Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Littérature française et francophone - Page 42

  • Comment vivre ? Une vie de Montaigne

    Pourquoi ne pas tenter l'aventure ?

     

    montaigne 003.jpg

     

    Vous êtes déjà un lecteur assidu des Essais ? ce livre va vous enchanter par la richesse des points de vue développés.

    Vous êtes un nouveau lecteur de Montaigne ? c’est une entrée en matière splendide, familière, éclairante. 

    J’ai acheté ce livre parce que je suis toujours à l’affut de livres sur Montaigne et aussi parce que l’auteure dans sa prestation à la Grande Librairie m’a paru simple et joyeuse.

     

    Ma bibliothèque Montainienne est déjà bien fournie et pourtant ce livre m’a vraiment enchanté. 

    Ce que j’ai aimé ? 

    Tout d’abord le ton : gai, jovial, enlevé et savoureux. Il y a un joli clin d’oeil à Montaigne et ses Essais , à l’homme qui aimait tant la conversation, car c’est à une conversation entre amis que nous convie Sarah Bakewell.

     

     

    MONTAIGNE_SANDER_CIVRB_r-2-06a12-cc0ca.jpg

     

    L’auteur a fait le choix de chapitres qui questionnent le texte des Essais.

    Y a t-il une bonne façon de vivre ?  Sarah Bakewell balaie ainsi tous les thèmes chers à Montaigne et pour chacun propose une tentative de réponse, une solution, un truc, un conseil qu’elle va chercher chez le philosophe qui lui, préfère parfois nous livrer son point de vue par petits bouts, bien caché au milieu d’anecdotes, de digressions ou de citations latines.

     

    Comment vivre ? 

    - Lire beaucoup, oublier l’essentiel de ce qu’on a lu (ohhhhh)

    - Utiliser de petites ruses

    - Tout remettre en question

    - S’arracher au sommeil de l’habitude

    - Faire du bon boulot sans trop ( je l’aime beaucoup ce chapitre là) 

    Et beaucoup d’autres comme : Garder son humanité, un thème qui revient souvent sous la plume de Montaigne lui si résolu contre la torture, les procès en sorcellerie, l’intolérance, les conflits armés. 

     

     

    montaigne-ac490.jpg

    Une façon de revisiter les essais tout à fait réussie, pas une fausse note, pas un moment d’ennui. L’auteure nous invite avec espièglerie à retrouver Montaigne dans ses successeurs qui furent parfois des frères ennemis : Pascal ou Rousseau qui le pillèrent tout en le critiquant, s’en inspirèrent tout en le moquant. 

    Pas possible de sortir du livre avant d’avoir croiser Shakespeare ou John Florio, Nietzsche, Virginia Wolf ou Stefan Zweig, admirateurs inconditionnels.

     

     

    siteon0.jpg

    un article de la société des amis sur le livre de Sarah Bakewell

    Ce livre doit se lire avec à côté de soi une version des Essais comme celle d’Arléa qui permet une approche simple de la langue et une traduction immédiate des citations sans avoir recours à des notes.

    Ce livre sera votre allié, votre aide, votre lampe de secours quand Montaigne se fera un peu obscur, quand vous errerez un peu dans  son maquis, quand vous perdrez le fil de sa conversation.

    Le père de Montaigne souhaitait que son fils apprenne avec « douceur et liberté sans rigueur et contrainte »  c’est exactement ce que Sarah Bakewell nous propose. La traduction est parfaite !!

     

    On sent dans ce livre toute la richesse des Essais, ce livre « à hauteur d’homme » et toute la passion de Mme Bakewell qui dit à la manière de Montaigne « Quand j’aime, j’aime »  

     

     

                    Une interview de l'auteure

     

     

    9782226246936FS.gif

     

     

    Le livre :   Comment vivre? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse  - Sarah Bakewell - Traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat - Editions Albin Michel

  • La Grande peur dans la montagne - C-F Ramuz

    Quand la montagne se fait danger

    1moiry.jpg

    Le Valais Suisse

     

    Ramuz était en bonne place dans mes intentions de lecture aussi quand Christian a fait un billet sur un des ses livres j’ai dressé l’oreille, ou l’oeil si vous préférez, et je me suis laissée tentée par la version numérique d’un de ces romans.

     

    A quoi comparer La grande peur dans la montagne ? dans un style d’écriture totalement différent je rapprocherai ce roman de Collines de Giono mais aussi du Vampire de Ropraz de Chessex 

    Terreur, bluff, manipulation, méchanceté, haine et superstition…..voici les thèmes de ce roman. 

