aux gens ! ».

    Bel hommage rendu à…Anton Tchekhov, l'écrivain et dramaturge russe dont je ne me lasse ni de voir et revoir les pièces, ni de lire et relire les nouvelles.

    Korneï Tchoukovski balaie toute l’œuvre de Tchékhov, ses nouvelles, ses pièces de théâtre, son livre est un magnifique hommage à l’écrivain et à l’homme.
    Tchoukovski commença son travail sur Tchékhov l’année de la mort de l’écrivain en 1904, il vit alors à Londres et est fortement touché par ce décès.
    Il engrange les articles, les conférences, les préfaces aux œuvres de Tchékhov, il ne cesse de dire son admiration, d’essayer de rendre justice à son « idole ».
    Rassemblant son travail il en fit cette biographie qu’il publia en 1967.

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    Le biographe  

    L’analyse de l’œuvre de Tchékhov représente un travail important, toute l’œuvre est balayée et l’on sent derrière l’admiration sans limite pour l’écrivain et la colère devant les interprétations erronées de sa pensée.

    Bien que célèbre rapidement après ses début, Tchékhov fut maltraité par tout le paysage littéraire d’alors, par les critiques très dures, toutes plus ou moins à la solde du régime tsariste.
    Les articles malveillants et hostiles furent légion.

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     Portrait de Tchékhov-Ossip E Braz

    A travers ce livre son biographe nous montre la multiplicité des talents de l’écrivain, et au-delà, ses convictions, ses actions, son engagement auprès des plus pauvres ou de sa famille.

    Il voyageait beaucoup, invitait énormément de gens chez lui, aidait tout le monde quoi que soient leurs problèmes.

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    Une enfance et une adolescence près d’un père violent, acariâtre et alcoolique, le poussa à gommer toute brutalité, toute mesquinerie dans ses actes, ses écrits.
    Au contraire il cultiva « une délicatesse et une douceur comme on n'en trouve chez aucun écrivain de sa génération ».

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    C'était aussi un amoureux de la nature, des arbres et des fleurs. Il aimait passionnément aménager des jardins et cultiver la terre, la Cerisaie reflète cet amour.

    Un homme qui déteste le mensonge, à l’humour corrosif, à l’intelligence étincelante, à la « ténacité admirable », qui écrivait une œuvre magnifique mais fidèle à sa modestie, il minimisait son oeuvre.

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    Maison de Tchékhov-Sergeï Arsenievich Vinogradov

    Armé d’une volonté sans faille, volonté qui est le centre de certaines nouvelles, c’est cette volonté qui fit de lui un classique de la littérature.

    Ses nouvelles donnèrent vie à des personnages qui souffrent du non-sens de l’existence, qui sont impuissants devant le sort, faibles parfois et incapables d’actions efficaces.
    A travers ses courts récits, Tchékhov fait preuve d’empathie, d’humanité, il sait d’un mot, d’une phrase camper un personnage, défendre une idée.

    Mais cette simplicité dans l’écriture est le fruit d’un patient, dur et permanent labeur sur lui-même d’abord et sur ses écrits.

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    Tolstoï et Tchékhov

    « Le soleil ne se lève pas deux fois par jour, et la vie n'est pas donnée une seconde fois » disait Tchekhov qui aimait par-dessus tout la Vie et les Hommes. »

    J’avais lu il y a quelques années l'excellent livre écrit par son ami Ivan Bounine  Sur Tchekhov, en voici un autre superbement bien écrit,  Korneï Tchoukovski, est traducteur, critique littéraire, célèbre en Russie pour ses livres destinés aux enfants.
    Je dois dire qu’à côté la biographie d’Irène Némirovsky fait vraiment pâle figure.

    Il y a sur ce blog plusieurs chroniques consacrées à Tchékhov un essai littéraire de Roger Grenier, et bien entendu une chronique sur La Steppe que j’ai lu, relu et écouté.

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    Le bagne de Sakhaline  

    Mais aussi le voyage à Sakhaline de l’écrivain pour prendre la défense des bagnards, un de ces livres indispensables pour dire que l’on connaît un écrivain.

