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Littérature française et francophone - Page 43

  • Mémoires d'un commissaire du peuple - Joseph Kessel

    Rentrer en Russie ?

     

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    Paru en 1925 cette courte nouvelle a une saveur particulière. Dans une série de textes sur la Russie révolutionnaire Joseph Kessel montre tout son intérêt pour son pays d’origine. En 1919 Kessel est à Vladivostok, son expérience va modifier son regard sur la Révolution.

    Parmi tous ces textes j’ai choisi une longue nouvelle Mémoires d’un commissaire du peuple.

     

    Août 1914  Fedia est un bolchevique exilé en France. 

    Il vit des journées d’angoisse en ce début de guerre, mais la guerre en elle-même lui indiffère sauf si elle permet l’éclosion de la Révolution y compris au prix de la défaite de la Russie.

    Il se livre peu à peu, raconte son enfance sordide, une éducation qu’il doit à un déporté « Il me parla, me donna des livres, m’instruisit et m’ouvrit le monde  » un peu trop au goût du pouvoir tsariste qui l’expédia en Sibérie.

    Il est en contact avec Lénine qui envoie des directives qui le comblent « sa circulaire est admirable de clarté et de ruse » dit-il, attendre attendre et  convaincre les ouvriers, de se joindre à la Révolution qui est en marche et si ce n’est pas volontairement alors il faut le faire par la force « je veux par le fer et par le feu faire le bonheur de ce troupeau, même malgré lui.  »

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    Le personnage est plein de haine, de rage, de dégoût pour sa patrie dont il souhaite ardemment la défaite, défaite qui fera le lit de la révolution si l’on imagine « un plan quelconque pour profiter de cette tuerie bénie. » 

     

    La nouvelle est courte et réserve quelques surprises.

    J’ai aimé ces textes et particulièrement cette nouvelle, comme le rappelle Gilles Heuré dans la présentation, Kessel était « Russe de toutes ses fibres » et sa vision du totalitarisme est hautement prémonitoire si l’on songe qu’il l’a écrit entre 1919 et 1925 date de sa publication.

     

    Dans son parcours européen Geert Mak montrait le retour de Lénine en Russie, ici ce serait plutôt un bolchevique qui aurait raté son train.

     

    Le Livre : Reportages, Romans - Joseph Kessel - Editions Gallimard Quarto

  • L'automne d'un poète : Jean Mambrino

    L’automne du poète 

     

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    Jean Mambrino vient de mourir et cette nouvelle m’a touché. J'ai appris en lisant les articles qui lui sont consacrés sur internet, que cet homme était jésuite, j’ai cru tombé de ma chaise, un poète membre de la Compagnie de Jésus ! surprenant.

    Sa poésie est sans doute empreinte des signes de sa foi mais je ne connais mal sa poésie, je connais mieux le passeur, le chroniqueur littéraire, le guide indispensable pour vous faire faire un voyage parmi les écrivains, les poètes qui parlent à son âme et qui je vous l’assure parleront aussi à la vôtre.

     

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                                      ©(CIRIC / Stéphane Ouzounoff)

     

     

    J’ai deux livres de Jean Mambrino dans ma bibliothèques et ce sont deux parcours superbes.

     

    Lire comme on se souvient est le plus ancien. Il date de 2000 est un recueil d’articles courts sur des écrivains de tous les pays, certains très célèbres comme Karen Blixen, Ray Bradbury ou Jean Giono, d’autres plus confidentiels qui furent de réelles découvertes pour moi comme Gustav Janouch ou Walter Pater.

    Dans la préface Jean-Pierre Sicre dit joliment qu’« il n’est pas beaucoup de livres dont on ait, dès la première approche, le sentiment qu’ils sont là pour rendre les gens heureux » . Je souscris totalement à ce sentiment à la lecture de Jean Mambrino, il n’est pas besoin d’être un grand connaisseur de la littérature, les textes sur chaque auteur sont courts mais pleins de sucs, ils les a lus, relus, il en a fait son miel et à son tour il nous transmet son savoir, son plaisir.

    A son propos Claude Roy disait qu’il réconciliait réflexion et émotion. 

    Avec lui vous aurez rendez vous avec Kawabata, Jünger, Pa Kin ou Jorge Amado. 