     

    Tout là haut dans le Valais Suisse un alpage porte malheur, tout le monde le sait dans la commune de Sasseneire, tout le monde en est certain au point de laisser perdre cette bonne herbe qui enrichirait facilement le village et nourrirait ses troupeaux. 

    La malédiction date de 20 ans et ils sont nombreux à en avoir été témoins.

    Maurice Prâlong, Président du Conseil général, finit par emporter la décision de remonter sur l’alpage maudit. Les arguments financiers ont eu raison de la peur.  

     

    montagne-slider.jpg

                                            les personnages

     

    Pas facile de trouver des volontaires pour passer les 3 mois d’été, bon gré malgré on finit par constituer un groupe d’hommes.

    Il y a là Pierre Crittin lamodiateur et son neveu, Ernest dit le boûbe le simplet du village, Romain le jeunot et Barthélémy qui se prémunit du mal avec un talisman, Joseph qui veut pouvoir marier sa promise et voit là l’occasion de se faire un petit pécule. Enfin il y a Clou, le mauvais, le tordu, le fourbe prêt à pactiser avec le diable.

     


    La Grande Peur dans la Montagne par AVWorld

     

    L’alpage est magnifique « On a trouvé que le pâturage avait une riche apparence » gage de profits. Mais rien de plus contagieux que la peur, un rien peut la réveiller : le bruit d’une sonnaille, un nuage à la forme bizarre, l’eau qui devient sournoise, un vent agaçant « une couleur méchante »

    Des tensions naissent, tout le monde observe le ciel, les pâturages, les bêtes. Un soir Barthélémy raconte ce qui s’est passé autrefois, chacun écoute et gamberge. 

     

    vache.jpg

                                               ©Enzo Photographie

     

    Et le malheur se produit, les vaches sont victimes d’une fièvre mystérieuse,  personne ne sait plus réfléchir, le moindre signe est interprété, les hommes se méfient les uns des autres, des objets disparaissent, c’est le règne de la peur, de l’irrationnel.

    L’alerte est donnée au village mais les hommes sont condamnés à rester sur l’alpage jusqu’à la fin de l’épidémie pendant que le village sombre un peu dans le chaos quand la fatalité s’en mêle.

     

    Vous conviendrez que la trame de ce roman est mince et pourtant par la grâce d’une écriture très personnelle et savoureuse, par un art consommé pour créer une atmosphère inquiétante, par une habile manipulation du lecteur, on se laisse prendre à ce récit. 

    Rien de folklorique dans ce roman, la Suisse de Ramuz pourrait être ailleurs tant les sentiments et les émotions sont de tous les pays.

    Je vous invite à venir faire un tour sur ce pâturage maudit.

     

    Le site de la fondation Ramuz

     

    9782246191995FS.gif

                                                                              version numérique

      

    Le livre : La grande peur dans la montagne - Charles-Ferdinand Ramuz - Editions Grasset numérique        

               

  • Le monde des mots - Anne Cuneo

    La passion d'une langue

     

    1396065748.png

     

     

     

    John Florio ce nom vous dit quelque chose ? Je dois avouer qu’avant de lire ce livre j’étais comme vous.

    Pourtant voilà un européen humaniste du temps de la Renaissance que l’amour des mots commande de connaître.

     

    1553 L’Angleterre de la reine Marie la sanglante, après les turpitudes d’Henry VIII elle a repris le pays en main et s’acharne à supprimer les protestants. 

    Pauvre Michelangelo Florio, prédicateur qui croyait avoir trouvé asile en Angleterre pour fuir les prisons de l’inquisition italienne. Il doit fuir à nouveau avec sa famille. 

    Le fils John va suivre des études à Tübingen où on espère le voir suivre les traces de son père. Il a une connaissance parfaite de l’italien, normal avec un père italien, il parle anglais normal sa mère est anglaise, ajouter suffisamment de français pour se donner bel air et voilà le parfait homme de son époque.

     

    Là où le destin va être malicieux c’est qu’il va transformer pour John Florio l’amour des langues en outil de travail et en gagne pain.

    Il va devenir l’homme d’une langue : l’italien qu’il va essaimer dans toute l’aristocratie anglaise, des familles lui confient leurs enfants, des pères mettent leurs fils sous sa garde. Pour eux il va collecter des mots, des phrases, des proverbes, de petits récits jusqu’à en faire pour la première fois un outil pédagogique. Tout y est, la vie quotidienne, les métiers, les expressions usuelles, tout pour que l’apprentissage soit aisé. Il est convaincu que la langue parlée vaut toutes les grammaires.

