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Littérature française et francophone - Page 51

  • L'Album de Menzel - Béatrice Wilmos

    9782081223349FS.gifL'Album de Menzel - Béatrice Wilmos - Editions Flammarion
    Dans la profusion des sorties littéraires il y a chaque année des livres que l’on voudrait voir sur le devant des présentoirs et qui passent un peu inaperçus faute de relais médiatiques. Parfois ces livres contre toute attente trouvent leur public par la grâce du bouche à oreille et c’est ce que je souhaite à Béatrice Wilmos et à son Album de Menzel.
    A la fin de la guerre en 1945 les troupes russes avancèrent à travers la Prusse Orientale, les domaines, les fermes, tout est dévasté. Anna enfant a grandi dans cette région, sur un de ces domaines, elle s’est réfugiée à Berlin et est sans nouvelle de sa famille qui vit encore sur le domaine. Elle exerce une profession rare, elle est restauratrice de dessins anciens. Un métier tout de patience et d’habileté que lui a enseigné Sebastien Uhlworn lorsqu’il passait de longues semaines l’été dans sa famille.
    Avec les troupes russes avance aussi Andreï Mayerov, conservateur du musée de l’Hermitage, il cours après les oeuvres d’art volées, cachées par les Allemands et tout particulièrement des dessins de la Renaissance allemande, des aquarelles de Dürer. Il en a trouvé une et il a l’intention de visiter toutes les demeures de cette région pour mettre la main sur d’autres dessins.
    Anna et Andreï vont se rencontrer, elle cherche sa famille, il a trouvé des dessins.

     

    DURER-Albrecht-Thewillowmill-1496-98-Watercolourandgouacheonpaper-25,1x36,7cm-BibliothequeNale-Paris.jpg

    Albrecht DURER - Le moulin a eau (1496-1503)
    Aquarelle et gouache sur papier (25,5x36,8 cm) - Bibliothèque Nationale (Paris)

    Il faut préserver la découverte et l’émotion que Béatrice Wilmos dépose sur chaque page, chaque description, je n’en dirai donc pas plus.
    Elle a l’art de la construction, une belle et élégante écriture, mais par dessus tout elle restitue les paysages, les objets avec un très beau talent. Il y a quelques années j’avais lu  Une enfance en Prusse Orientale de Marion Dönhoff, celle-ci retraçait l’histoire de cette région et de sa famille avec chaleur et nostalgie, j’imagine parfaitement les personnages de Béatrice Wilmos dans les décors de ce livre tant elle sait les rendre vivants.

    Un extrait
    Il avait si souvent vu, dans les champs qui bordaient ces routes, les moissonneurs et les femmes qui ramassaient les gerbes, les envols de perdrix, comme un éparpillement gris dans l’air tremblant, les enfants pieds nus qui le hélaient et lui offraient, riant et se bousculant, de gobelets de kvas glacés. Puis, la fraîcheur sous le couvert des arbres et le blanc argenté des bouleaux, le tapis de mousse et les fleurs des sous-bois, les marais jaunes et le sifflement des alouettes. Tout cela avait passé.

  • Catalène Rocca - Jean-François Delapré

    catalènerocca.gifCatalène Rocca et L’homme au manteau de pluie - Jean-François Delapré - La Table Ronde
    Un tout petit format, un beau jaune pour la couverture et à l’intérieur deux nouvelles très courtes.
    Cécile qui l’a lu dit que « ce livre lui a réjoui sa journée » et bien à moi il m'a mis le sourire aux lèvres et l’envie de vous en parler.

    Jean François Delapré est libraire de son état et il parait qu’il tient la librairie la plus à l’ouest de l’Europe, la dernière station livresque avant l’Amérique, déjà je vous sens très attentifs. Mais notre libraire de ce bout d’Europe non content de vivre au milieu des livres, a décidé d’en écrire pour notre plaisir.
    Bon je ne fais pas de présentation des personnages, pas de résumé, pas de pour ou de contre, juste que ça se passe dans une librairie qu’une jeune femme cherche un livre et qu’un libraire reçoit une visite.
    Donc il est question de livres ..........irrésistible non ?
    C’est vif, intelligent, subtil, facétieux, savoureux,  deux nouvelles et deux très jolies chutes.
    C’est tout léger à fourrer dans la poche, et c’est un joli cadeau pour un ami lecteur.

