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Littérature française et francophone - Page 46

  • Proust contre la déchéance - Joseph Czapski

    Un livre sur Proust ? non pas vraiment, un livre sur les camps soviétiques ? non plus.

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    Un livre sur la dignité, le courage, sur la place de la vie intellectuelle quand celle-ci est interdite, un livre sur la lecture quand elle est devenue impossible, un livre sur la mémoire et son rôle dans le maintien en position debout des hommes que l’on veut abattre.

    scan_11314153945_1.jpgCe livre rend compte des conférences improvisées par Joseph Czapski officier polonais au camp d’internement soviétique de Griazioweitz.
    Quand plus rien n’est possible les prisonniers du camp décident en prenant beaucoup de risque, d’échanger leur savoir, pour maintenir le moral des hommes voilà des conférences improvisées avec des sujets très variés en fonction des compétences de chacun. C’est vital pour ces hommes pour « essayé de reprendre un certain travail intellectuel qui devait nous aider à surmonter notre abattement, notre angoisse, et défendre nos cerveaux de la rouille de l'inactivité. »

    Joseph Czapsik est peintre mais aussi bon connaisseur de l’oeuvre de Proust et de la littérature française, le voilà lancer dans des exposés sur La Recherche, faisant vivre pour ses compagnons les personnages de l’oeuvre, tentant de faire comprendre la richesse du style, la complexité de la construction. Le travail de mémoire est fantastique de précision, de justesse et de simplicité et se révèle être un joli clin d’oeil à Proust et au travail de la mémoire qui sous-tend son oeuvre et qui ici devient une belle leçon et pas seulement littéraire.


    scan_11314154514_1.jpgLe public est fidèle malgré les risques, et lire les feuillets préparatoires, griffonés, corrigés, parcourus de flèches, de soulignements est très émouvant. Ecoutez Joseph Czaspki « Je vois encore mes camaraedes entassés sous les portraits de Marx, Engels et Lénine, harassés après un travail dans un froid qui descendait jusqu’à quarante-cinq degrés sous zéro, qui écoutaient nos conférences sur des thèmes tellement éloignés de notre réalité d’alors. Je pensais alors avec émotion à Proust, dans sa chambre surchauffée aux murs de liège, qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt ans après sa mort des prisonniers polonais, après une journée passée dans la neige et le froid, écoutaient avec un intérêt intense l’histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire ».

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    Joseph Czapski peintre

    Ce livre longtemps empêché de parution comme celui de Julius Margolin ressort aujourd’hui faites lui une place dans votre bibliothèque comme l'ont fait Aifelle et Keisha

    Le livre : Proust contre la déchéance - Joseph Czapski - Editions Noir sur blanc

    L’auteur
    czapski.jpgNé à Prague en 1896 dans une famille aristocratique polonaise, Joseph Czapski passa son enfance en Biélorussie, puis fit des études de droit à Saint-Pétersbourg et de peinture à l’Académie des Beaux-arts de Cracovie. Czapski fut parmi les rares officiers de l’armée polonaise qui survécurent au massacre de Katyn en 1940. Son livre Souvenirs de Starobielsk retrace ses efforts pour faire connaître la vérité à propos de ce crime.
    Comme peintre, Czapski est connu notamment pour son appartenance au mouvement kapiste, qu'il contribua à fonder avec quelques amis, pendant son séjour à Paris (1924–1933). Après la Seconde Guerre mondiale, il vécut en exil en France, à Maisons-Laffitte, dans la banlieue de Paris. Il participa à la fondation du mensuel culturel polonais Kultura de Jerzy Giedroyc. Il y est mort en 1993.(source l’éditeur)

  • Une langue venue d'ailleurs - Akira Mizubayashi

    Merci à Aifelle qui a pu s'entretenir avec l'auteur et nous rapporter une photodu salon du livre

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    Tout commence avec un magnétophone

     

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    C’est un essai un peu hors norme que celui-là, écrit en français par un japonais, Akira Mizubayashi à 18 ans quand il décide d’apprendre le français. Il est un perfectionniste,  son apprentissage n’a rien à voir avec celui pratiqué ordinairement par un étudiant.
    Il écoute  les leçons de la radio, ils les écoutent, les apprend, les répète jusqu’à ce que son rythme, son accent frisent la perfection.
    Son père ne comprend pas bien cette obsession mais sacrifiant pour lui une bonne partie de son salaire, il lui offre un magnétophone qui va permettre à Akira de se glisser dans cette nouvelle langue avec passion.
    A la même période il découvre Mozart dont la musique l’accompagnera toute sa vie.



