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Littérature française et francophone - Page 49

  • Toute la poussière du chemin

    toutelapoussiere.gifToute la poussière du chemin - Jaime Martin et Wander Antunes - Editions Dupuis
    1929 dans le sud des Etats-Unis, la misère pousse sur les routes des familles entières. Un homme va croisé le chemin d’un jeune garçon. Sous un dehors bourru l’homme est immédiatement touché par le destin de cet enfant qui rêve de devenir marin et qui raconte à qui veux l’écouter les histoires d’un certain Jack London.

    L’homme est ce qu’on appelle un hobo, un vagabond, un SDF, proie facile pour la police, il a tout perdu dans la tourmente économique : sa terre, sa femme...
    Il travaille, il va d’un emploi saisonnier à un autre, toujours spolié, parfois frappé. La misère au quotidien. La mort rôde partout. La vie pour Tom est difficile mais ce n’est rien à côté de celle des noirs dans ces états du sud où la violence raciste est omniprésente et les lynchages jamis punis.

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    Les Raisins de la colère inoubliable film sur cette période

    Le héros de cette très belle BD reste fier et digne dans l’adversité, il refuse l’injustice et sait fait preuve de compassion.

    Cette Amérique là est celle de Faulkner, de Steinbeck, celle des marathons de danse de la grande dépression.
    J’ai apprécié le graphisme qui sert très bien la dureté du récit en livrant des visages marqués, où se lit la douleur.  Le scénario est simple mais fort dans sa simplicité.

    J’ai lu il y a quelques mois Hard Times un livre passionnant sur cette période, écrit à partir de centaines de témoignages, cette BD est un très heureux complément à ce livre.

  • Voyage en Orient - Alphonse de Lamartine

    9782869598300FS.gifVoyage en Orient - Alphonse de Lamartine - Editions Arléa
    En juillet 1832 un homme politique français, un poète honoré dans l’Europe entière, le père d’une enfant adorée et en mauvaise santé, s’embarque à Marseille pour un voyage en Orient de plusieurs mois.
    Une femme, trois amis, dix neuf hommes d’équipage, une bibliothèque de 500 livres et « un arsenal particulier de fusils, de pistolets et de sabres » sont aussi du voyage.
    Il vient d’être battu aux élections législatives, il espère le climat de l’orient profitable à son enfant, le chrétien en lui aspire à voir les lieux saints, le poète romantique est en quête de nouveaux paysages, il résume ainsi les motifs de son entreprise « Amour, poésie et religion »
    Donnons tout de suite la parole à l’auteur, à Monsieur Alphonse de Lamartine «  Toute ma vie l’Orient avait été le rêve de mes jours de ténèbres dans les brumes d’automne et d’hiver de ma vallée natale. »
    L’itinéraire est somptueux, la Grèce, Malte, Chypre, le Liban et la Palestine, Jérusalem et Damas, Constantinople et les Balkans.

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    L'itinéraire de Lamartine ( Source l'éditeur)


    Dès le début du voyage il sait faire preuve de sincérité, inutile de voir en lui le romantique béat prêt à s’extasier sur tout. Athènes et le Parthénon seront la première déception « L’effet de cet édifice, le plus beau que la main humaine ait élevé sur la terre, au jugement de tous les âges, ne répond en rien à ce qu’on en attend (...) vous voyez s’élever irrégulièrement de vieilles murailles noirâtres, marquées de tâches blanches. »
    Le regard critique ne l’empêche pas d’admirer la Grèce et « la grandeur colossale d’un peuple ».
    La goélette « Alceste » dépasse Rhodes et Chypre, sur le bateau Monsieur de Lamartine lit, l’histoire du Liban, celle d’Hérode.
    L’arrivée au Liban est un enchantement, il part à la recherche d’une maison, on devrait plutôt dire d’un palais, pour que amis et famille puissent se reposer, c’est de ce palais que Lamartine partira pour un périple à l’intérieur de la Syrie et de la Palestine.

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    Palais de Lamartine Hammana

    Il va longuement sillonné la Palestine, la Syrie, la Galilée ...Tyr, le Mont Carmel, Acre qu’ Ibrahim Pacha  a « récemment réduit à un monceau de ruines » Jéricho, Jérusalem enfin où il ne peut pénétrer à son aise en raison d’une épidémie de peste.
    Le voyage est ici interrompu car sa fille chérie meurt au liban dans la maison où la famille s’était établie.
    Le voyage se prolongera plusieurs mois vers Damas et Baalbek mais le coeur n’y est plus.

