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Littérature française et francophone - Page 46

  • Bonheur pour bonheur

    Bonheur pour bonheur car l’audition du roman de Zola "Au bonheur des dames"  fut un plaisir intense.

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    D’abord un mot pour vous dire que ma lecture des Rougon Macquart se poursuit même si le rythme est un peu lent, mais il faut que j’avoue avoir sauter à pieds joints Nana, j’ai commencé et ...le livre m’est tombé des mains, les amours de ces messieurs sont devenues très vite sans intérêt et donc j’ai fermé le livre. Je n’ai pas Pot Bouille dans ma bibliothèque donc je le lirai plus tard et tant pis pour l’ordre des romans.
    Du coup me voilà Au bonheur des dames dont j’admire les vitrines en compagnie de Denise Baudu qui va bientôt s’y faire embaucher.

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    Petite orpheline tout droit débarquée de sa province Denise est éblouie par cette profusion que Zola sait si bien rendre ;
    « A côté, encadrant le seuil, pendaient également des lanières de fourrure, des bandes étroites pour garnitures de robe, la cendre fine des dos de petit-gris, la neige pure des ventres de cygne, les poils de lapin de la fausse hermine et de la fausse martre. Puis, en bas, dans des casiers, sur des tables, au milieu d'un empilement de coupons, débordaient des articles de bonneterie vendus pour rien, gants et fichus de laine tricotés, capelines, gilets, tout un étalage d'hiver aux couleurs bariolées, chinées, rayées, avec des taches saignantes de rouge »

    Vous voilà à l’intérieur de cet extraordinaire magasin dans lequel, pendant que Haussmann s’ingénie à créer un Paris nouveau, Octave Mouret  crée un temple de la consommation, un palais de la femme, où celle-ci éblouie, flattée, tentée, anéantie par la profusion, va céder à toutes les tentations offertes. « Mouret avait l’unique passion de vaincre la femme. Il la voulait reine dans sa maison, il lui avait bâti ce temple, pour l’y tenir à sa merci »

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     Le Moniteur de la Mode, 1863.
        BNF, Estampes et Photographie


    Fini les vieilles boutiques sombres, tristes, grises, fini l’oncle Baudu, fini le réparateur de parapluie tenace qui tente de résister à la vague du progrès. Ici tout est fait pour vendre, faire vendre, séduire et même tromper.

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    Les hauts lieux de la consommation aujourd'hui © Michel B.


    « D’abord, on devait s’écraser pour entrer, il fallait que, de la rue, on crût à une émeute ; et il obtenait cet écrasement , en mettant sous la porte des soldes , des casiers et des corbeilles, débordant d’articles à vil prix ; si bien que le menu peuple s’amassait, barrait le seuil, faisait penser que les magasins craquaient de monde, lorsque souvent ils n’étaient qu’à demi pleins. Ensuite, le long des galeries, il avait l’art de dissimuler les rayons qui chômaient, par exemple les châles en été et les indiennes en hiver ; il les entourait de rayons vivants, les noyait dans un vacarme »

    Je ne vais pas vous raconter le reste, l’histoire d’amour entre Denise et Octave Mouret, c’est la partie la moins intéressante du roman.
    La lecture d’Evelyne Lecucq est parfaite, en écoutant le roman j’ai retrouvé tout le talent que Zola avait déployé dans Le ventre de Paris où il nous avait noyé sous charcuteries et les fromages, ici c’est la soie, les dentelles, les satins, les fourrures. L’ère de la société de consommation était née et Zola croyait y voir un progrès !

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    L'expo de la BNF consécrée Au Bonheur des dames : superbe
    Le livre audio : Au bonheur des dames d’Emile Zola - Lu par Evelyne Lecucq - Editions Brume de mars

  • Cosette, Gavroche et les autres........

    Pour moi les Misérables c’est avant tout un film, c’est Jean Gabin, Bourvil en Thénardier et Bernard Blier en Javert,  les visages de Sylvia Montfort ou Danièle Delorme, tout était extraordinaire, j’avais 10 ans, le film connaissait un succès extraordinaire et j'étais envoûtée par cette histoire.


                                    

      Un extrait du film

    La lecture du roman quelques années après fut plus difficile, je découvrais à l’époque le côté  réducteur  d’un film et surprise !! les personnages ne se réduisaient pas à Cosette et Gavroche. Les digressions nombreuses freinaient ma lecture.
    Relu à l’âge adulte on y trouve tout autre chose, la volonté d’Hugo de pointer du doigt l’horreur du bagne, les injustices sociales, le portrait d’un Paris sordide, les bruits d’une révolution.

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    Je n’ai pas résisté à la sortie des livres audio et aujourd’hui que le 4 ème vient de sortir je vous invite à les écouter, à retrouver les amours de Cosette et Marius ( ah Gianni Esposito ...un amour de jeunesse) le père Fauchelevent et sa clochette accrochée aux genoux, Monseigneur Myriel et ses chandeleliers, le mensonge de la soeur Simplice, Monsieur Madeleine au tribunal, Gavroche tombant sous les balles en chantant.

