Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Littérature française et francophone - Page 8

  • Les Débuts - Claire Marin

    naissance.jpg

    Souvent certains d’entre vous m’interroge : comment fais-tu pour choisir un livre ? Un brin de réponse ici.
    Un livre que je n’ai pas choisi
    c'est un cadeau d’anniversaire
    Offert par quelqu’un qui connaît bien mes goûts

    Un livre placé sous la tutelle bienveillante de Clément Rosset un philosophe que j’aime particulièrement.
    Un livre de Claire Marin avec qui j’ai fait connaissance sur le thème de la douleur.

    Et bien bonne nouvelle c’est tout à fait réussi, j’ai aimé, vraiment beaucoup aimé, même si la lecture m’a demandé un effort certain.

     

    Vous l’avez compris c’est un essai philosophique qui pourrait s’intituler : Y a-t-il un début à tout ?

    On y parle de débuts de romans, comme celui si célèbre d’Italo Calvino « Si par une nuit d’hiver un voyageur » car en matière de roman « On espère du début d'un roman et peut-être de n'importe quelle histoire, fictive ou non, une véritable surprise, un étonnement franc. »

    Mais très vite l’auteure nous embarque car les débuts ne sont pas seulement ceux de la lecture ou de l’enfance.

    Les débuts cela peut être la naissance mais aussi l’adolescence, le début d’un roman, le début d’un emploi.

    l'enfance.jpg

    Elle affirme une certitude celle qui dit : « Il faut vivre chaque jour comme un début » ou pour le dire comme Emerson que cite Claire Marin « toujours vivre dans un jour neuf »

    Elle nous dit que les débuts c’est un peu comme les premiers pas de l’enfant, incertains, hésitants mais conquérants.

    Ces liens ainsi créés nous emportent car la finesse et l’intelligence de sa réflexion nous font sortir de la routine, nous donne l’impression d’être beaucoup plus fûté qu’en réalité.

    dabut d'un livre.jpg

    Ce qui rend la lecture passionnant mais exigeante c’est que Claire Marin fait la cour aux philosophes et romanciers, sans ordre préétabli cela va de Montaigne à Jankélévitch, de Pessoa à Romain Gary et Annie Ernaux, mais aussi vers Sofia Coppola.
    Elle dévide sa pelote patiemment.

    gaston-bachelard-672x372.jpg

    Elle donne la parole à Bergson et Bachelard, « ces moments où la force d'un sentiment, d'une sensation physique, l'effet d'une parole ou d'une image font vriller mon esprit, renversent ma représentation du monde ». Et toc j’ai aussitôt commandé Intuition de l’instant que je n’ai jamais lu.

    rupture.jpg

    Si l’on verse vers la littérature elle nous dit que c’est le « le réservoir de l'inouï » celui dont surgissent les émotions.
    La notion de début n’est pas une question d’âge, c’est plutôt « Découvrir ce dont on est capable seul, à 18, 40 ou 75 ans. » Je vous avoue que ces petites phrases font un bien fou.
    Ou celle-ci que j’aime beaucoup aussi « chaque amour à n'importe quel âge de la vie peut prétendre à être le premier »

    Une étincelle  une possibilité et une nouveauté qui nous bouleverse qui parfois fait chavirer notre vie.
    C’est une sorte de cadeau pour casser le ronronnement, pour faire rupture dans le quotidien.
    « Le début, c’est quand le réel nous égratigne, nous provoque, nous bouscule. »

    Parfois un début est une « radicale nouveauté » mais parfois il est difficile de repérer ce moment parfois éphémère, il n’y a pas toujours un avant et un après.

    diagnostic.jpg

    Un début peut être aussi un recommencement car celui-ci peut être réjouissant, vivifiant, c’est une quête du renouveau
    « Ainsi, des histoires commencent comme si c’était la première fois. Avec une intensité telle que les fois précédentes pâlissent s’effacent devant tant de splendeur. La première fois balaye le passé et toutes les autres premières fois. Alors quel que soit mon âge, je peux aimer comme si je n’avais jamais aimé auparavant, porté par une ardeur adolescente. » 