    parapluie.jpg
  • Les Femmes du braconnier - Claude Pujade-Renaud

    femmesdubraconnier.gifLes Femmes du braconnier - Claude Pujade-Renaud - Editions Actes Sud
    Les hasards de l’édition font qu’en peu de temps deux livres d’un même auteur m’ont comblés.
    Deux poètes majeurs du siècle, un couple, deux créateurs exaltés et avides de vivre : Sylvia Plath et Ted Hughes liés par leur amour commun de la poésie "Nous étions en écriture comme on est en prière " *, par un amour charnel puissant " fils de fer tirés entre nous ".

    plath1.jpgIls vont s’affronter, se détruire l’un l’autre mais c’est elle qui en paiera le prix. Car comment avoir tout ? comment conjuguer une vie de poète et la vie tout court, comment assumer grossesses, naissances, comment supporter d’être une femme trompée ? La violence, la colère permettent un temps béni de création poétique mais ne suffisent pas pour résister au désespoir et la folie guette.

     

    ted_hughes300_080118014007296_wideweb__300x318.jpgTed Hugues est avide des mots, avide de poésie, avide de femmes. Amoureux de la nature, des animaux qui tiennent la première place dans sa poésie, il est le " braconnier ", le prédateur qui aime la chasse et en jouit.

    Assia Wevill,  la deuxième femme du braconnier,  poète elle aussi, deuxième proie consentante,  le suicide de Sylvia Plath et les déchirements du couple l’entraîneront elle aussi vers la mort.

    L’auteure a fait le choix d’un roman polyphonique pour tracer le portraits de deux femmes, les deux épouses de Ted Hughes et son portrait à lui en filigrane, lui le braconnier. Claude Pujade-Renaud n’accable pas, ne cherche pas de coupable. A travers des chapitres courts et très rythmés elle fait entendre les voix des poètes mais aussi des amis, frère, soeur, mère. Par les voix alternées des acteurs et des témoins elle multiplies les points de vue sur les trois personnages, elle les enrichit, les comprends. Elle étudie d’une plume élégante les passions sauvages, les interprète, et fait naître un récit d’une grande intensité.

     

     

    Pour vous donner envie de découvrir la poésie de Sylvia Plath et de Ted Hughes



    Crow **
    Il s’emplit de toute sa force, brilla de tous ses feux.
    Il ébouriffa sa rage, griffes et plumes.
    Il pointa le bec droit au coeur du soleil.
    Il se fendit d’un rire jusqu’au centre de lui-même.

    Il attaqua.

    Son cri de bataille fit vieillir les arbres d’un coup,
    s’aplatir les ombres.

     

    corbeau-278367.jpg

    Crow


    Le Braconnier ***
    Et nous étions, lui, moi, liés aussi -
    Fils de fer tirés entre nous,
    Piquets trop enfoncés pour pouvoir s’arracher,
    Esprit comme un anneau
    Coulissant soudain sur un long corps souple
    Et la contraction m’étranglant d’un coup.

     

     


    * Ted Hughes Birthday Letters - Gallimard
    ** Ted Hugues - Poésies - Gallimard

    ** Sylvia Plath - Poésies - Gallimard

    Une interview de Claude Pujade-Renaud et  L’avis de Cathulu

  • La Grande Sauvagerie - Christophe Pradeau

    grandesauvagerie.gifLa Grande Sauvagerie - Christophe Pradeau - Editions Verdier
    Récit poétique, récit de voyage, récit de mémoire, c’est un étrange texte inclassable que ce livre , on y entend la flûte du berger, on n’y sent la poussière des vieilles pierres, livre un peu mystérieux et envoûtant.
    La narratrice Thérèse Gandalonie est née dans un village du limousin, Saint Léonard, vieux village aux ruelles étroites, aux volets clos. Ce n’est pas un village comme les autres, il est dominé par une lanterne des morts , objet de culte ou phare pour voyageurs égarés, que l’on vient voir de loin, cette lanterne est plantée dans le centre d’un domaine inaccessible car séparé du village par une faille.