     

    Le second volume La Patrie de l'âme est du même ordre mais là les parcours proposés sont moins nombreux et plus denses. Il rend visite à une vingtaine d’écrivains et poètes du XXème siècle, on y trouve Proust bien entendu, Canetti et Nikos kazantzakis, Simone Weil ou Joseph Brodsky

    Je ne choisirai pas entre ces deux livres, je les ai lus tous les deux avec bonheur, relus et feuilletés très souvent 

    Il me reste à découvrir le poète, en attendant voici quelques extraits pour vous mettre en appétit.

     

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    A propos de Rilke 

    « Valéry disait de Rilke après sa mort : « Ses yeux très beaux voyaient ce que je ne voyais pas ». Lui qui fut le poète même de la solitude, il est devenu l’ami innombrable de tous ceux qui ne succombent pas au tintamarre du siècle, unissant l’amour du monde et l’intériorité du coeur. »

     

    A propos de Le Clézio

    « Lire ces histoires qui ne racontent rien d’autre que les merveilles de l’Univers, c’est comme respirer dans le droit fil du vent, au coeur d’une large colonne de brise se déplaçant avec la pensée. C’est comme boire une eau si glacée et si pure qu’on ne sait plus entre les paumes et dans la gorge, si elle est lourde ou légère. »

     

    A propos d’Adalbert Stifter 

    « Un beau vieux livre, d’une lenteur profonde où remuent les songes. Un livre musical et tragique dont la douleur ultime laisse poindre une incompréhensible et tremblante lumière, à l’instant même où elle décline et disparaît. »

     

    A propos de Jules Supervielle

    « Il a fait un pacte avec le silence. Il est de connivence avec lui. Il pourrait faire sien le mot magnifique de Léon Bloy  « Le silence est ma patrie » .

     

    A propos de la poésie de Joseph Brodsky

    « Toutes les réalités du monde et de la vie, les minuscules, les grandioses, les mesquines, les sordides comme les plus sacrées, et les pays de la planète, les terres du soleil ou du froid, et les vieux âges au fond des brumes dorées de la mémoire, sont ainsi par bribes rassemblées. »

     

    Les deux livres sont édités chez Phébus 

  • La Déesse des petites victoires - Yannick Grannec

    Adversité du génie

     

    Quand la difficulté d’être au monde devient force, devient atout.                         

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    Bon commençons au début, Anna Roth est documentaliste, mais pas n’importe où, à Princeton grâce à papa maman qui ont oeuvré pour lui procurer cet emploi persuadés qu’ils sont que leur fille est incapable de se débrouiller seule.

    Anna est chargée d’une mission bien ingrate, tenter de récupérer les écrits, les documents personnels ayant appartenus à Kurt Gödel le grand mathématicien. Jusqu’à ce jour sa veuve, Adèle, s’est refusée à laisser quiconque voir ou lire le Nachlass archives personnelles du savant.

     

    La vieille dame va user et abuser de la patience d’Anna Roth, acariâtre, moqueuse, vulgaire même par moment, elle lasserait la patience d’une sainte, mais bientôt des liens particuliers vont se tisser, la vieille dame va prendre doucement plaisir à leurs échanges.

    Anna offre une présence, une oreille attentive et bienveillante, Adèle de son côté va réveiller Anna en lui donnant le goût de faire face à l’existence et de s’ouvrir aux sentiments.

     

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    Elle va nous transporter dans la Vienne des années trente, celle qui chasse le juif, le savant, l’écrivain, la ville où un homme de culture, un scientifique, un savant tombe amoureux d’Adèle une petite danseuse de revue. 

    Cela pourrait avoir des allures de conte de fées mais c’est sans compter le pied de nez de l’adversité.

    Kurt Gödel, cet homme brillant, génial qui publie à 25 ans  le théorème d’incomplétude, cet homme est aussi paranoïaque, anorexique, en proie à des hallucinations, et sous la coupe de sa famille à qui il n’ose présenter Adèle.

     

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                             Pour en savoir plus c'est ici

     

    Adversité encore lorsque Kurt Gödel tombe malade, lorsque la chasse aux savants le pousse à quitter l’ Autriche et à partir en Amérique. Adèle la fidèle l’accompagne, elle va être son pilier, son soutien, sa femme et son infirmière tout au long des années à Princeton. 

    Elle qui va recevoir ses collègues, ah les dîners avec Einstein, Oppenheimer ou Pauli ! , elle qui va l’aider à obtenir la nationalité américaine,  elle qui renonce pour lui à la maternité. 