    De quoi nous souvenons nous en pensant à nos débuts ? d’un coup de foudre, de la naissance d’une étincelle ? ou d’une annonce difficile : une rupture, un départ, un diagnostic.
    Les débuts détiennent une force explosive qui “brise ou détourne le cours des choses”.

    claire Marin.jpg

    Dans un interview Claire Marin dit « Il ne faut pas réduire les débuts et les commencements à une chronologie linéaire de l’existence. Il y a de grands commencements qui peuvent survenir plus tard dans la vie, de vrais débuts tardifs et des recommencements totalement inattendus. »

    Je ne vous cache pas que par moment il faut s’accrocher un peu, Claire Marin n’offre pas une démonstration, il y a les débuts évidents mais aussi ceux que l’on n’attend pas et qui sont un rien mystérieux.
    L’écriture est simple, fluide mais dense. Les chapitres sont courts

    la joie de spinoza.png

    Claire Marin nous invite à une réflexion légère et savante, riche et pleine de joie, je suis certaine que même s’il n’est pas cité Spinoza n’est pas loin.

    IMG-0470.jpg

    Le livre : Les Débuts, par où recommencer ? – Claire Marin – Éditions Autrement

  • Bribes bretonnes

    port-benodet.jpg

    Bénodet, matins de septembre.

    « Le ciel d’or et d’émeraude brillante, c’est l’Océan de l’infini. Et vers le couchant lointain, vogue une flotte de légers nuages, frégates roses.

    La grande mer, sans bornes, à droite, à gauche, devant les yeux. Et derrière le roc où l’on contemple, assis, les pieds nus frôlés par la vague, la grande terre. Dans la solitude, au bord de l’Océan, tout est grand.

    Voici voleter un papillon jaune sur la mer ; il surprend : on voit la fleur, et l’on cherche la feuille. Il titube, et fuit ; les goémons sentent trop fort pour lui ; et il a peur des rocs, ces montagnes sans herbe.

    normal_Une_plage_du_Finistere_a_Maree_Basse_-_01.jpg

    Le vent est une riche invention de rythmes. Qu’il caresse ou qu’il
    détruise, il est toujours là qui marque ses accents : il suffit de prêter l’oreille, et on l’entend frapper le temps. Le cruel musicien de la marine, c’est le vent.

    L’ombre verte de l’aube descend sur la lande, pareille à l’eau vitreuse d’un marais transparent. Et les buissons confus sont noirs, comme s’ils étaient gonflés de ténèbres, comme si la nuit disparue y avait son refuge… Mais la mer commence à sourire, et ses longs rubans de soie violette sont pareils aux plis heureux d’une amoureuse qui s’éveille… »

    Le Livre : Ports et rivages anthologie – André Suarès - Gallimard

  • Bribes d'Aubépine

    SP-Aubépine-Sommités-fleuries-1024x744.jpg

    Depuis quelques années je consomme de l’aubépine pour éviter des traitements plus lourds de l’hypertension. Ridicule ? risqué ? en fait non puisque jusqu’à aujourd’hui cela marche.

    Alors j’ai eu envie de chercher et voilà le résultat de ma recherche.

    « Aubépine a pour origine le latin alba spina, qui signifie « épine blanche », l’autre appellation de cet arbre depuis toujours vénéré, comme à Rome où la plante symbolise la prospérité. La tradition conseillait par exemple d’attacher une de ses branches sur les berceaux des nouveau-nés pour tenir à distance le mauvais sort. Dans beaucoup de régions, il était recommandé aux enfants malades de toucher le feuillage de l’aubépine, car il se disait alors que c’était bon pour la santé. Si l’Église catholique n’encourage pas ces pratiques peu chrétiennes, elle ne les condamne pas davantage, en souvenir certainement de la couronne du Christ faite d’après elle en aubépine.

    aubépine.jpg

    L’aubépine est un arbre de petites dimensions, mais son espérance de vie est grande. L’un des plus vieux arbres de France est une aubépine. Elle vit à Saint-Mars-sur-la-Futaie, une commune de la Mayenne, et elle est âgée de mille sept cents ans. Un texte datant de 1150 la qualifie déjà de très vieille.