    Le journal de voyage d’Alphonse de Lamartine est un document passionnant. Curieux de tout, il sait apprécier l’hospitalité des chefs arabes, faire revivre l'Empire Ottoman d'alors, son esprit ouvert fait en permanence le parallèle entre Orient et Occident.
    Il fait des rencontres importantes : l’Emir Béchir l’homme fort du Liban de l’époque qui le reçoit, la connaissance qu’il tirera de ces observations le rendront de retour en France, l’homme politique ayant la meilleur connaissance de cette partie du monde qui déjà en 1830 était une vrai poudrière.
    1-Lady-Hester-Stanhope.jpgAu moment du voyage de Lamartine, un personnage défraie la chronique européenne, Lady Esther Stanhope, nièce de M Pitt le Premier ministre britannique. Fixée dans les montagnes du Liban, sa fortune perdue, après avoir été proclamée « Reine de Palmyre » elle vit en ermite et ne reçoit personne. Obstiné Lamartine obtient d’être reçu et le courant passe. En de longues pages il décrit sa rencontre avec cette femme vieillissante qu’il admire et dont il comprend le besoin de solitude.

    Tolérant aux coutumes, désireux de comprendre les habitudes des peuples de l’endroit : Maronites, Druzes, Turcs, il fait preuve d’une étonnante ouverture d’esprit et d’une absence totale de jugement condescendant. Il s’inquiète du jeu des grandes puissances qui ont toutes un oeil vers l’Orient. « Un tel pays, serait encore la terre de promission aujourd’hui si la providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté ».
    Plus étonnant encore de la part de ce chrétien convaincu,  son admiration et son amour pour l’Islam et pour le Coran « J’aime ce peuple, car c’est le peuple de la prière ».

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    David Roberts - Nazareth

    C’est un livre riche que ce « Voyage en Orient » pour le lecteur c’est un récit de 700 pages, la plume très alerte de Lamartine fait oublier les propos parfois un peu trop lyriques ou trop emphatiques.
    L’acuité du regard, la curiosité, la témérité parfois, le rendent très sympathique, on oublie le noble riche et oisif pour s’attacher à l’homme couchant à même le sol et ignorant la peste pour pénétrer dans Jérusalem, au père dévasté par la mort de son enfant.
    J’ai savouré mon plaisir à suivre le poète tout au long de son voyage. Je vous engage à le suivre à votre tour car il est « de la famille des grands voyageurs et, sans doute, l’un des plus intelligents, des plus sympathiques et des plus intéressants aussi, parce que l’un des plus délicieusement bavard ». *


    * Robert Mattlé - Lamartine voyageur  (1936)

  • La Gloire de mon père

    gloire de mon père.jpgLa Gloire de mon père - Lu par Marcel Pagnol - Editions La Librairie sonore Frémeaux et associés
    « Je suis né dans la ville d'Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers » Lorsque la voix de Marcel Pagnol entame le récit de son enfance, c’est toute la Provence qui s’invite. Les plus beaux passages du livre sont dans toutes les mémoires : Joseph le petit instituteur si fier de son fils, l’amour filiale de Marcel pour Augustine la jolie couturière, l’oncle Jules fameux propriétaire du parc Borély, le déboutonnage de Tante Rose et surtout  surtout l’arrivée à la Bastide Neuve dressée au milieu d’un « désert de garrigues »

    Ecouter Pagnol lire « La Gloire de mon père » c’est pendant un moment être transporté au pays de l’enfance heureuse, retrouvé le petit Paul qui « abordait le soir dans son lit, la philosophie des Pieds Nickelés. » , c’est partir en escapade avec Lili des Bellons.
    Tous les personnages sont extraordinairement vivants auréolés des souvenirs de nos lectures, on ressent au fond de soi la fierté du fils pour son père bouliste amateur et on est impatient de refaire avec Joseph le magnifique doublé de bartavelles.

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    Un désert de garrigues

    Même si vous l’avez lu de nombreuses fois, laissez vous séduire par la voix de Pagnol qui dit Patrick Frémeaux  « nous révèle un imaginaire intemporel qui est l’un des plus beaux chants d’amour à la Provence de notre patrimoine littéraire; un véritable hymne à la vie devenu l’un des fleurons de la mémoire collective des Français de toutes générations."