    Les pièces de Tchékhov sont parmi mes meilleurs souvenirs de théâtre.

    La traduction est vraiment excellente, que la traductrice en soit remerciée.
    Pour terminer c’est l’occasion de vous rappeler les textes que les éditions Interférence offrent, tous excellents, vous en trouverez plusieurs sur le blog.

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    Le livre : Tchékhov un homme et son œuvre – Korneï Tchoukovski – Traduit par Fanchon Deligne – Éditions Interférences

  • La Traductrice - Efim Etkind

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    C ‘est un cadeau que j’ai reçu et qui m’a fait un immense plaisir, vous me direz comment peux-tu dire ça alors que tu as déjà lu le livre ?
    C’est vrai je l’ai déjà lu mais rapidement comme on lit quand on doit rendre le livre très vite.

    Alors là j’ai pris mon temps.
    Un récit très court mais dont on regrette presque la concision tant cette étonnante histoire nous bouleverse.

    On assiste à la représentation de Don Juan de Byron, à la fin de la pièce le public debout réclame l’auteur. Une femme gênée, voutée, monte sur scène et là s’écroule.
    Cette femme c’est Tatiana Grigorievna Gnéditch.

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    Elle est une intellectuelle issue d’une famille aristocrate ce qui en Union Soviétique était comme une épée de Damoclès.
    Tatiana Gnéditch est passionnée de littérature anglaise et attirée en particulier par Byron. Elle a de qui tenir, un de ses ancêtres fut le traducteur de l’Iliade, traduction jamais dépassée depuis. 

    La politique n’intéresse pas Tatiana mais la politique va la rattraper. Soupçonnée puis emprisonnée pour ses origines, elle est condamnée à dix ans de camp en 1945.

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    Bizarrement elle ne part pas immédiatement au Goulag, elle va profiter de ce répit pour obtenir avec l’aide d’un de ses geôliers, papier et crayon et elle s’attaque à la traduction de Byron.
    Au nez et à la barbe du NKVD elle va traduire les 17000 vers de Don Juan. 

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    Le parcours de cette traduction est un exemple de solidarité et de prise de risques pour que ne se perdent pas les paroles des écrivains. 

    Une femme de la trempe d’un Soljenitsyne qui enterra ses manuscrits ou de Nadejda Mandelstam qui mémorisa l’œuvre de son mari pour qu'elle ne s'efface pas.

    En lisant ce petit livre j’ai pensé au « Proust contre la déchéance » de Joseph Czapski et au rôle de la mémoire.
    J’ai fait également le rapprochement avec le superbe film La femme aux cinq éléphants qui, bien que dans un tout autre contexte, met parfaitement en valeur le travail de la traduction.

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    Un mot sur l’auteur : Efim Etkind était linguiste et traducteur, il fut un dissident qui prit des risques pour faire circuler des œuvres d’auteurs interdits. Il a travailler à faire connaître les dérives soviétiques, en 1974 il fut contraint à quitter l’URSS.

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    Le genre de petit livre tout à fait indispensable, des textes qui ne s’oublient pas, qui réactivent en nous l’obligation de nous inquiéter des livres, des auteurs ET des traducteurs.

    Le livre : La traductrice – Efim Etkind – Traduit par Sophie Benech – Éditions Interférences  

     

  • Vie et Destin - Vassili Grossman

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    C’est une relecture que je fais cet été. J’ai lu Vie et destin à sa sortie en 1980 je crois.
    Depuis le texte a été remanié pour inclure des passages absents lors de la première édition.

    Un gros pavé écrit par Vassili Grossman qui fut à ses débuts un fervent communiste, mais Vie et destin est plutôt un brûlot contre le Stalinisme alors comment cet homme est-il passé de fervent communiste à accusateur de la dérive totalitaire de son pays ?

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    Qu’a-t-il vu pour en arriver là ? Grossman fut reporter de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale et c’est à ce moment-là que ses yeux se sont dessillés.

    Ce qui impressionne le plus dans le récit de Vie et destin c’est le rapprochement que fait Grossman entre Stalinisme et nazisme.