    Quand je dis que A Mizubayashi fait des progrès c’est un euphémisme, il entreprend la lecture de .....Rousseau dont l’oeuvre et la langue deviennent ses compagnons de chaque jour.
    1973 il obtient une bourse d’études pour une Université française, ce sera Montpellier, il étudie la littérature française et enrage contre ses erreurs de langage, contre sont accent imparfait et surtout il travaille.
    Une compagne, un retour au Japon et c’est à nouveau la France pour 3 années à l’ENS de la rue d’Ulm. De retour au Japon avec sa compagne française il devient enseignant à l’université.

    Cet essai très intime est assez fascinant, suivre le parcours de cet homme qui est littéralement ensorcelé, envoûté par une langue, langue qu’il appelle joliment langue paternelle en hommage à son père pour le soutien que celui-ci lui a apporté.
    C’est une dévotion qu’il porte aux auteurs, à ses maîtres.
    Il développe une réflexion passionnante sur le bilinguisme qui rappelle bien sûr les expériences d’un Nabokov ou d’un Cioran et vous serez surpris par le rôle tenu en la matière pas sa chienne qu'il soupçonne avec un brin d’humour d’être elle aussi bilingue.
    Un critique a écrit que ce livre était une déclaration d’amour à la langue française, laissez vous séduire.

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    Qu'en pense Keisha ? Découvrez absolument ce récit éblouissant, intelligent, un vrai velours... Coup de coeur...
    Le livre : Une langue venue d’ailleurs - Akira Mizubayashi - Editions Gallimard 2011

     

  • Avec Camus

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    Le désir de grandeur, la nostalgie de la noblesse apparaissaient même dans le choix des choses qui l’entouraient. Sa réserve naturelle n’excluait pas son don de sympathie ; elle donnait à son noli me tangere une simple valeur de défense contre le banal et l’indigne et conférait encore plus de prix à son estime et à son amitié.(1)

     

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    Tipasa

    Camus prolongeait Giono, que j'aimais, mais me rapprochait de de la Grèce et de Rome. De l'Afrique aussi. C'était le printemps, le soleil donnait, je vivais. Quand je fermais les yeux, je respirais l'odeur des absinthes dans les ruines de Tipasa (2) 


    J’ai dit que Camus fut heureux dans son métier d’éditorialiste. Devant certains portraits que l’on a pu tracer de lui , l’impatience vient de ce que les images de bonheur y sont par trop négligées. Or pour ceux qui l’ont connu, ces images restent en définitive les plus vives.
    Pour savoir ce que peut être un homme heureux, il faut sans doute avoir vu Camus devant la mer et dans le soleil, passionné par un match de football, ou ravi de se mêler aux danseurs dans un bal populaire. (3)

     

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    Il pressent un avenir sombre, les hommes emportés par la fureur, « exilés dans la haine » contraints à « une étreinte mortelle » Ses articles parlent de réconciliation, de justice, de raison et de liberté. De solidarité aussi. Camus refuse de désespérer. Il appelle ses lecteurs à ne pas fuir ni à adorer l’histoire, cette force qui dépasse les hommes mais qu’ils doivent affronter en gardant les yeux ouverts.(entre guillemets : Lettre à un militant algérien. A Camus)(2)


    Les livres
    1 Albert Camus - Jean Grenier - Gallimard
    2 Camus ou les promesses de la vie - Daniel Rondeau - Editions Menges
    3 Avec Camus - Jean Daniel - Gallimard

  • Je suis bien d'accord avec vous !

    Je garde le cap.................