     

     

    globe_theatre.jpg

                                          Le Globe 

     

    C’est la réussite, le bouche à oreille fonctionne et bientôt John Florio est reconnu, sollicité par les plus grands il peut avec ses cours faire vivre sa famille. 

    Pour être parfaitement à l’aise partout il lui faut parfaire son anglais et où mieux qu’au théâtre ? Il prend des leçons du meilleur, Will Shakespeare et fréquente le fameux théâtre de John Burdage et il a « un pied sur chaque rive » il devient «  un intermédiaire entre l’Italie et l’Angleterre, qui est vite devenue ma vraie patrie ».

    Il va côtoyer tout ce que l’Angleterre compte d’écrivains, de médecins, de philosophes, de savants. Certains sentent le soufre comme Giordano Bruno d’autres deviendront des amis sûrs dans ces temps d’effervescence culturelle.

     

    florio et shakespeare.jpg

                          Florio et ....Shakespeare (enfin presque)

     

    Son don des langues s’étendant au-delà de l’italien il va progressivement être solliciter par les grands du royaume, le genre de proposition que l’on ne peut pas refuser, et il va petit en petit traduire des lettres, des libelles, des documents secrets…bref être un peu espion

    L’imprimerie se développe à grands pas et John Florio va en profiter, il édite un manuel d’italien qui porte le joli nom de  Premiers fruits  puis plus tard grâce à l’aide de mécènes généreux il va publier le premier dictionnaire Italien- Anglais qu’il baptise  Le monde des mots  et qui comporte déjà 75.000 entrées !!!

     

     

    EcritureFlorio3.jpg

                             photo du site d'Anne Cuneo

     

    Il lui reste à franchir une étape de plus en devenant traducteur. Il assure la traduction du Décaméron de Boccace et il est le premier traducteur des Essais de Montaigne car dit-il :

    « Par rapport à l’original, un texte  traduit n’est rien sinon ce que le dessin est à la nature, le portrait à l’original, l’ombre à la substance » 

     

     

    montaigne.jpg

    Comme dans ses autres romans Anne Cuneo, grâce à son érudition, rend le récit très vivant, très riche tout en respectant la vérité historique. 

    Quelle aventure que ce livre, je l’ai ouvert et je dois dire que mes rendez-vous avec John Florio se sont accélérés. J’ai ressenti un énorme plaisir à entrer ainsi dans cette époque tourmentée et j’ai suivi la trajectoire de John Florio avec grand intérêt,  un homme que j’aurais aimé, comme disait Mme de La Fayette, "avoir pour voisin".

     

    Un mot de l’auteur

     

    Le livre : Un monde de mot - Anne Cuneo - Editions Bernard Campiche 2011

  • Le Trajet d'une rivière - Anne Cuneo

    L’amour de la musique

    550px-Giovanni_Pichi_-_Toccata_(Fitzwilliam_Virginal_Book_no_95).png

    Un roman à la gloire de Francis Tregian qui compila le Fitzwilliam Virginal Book recueil des plus belles musiques pour le clavecin de son époque. 

    Il n’était pas compositeur mais amoureux fou de musique, il lui consacra sa vie entière. 

    Enfourchons la machine à remonter le temps et arrêtons là un peu après 1600 en Suisse à Echallens, Francis a trouvé refuge dans ce village après une vie de dangers, de tumulte, et de musique. Il va raconter sa vie.

     

    La Renaissance n’est pas seulement le temps du renouveau intellectuel, c’est aussi celui des conflits religieux. Francis Tregian est contraint de quitter l’Angleterre son père catholique intransigeant refusant de faire allégeance à la Reine protestante. 

    La famille va devoir trouver refuge hors du pays pendant que le père va croupir des années en prison. La famille a encore des appuis et Francis va recevoir une excellent éducation, une éducation classique de l’époque où l’on apprend le maniement de l’épée aussi bien que le latin. 

    C’est vite un musicien confirmé au grand dam de sa famille qui l’aurait bien vu ecclésiastique , il ne compose pas mais joue à la perfection et va au gré de ses pérégrinations en Europe rencontrer les plus grands musiciens de l’époque.

     

    concert.jpeg

                                   Le temps des concerts champètres

     

    Pour vivre il occupe divers emplois, secrétaire à Rome, drapier en Hollande et parcourt les routes en tous sens. Anne Cuneo lui prête une vie amoureuse et aventureuse qui lui permet de nous livrer une jolie fresque de l’époque. 

    Ses aventures sont nombreuses dans cette Europe en proie aux guerres religieuses mais aussi à la peste où nul n’est à l’abri de la prison, de l’inquisition, un temps où il est difficile de rester un homme de tolérance. 