    Enfant elle aime lire des journées entières mais aussi fureter, parcourir les chemins à bicyclette. Elle connaît tout de ce village, chaque ruelle, chaque pierre. Elle aime découvrir les lieux cachés  et c’est ainsi qu’elle découvre en se perdant dans la végétation d’un mur : « la faille »  qui donne accès à une vue du village toute différente et surtout à une vue sur le domaine de la Grande Sauvagerie. La fascination éprouvée restera et toute sa vie Thérèse tentera de résoudre le mystère de ce lieu.
    Devenu adulte elle voyage, enseigne, parcours le monde et un jour elle entend parler d’une autre sauvagerie. C’est dans une bibliothèque américaine qu’elle va rencontrer le personnage central de cette sauvagerie là , un peintre qui a tenu son journal pendant son voyage vers l’ouest, curieusement il est lié à Saint Léonard,  elle va partir à sa recherche.

     

    lanterne.jpg

    Une lanterne des morts dans le Périgord

    Thérèse par petites touches nous livre son village et sa quête La mémoire tient le premier rôle dans ce roman, de longues phrases ramènent au passé, on s’y perd comme dans un labyrinthe et l’auteur nous donne parfois une impression d’un récit mythologique.

    C'est un roman rare que ce livre, envoûtant, captivant et exigeant. L’ écriture est singulière, travaillée, puissante, une langue très belle en longues phrases. Les descriptions sont à la fois précises et empreintes de magie, les mots rares utilisés ajoutent encore au mystère de la nature et de son lien avec l’homme. Une magniique façon d'évoquer un lieu, une géographie , une belle réussite.

    Extrait
    Contrairement à ce que tout le monde disait, il y avait une ouverture dans la continuité des façades, une échappée par où on pouvait la voir, mais il fallait pour cela reculer, s’éloigner, quitter la presse, l’animation de la Place, gagner le lieu mystérieusement disgracié, où achevaient de rouiller, avec la pesanteur sereine des choses abandonnées à elles-mêmes, des pièces d’attelage, des pots d’échappement, des pare-chocs, tout un embarrassement de ferraille, éternel objet de discorde, de controverses électorales, déversé contre le mur du Parc, falaise de granit recouverte tout entière par l’élasticité poussiéreuse, un peu inquiétante, du lierre ; j’allais pourtant m’y adosser quelquefois, me faisant un point d’honneur de surmonter mes appréhensions, pour le simple plaisir peut-être de braver les recommandations maternelles, troublée aussi de le sentir s’incurver doucement autour de moi, enveloppant à la façon d’un nid.

    Si vous aimez vous laisser surprendre par un livre alors celui-ci trouvera place dans votre bibliothèque

  • Le Désert et la Grâce - Claude Pujade-Renaud

    9782742769032FS.gifLe Désert et la Grâce - Claude Pujade-Renaud - Editions Actes Sud
    Port Royal, Pascal, la Querelle janséniste - je suis certaine que tous ces noms évoquent quelque chose pour vous, peut-être des souvenirs plus ou moins ennuyeux (tout dépend de votre prof de français de l’époque !!)
    Si vos souvenirs sont très diffus je vous propose d’y revenir par un livre qui n’est ni un cours d’histoire - bien que le roman soit très fidèle à la vérité historique - ni un cours sur les tragédies de Racine bien que celui-ci soit au cœur du récit.
    Le roman embrasse un siècle entier, celui pendant lequel Richelieu, puis Louis XIV et les jésuites, vont lutter contre l’influence de ces hommes et femmes qui choisissent de vivre hors du siècle.

    Un petit rappel : Pour les jansénistes, Dieu accorde sa grâce par avance, à ceux qui la mérite par pure miséricorde. La liberté de l'homme existe encore, mais est très limitée. Ainsi, celui qui est prédestiné au mal, ne peut en aucun cas se retourner vers le bien.
    Le Jansénisme fut diffusé en France par Saint Cyran. Le mouvement gagna la famille Arnaud, les religieuses de Port Royal et une partie de la noblesse.