    André Gide avait beau dire, Victor Hugo tient une place toute particulière dans mon coeur et je suis toujours prête à suivre Jean Valjean dans les égoûts de Paris ou porter avec lui  le seau de Cosette.
    Tous les lecteurs sont excellents, la qualité de l'enregistrement est parfaite.

    Les Livres audio : Les Misérables - Editions Thélème - Lus par Michel Vuillermoz, Elodie Huber, Pierre-François Garel, Louis Arène

     

  • Le Bal - Irène Némirovski

    Laissez vous emporter par la musique des mots

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    " un mélange confus de folle musique, de parfum enivrant, de toilettes éclatantes, de paroles amoureuses chuchotées dans un boudoir écarté, obscur et frais comme une alcôve"


    Lu, relu, offert, ce livre est dans ma bibliothèque depuis une vingtaine d’années, j’ai appris récemment avec désolation (pardon par avance à tous les profs) que ce livre est aujourd’hui étudié en classe, j'espère qu'il ne perd pas ainsi son pouvoir recouvert en quelque sorte par le voile de la lecture obligée.


    Si vous n’avez jamais lu ce livre, écoutez-le avec la voix d’Irène Jacobs

    Vous apprendrez comment la famille Kampf est en train de s’installer dans l’opulence après avoir grimpé les marches de l’ascension sociale. Voyez la préparer LE bal qui va définitivement la faire entrer dans le paradis des riches et leur permettra de regarder de haut le reste de la famille. Ce moment de gloire préparer dans le moindre détail met Antoinette, la fille de la maison, dans un état de fureur et de tristesse mêlés car malgré toutes ses demandes, ses supplications, elle n’assistera pas à ce bal.

    Parfois le hasard fait bien les choses, quelques minutes de retard lors d’une leçon de piano, un coup de vent malencontreux...et les événements tournent d’une façoninattendue et délectable.

    Ecoutez un extrait ici

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    Un petit chef d’oeuvre dont j’aime l’acidité, la cruauté, la joyeuse perfidie.
    Un tableau plein de fiel de la famille, méchamment moqueur d’où s’échappent pourtant des étincelles d’émotion.

    Le CD audio : Le Bal - Irène Némirovski - Editions Audiolib


  • Proust contre la déchéance - Joseph Czapski

    Un livre sur Proust ? non pas vraiment, un livre sur les camps soviétiques ? non plus.

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    Un livre sur la dignité, le courage, sur la place de la vie intellectuelle quand celle-ci est interdite, un livre sur la lecture quand elle est devenue impossible, un livre sur la mémoire et son rôle dans le maintien en position debout des hommes que l’on veut abattre.

    scan_11314153945_1.jpgCe livre rend compte des conférences improvisées par Joseph Czapski officier polonais au camp d’internement soviétique de Griazioweitz.
    Quand plus rien n’est possible les prisonniers du camp décident en prenant beaucoup de risque, d’échanger leur savoir, pour maintenir le moral des hommes voilà des conférences improvisées avec des sujets très variés en fonction des compétences de chacun. C’est vital pour ces hommes pour « essayé de reprendre un certain travail intellectuel qui devait nous aider à surmonter notre abattement, notre angoisse, et défendre nos cerveaux de la rouille de l'inactivité. »

    Joseph Czapsik est peintre mais aussi bon connaisseur de l’oeuvre de Proust et de la littérature française, le voilà lancer dans des exposés sur La Recherche, faisant vivre pour ses compagnons les personnages de l’oeuvre, tentant de faire comprendre la richesse du style, la complexité de la construction. Le travail de mémoire est fantastique de précision, de justesse et de simplicité et se révèle être un joli clin d’oeil à Proust et au travail de la mémoire qui sous-tend son oeuvre et qui ici devient une belle leçon et pas seulement littéraire.


    scan_11314154514_1.jpgLe public est fidèle malgré les risques, et lire les feuillets préparatoires, griffonés, corrigés, parcourus de flèches, de soulignements est très émouvant. Ecoutez Joseph Czaspki « Je vois encore mes camaraedes entassés sous les portraits de Marx, Engels et Lénine, harassés après un travail dans un froid qui descendait jusqu’à quarante-cinq degrés sous zéro, qui écoutaient nos conférences sur des thèmes tellement éloignés de notre réalité d’alors. Je pensais alors avec émotion à Proust, dans sa chambre surchauffée aux murs de liège, qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt ans après sa mort des prisonniers polonais, après une journée passée dans la neige et le froid, écoutaient avec un intérêt intense l’histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire ».

