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Littérature française et francophone - Page 43

  • La Survivance - Claudie Hunzinger

    Adversité : Survivre quand tout fou le camp 

    Depuis quelques semaines quand je remplis un formulaire je dois cocher une nouvelle case, de salariée je suis passée à retraitée, c’est certainement ce qui m’a fait vibrer à la lecture de La Survivance.

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    " Nous l'avions peuplée de nos dieux à nous "

    Certes ils ont l’âge de la retraite mais ce n’est pas par choix que Jenny et Sils ferment leur librairie, non c’est plutôt un truc du genre coup du sort, adversité, faillite si vous préférez.

    Le moment où il ne vous reste que les dettes, où vous n’avez même plus de toit car la librairie était aussi logis et les libraires sont rarement des riches imposés à 75% !

    « Qu’est-ce que tu fais de ta vie au moment où la société te lâche pour te balancer à la rue ? » et bien il faut vider les lieux, faire les cartons avec les livres qui échappent aux huissiers, rassembler chienne, l’ânesse Avanie au nom prédestiné et se tourner vers d’autres cieux.

     

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    "Imperturbable Avanie avançait"

    La montagne n’est pas loin et là une maison leur appartient, la Survivance, dans le Brézouard « montagne des merveilles »  C’est le gîte assuré, pour le reste on verra.

    Une maison ? plutôt une ruine à 1000 mètre d’altitude car en la regardant bien on remarque tout de suite « Un trou béant dans sa toiture, l’air d’avoir été fendue d’un coup de hache, en deux.» 
    L'eau de la source pas de facteur ni d'électricité.

    Il va falloir se faire charpentier, menuisier, maçon, Sils « était devenu un bloc d’énergie »  Il allait falloir s’inventer une nouvelle vie.  

    Les années communes ont tissé une complicité forte car c’était maintenant une « vie de pionniers », tenter de vivre en autarcie, cueillette, potager et frugalité. le mot confort est à rayer du vocabulaire, un coq et des poules sont venus tenir compagnie à l’ânesse et à la chienne Betty.

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    Printemps, été, c’est possible mais tiendront ils l’hiver venu ?
    L’hiver est long et dur dans les Vosges, Sils a fait du bûcheronnage et il y a les livres fidèles compagnons « On a du bois, des livres, du riz, beaucoup de riz…». Il faut apprendre à vivre « violemment ». 

    Les cerfs magnifiques observés de loin doivent être chassés quand ils s’en prennent au potager. Quand rien ne va plus, Jenny, comme on se défait d’un bijou de prix, vend un livre rare ce qui permet de prolonger un peu la survie.

     

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                             Brézouard " montagne des merveilles"

     
    Quelle belle lecture, Cathulu à raison c’est un livre à ranger sur le rayon des indispensables. Il transforme l’adversité en une rude mais belle expérience. Hymne à la lecture, à la littérature, à la nature. On ne peut s’empêcher de fredonner la chanson de Brel en les regardant vivre.

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    En voyant le nom de Claudie Hunzinger ma mémoire s’est mise à carburer à cent à l’heure.....mais oui c’est l’auteur de Bambois la vie verte, ce livre qui m’a tant fait rêver dans les années soixante dix. En lisant Claudie Hunzinger j’ai eu l’impression d’un seul coup d’enjamber les années. 

     

    merci à Cathulu sans elle je serai passée à côté de ce livre

     

    Le livre : La Survivance - Claudie Hunzinger - Editions Grasset 

     
  • La Princesse de Montpensier - Madame de Lafayette

     Session de rattrapage : un classique jamais lu

     

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       Pour moi elle a désormais ce visage

     

    Elle l’aime, on la marie à un autre qu’elle n’aime pas, elle le revoit, elle tombe dans ses bras, son mari l’apprend. 

    Dit comme ça c’est une intrigue bien banale oui mais........

    Je vous la refait en y mettant un peu plus de forme : Mlle de Mezières est amoureuse du duc de Guise mais sa famille la marie contre son gré au jeune prince de Montpensier.

    Les guerres de religion battent leur plein et son époux est reparti, elle n’a plus que le comte de Chabanne pour toute compagnie. Il parfait son éducation, elle devient son amie, il tombe amoureux et devient son confident. 