    Francis Tregian est un humaniste qui lit les Essais de Montaigne, qui est reçu à la cour d’Elizabeth, qui croise Henri de Navarre sur le champ de bataille et fréquente les théâtres où l’on joue Shakespeare. 

     

     

    Bal à la cour d'Henri III via www;henri-iv.culture.fr.jpg

                                    le temps des divertissements

     

    L’amour de la musique est vraiment le fil rouge de ce roman flamboyant.

     

     

    Anne Cuneo est habile à mêler le vrai et l’imaginaire. Tous les personnages sont attachants, le roman est fourmillant de vie, on ne s’ennuie pas une seule seconde et on prend en passant un bain d’histoire de la Renaissance tout à fait réjouissant. 

    J’ai beaucoup aimé ce roman que j’ai lu grâce à Claudialucia grand amateur de Shakespeare et avec qui je partage une passion pour Montaigne

     

    9782070401765FS.gif

    Le livre : Le Trajet d’une rivière - Anne Cuneo - Editions Gallimard Folio

     

     

     

  • Dans l'ombre de la lumière - Claude-Pujade Renaud

    L'amour dans l'ombre

    carthage.jpg

           Les ruines de Carthage © JEAN-PAUL GARCIN / PHOTONONSTOP

    J’ai déjà par deux fois chroniqué des livres de Claude Pujade-Renaud. Pour les deux ce fut un grand plaisir de lecture et tout naturellement j’ai acheté celui à qui vient de sortir.

    Fidèle à ses romans précédents l’auteur nous transporte ailleurs et loin dans le temps.

     

    Carthage aux alentours de l’an 400 après JC. Le monde romain vit ses dernières années, le monde chrétien s’est rapidement étendu, le monde païen se métamorphose, les croyances ont évoluées, de nouvelles sectes ont vu le jour, les chrétiens s’opposent entre eux. Le peuple hésite entre ses habitudes, ses certitudes et les promesses de la nouvelle religion.

    C’est une femme qui va prendre la parole, Elissa, une femme instruite, intelligente, encore belle. Elle vit près de Mégara (faubourg de Carthage ….vous vous rappelez ?) où elle pétrit l’argile pour gagner sa vie. Une rumeur va la ramener loin dans le temps, un évêque doit arriver d’Hippo Regius, un homme « tout feu tout flamme » et qui parait-il prêche bien.

     

    saint-augustin-latran.jpg

                   Saint Augustin - Palais du Latran

    Elissa le connait bien cet Augustinus, elle fut sa concubine pendant plus de quinze ans, elle fut la mère de son enfant. Tous deux appartenaient à la secte des manichéens.

    Liés par un amour fou, combien elle l’a aimé et admiré cet Augustinus qui « pouvait réciter à la suite plusieurs chants de l’Enéide ou un traité de Cicéron »

    Il l’a répudié pour un riche mariage, puis il s’est converti à la religion chrétienne sous la pression de Monnica sa mère, une mère aimante et inflexible et manipulatrice.

     

    Fra_angelico_-_conversion_de_saint_augustin.jpg

                       La conversion de Saint Augustin - Fra Angelico

    C’est le portrait d’Elissa que nous dresse Claude-Pujade Renaud, une femme qui ne s’est jamais consolé de la perte d’Augustinus, qui a toujours suivi de loin son ambitieux compagnon, le début de sa célébrité, et aujourd’hui elle peut même le lire, chez Silvanus le scribe qui copie les discours, les sermons et lui permet d’entendre à nouveau la voix d’Augustinus à travers ses Confessions.

     

    jpg_Benozzo-Gozzoli.-St.8jpg.jpg

             Benozzo Gozzoli. Chapelle Saint-Augustin. San Gimigniano.

     

    Un livre tout de passion. On passe du réel à l’imaginaire sans effort aucun, le tableau de cette période est très réussi, ce moment où comme le disait Paul Veyne « notre monde est devenu chrétien ».

     

    L’auteur a su parfaitement joué de l’absence totale de traces de la concubine d’Augustinus et elle en fait un portrait sensuel et vibrant mélangeant l’Histoire et leur histoire d’une belle écriture.

     

    Annie a également aimé ce livre.

    9782330016807FS.gif

     

    Le livre : Dans l’ombre de la lumière - Claude Pujade-Renaud - Editions Actes Sud 

  • Liberté dans la montagne - Marc Graciano

    Le temps de l'imaginaire

     

    9782714310989FS.gif

     

    Comment parler d’un livre que l’on a énormément aimé au point d’avoir envie de le garder pour soi ? 

    la-belle-albarine.jpg

    « Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. »

     

    Le livre débute comme un récit initiatique, vous ne saurez jamais où se passe le récit, ni le nom des deux personnages, ni d’où ils viennent, ni où ils vont.  