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    Ce que j’aime retrouver dans vos blogs ce sont des livres que je n’ai pas lus, des découvertes que j’ai ratées, ce que je n’aime pas ce sont des billets redondants jusqu’à l’écoeurement et à la perte d’envie de lire un livre.
    Alors il me faut être un peu cohérente avec mes impressions et donc de temps en temps je ferai un billet Je suis bien d’accord avec vous  où je ne rajouterai rien à ce que vous avez déjà très bien dit, juste quelques mots pour confirmer et faire écho à vos chroniques.

    heures.gifC’est parti avec les éditions Autrement qui souvent dénichent des petits trésors
    Les heures silencieuses c’est grâce à  La marche aux pages que j’ai lu ce livre. J’aime les livres qui parle de tableaux et la peinture flammande est celle que je vais voir quand je suis au Louvre alors ...
    J’ai aimé ce récit bref, tout en finesse où la peinture n’est qu’un prétexte pour parler de soi, délicat, habile, une jolie évocation à la fois d’une période où les navires partaient pour des horizons lointains et où dans le même temps les femmes ne pouvaient pas encore imposer leur présence et leurs dons. 
    Lisez aussi le billet de  Chaplum qui aime et ne regrette que la brièveté du roman

     

    signal.gifDeuxième choix (après mon ras le bol absolu de Sukkwan Island) j’ai craqué pour : Le Signal de Ron Carlson
    Si j’ai aimé ? ben oui évidemment, dès qu’il s’agit de grands espaces je craque, là où je suis moins convaincue c’est sur le scénario policier, comme vous d’une certaine façon, Keisha dit « Les amateurs de thrillers purs et durs risquent d'être surpris »  ben oui c’est plutôt pour amateurs de Nature Writing.
    Je me suis bien fait plaisir dans ces endroits où je n'irais jamais! dit Nathalie,  on n'en sort pas avant la dernière page dit Cuné
    Un très bon cru pour les amateurs du genre dit Aifelle et elle a bien raison


  • Ma vie à Saint Domingue - Jean-Jacques Salgon

    Un an après le séïsme et alors que l’on voit parader devant les télévisions le dictateur Duvallier, j’ai eu envie de lire un livre sur Haïti qui réponde à certaines de mes questions.

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    Ni livre d’histoire, ni roman, le livre de Jean-Jacques Salgon a été un guide parfait. Il dédit son livre « A tous ceux que cette catastrophe a meurtris dans leur chair et dans leur âme »

    Pourquoi un ardéchois « coeur fidèle » viendrait-il parler d’Haïti ?
    c’est que son histoire personnelle va croiser à un moment celle de l’île, il va ainsi par de fréquents allers-retours nous transporter des côtes africaines à Saint Domingue, des ors de Louis XIV aux apparats de l’Empire napoléonien.
    Ce livre pour l’auteur répond à son besoin de savoir, de comprendre cette histoire d’Haïti et dresse le portrait d’un homme extraordinaire : Toussaint Louverture.

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    Son histoire commence sur les côtes africaines où son père va se faire enlever, capturer par des négriers et être envoyé en esclavage.
    Toussaint naît en 1743. On suit la vie de l’esclave affranchi et éduqué, le fin statège qui va à la tête de ses troupes devenir le héros de Saint Domingue. Fidèle à la France jusqu’à l’aveuglement, croyant aux promesses de Bonaparte « Vous lui direz que moi, premier magistrat du peuple français, je lui promets protection, gloire et honneur »
    Il n’aura que le temps de croire à l’indépendance, ses enfants Isaac et Placide seront reçus par le Premier Consul mais « Bonaparte va le faire jeter comme un brigand au fin fond d’un Jura couvert de sapins et de neige et vitrifié par le froid »
    Toussaint Louverture est mort oublié au fond des geôles françaises en 1802. L’esclavage et la traite des noirs sont rétablis à la Martinique et à la Guadeloupe

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    Toussaint Louverture aujourd'hui à Haïti

    Jean-Jacques Salgon à vécu, travaillé dans plusieurs pays dAfrique, sa curiosité, sa sensibilité personnelle, transparaissent dans les pages où il revient sur son expérience. Comment il est passé des peintures de Jean Michel Basquiat à ses recherches sur Toussaint Louverture, comment il a élargi son point de vue par les détours de l’histoire (guerre d’Algérie, Mai 68) pris des chemins peu fréquentés, explorant le passé de cette ïle.