     

    Elle va revoir le duc de Guise, faire la conquête du duc d’Anjou le futur roi et s’initier aux plaisirs de la cour.

    Tout y est : la jalousie féroce, les affres de la passion, la trahison,  l’inconstance de l’amour, avec en filigrane le sang et la fureur des combats.

    Une histoire courte car Mme de Lafayette a le verbe retenu, l’art de l’ellipse et est capable de faire tenir une passion en quelques mots.  C’est un récit très très agréable à écouter et la voix de Noëlle Rech est parfaite.

    J'ai beaucoup aimé le film de Tavernier mais je n'avais jamais lu cette longue nouvelle et donc une session de rattrapage s'imposait.

    J'avais le choix, lire ce récit  dans la version livre de poche ou choisir la version audio.  

     

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    Le livre audio : La Princesse de Montpensier - Madame de Lafayette - Editions Brumes de Mars

  • Sauver Mozart - Raphaël Jerusalmy

    Dans les pas de l'Histoire : Salzbourg en temps de guerre 

     

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                            Salzbourg en temps de paix 

     

    Il est irascible, hargneux, vindicatif, agressif et même par moment franchement teigneux cet Otto Steiner, pas étonnant que ses amis soient si peu nombreux. 

    Bon je vous le concède être enfermé dans un sanatorium sinistre à Salzbourg en 1939 n’a rien de très réjouissant, savoir son fils loin parti sans espoir de retour et avoir en plus les poumons pleins de trous n’a rien d’un sinécure c’est même  un combat perdu d’avance. 

    Il tient son journal, à la fois pour se donner du courage et puis parce que les journées sont interminables malgré les parties d’échecs.

     

    Et il râle pour tout : la nourriture « Vendredi 7 juillet 1939. J’ai horreur du vendredi, Filet de cabillaud et pommes de terre bouillies.»
    Il est exaspéré par son voisin de chambre
    qui fredonne un vieille chanson yiddish dont il se moque « Sonate pour poumons à vent et gosier phtisique »

    Il est pourtant mal placé étant lui-même un tout petit peu juif ! 

    Même les événements  extérieurs s’attirent des commentaires laconiques « Freud est mort hier. Euthanasie. »

     

    Sa vie et sa passion à Otto Steiner c’est la musique, mais au sanatorium c’est impossible et lorsque des soucis financiers le font se séparer de son gramophone, il touche le fond, il ne lui reste que ces souvenirs 

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    « Je me souviens de centaines d’airs, des paroles de tous les grands opéras, en italien, en allemand, en français, des noms des maestros et des divas, des applaudissements. Ils résonnent dans ma tête. Ils me battent les tympans. »

     

    Les nazis il les voit de loin, mais lorsque ceux-ci se mêlent du programme du festival, le fameux Festspiele, là c’est trop pour Otto

    « Faire du festival un vulgaire outil de propagande, un amusement troupier, c’est un comble. Prendre Mozart en otage. L’avilir ainsi. N’y a-t-il donc personne pour empêcher un tel outrage ? »

    Le combat contre la médiocrité voilà ce qui va redonner de l’allant à notre malade. Et je ne vous en dirais pas plus ce serait dommage.

     

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                        Salzburger Festspiele © Dr. Karl Kreuzer

     

    Un petit bijou que ce court roman. Ciselé, juste ce qu’il faut d’humour noir, un rien macabre,  parfois glaçant, mais le plus souvent cocasse. 

    C’est très très réussi, un scénario parfait, des chausses trappes et des fourvoiements, une chute que l’on ne voit pas venir et qui est parfaite. 

    Ce roman va prendre place juste à côté de  Inconnu à cette adresse car il est de la même famille.

     

    En prime je vous offre un peu de Mozart pour accompagner votre lecture 

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    Le livre : Sauver Mozart - Raphaël Jerusalmy - Editions Actes Sud 2012

  • Le Pont des anges - Philippe Le Guillou

    Les émotions  les sentiments 

     

    La peur, la solitude, le doute 

     

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    Comme je ne recule devant rien, je vais vous transporter d’un coup d’aile de chez les Mormons vers le plus petit état du monde ! Mon empreinte carbone va en prendre un coup mais tant pis.