     

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       « Je ne vais à mon bureau que pour avoir le privilège de rentrer à pied avec Kurt Gödel » Albert Einstein

     

    Elle a payé le prix fort mais son amour était immense à la taille du génie de Kurt Gödel.

    Adèle est bien la déesse des petites victoires, son combat au quotidien pour porter  son fou de mari est extraordinaire et s’appuie sur une capacité à donner tout à fait exceptionnelle.

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    Premier roman étonnant, passionnant, d’une grande maîtrise narrative, bourré de détails qui rendent le récit d’une crédibilité totale.

    Dieu sait que les mathématiques et moi c’est un peu l’huile et l’eau mais là j’ai avancé tout du long avec bonheur.

     

    L’avis de Pierre Assouline

     

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                               © photo Bruno Charroy /Anne Carrière

     

    Le Livre : La déesse des petites victoires - Yannick Grannec - Editions Anne Carrière

     

     

  • La Survivance - Claudie Hunzinger

    Adversité : Survivre quand tout fou le camp 

    Depuis quelques semaines quand je remplis un formulaire je dois cocher une nouvelle case, de salariée je suis passée à retraitée, c’est certainement ce qui m’a fait vibrer à la lecture de La Survivance.

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    " Nous l'avions peuplée de nos dieux à nous "

    Certes ils ont l’âge de la retraite mais ce n’est pas par choix que Jenny et Sils ferment leur librairie, non c’est plutôt un truc du genre coup du sort, adversité, faillite si vous préférez.

    Le moment où il ne vous reste que les dettes, où vous n’avez même plus de toit car la librairie était aussi logis et les libraires sont rarement des riches imposés à 75% !

    « Qu’est-ce que tu fais de ta vie au moment où la société te lâche pour te balancer à la rue ? » et bien il faut vider les lieux, faire les cartons avec les livres qui échappent aux huissiers, rassembler chienne, l’ânesse Avanie au nom prédestiné et se tourner vers d’autres cieux.

     

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    "Imperturbable Avanie avançait"

    La montagne n’est pas loin et là une maison leur appartient, la Survivance, dans le Brézouard « montagne des merveilles »  C’est le gîte assuré, pour le reste on verra.

    Une maison ? plutôt une ruine à 1000 mètre d’altitude car en la regardant bien on remarque tout de suite « Un trou béant dans sa toiture, l’air d’avoir été fendue d’un coup de hache, en deux.» 
    L'eau de la source pas de facteur ni d'électricité.

    Il va falloir se faire charpentier, menuisier, maçon, Sils « était devenu un bloc d’énergie »  Il allait falloir s’inventer une nouvelle vie.  

    Les années communes ont tissé une complicité forte car c’était maintenant une « vie de pionniers », tenter de vivre en autarcie, cueillette, potager et frugalité. le mot confort est à rayer du vocabulaire, un coq et des poules sont venus tenir compagnie à l’ânesse et à la chienne Betty.

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    Printemps, été, c’est possible mais tiendront ils l’hiver venu ?
    L’hiver est long et dur dans les Vosges, Sils a fait du bûcheronnage et il y a les livres fidèles compagnons « On a du bois, des livres, du riz, beaucoup de riz…». Il faut apprendre à vivre « violemment ». 

    Les cerfs magnifiques observés de loin doivent être chassés quand ils s’en prennent au potager. Quand rien ne va plus, Jenny, comme on se défait d’un bijou de prix, vend un livre rare ce qui permet de prolonger un peu la survie.

     

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                             Brézouard " montagne des merveilles"

     
    Quelle belle lecture, Cathulu à raison c’est un livre à ranger sur le rayon des indispensables. Il transforme l’adversité en une rude mais belle expérience. Hymne à la lecture, à la littérature, à la nature. On ne peut s’empêcher de fredonner la chanson de Brel en les regardant vivre.

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    En voyant le nom de Claudie Hunzinger ma mémoire s’est mise à carburer à cent à l’heure.....mais oui c’est l’auteur de Bambois la vie verte, ce livre qui m’a tant fait rêver dans les années soixante dix. En lisant Claudie Hunzinger j’ai eu l’impression d’un seul coup d’enjamber les années. 

     

    merci à Cathulu sans elle je serai passée à côté de ce livre

     

    Le livre : La Survivance - Claudie Hunzinger - Editions Grasset 

     
  • La Princesse de Montpensier - Madame de Lafayette

     Session de rattrapage : un classique jamais lu

     

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       Pour moi elle a désormais ce visage

     

    Elle l’aime, on la marie à un autre qu’elle n’aime pas, elle le revoit, elle tombe dans ses bras, son mari l’apprend. 