    Son voyage est un voyage dans le temps et l’on part à la rencontre de figures de l’histoire de Haïti, certains peu connues, des hommes au destin parfois tragique,
    les souvenirs de l’auteur faisant écho aux événements. Il garde un certain optimisme car dit-il « J’ai pu constaté combien la France, en dépit de tous les abus propres au régime colonial; pouvait encore être aimée » qu’il attribue à l’apport de la lecture, de la culture, moyens d’émancipation.

    J’ai aimé ce livre court et dense, l’oeil bien ouvert de l’auteur, sa façon bien à lui de nous rappeler un passé qui peut nous rendre honteux mais dont parfois on peut être fier. j’ai aimé une franche simplicité doublée d’une hauteur de vue, le tout servi par des phrases parfois mordantes ou d’une douceur trompeuse.
    Un excellent moment de lecture, de ceux qui vous donnent l’impression d’être un peu plus intelligent.

    Le livre : Ma vie à Saint-Domingue - Jean-Jacques Salgon - Editions Verdier 2011


  • Une lointaine Arcadie - Jean-Marie Chevrier

    De la vie solitaire de Boccace à l'Arcadie il n'y a qu'un pas

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    Est-ce nécessaire à l’homme de se retirer, de faire retraite quand rien ne va, est-ce bon pour l’homme de dégraisser sa vie, de limiter ses désirs de s’approcher d’une vie d’ermite ?
    A lire JM Chevrier je crois que oui.

    Matthieu est libraire, mais pas libraire du tout venant, libraire spécialisé, il ne vend que des livres de botaniques anciens pour bibliophiles. Mais vous savez comment va la vie, quand quelque chose tourne mal, tout s’enchaîne.
    Un contôle fiscal, un divorce qui le laisse sur la paille, sa librairie qu’il doit fermer,  la mort de son chien, Matthieu doit redonner une direction à sa vie.
    Un vieil oncle a autrefois vécu seul après la guerre, dans une masure au fond de la Creuse. Il rachète la maison et décide de vivre en retrait, loin des autres, seul avec le silence, pas de journaux, une radio qui crachote et trois livres. Pas de voisins sauf un vieil homme qui tient en laisse son fils très handicapé, le père et le fils semblent tout droit sortis d’une pièce de Beckett !
    Puisqu’on parle de Beckett, notre héros n’a emporté avec lui que trois livres Homère, Virgile et Samuel Beckett.
    Retour à la vie simple : Matthieu coupe son bois, fait son pain, à le temps de méditer, d’observer la nature,  de vagabonder, c’est Thoreau à Walden. Il va même jusqu’à acheter une compagne à quatre pattes, une chatte ? non vous n’y êtes pas du tout ! une vache, en souvenir de son enfance et d’un tableau qui représente pour lui « une lointaine Arcadie »
    Trop beau pour durer ? Un couple de randonneur épuisé fait halte chez lui, fini la solitude absolue, la vie parfois vous réserve bien des surprises.

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    Gustave Courbet

    c’est un roman délicieux, de craignez pas l’érudition de l’auteur, certainement latiniste et amateur de mythologie dans sa jeunesse, il sait la faire légère et je parie que vous aurez envie d’ouvrir Virgile et l’Iliade, il a un vrai talent pour dessiner la nature avec des mots. J'ai aimé son regard décalé sur le sacro saint animal de compagnie.
    Je suis certaine que vous aimerez sa vache et la façon dont il vous en parle.
    Un texte plein de poésie, de mélancolie, un chant bucolique et une fin inattendue. Un livre fin et sensible.

    Le livre : Une lointaine arcadie - Jean-Marie Chevrier - Editions Albin Michel 2011

    02_Jean-marie_Chevrier.jpgL'auteur : Jean-Marie Chevrier est l’auteur de six romans remarqués, Zizim ou l’Epopée tragique d’un prince ottoman (1993), Une saison de pierre (1995), La seconde vie (2000), Le Navire aux chimères (2004), Un jour viendra où vous n’aimerez plus qu’elle (2007) et Départementale 15 (2009), tous publiés aux éditions Albin Michel.(éditeur)