     

    Le Pape vient de mourir, Miltiade II, c’était le premier Pape noir de la chrétienté ! La ville éternelle est à feu et à sang, attentats, incendies des églises, actes terroristes. Le désordre est partout, on parle même de scission entre les Eglises d’Amérique du Sud et le Vatican. Certains évêques se rebellent contre l’autorité non sans ménager leurs intérêts. 

    Bref la tradition est mise à mal et l’Eglise de Pierre est la proie de tous les extrêmistes. 

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    C’est dans cette ambiance explosive que le conclave se réunit. 

    Tractations, manoeuvres, négociations souterraines

    L’élu est Thomas Sullivan l’irlandais, moine bénédictin devenu cardinal et qui prend le nom de Clément XV. 

    Cet homme amoureux du beau, d’une foi profonde, va devoir déjouer les pièges des différents clans de la curie romaine figée dans un immobilisme rétrograde. L’homme est en proie au doute, à la peur et à la solitude.

    Deux hommes vont par leur amitié l’aider à conduire la « barque de Pierre », Julius le penseur cloué sur un lit de souffrance et Simon le peintre torturé. 

    Clément XV va se révéler à la fois attaché aux rituels de l’Eglise et à sa liturgie mais en même temps très novateur. 

    Ses voyages en Afrique et au Brésil vont être l’occasion d’affirmer son souci des pauvres et de la nécessité de réformes. 

    Le Vatican tremble sur ses bases à entendre un discours où il est question de décentraliser le pouvoir de l’Eglise et d’ordonner des hommes mariés.

     

    J’ai énormément aimé ce roman, Philippe Le Guillou a une connaissance du sujet qui rend le récit d’une totale crédibilité. Le conclave est un grand moment ! J’ai sorti mon dictionnaire à plusieurs reprises à la recherche de mosette, de pallium et de cathèdre

     

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     La mosette est une courte pélerine descendant jusqu'à la ceinture et boutonnée par devant

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    Cathèdre :  symbole de l'autorité, de l'enseignement et de la juridiction épiscopale, dans la liturgie catholique concrétisé par le siège de célébration de l'évêque .

     

     

    L’homme qu’il nous présente est attachant, on aime son combat avec le bouillant cardinal de Sao Paulo , on aime ses promenades nocturnes au bord du Tibre vers le Pont des Anges .

     

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                                  Le Pont Saint Ange et Saint Pierre de Rome

     

    Les liens de ce Pape avec le monde de l’art sont l’occasion de pages magnifiques sans oublier son Irlande natale et pays d’élection de l’auteur avec ses « Etendues désolées de Donegal, les loughs avec leurs vols de sarcelles et de bécasses, les rives fangeuses, la terre de bruyère, la tourbe noire »  Un excellent roman.

     

    Dernière minute : alors que ce billet était déjà écrit et engrangé pour la publication, l'actualité vient donner une teinte particulière au livre, un majordome renvoyé, un banquier remercié, la curie en plein scandale, Philippe Le Guillou observateur attentif de ce monde bien clos ne s'est pas trompé !!! 

     

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                              © afp Filippo Monteforte 

     

    Le livre : Le Pont des Anges - Philippe Le Guillou - Gallimard - 2012

  • Les Rêveries du promeneur solitaire - Rousseau

     Rousseau le rêveur 

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    "L'habitude de rentrer en moi-même me fit perdre le sentiment et presque le souvenir de mes maux, j'appris ainsi par ma propre expérience que la source du vrai bonheur est en nous, et qu'il ne dépend pas des hommes de rendre vraiment misérable celui qui sait vouoir être heureux."

    Après vous être baladé en suivant les traces de Jean-Jacques de Lyon à Chambéry je vous invite à le suivre dans ses  Rêveries  solitaires.
    Ecrites dans les dernières années de sa vie, en parcourant les allées d’Ermenonville, ces textes sont l’occasion de mêler littérature et philosophie, d’herboriser, de rêver. 