    Retrouver le livre chez Bénédicte

  • La Conquête de Plassans - Emile Zola

    red_sony_reader.jpgLa Conquête de Plassans - Emile Zola - Ebook
    Changement de décor et de style, après s’être vautré dans  Le Ventre de Paris, avoir fait la part belle aux couleurs, aux odeurs, aux bruits des Halles, Zola fait un retour à la province.
    Plassans, en proie aux turbulences du changement de régime politique dans   est une ville assagie mais qui a mal voté aux dernières élections. L’opposition monarchiste relève la tête, elle tient ses quartiers à la villa Rastoil, des ambitions politiques renaissent, le pouvoir impérial se doit d’y mettre un terme.
    L’homme qui va mener à bien cette mise au pas est un homme d’église, un prêtre récemment nommé. Il ne prend pas le problème de front, il va utiliser toutes les ressources de l’art de la manipulation des âmes.

    C’est par les femmes qu’il commence, par Marthe Mouret née Rougon, nous voilà au coeur de sa famille, son mari François Mouret est son cousin germain, ils ont une grand-mère en commun : Adélaïde Fouque, la folle, enfermée dans un asile d’aliénés, et on voit repointer ici le nez de l’hérédité si chère à Zola.
    François Mouret jouit à Plassans d’une retraite bien méritée, négociant qui a fait fortune dans le vin il coule des jours paisibles entouré de sa femme, d’Octave et de Serge ses fils et de Désirée " une enfant de quatorze ans, forte pour son âge, et qui avait un rire de petite fille de cinq ans. "
    C’est lui qui fait entrer le loup dans la bergerie, il décide de louer quelques pièces inoccupées de sa maison " un prêtre ce n’est pas bien gênant. Il vivra chez lui, et nous chez nous" et l’abbé Faujas " un homme grand et fort" entre chez les Mouret accompagné de sa mère, puis bientôt de sa soeur.
    La vie tranquille et bien réglée de François Mouret va bientôt voler en éclats. Son jardin dont il était si fier est peu à peu investit par l’abbé qui y lit son bréviaire. Son fils Serge se plonge dans des livres prêtés par ..l’abbé Faujas, même Rose leur bonne ne jure bientôt que par la mère et le fils Faujas.
    Quant à Marthe, la plus vulnérable, elle est littéralement captive, sous prétexte de bonnes oeuvres l’abbé a obtenu sa dévotion totale au point d’oublier enfants et mari. Elle passe désormais sa vie à la Cathédrale, Faujas va ainsi assurer une emprise sur la famille avec la bénédiction de Félicité Rougon la propre mère de Marthe.
    François Mouret devient peu à peu victime.  A table Marthe sert d'abord l'abbé elle " commençait toujours par lui, fouillait le plat, tandis que Rose, penchée au dessus d’elle, lui indiquait du doigt ce qu’elle croyait le meilleur." Des oublis, des brimades on " lui passait les assiettes fêlées, lui mettait un pied de table entre les jambes (...) posait le pain, le vin, le sel, à l’autre bout de la table. "
    François Mouret dépérit pendant que Faujas assure son influence sur la ville. La conquête de Plassans est en marche.

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    Paul Cézanne - Gardanne


    Ce n’est pas le meilleur de Zola, c’est une oeuvre de transition entre ses grands romans mais il rend à merveille toute la malignité de l’abbé Faujas, ses tours, ses mesquineries, son art de la persuasion, ses manigances pour capter les fortunes.
    Il n’a pas son pareil quand il s’agit de mettre à nu les ambitions, les haines familiales, la fausse dévotion pour montrer toutes les vilenies de la vie familiale.
    Dans la préface à l’édition en Pléiade Armand Lanoux dit " Evidemment, ce thème ne raccommode pas l’auteur avec les catholiques ! Zola a le génie de se faire des ennemis."
    Deux portraits sont esquissés ici :  Serge Mouret qui sera le personnage principal du prochain tome et Octave qui va partir faire fortune à Paris dans le négoce et avec qui j’ai rendez vous " Au bonheur des dames ".

  • Terre Neuvas - Christophe Chabouté


    terreneuvas.gifTerre Neuvas - Christophe Chabouté - Editions Vents d’Ouest
    Le froid, les embruns, la tempête et le dur métier de marin c’est le monde que Christophe Chabouté explore dans « Terre neuvas »
    Je l’ai lu juste après avoir quitté l’Islande et je ne me suis pas sentie dépaysée du tout.
    Il faut monter jusqu’à Terre Neuve pour pêcher la morue, au début du siècle les marins s’embarquaient pour plusieurs mois.
    Le froid, les tempêtes, des dangers permanents voilà ce qui leur était promis.