    Il est difficile de rester insensible à la beauté de l’aubépine. Quand Marcel Proust publie en 1918 À l’ombre des jeunes filles en fleurs, ouvrage pour lequel il recevra le prix Goncourt, il décrit avec subtilité une plante que de toute évidence il apprécie :

    Aubepines.jpg

    « Tout d’un coup, dans le petit chemin creux, je m’arrêtai touché au cœur par un doux souvenir d’enfance : je venais de reconnaître, aux feuilles découpées et brillantes qui s’avançaient sur le seuil, un buisson d’aubépines défleuries, hélas, depuis la fin du printemps. […] J’aurais voulu la saisir. Je m’arrêtai une seconde et Andrée, avec une divination charmante, me laissa causer un instant avec les feuilles de l’arbuste. Je leur demandai des nouvelles des fleurs, ces fleurs de l’aubépine pareilles à de gaies jeunes filles étourdies, coquettes et pieuses. »

     

    Le livre : Dictionnaire amoureux des arbres – Alain Baraton – Éditions Plon

     

  • bribes normandes

    iles .jpg

    les îles anglo-normandes

    "Ce sont nos voisins, ce sont des Normands, ce sont des nôtres, c’est l’étranger. On y arrive en moins de deux heures de mer depuis Chausey.

    hauteville_house_vue_exterieure.jpg

    Hauteville House 

    Ce devrait être français, c’est anglais. Ils ont des boîtes à lettres rouges. Dans les cimetières, les vieilles tombes portent des noms français : Langlois, Lesueur…"

    hauteville_house_bibliotheque.jpg

    Hauteville House  bibliothèque   

    Hauteville House mérite un détour.

    Le livre : Promesses d’îles – Alain Hervé – Editions  Arthaud

  • Sois sage ô ma douleur - Claire Marin - Alphonse Daudet

    daudet

    Il arrive que des textes s’imposent à vous, et parfois en appellent d’autres.
    Un sujet difficile mais qui concerne beaucoup d’entre nous ou des personnes de notre entourage.
    Lorsque j’ai lu le livre de Claire Marin, j’ai immédiatement pensé au texte d’Alphonse Daudet. Il m’a paru intéressant de les rassembler dans ce billet.

    daudet

    « Hors de moi » texte vraisemblablement autobiographique nous fait spectateur de la maladie, de la souffrance, de la douleur d’une jeune femme. Elle souffre d’une maladie auto-immune qui détruit organes et articulations.
    Dans La Doulou, douleur en provençal, Alphonse Daudet atteint de syphilis, qui ne cessera pas de souffrir jusqu’à sa mort, tient le journal de sa douleur pendant environ 15 ans.

    daudet
    « Hors de moi » est un texte dur, brutal, violent. L’auteure fait montre d’une incroyable capacité d’analyse clinique de son « cas ». Elle sait trouver les mots pour dire l’indicible. Elle examine son mal, le dissèque, le met sous le microscope, en mesure les conséquences sans appel : le mal est irréversible, définitif, il obsède, il entraîne des renoncements quotidiens, il oblige à vivre plus vite et plus intensément.

    daudet

    La malade devient observatrice de sa propre descente aux enfers, de sa propre mutilation involontaire, son corps examiné et malmené par le corps médical ne lui appartient plus, ce corps se révulse et regimbe, « Cette maladie me met hors de moi. »
    La maladie devient compagne au quotidien, c’est la définition même de la chronicité
    mal acceptée par le corps soignant pour lequel elle est la marque de l’échec.
    Récit âpre, poignant et insupportable dans lequel la vie personnelle de la personne n’a aucune place, celle-ci étant phagocytée par la maladie. Le récit sans date, sans point de repère fait entrevoir une vie mutilée, son écriture a la précision du scalpel.