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    Joseph Czapski peintre

    Ce livre longtemps empêché de parution comme celui de Julius Margolin ressort aujourd’hui faites lui une place dans votre bibliothèque comme l'ont fait Aifelle et Keisha

    Le livre : Proust contre la déchéance - Joseph Czapski - Editions Noir sur blanc

    L’auteur
    czapski.jpgNé à Prague en 1896 dans une famille aristocratique polonaise, Joseph Czapski passa son enfance en Biélorussie, puis fit des études de droit à Saint-Pétersbourg et de peinture à l’Académie des Beaux-arts de Cracovie. Czapski fut parmi les rares officiers de l’armée polonaise qui survécurent au massacre de Katyn en 1940. Son livre Souvenirs de Starobielsk retrace ses efforts pour faire connaître la vérité à propos de ce crime.
    Comme peintre, Czapski est connu notamment pour son appartenance au mouvement kapiste, qu'il contribua à fonder avec quelques amis, pendant son séjour à Paris (1924–1933). Après la Seconde Guerre mondiale, il vécut en exil en France, à Maisons-Laffitte, dans la banlieue de Paris. Il participa à la fondation du mensuel culturel polonais Kultura de Jerzy Giedroyc. Il y est mort en 1993.(source l’éditeur)

  • Une langue venue d'ailleurs - Akira Mizubayashi

    Merci à Aifelle qui a pu s'entretenir avec l'auteur et nous rapporter une photodu salon du livre

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    Tout commence avec un magnétophone

     

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    C’est un essai un peu hors norme que celui-là, écrit en français par un japonais, Akira Mizubayashi à 18 ans quand il décide d’apprendre le français. Il est un perfectionniste,  son apprentissage n’a rien à voir avec celui pratiqué ordinairement par un étudiant.
    Il écoute  les leçons de la radio, ils les écoutent, les apprend, les répète jusqu’à ce que son rythme, son accent frisent la perfection.
    Son père ne comprend pas bien cette obsession mais sacrifiant pour lui une bonne partie de son salaire, il lui offre un magnétophone qui va permettre à Akira de se glisser dans cette nouvelle langue avec passion.
    A la même période il découvre Mozart dont la musique l’accompagnera toute sa vie.



    Quand je dis que A Mizubayashi fait des progrès c’est un euphémisme, il entreprend la lecture de .....Rousseau dont l’oeuvre et la langue deviennent ses compagnons de chaque jour.
    1973 il obtient une bourse d’études pour une Université française, ce sera Montpellier, il étudie la littérature française et enrage contre ses erreurs de langage, contre sont accent imparfait et surtout il travaille.
    Une compagne, un retour au Japon et c’est à nouveau la France pour 3 années à l’ENS de la rue d’Ulm. De retour au Japon avec sa compagne française il devient enseignant à l’université.

    Cet essai très intime est assez fascinant, suivre le parcours de cet homme qui est littéralement ensorcelé, envoûté par une langue, langue qu’il appelle joliment langue paternelle en hommage à son père pour le soutien que celui-ci lui a apporté.
    C’est une dévotion qu’il porte aux auteurs, à ses maîtres.
    Il développe une réflexion passionnante sur le bilinguisme qui rappelle bien sûr les expériences d’un Nabokov ou d’un Cioran et vous serez surpris par le rôle tenu en la matière pas sa chienne qu'il soupçonne avec un brin d’humour d’être elle aussi bilingue.
    Un critique a écrit que ce livre était une déclaration d’amour à la langue française, laissez vous séduire.

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    Qu'en pense Keisha ? Découvrez absolument ce récit éblouissant, intelligent, un vrai velours... Coup de coeur...
    Le livre : Une langue venue d’ailleurs - Akira Mizubayashi - Editions Gallimard 2011

     

  • Avec Camus

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    Le désir de grandeur, la nostalgie de la noblesse apparaissaient même dans le choix des choses qui l’entouraient. Sa réserve naturelle n’excluait pas son don de sympathie ; elle donnait à son noli me tangere une simple valeur de défense contre le banal et l’indigne et conférait encore plus de prix à son estime et à son amitié.(1)

     

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    Tipasa

    Camus prolongeait Giono, que j'aimais, mais me rapprochait de de la Grèce et de Rome. De l'Afrique aussi. C'était le printemps, le soleil donnait, je vivais. Quand je fermais les yeux, je respirais l'odeur des absinthes dans les ruines de Tipasa (2) 


    J’ai dit que Camus fut heureux dans son métier d’éditorialiste. Devant certains portraits que l’on a pu tracer de lui , l’impatience vient de ce que les images de bonheur y sont par trop négligées. Or pour ceux qui l’ont connu, ces images restent en définitive les plus vives.
    Pour savoir ce que peut être un homme heureux, il faut sans doute avoir vu Camus devant la mer et dans le soleil, passionné par un match de football, ou ravi de se mêler aux danseurs dans un bal populaire. (3)

     

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    Il pressent un avenir sombre, les hommes emportés par la fureur, « exilés dans la haine » contraints à « une étreinte mortelle » Ses articles parlent de réconciliation, de justice, de raison et de liberté. De solidarité aussi. Camus refuse de désespérer. Il appelle ses lecteurs à ne pas fuir ni à adorer l’histoire, cette force qui dépasse les hommes mais qu’ils doivent affronter en gardant les yeux ouverts.(entre guillemets : Lettre à un militant algérien. A Camus)(2)


    Les livres
    1 Albert Camus - Jean Grenier - Gallimard
    2 Camus ou les promesses de la vie - Daniel Rondeau - Editions Menges
    3 Avec Camus - Jean Daniel - Gallimard