    Dit comme ça c’est une intrigue bien banale oui mais........

    Je vous la refait en y mettant un peu plus de forme : Mlle de Mezières est amoureuse du duc de Guise mais sa famille la marie contre son gré au jeune prince de Montpensier.

    Les guerres de religion battent leur plein et son époux est reparti, elle n’a plus que le comte de Chabanne pour toute compagnie. Il parfait son éducation, elle devient son amie, il tombe amoureux et devient son confident. 

     

    Elle va revoir le duc de Guise, faire la conquête du duc d’Anjou le futur roi et s’initier aux plaisirs de la cour.

    Tout y est : la jalousie féroce, les affres de la passion, la trahison,  l’inconstance de l’amour, avec en filigrane le sang et la fureur des combats.

    Une histoire courte car Mme de Lafayette a le verbe retenu, l’art de l’ellipse et est capable de faire tenir une passion en quelques mots.  C’est un récit très très agréable à écouter et la voix de Noëlle Rech est parfaite.

    J'ai beaucoup aimé le film de Tavernier mais je n'avais jamais lu cette longue nouvelle et donc une session de rattrapage s'imposait.

    J'avais le choix, lire ce récit  dans la version livre de poche ou choisir la version audio.  

     

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    Le livre audio : La Princesse de Montpensier - Madame de Lafayette - Editions Brumes de Mars

  • Sauver Mozart - Raphaël Jerusalmy

    Dans les pas de l'Histoire : Salzbourg en temps de guerre 

     

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                            Salzbourg en temps de paix 

     

    Il est irascible, hargneux, vindicatif, agressif et même par moment franchement teigneux cet Otto Steiner, pas étonnant que ses amis soient si peu nombreux. 

    Bon je vous le concède être enfermé dans un sanatorium sinistre à Salzbourg en 1939 n’a rien de très réjouissant, savoir son fils loin parti sans espoir de retour et avoir en plus les poumons pleins de trous n’a rien d’un sinécure c’est même  un combat perdu d’avance. 

    Il tient son journal, à la fois pour se donner du courage et puis parce que les journées sont interminables malgré les parties d’échecs.

     

    Et il râle pour tout : la nourriture « Vendredi 7 juillet 1939. J’ai horreur du vendredi, Filet de cabillaud et pommes de terre bouillies.»
    Il est exaspéré par son voisin de chambre
    qui fredonne un vieille chanson yiddish dont il se moque « Sonate pour poumons à vent et gosier phtisique »

    Il est pourtant mal placé étant lui-même un tout petit peu juif ! 

    Même les événements  extérieurs s’attirent des commentaires laconiques « Freud est mort hier. Euthanasie. »

     

    Sa vie et sa passion à Otto Steiner c’est la musique, mais au sanatorium c’est impossible et lorsque des soucis financiers le font se séparer de son gramophone, il touche le fond, il ne lui reste que ces souvenirs 

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    « Je me souviens de centaines d’airs, des paroles de tous les grands opéras, en italien, en allemand, en français, des noms des maestros et des divas, des applaudissements. Ils résonnent dans ma tête. Ils me battent les tympans. »

     

    Les nazis il les voit de loin, mais lorsque ceux-ci se mêlent du programme du festival, le fameux Festspiele, là c’est trop pour Otto

    « Faire du festival un vulgaire outil de propagande, un amusement troupier, c’est un comble. Prendre Mozart en otage. L’avilir ainsi. N’y a-t-il donc personne pour empêcher un tel outrage ? »

    Le combat contre la médiocrité voilà ce qui va redonner de l’allant à notre malade. Et je ne vous en dirais pas plus ce serait dommage.

     

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                        Salzburger Festspiele © Dr. Karl Kreuzer

     

    Un petit bijou que ce court roman. Ciselé, juste ce qu’il faut d’humour noir, un rien macabre,  parfois glaçant, mais le plus souvent cocasse. 

    C’est très très réussi, un scénario parfait, des chausses trappes et des fourvoiements, une chute que l’on ne voit pas venir et qui est parfaite. 

    Ce roman va prendre place juste à côté de  Inconnu à cette adresse car il est de la même famille.

     

    En prime je vous offre un peu de Mozart pour accompagner votre lecture 

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    Le livre : Sauver Mozart - Raphaël Jerusalmy - Editions Actes Sud 2012