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Monsieur Proust - Céleste Albaret

A la recherche de Proust  Episode 1

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"A Céleste, affectueusement, son vieux Marcel"

En 1913 une toute jeune femme épouse un homme taxi de son état, son principal client lui adresse un télégramme de voeux pour son mariage « Je fais des voeux de tout mon coeur pour votre bonheur et celui des vôtres » , en 1922 les derniers mots écrits de cet homme il les lui confiera « à l’heure où sa plume a cessé de courir sur le papier ».

En 1913 Marcel Proust entra dans la vie de Céleste Albaret pour n’en plus ressortir.
De simple commissionnaire qui porte les ouvrages dédicacés chez les amis et relations de l’écrivain, elle devient une présence indispensable.
Elle l’accompagne lors de son dernier séjour à Cabourg mais au retour Marcel Proust lui annonce :
« Ma chère Céleste, il y a une chose que je dois vous dire. J’ai fait ce voyage à Cabourg avec vous, mais c’est fini : je ne ressortirai jamais plus »
La voilà enfermée avec l’écrivain pour neuf années, installée comme lui dans une vie de recluse.

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Céleste guette les coups de sonnette, prépare « l’essence de café » et l’assiette avec le sacro-saint croissant, et elle attend que Proust l’appelle.
Elle est l’obéissance même, Proust lui conseille de lire, elle lit et y prend plaisir « Je me souviens même qu’il m’a conseillé Les Trois Mousquetaires. Je l’ai lu et cela m’a passionnée ».
Elle répond à toutes ses envies, commande le plat que l’écrivain réclame mais qu’il ne touchera pas car dit-elle
« Il était fin gourmet ou plutôt l’avait été. Je voyais bien que ses envies le prenaient comme des coups de souvenir »

Elle lui prépare ses  boules  d’eau chaude, s’occupe de la garde-robe, mais jamais au grand jamais ne vois Proust à sa toilette, c’est le domaine interdit de cet homme d’une pudeur presque maladive.
Mais bientôt voilà Céleste et Proust qui « entrent dans l’habitude de la conversation » , elle l’attend lorsqu’il rentre de soirée avec « l’air d’un jeune prince qui revient du bal de la vie. »
Jamais elle ne s’assoit dans cette chambre , elle l’écoute debout à côté du lit raconter les bals, les souvenirs de vie mondaine, son duel, ses années de jeunesse.
L’écrivain construit son oeuvre « Il faisait le tri de ce qu’il pensait (...) je suis sûre qu’il essayait sur moi, pour mieux voir ce qu’il écrirait »

C’est elle qui souffle à l’écrivain l’idée des béquets qui permettent de faire des rallonges au manuscrit, elle qui courre à la librairie pour trouver l’ouvrage que veut lire Proust. Elle assiste à la « course aux personnages » , à l'édification de l’oeuvre.

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La librairie où courrait Céleste


Elle devient une confidente, qui sait tout de la vie du maître, qui peux parce qu’elle en a la preuve, affirmer qu’André Gide « avec ses airs de faux moine » a refusé le roman de Proust sans l’avoir lu, qui a vu Gaston Gallimard faire antichambre « Ce M. Gallimard est un peu papillon, maintenant qu’il a vu la fleur, il voudrait se poser. Laissons le voleter encore un peu. »

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La chambre de Proust au Musée Carnavalet   © Cécile Debise

Céleste est près de lui quand il est « pâle comme un mort, penché sur sa fumigation et cherchant désespérément à respirer ».
Elle est un coeur simple comme la Félicité de Flaubert, capable de tout sacrifier, confidente, rempart protecteur entre le monde "Il y a des moments où je me sentais comme sa mère et d'autres, comme sa fille."

Témoin privilégié, c’est un témoin émouvant, drôle, cruel parfois, sincère dans son admiration sans limite de l’homme. Elle ferme les yeux sur les défauts, sur les amours interdites, sur la tyrannie de Proust dont elle rit.

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"C'est ainsi qu'il était quand il me parlait de son lit"

Pendant des années elle refusa tous les interviews, toutes les propositions de livre,  elle se décide sur le tard à raconter  "parce que trop de choses fausses ont été écrites par des gens que ne l'ont connu que par les livres "
Elle l’éternelle admiratrice comblée car dit-elle  « C'est grâce à la gentillesse et à la bonté de Monsieur Proust, je puis vous le dire, que je suis devenu quelqu'un »



Si vous aimez Proust, si vous voulez le voir sous un jour très humain, parfois naïf mais toujours émouvant c’est le livre indispensable.
Il vous fera pénétrer dans une chambre sombre, enfumée et apercevoir une silhouette pâle assise dans le lit entourée de ses carnets, cachés sous des châles, avec à ses côtés une cafetière d’argent, un croissant posé sur une soucoupe..........

Nous ne nous sommes pas donné le mot mais Keisha est elle aussi séduite par le monde de Proust

 

Le livre : Monsieur Proust - Céleste Albaret - Editions Robert Laffont


Commentaires

  • Bonne nouvelle : ne recherchons plus, omnibus vient de rééditer en deux volumes tout le temps qui, ainsi, n'est pas perdu...