     

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    Il faut se rendre compte que cette comparaison n’est pas seulement neuve pour l’époque, elle proprement incroyable, le peuple russe vient au prix de sacrifices inimaginables de gagner la guerre au terme de la « Grande guerre patriotique »

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    Qu’un auteur russe vienne dire qu’il y a une ressemblance entre ce pays qui a lutté contre l’Allemagne et le système nazi, c’est proprement monstrueux.

    Aujourd’hui ce rapprochement n’est plus aussi osé, encore que, KGB et Gestapo même pratiques ? Goulag et camps de concentration même répression ?

    Pour faire entendre son propos Vassili Grossman met en scène une multitude de personnages, des focus sur des lieux, des moments, des faits qui convergent vers ce rapprochement.

    Il tente de nous peindre les mécanismes partagés par les deux régimes, la délation, la répression, l’enfermement.

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    Vassili Grossman campe toute une série des personnages comme Sturm le physicien juif, qui parvient à retrouver son poste perdu à la condition de signer une lettre contre ses amis chercheurs, cela ressemble tellement à ce qu’a dû faire Vassili Grossman contre ses amis écrivains pour continuer à être publié !!!

    Des personnages broyés par les aléas de l’histoire.
    Mais ce n’est pas tout, Grossman poursuit son analyse et compare les régimes totalitaires actuels avec ceux des Tsars.

    Barbarie contre barbarie pour aboutir à un chef-d’œuvre.

    Un livre magnifique, un livre indispensable, et Grossman que l’on entend derrière tout ce livre nous dit que tout système qui supprime la liberté est inacceptable.

    Nous devons conserver notre croyance en l’homme et Grossman le dit ainsi

    « C'est la bonté d'une vieille, qui, sur le bord de d’une route et qui donne un morceau de pain à un bagnard qui passe, c'est la bonté d'un soldat qui tend sa gourde à un ennemi blessé, la bonté de la jeunesse qui a pitié de la vieillesse, la bonté d'un paysan qui cache dans sa grange un vieillard juif. »

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    Comme moi vous serez emporté dans Stalingrad assiégé, vous pénétrerez dans un camp de concentration comme Grossman le fit à Treblinka.
    Vous serez du côté de ceux qui souffrent de la famine, de la terreur, des exactions de la guerre.

    Je ne peux pas terminer ce billet sans faire écho à la lettre que Vassili Grossman écrit en hommage à sa mère. Elle fut vraisemblablement tuée par les Einsatzgruppen, lors des massacres du ghetto de Berditchev comme le furent d’autres juifs dans les fossés de Kiev.

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    Un roman achevé en 1962 mais confisqué par le KGB dont les agents auraient dit : nous ne sommes pas venus arrêter l’auteur, mais le livre

    Vassili Grossman meurt en 1964 et ne verra pas son roman publié.
    Le microfilm parvient à franchir le Rideau de fer et en 1980 le livre est publié chez l’âge d’homme puis chez Julliard pour l’édition française.

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    Un livre testament, une immense fresque historique, un livre majeur pour ce vingtième siècle qui fut à la fois un formidable changement pour l’homme mais aussi un temps d’effroi et d’horreur qu’il nous faut conserver en mémoire.  

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    Le livre : Vie et destin – Vassili Grossman – Traduit par - Éditions Robert Laffont

  • Premier amour - Ivan Tourgueniev

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    Une histoire simple, Vladimir Petrovitch un adolescent de 16 ans tombe amoureux fou de Zinaïda qui en a vingt et un et vit dans le domaine d'à côté.Il est un peu encore dans les jupes de sa mère et souffre de l’ignorance de son père à son égard.

    Lui est d’une timidité maladive, elle connaît déjà la vie, elle est belle et sulfureuse et tous les hommes sont à ses pieds.

    Ce n’est pas une histoire romantique, Vladimir éprouve des sentiments violents, une jalousie sans bornes attisée par la belle Zinaïda Zassekine volage, coquette et cruelle.

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    C’est plus que les premiers émois adolescents, c’est l’amour d’un homme pour une femme.
    Mais cet amour s’inscrit dans une famille russe du
    XIXème siècle avec ses codes.