    Le vieux et la petite vont cheminer ensemble tout au long du roman, le vieux protégeant la petite, l’éveillant à ce qui l’entoure, la portant quand elle est fatiguée, la réchauffant quand elle a froid, la nourrissant avec amour. 

    Ce que l’on devine c’est que le récit fait retour vers un monde médiéval, un monde ancien. L’homme et l’enfant vont affronter ensemble des épreuves. 

    Un moyen-âge imaginaire se déploie, le village et ses remparts, un tournoi avec des chevaliers en cotte de mailles et des dames portant hennin, le travail des artisans le long de la rivière. 

     

    Scene-Tournoi.jpg

    Ils vont croiser la route d’une série de personnages, bienveillants ou dangereux, comme les figures d’un ancien jeu de cartes, l’auteur les nomme : il y a le géant, l’abbé, le veneur. Les lieux traversés sont nommés avec le même laconisme : le marais, la ville….

    Le vieux se fait éducateur :

     

    « Il lui dit qu’ils possédaient le ciel et il lui dit qu’ils possédaient la forêt et il lui dit qu’ils possédaient les poissons dedans la rivière et aussi les animaux de la forêt. Il lui dit qu’ils possédaient les plantes et il lui redit qu’ils possédaient le ciel et aussi les oiseaux dedans le ciel »

     

    Le-daguet-repousse-BC4_6069_1400-1200-scale--95-924e8.jpg

    « De grands et nobles animaux enfantés par la nuit des forêts et le vieux lui parla de leur vie de bêtes traquées. Il lui parla de leur vie de proies fugitives et lui parla de leurs moeurs. Il lui parla des rudes combats entre mâles et  lui parla des femelles faonnant dans les chambres de feuillage. »

     

    Il lui nomme le monde, lui montre ses beautés et ses pièges

    « Chaque fois qu’il le pouvait, le vieux enseignait la petite sur les êtres et sur les choses qu’ils rencontraient. Le vieux nommait à la petite toutes les choses qu’elle découvrait et, quand il le connaissait, il lui en décrivait l’usage. »

     

    Chasse_chasse10.jpg

     

    Il l’avertie de la folie des hommes lorsqu’ils assistent à un exécution 

    gibet.jpg

    « le vieux dit à la petite qu’il n’existait pas de mot pour le décrire et il se tut en poursuivant sa marche puis, après un moment encore, le vieux reprit la parole et il dit à la petite fille que, de surcroît, il n’aurait servi à rien de l’inventer. »

     

    camp6.jpg

     

    Avec lui elle découvre le monde, sa violence, ses lois, sa beauté.

    Le chemin sera long et semé d’embûches, de belles rencontres, de dangers évités pour atteindre le but du voyage.

     

    Le récit se déploie et l’auteur utilise un mode d’écriture basé sur la répétition, ces répétitions transforment les phrases en litanies, donnent au récit un rythme lent et procure une sensation un peu hypnotique.

    C’est une écriture qui envoûte mais qui aussi se mérite, l’auteur vous fait parcourir des lieux escarpés et sa langue est elle-même une épreuve initiatique.

    Pour le lecteur aussi il s’agit d’apprentissage, les mots du travail, des outils, de la chasse, de la pêches, les mots des joutes et des tournois. Ils sont autant de pièges et de détours qu’il vous faudra passer. 

     

    J’ai noté au fur et à mesure tout un vocabulaire inconnu, inusité, rare, et j’ai béni mon Littré et mon Dictionnaire historique de la langue française. 

                       brousser   cabarer    eubage    

                    cosnil    camail  archiatre  faonner 

                         muid  brassin  abeausir 

                   toue   achevaler  ablais   dosse 

                         ébarouir    adamantin

              

    Pour apprécier ce livre il faut accepter de se laisser surprendre, ensuite on est envoûté et on pénètre dans les terres secrètes de Marc Graciano.

    Ce livre est beaucoup plus qu’une bonne surprise, c’est un récit splendide auquel il faut faire une place dans votre bibliothèque.

     

    Le Livre : Liberté dans la montagne - Marc Graciano - Editions José Corti

     

    L’auteur : C’est le premier roman de Marc Graciano qui est infirmier en psychiatrie et vit près du plateau du retord dont les paysages ont sans doute inspiré plusieurs pages de ce roman

    800px-Plateau_de_Retord-1.jpg