  • @ JEA : oui c'est vrai j'ai vu la nouvelle édition Omnibus une bonne nouvelle

  • Evidemment j'ai déjà lu ce livre, donc je suis tranquille ce matin... Une façon agréable de connaître Proust!
    Merci pour le lien. Restons groupés!

  • @ Keisha : je souris à la pensée du grand écart de Proust au nature writing, comme nous sommes adeptes des deux je pense que le grand écart ça nous connait!!

  • Proust, toujours et à jamais! Le plus grand auteur français du XXème siècle - pour moi en tout cas! Merci pour cette photo de la librairie que contrairement à la chambre, je ne connaissais pas!

  • @ Mango : Céleste courrait tout Paris et en particulier dans cette librairie, la chambe de Proust était un tel capharnaum que parfois il ne trouvait pas le livre dont il avait besoin et envoyait Céleste le racheter dans cette librairie

  • Elle a été son Ciel... je pars manger une petite madeleine. Ce billet est plein de douceur, serait-ce l'effet des vacances passées ? Que ta journée soit étoilée. brigitte

  • @ Plumes d'Anges : une femme antique, belle, digne et dévouée

  • "...comme une lumière où il n'y a plus rien", qu'il est émouvant le récit de Céleste.
    La vie de Proust à travers la voix de l'admiration et la fidélité..à lire.
    Merci Dominique pour ce billet, aux superbes illustrations!

  • @ Colo : c'est une façon émouvante d'entrer dans le monde de Proust

  • Et si je commençais par celui-là ? vile tentatrice, tu reviens à peine et voilà déjà que tu me fais noter.

  • @ Aifelle : je t'attends de pied ferme car rien ne vaut la lecture de Proust

  • Je ne sais pas si j'ai envie d'en savoir plus sur Proust lui-même ! Le lire est déjà un tel (difficile) plaisir. Je suis "tombée" dedans au lycée, ai réussi à le lire de bout en bout l'an dernier, c'est à dire longtemps après.... Il y a pour moi des pages magiques qui restent un bonheur d'âge en âge.

  • @ Annie : j'aime beaucoup ton expression : un bonheur d'âge en âge, car en effet mon plaisir aujourd'hui n'est pas celui de mes 18 ans , il n'est pas supérieur il est différent

  • Un billet très émouvant , à l'écoute de la vidéo je me suis littéralement installée dans la chambre avec Céleste que je trouve admirable ! Quelle abnégation pour son illustre maître !
    J'en serais incapable !

  • @ Enitram : abnégation c'est certain mais aussi un regard aigu et vif et un humour certain, d'ailleurs Proust lui faisait confiance quant au jugement qu'elle portait sur ses visiteurs et ils en riaient ensemble

  • @ Claudialucia : aux antipodes du romantisme il faut bien en convenir !

  • @ Claudialucia : la lecture de Proust un challenge en lui même

  • Je ne suis pas très familier de l'univers de Proust.Par contre j'ai pas mal étudié les films de Visconti et me permets de rappeler le très intéressant essai,pas du tout pontifiant,de Florence Colombani: Proust, Visconti,une affinté élective.Ce bel ouvrage m'a presque convaincu que je connaissais un peu mieux Proust,et plus encore que je devrais m'y atteler sérieusement.Je me le suis promis et n'ai évidemment pas tenu cet engagement.J'ai fait un petit billet sur ce livre,que vous retrouverez aisément.A bientôt.

  • @ Eeguab, je vais m'empresser d'aller lire ton billet et essayer de trouver ce livre en bibliothèque car je ne cesse pas de lire autour de Proust, j'ai prévu ici 4 billets mais j'aurai pu en faire beaucoup plus , merci à toi pour la référence

  • Ton billet m´a séduit à moi aussi.

    Je vais chercher ce livre sans aucun doute.

  • m´a séduite

    Alba

  • @ alba : on le trouve en bibliothèque sans problème

  • Une fois que j'aurai lu l'oeuvre de Proust, j'aimerai effectivement me pencher sur ses biographies et études... C'est vraiment passionnant.

  • @ maggie : l'oeuvre est tellement dense que l'on a envie assez vite d'en savoir plus

  • Magnifique billet auquel on ne peut rester indifférent même si Proust ne fait pas partie de nos préférés.
    Je suis très tentée.

    Et puis écouter de nouveau

    http://www.franceculture.fr/emission-carnet-nomade-une-escapade-au-ritz-2011-09-17.html

  • @ autour du puits : j'avais écouté cette émission, dans ses mémoires Céleste détaille tous les plats qu'elle devait faire livrer du Ritz qui à l'époque rendait ce genre de service, d'une façon assez drôle Marcel Proust mettait un point d'honneur à se faire livrer des nourritures raffinées mais n'en mangeait qu'une bouchée

  • @ Luocine Etonnante en effet et qui a eu la pudeur et la sagesse d'attendre longtemps avant de livrer ses souvenirs

  • Ce livre permet vraiment d'entrer dans l'intimité de Proust et c'est fascinant ! Déjà lu bien sûr et feuilletté de nouveau de temps en temps.
    Ensuite Céleste Albaret a habité à Montfort l'Amaury dans la maison de Ravel dont elle fut la gardienne.