    daudet

     « La Doulou » texte où Alphonse Daudet porte témoignage de l’affection qu’on appelle alors Tabes dorsalis, le diagnostic est net.
    Ataxie c’est à dire perte du mouvement volontaire, paralysie.
    Pour la petite histoire Le Tabes a été le sujet de la thèse de doctorat en médecine de Sir Arthur Conan Doyle, l'auteur de Sherlock Holmes.

    daudet

    Pour tout traitement du mercure terrible poison, le laudanum et la morphine, pronostic : la mort dans d’indicibles souffrances.
    Le journal de cette maladie, de cette douleur est d’une grande lucidité, c’est un témoignage terrifiant sur la prise de possession du corps par la maladie, l’avancée de la destruction. Ce corps  sans cesse se rappelle à lui, petit à petit le tient prisonnier.

    daudet

    Edward Munch. Le Cri

    On assiste à la dévastation progressive du corps et de l'esprit.
    L’ écriture est un cri de douleur permanent, un cri strident et insupportable et un refus d’abdiquer devant le mal.

    Dans les extraits qui suivent les deux écrivains à plus d’un siècle de distance, se parlent, se répondent et se comprennent.

     

    En italique la voix d’Alphonse Daudet.

     « Comme si les charnières de mes articulations s’étaient recroquevillées »
    « Obstination des mains à se recroqueviller, au matin, sur le drap, comme des feuilles mortes, sans sève. »

    « Giclées de douleur au creux des poignets, dans les bras, dans les hanches »

    « Ce que j’ai souffert, hier soir - le talon et les côtes ! La torture...pas de mots pour rendre ça, il faut des cris. »

    « Mes nerfs sont des fils dénudés. »

    « Grands sillons de flammes découpant et illuminant ma carcasse »

    «
    Qu’est-ce que vous faites en ce moment? - Je souffre. »

    « J’apprends à me taire. »

    daudet

    Le Viel homme. Vincent Van Gogh

    « Mon corps est de la tourbe qui se consume sans fin. » « Cette maladie me met hors de moi. »

    «  Parfois je perds le sentiment d’une partie de mon être, marionnette détraquée »

    C’est à Alphonse Daudet que je laisse le mot de la fin :

    « Je ne sais qu’une chose, crier à mes enfants « Vive la vie »

    daudet

    daudet

    Claire Marin est née en 1974, elle est docteur en philosophie
    Alphonse Daudet écrivit ce texte à partir de 1883 date à laquelle sa maladie s’aggrave, il note alors chaque jour les progrès de la douleur. En 1887 il meurt subitement. Le texte ne fut publié qu’en 1930.

    daudet

    Les Livres
    Hors de moi - Claire Marin - Editions Allia
    La Doulou - Alphonse Daudet - 
    Arléa 1985

     

  • Bribes jardinières

    cerisier.jpg

    « J’ai donc posé mes bagages dans la maison des castors. Puis , moi qui avais tant marché, tant couru les chemins, je suis allée m’asseoir sous l’arbre, au fond du jardinet en friche. »

    petit_jardin_mise_avant.jpg

    « Surtout, je vais me promettre de rester le plus souvent possible là, assise au soleil sur les marches gelées, avec ou sans jumelles, avec ou sans tâches urgentes à accomplir. Juste rester là. Sur la même planète que le roitelet »

    un-petit-jardin-fleuri-avec-des-coins-detente-1_6116069.jpg

    « Quand je suis arrivée ici, cœur et corps en miettes, ce sont eux qui m’ont fait place : les mésanges et les pissenlits, les pies et les moustiques, les fourmis et les trèfles. Ce sont eux qui, indifférents et amicaux tout à la fois, m’ont transfusé de saison en saison leur énergie sans faille, leur industrieuse ténacité, l’ivresse de leur chant. »

    Le livre : Le jardin nu - Anne Le Maître – Editions Bayard