      

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    Un équipage

    Six mois durant pas de retour à terre possible, la chute par dessus bord dans une mer glacée, la jambe cassée, la main coupée par un filin, le scorbut, c’est tant pis. Il faut coûte que coûte faire bonne pêche, la survie de l’équipage en dépend.
    Pas de morue, pas d’argent, quand la pêche est mauvaise les jalousies s’exacerbent et le jour où l’on retrouve le second poignardé l’atmosphère devient irrespirable.
    La promiscuité, l’alcool qui fait oublier la dureté du travail, vont faire basculer les hommes dans la violence.
    Les les dessins sombres de Chabouté rendent parfaitement l’atmosphère  inquiétante et trouble, atmosphère qui vous glace même confortablement installé dans votre fauteuil.
    J’ai beaucoup aimé cette BD très réaliste et noire que m’avait recommandé Cathe qui dit « Chabouté réussit à crée un véritable thriller avec ce huis-clos angoissant »

  • Ciel et terre et ciel et terre et ciel - jacques Roubaud

    Ciel et terre et ciel et terre et ciel - Jacques Roubaud - Editions Argol
    C’est un enfant qui court dans la garrigue, « son territoire personnel, la tranquillité sans menaces, la solitude, son bien.»
    Un enfant rêveur qui se cache parce qu’on est en 1943 et qu’on devine que l’enfant n’est pas d’ici. Il aime regarder le ciel, les nuages qui le font voyager « Il pouvait reconnaître en eux à volonté, des navires, des barques, des goélettes, des steamers, des yachts, des pirogues, des radeaux, des îles. » il voudrait les conserver intacts dans sa mémoire.
    Dans la chambre où il est réfugié avec sa mère, il y a au mur quatre tableaux qui lui permettent de quitter la chambre par l’imagination, de faire accélérer le temps, il leur donne des noms à lui et quand il ferme les yeux il peut les reconstituer « la rivière, la prairie, le moulin, la barque ». C’étaient des images d’Angleterre, un pays qui rimait avec liberté si sa mère et lui y parvenaient.

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    Clouds study with birds John Constable - Yale Center of British Art

    Quarante ans ont passé et M Goodman regarde un ciel d’Ecosse, il étudie le ciel, c’est un scientifique, il veut comprendre les nuages et un jour il voit un tableau « Clouds study with birds » un tableau de John Constable mais les tableaux du peintre n’évoque rien pour lui, ne lui rappellent rien, jusqu’au jour où « un coin de voile d’oubli opaque qui plus de quarante ans auparavant était tombé devant ses yeux se leva. Il se souvint. »

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    La Charette de foin - John Constable - Londres National Gallery

    Lors d’un voyage sur les traces de Constable « Peu à peu, par pans entiers, les images de son passé qui s’étaient refusées à lui obstinément, par vagues successives l’envahirent. Il revit la garrigue et ses nuages,  il revit l’écluse du canal, il revit la maison où il était resté des semaines attendant le départ pour l’Espagne »

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    Le moulin de Statford - John Constable - Londres National Gallery
     

    Une réconciliation avec le passé par le filtre de la peinture, la force de l’oubli des événements tragiques, c’est ce qu’offre Jacques Roubaud dans un magnifique récit construit comme une énigme.
    Il évoque comment les images de l’enfance sont transformées, recomposées par la mémoire, la fascination qu’exercent les nuages, il nous permet de cerner le génie de Constable qui « avait fait d’une quête du temps la forme centrale de sa peinture, et découvert, là était son génie, une solution picturale à son mystère dans le contraste entre ciel et terre, entre une terre peuplée des images fixes du passé, des lieux de l’enfance, et un ciel peuplé des images mobiles du présent perpétué en futur, les nuages »

    Ce livre avait déjà été publié aux éditions Flohic en 1997.

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    L’ auteur
    Né en 1932 à Caluire, Jacques Roubaud est mathématicien de profession et membre de l'Oulipo depuis 1966. il a consacré des études qui ont fait date à l’histoire du vers français ou à la poésie des troubadours. Il est également traducteur, de l’anglais et du provençal.