    Henri Troyat biographe de Tourgueniev affirme que ce récit est en grande partie autobiographique.

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    Le roman explore en effet les premiers émois amoureux mais au-delà c’est la cruauté, la souffrance, l’humiliation qui sont le nœud du récit.

    Le héros est totalement aveuglé par ses sentiments, incapable de voir que sa belle est encline à séduire tous les hommes passant à sa portée, elle est prête à se constituer un parterre d'adorateurs, comme l’on dit aujourd’hui : ils ne jouent pas dans la même cour !!

    Aucune mièvrerie dans le récit, c’est réaliste tant du point de vue des personnages que des émotions décrites.
    Le style de Tourgueniev est très accessible et la lecture est facile.

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    C’est sans doute le roman le plus connu de Tourgueniev, si vous choisissez la version audio sachez que la lecture de Stéphane Freiss est parfaite.

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    Le livre : Premier amour – Ivan Tourgueniev – Traduit par Edith Scherrer – Gallimard Pléiade
    Le livre audio : Lu par Stéphane Freiss - Éditions Naïve

  • Maitre et serviteurs - Leon Tolstoï

    Pourquoi lire des classiques ? la réponse est dans ce récit qui n’a pas pris une ride, qui aujourd’hui encore parle au lecteur.

    Tolstoï a été toute sa vie en proie aux tourments, il a traversé une crise morale et religieuse, n’arrivant pas à vivre sa foi ni à réaliser son idéal de pauvreté. L’histoire qu’il conte ici en est l’illustration, il traduit l’idée qu’il se fait d’une vie réussie, bénéfique et de l’importance du don de soi.

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    Nous sommes en 1870, au lendemain de la saint Nicolas, le plein hiver.
    Le marchand Vassili Brékhounov se dispose « à se rendre chez un propriétaire du voisinage pour lui acheter une forêt »
    S’enrichir, faire des affaires, amasser des biens, devenir millionnaire, voilà sa préoccupation première. Il exploite allègrement tout son entourage y compris ses amis.

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    Le dégel - Fiodor Alexandrovitch Vassiliev - Galerie Trétiakov Moscou

    Nikita son valet va le conduire, il est connu pour sa vaillance, sa bonté, son adresse. Il accepte tout de son maître au point que celui-ci finit par être persuadé d’être le bienfaiteur de Nikita ! Et celui-ci surenchérit estimant travailler « comme pour son père »

    Nikita attèle Moukhorty le cheval bai et les voilà partis tous deux sur un traîneau. Le temps est à la tempête « Les traces des patins étaient aussitôt recouvertes par la neige » mais qu’importe le profit n’attend pas.
    En route pour
    Goriatchkino.

    Les verstes s’ajoutent aux verstes.
    La nature reprend ses droits, la neige engloutit tout, le blizzard souffle et les congères s’élèvent.

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    Nikolaï Sverchkov Dans le Blizzard collection particulière

    Vassili sait qu’il faudrait s’arrêter dans le village traversé mais l’appât du gain est le plus fort.
    Petit à petit arrive la peur de la mort, la sienne bien entendu, celle de Nikita lui importe bien peu.

    Pour Nikita la mort est une compagne de toujours, une fatalité. Il est résigné, il a la sagesse des gens de la terre.

     « Il était habitué depuis longtemps à n’avoir de volonté que celle des autres. »

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    L’univers devient sans repère, le danger les guette. 
    Les pensées de Brekhounov sont alors bien éloignées des biens matériels, la peur, la terreur l'envahissent
    « Il sentait qu'il allait périr au milieu de cet affreux désert de neige mais ne voyait aucun moyen de salut »
    « Mourait-il ou s'endormait-il ? Il ne le savait ; mais il se sentait également prêt pour l'une ou pour l'autre chose. »

    Le texte touche à l’absolu, la vie, la mort, l’universelle humanité
    Véritable parabole sur la mort ce récit haletant s'écoute ou se lit avec bonheur.



    Un petit joyau, si vous ne l’avez jamais lu jetez-vous dessus.