     

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    C’est un spectacle macabre qui ouvre le roman : l’Abbaye n’existe plus mais le cimetière est toujours là ; les corps et ossements des hommes et femmes inhumés ici sont jetés à la fosse commune sur ordre du Roi. La volonté du pouvoir est d’effacer toutes traces du Jansénisme et des hommes et femmes qui y adhéraient.
    Le couvent a été rasé, les religieuses dispersées et contraintes d’abjurer leur foi sous peine d’être privées de sacrements et de sépultures chrétiennes.

    racine.jpgPascal, Racine, Messieurs les Solitaires, les religieuses « les Arnauld, les Le Maistre, laïcs ou religieux » sont les grandes figures qui traversent le roman.
    En but aux persécutions certains sont emprisonnés, d’autres sont partis en  exil,
    ils peuplent ce roman de leur ombre.

    Mais les  personnages centraux sont deux femme, deux personnages magnifiques de foi, d'orgueil et de dévouement.
    Françoise de Joncoux  dite «  l’invisible » qui porte secours, soigne, assiste et «  consacrait une partie de ses nuits à ce labeur : multiplier les copies afin d’éviter tout risque de perte, en répartir chez des connaissances sûres pour parer à l’éventualité d’une perquisition et d’une saisie, les expédier aux Pays-bas où ils seraient relus, préparés, annotés par les jansénistes exilés puis, une fois imprimés, seraient clandestinement diffusés en France. »

    Marie-Catherine Racine, fille de Jean, elle aurait voulu prendre le voile mais son père la força à quitter Port-Royal parce qu’il « défendait sa liberté d’écrire, sa carrière tout juste montante d’auteur de théâtre »
    Elle essaie de comprendre pourquoi son père après avoir été élevé par les Solitaires, a renié ses amis mais a choisi de se faire inhumer Port-Royal.

    Leurs amis : Claude Dodart médecin bien en cour et dont le père fut médecin de l'abbaye, Charlotte de Roannez, Jacqueline Pascal la soeur du philosophe, Angélique Arnaud enfin figure tutélaire de l'Abbaye

     

    429px-Angélique_Arnauld.jpg

    Angélique Arnauld peinte par Philippe de Champaigne

    Leur ennemie : Madame de Maintenon qui les poursuit de sa hargne « Il fallait absolument anéantir ce monastère et ce parti. Reste à les extirper des mémoires »

    Claude Pujade-Renaud ressuscite pour nous Port-Royal des Champs, haut lieu de résistance au pouvoir royal, elle restitue magistralement ces personnages qui vivent dans une atmosphère de secret, de crainte et de solitude.
    Elle sait faire d’un sujet austère une magnifique fresque tout en finesse et dans une langue qui se veut fidèle à l’esprit du temps.

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

    abbaye-port-royal-des-champs-1.jpg

    Le site de Port-Royal

     

    Pour en savoir plus

     

    L’excellent biographie d’Anne Delbée : Racine roman

    Lettres Provinciales de Blaise Pascal

     

  • Vraie lumière née de vraie nuit - François Cheng

    Vraie lumière née de vraie nuit - François cheng et Kim En Joong - Editions du Cerf
    9782204090742FS.gifDepuis ses premiers poèmes édités chez Encre Marine je suis attentive aux parutions de François Cheng.
    Ce recueil est comme les précédents, magnifique.
    Les poèmes sont accompagnés par 8 lithographies de Kim En Joong
    J’ai retrouvé dans ce volume François Cheng se tenant toujours en tension entre deux mondes et poursuivant sa quête « du vrai et du beau »



    La Chine est toujours présente



    Nous aurons toujours souvenance des rizières sans âge
    Où se mirent, tutélaires, les bleues montagnes :
    Des plants de riz levant leurs mains d’accueil
    Vers les nuées de passage

     

     
    riziere-de-chine_.jpg

    Une invitation au dialogue, au lien entre les hommes auquel il nous invite à nous soumettre



    A chaque étoile perdue dans la nuit
    A chaque larme séchée dans la nuit
    A chaque nuit d’une vie,
    A chaque minute
    D’une unique nuit,
    Où se réunit
    Tout ce qui se relie
    A la vie privée d’oubli,
    A la mort abolie.

     

    kimenjoong.jpg

    Lithographie Kim En Joong

     



    Un très beau poème offert à Jacqueline de Romilly qui commence ainsi :



    Parfois la vie daigne te faire un signe,
    Un bruit, une senteur,
    Une voix, un éclair

     

    image-work-en_joong_monde_imaginaire_vii-5474-450-450.jpg

    Lithographie Kim En Joong