  • @ Cathe : une femme au destin singulier, Ravel après Proust!!!

  • La vidéo, que j'avais déjà vue, est très émouvante. Je n'ai pas lu le livre, seulement des extraits. Cela sera pour ma prochaine période proustienne...

  • @ Margotte : je serai heureuse de te suivre à nouveau dans ta prochaine période

  • Bonjour Dominique, j'avais déjà vu la vidéo, il y a plusieurs années (peut-être au moment de la mort de Céleste). Cette vieille dame est très touchante. Cela ne devait pas être simple de vivre au côté de cet homme. Merci pour cet évocation. Bonne après-midi.

  • @ Dasola : pas simple le mot est faible, c'était un tyran mais l'amour et la quasi adoration de Céleste lui ont fait tout supporter, en même temps Proust avait pour elle une véritable affection et beaucoup de considération

  • Céleste au doux prénom qu'appréciait Proust, je l'ai lue, écoutée avec intérêt, et c'est agréable de la retrouver ici avec ces illustrations si bien choisies, merci Dominique.

  • @ Tania : un prénom que Proust devait aimer

  • J'ai lu ce livre (ce devait être celui-là) il y a très longtemps et j'avais beaucoup aimé!

  • @ Lin, pain d'épices et chocolat : comme toi Véronique je l'ai lu il y a bien des années mais je l'ai relu avec bonheur

  • je n'ai pas relu Proust depuis mon adolescence, il faudrait que je m'y remette, j'aime toujours partir de l'original avant les commentaires.

  • @ miriam : ce qu'il y a de bien dans la relecture c'est que l'on est rarement déçu

  • Etait-elle heureuse de l'épauler, le soutenir, le chérir? Pouvons-nous être heureux si l'on reçoit peu, ou mal, ou maladroitement? Je trouve ce billet particulièrement émouvant. Un homme pourrait-il penser comme elle? Je pense souvent au mari de Virginia Woolf qui s'est parfois effacé, parfois interposé. Il la comprenait, l'aimait, il était exaspéré aussi par sa propre impuissance à véritablement comprendre ce qu'elle ressentait. Oui, je trouve cette dame bien bouleversante.

  • Oui, tu as raison aux antipodes du romantisme ! Mais malgré mon challenge, je ne suis pas amateur d'un seul type de littérature. Je crois que j'aime tout, en fait, sauf les livres prétentieux et creux ou ceux qui cherchent à plaire en travestissant la vérité.

  • @ Claudialucia : j'ai aimé son regard attendri sur Proust mais aussi malicieux

  • Le témoignage de Céleste Albaret qu'on peut voir sur You Tube est vraiment émouvant... J'en ai les larmes aux yeux à chaque fois... Récemment, j'ai aussi lu Le manteau de Proust, et j'ai appris avec stupéfaction qu'il avait été donné à un pêcheur pour qu'il puisse le mettre dans sa barque afin de se tenir chaud quand il allait à la pêche... C'est terrible, mais beaucoup de papiers de Proust, de manuscrits inédits ont (mais c'est une constante avec les héritiers) été détruits, incendiés ou simplement jetés par sa belle-soeur... Et les meubles auraient été également jetés sans l'arrivée providentielle d'un admirateur... Lorsque je suis allé au Grand Hôtel de Caboug, j'ai eu le privilège rare de pouvoir pénétrer dans sa chambre, un grand moment!

  • @ Marc : si vous ne l'avez pas lu je vous conseille le livre de Christian Péchenard Proust et les autres où il décortique les relations de Proust avec Céleste, son père, et Cabourg

  • Un duo étonnant et un livre incontournable pour connaître un Proust plus intime. Il y avait eu une émission très émouvante sur Arte, il y a de cela quelques années, qui avait été réalisée à partir des confidences de la chère Céleste. Elle a été longtemps guide dans la maison de Ravel aux environs de Paris. Mais elle avouait parler davantage de Proust aux visiteurs que du musicien. Charmante Céleste. Le livre de Péchenard est intéressant aussi. Il en a écrit un autre " Proust à Cabourg". Savez-vous que j'ai la chance de demeurer dans une résidence Avenue Marcel Proust à Trouville. De mes fenêtres, je vois les manoirs qu'occupait Mme Straus et où elle reçut Proust, Charles Haas, Fauré, Maupassant et quelques autres. J'en parle longuement dans mon ouvrage " Proust et le miroir des eaux" où j'aborde La Recherche par la voie des eaux, évidemment. Elles tiennent une place immense dans l'oeuvre. Et elles sont lourdes de symboles.

  • @ Armelle B : ce commentaire m'enchante, il est comme je les aime une ouverture et un échange
    Chaque fois qu'une émission ou un documentaire sur Proust est programmé je me mets sur les rangs
    J'ai lu Péchenard avec grand intéreêt, le livre de poche que j'ai regroupe plusieurs de ses essais : Proust à Cabourg, Proust et son père et Proust et Céleste il a longtemps été indisponible mais on le trouve à nouveau
    Je vais commander votre livre sans tarder

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