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    Antoine-Honoré-Louis Boizot (1774-1817),
    Vue du parc d'Ermenonville  © RMN Franck Raux


    Les écouter est un grand plaisir, vous n’êtes plus le lecteur qui fait un effort mais l’ auditeur qui se laisse porter par le texte. 
    Vous entrez en communion avec la nature aux côtés de Rousseau, vous éprouvez ce sentiment de plénitude que les Rêveries distillent.
    Texte qui est à la fois une méditation sur la nature et sur le temps.

     

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    Jean-Jacques Rousseau - Musée Carnavalet 

    "Avant une heure, même les jours les plus ardents, je partais par le grand soleil, pressant le pas, dans la crainte que quelqu'un de vint s'emparer de moi avant que j'eusse pu m'esquiver ; mais quand une fois j'avais pu doubler un certain coin ; je commençais à respirer en me sentant sauvé, en me disant : Me voilà maître de moi pour le reste du jour." (Lettre à Malesherbes)

    Rousseau y fait appel à ses souvenirs, ses bonheurs, sa solitude, les détails de sa vie qui approchent l’autobiographie, des réflexions philosophiques, autant de promenades paisibles qui nous aident à mieux connaître l’écrivain et sa pensée, une invitation au voyage. 

     

    Le livre audio : Les Rêveries du promeneur solitaire - Jean-Jacques Rousseau - Editions Thélème 

     

  • Kamal Jann - Dominique Eddé

    Cap au Sud

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                                  Palmyre - © Jean-Marc Biehler

    Cap sur la Syrie, l’état créé de toute pièce par les puissances occidentales dans l’entre deux guerres mais pas seulement car ce thriller vous embarque aussi à Manhattan, dans les collines du Liban et Israël et vous fait pénétrer les services secrets de tout ce beau monde.

    C’est une sordide histoire de famille pour commencer, Kamal Jann, brillant avocat travaillant aux US, est incapable d’oublier son enfance. Il faut dire qu’elle ne fut pas rose son enfance, ses parents ont été assassinés à Hama, l’assassin est connu de Kamal, c’est son oncle. Un oncle honni car non content d’assassiner les parents, il a abusé de son neveu pendant des années. Kamal est impuissant face à Sayf Eddine Jann car celui-ci est devenu le chef des services secrets syriens. Il lui a d’ailleurs payer ses études, c’est y pas gentil ça ? 

     

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                         Photos commémorant le massacre © Joseph Eid/AFP

     

    Le frère de Kamal, Mourad, n’a pas eu cette chance, il a été le mal aimé, le laissé pour compte, juste ce qu’il faut pour se tourner vers le terrorisme.

    La CIA va se servir de Kamal Jann pour mettre la main sur le frère, mais ils ne sont pas les seuls à avoir des intérêts là-dedans. Kamal va être contraint de renouer avec son passé, sa cousine Mada, sa tante, il va réveiller tous ces anciens contacts et tenter de sortir du piège. 

    C’est passionnant !!!  Une famille digne des Atrides, rien n’est épargné : trahison, vengeance, corruption, double voire triple jeux. 

    L’intrigue petit à petit vous dévoile l’histoire, la vraie, derrière la fiction. La mort est toujours deux pas derrière les personnages, la liberté et la démocratie ne font pas partie du vocabulaire courant, à remplacer par tyrannie, abus de pouvoir, loi du sang. 

     

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                   Et pourtant c'est si beau

     

    Dominique Eddé a passé plusieurs années en Syrie.  Son roman est servi par une écriture dure, courte, sèche, âpre, entrecoupée par quelques moments lyriques qui apportent un peu d’air à ce récit noir comme l’encre.

     

    C’est pas parce que c’est un thriller qu’il n’est pas documenté, ce roman vous en apprendra plus et vous fera mieux comprendre les soubresauts actuels que bien des articles super sérieux !

    Le livre : Kamal Jann - Dominique Eddé - Editions Albin Michel 

    Edde-Photo_0.jpgL'auteurRomancière et essayiste, elle a également été enseignante, critique littéraire, traductrice et éditrice. Ses articles politiques ont été notamment publiés dans Le Monde et le Nouvel Observateur. Elle a initié et dirigé une mission photographique internationale à Beyrouth, en 1991
    Elle vit entre la France, le Liban et la Turquie.