    Georges Haldas grand connaisseur de Tolstoï dit « C’est la face visible, humaine, d’une angoisse infiniment riche et féconde à la fois. ».



    Claude Lesko prête sa voix à Brékounov et à Tolstoï

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    Le livre : Maître et serviteur – Léon Tolstoï – Traduit par Boris de Schoelzer – Le livre de poche

    Le livre audio : Éditions Frémeaux et associés – Lu par Claude Lesko

    Vous pouvez trouver le livre chez Folio, et le CD chez Gallimard avec un lecteur différent

  • Les Pauvres gens - Fedor Dostoïevski

    Quand on a lu les principaux romans d’un auteur, il reste ses écrits plus anciens, pas forcément les meilleurs mais l’on a plaisir à découvrir l’auteur un peu balbutiant, un peu maladroit parce qu’on sait ce qu’il adviendra.

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    Constantin Makowski

    Les Pauvres gens est le premier roman de Dostoïevski, il a obtenu un succès immédiat alors qu’il n’a que 25 ans
    Le style est déjà là, ce roman épistolaire contient en germe ce que l’on retrouvera plus tard dans son œuvre.

     Le roman tourne autour de deux personnages : Varvara Dobrossiolova et Makar Dévouchkine.
    Lui est un petit fonctionnaire toujours sur la corde raide question finance, il est plus âgé qu’elle.
    Varenka est une lointaine cousine à la santé précaire, une orpheline qui vit dans une pauvreté terrible et qui a été déshonorée par un riche propriétaire terrien.

    Makar vit dans un logement collectif sans aucun confort, bien qu’en difficulté il tente d’aider Varenka. Il est touché par son courage, il dépense jusqu’à son dernier kopek pour lui faire quelques cadeaux.

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    Ilya Répine

    Au fil de leur correspondance se dessine une affection sincère et profonde même si elle est faite de non-dits et de silences.
    « l'existence est moins lourde quand on la supporte à deux. »

    Ils font état de leurs craintes, de leurs difficultés, ils se livrent avec sincérité et humilité, Makar se traite d’ignorant, Varenka dit « Ah ! mon ami ! le malheur est une maladie contagieuse. » Chacun devient le confident de l’autre.

    On a au fil du récit le sentiment d'avoir affaire à des personnages aux abois, et cette impression va crescendo.
    Mais Varenka sait ce qu’elle veut, ce qu’elle est prête à accepter, et le dénouement final n’a rien de glorieux.

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    Illuminations à Saint Pétersbourg Fiodor Vasilyev

    A travers leur lettres Dostoïevski dresse un tableau sordide de la vie à la russe, la lutte quotidienne pour manger, se loger, se vêtir, bref vivre.
    Il décrit merveilleusement bien l’univers « des petits, des sans grade » ces êtres pitoyables qui gravitent autour des personnages principaux : un écrivain raté, un commerçant indélicat, une tante monstre d’égoïsme.

    « J'ai mis chez moi un lit, une table, une commode, deux chaises, j'y ai accroché une icône.Votre fenêtre est en face, de l'autre côté de la cour, et celle-ci est exiguë ; je vous apercevrai en passant, cela égaiera ma misérable vie »

    Son analyse de l’âme humaine présente déjà toutes les contradictions que l’on rencontrera dans ses grands romans. Culpabilité et péché, orgueil ou rédemption.

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    L’auteur exagère les émotions, l’amour de Makar est profond et intense,
    « Dès que je vous ai connue, d'abord, j'ai commencé à mieux me connaître moi-même, et je vous ai aimée ; et avant vous, mon petit ange, j'étais solitaire, c'était comme si je dormais, je ne vivais pas au monde. »

    Le rythme des phrases accentue l’impression de tourment qui assaille les personnages et donne cette sensation de percer l’âme humaine ce qui sera le propre de Dostoïevski.

    La traduction de Markowicz rend parfaitement l'esprit torturé de l'écrivain et apporte tout ce qu’il faut au lecteur pour se laisser séduire par ce roman.

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    Le Livre : Les Pauvres gens - Fedor Dostoïevski - Traduction  André Mar­ko­wicz  -  Actes Sud