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Repas de morts - Dimitri Bortnikov

L'âme Russe  - Episode 3

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Après deux géants des lettres russes, Pouchkine et Soljenitsyne, je voulais faire un billet sur un auteur russe contemporain.
J’ai hésité entre deux auteurs Vladimir Sorokine qui m’avait estomaqué avec Roman et qui m’a énormément plu avec  Tourmente son dernier roman chez Verdier mais je prends le risque de vous parler d’un auteur inconnu, ahurissant, russe mais écrivant en français et auteur d’un petit livre tout à fait stupéfiant.
Tout au long de ma lecture j’ai hésité, j’ai été tentée de fermer ce livre :  illisible  mais toujours je l’ai rouvert pour rattraper cet auteur sur sa route vers les steppes et le passé.

Premier avertissement les premières pages peuvent rebuter, mais allez y continuez cela vaut la peine
Un retour vers le passé et la famille : 
la mère rongée par la culpabilité liée à son métier, elle a avorté des femmes et voit dans ses cauchemars les âmes des enfants jamais nés « Elle était faite pour soigner les morts. Son chef c’était la mort (...) et elle attendait que la mort vienne la soigner. »

L’auteur nous invite à un  bal des revenants  : le grand-père alcoolique qui a fait deux guerres « dans les forêts de Finlande »  la grand-mère babouchka bienveillante « toi Babania ...Toi ma vieille vielle grand-mère. Tant de gens ne savent pas que tu as vécu. »
Le père violent et autour d’eux la steppe « dans la steppe en hiver - l’agonie. Dans ce blanc - l’agonie. »

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Babania ....Je vois notre cour .......


Tout vient s’entrechoquer : les saisons, lArctique, les amis, la prison, la guerre et par là-dessus la poésie plane « Et puis l’odeur du coucher de soleil. L’odeur du soleil endormi. Et l’herbe presque bleue. »

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La mer de Laptev


On perçoit dans les phrases haletantes les cris de douleur jusqu’à l’intolérable, la rage absolue, les mots  vidés de leur sens, et l’on se sent tanguer à la lecture de ce texte qui interpelle chacun

« Toute la vie on cherche... Quelqu'un. Qui nous vivra après. Qui après notre mort recueillera notre âme. Quelqu'un devant qui t'as pas honte de crever. Quelqu'un à qui tu feras confiance quand il te murmurera - t'es mort. »

A ce repas de funérailles nous sommes convié comme à une descente en enfer. C’est comme s’inviter à l’intérieur d’un tableau de Jérôme Bosch.

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L'enfer - Jérôme Bosch

Un écrivain qui crache, qui vomit les mots, un récit autobiographique aux antipodes des textes nombrilistes, Dimitri Bortnikov torture notre langue, il invente avec lyrisme, il nous choque au point de ne pas pouvoir oublier sa prose fascinante.
A lui plus qu’à tout autre on peut appliquer les mots de Kafka :
« Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous » à cela je laisse répondre Bortnikov  « Deux ans de pôle Nord. Deux ans sur les rives du Styx glacé. Blanc à perdre la vue. Glaces…Je transe. »


Lisez ce livre difficile d’accès certes mais dont la libre écriture explose ligne après ligne, Bortnikov l’insoumis qui nous emporte de la Steppe glaciale à un Paris de solitude dans un long monologue.

Le livre : Repas de morts - Dimitri Bortnikov - Editions Allia

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L'auteur : Né en 1968 en Russie, l’auteur est installé en France depuis 2000 et écrit pour la première fois en français.

Commentaires

  • En général les auteurs russes ne sont pas des tendres ; le pays dans lequel ils sont nés non plus ! Je m'y frotterai peut-être si je le trouve à la bibli.

  • @ Aifelle : ici pas de douceur, tout est violent, le présent, le passé, les souvenirs ..;

  • Inconnu, totalement! Rien à la bibli. Mais franchement, des étrangers qui utilisent ainsi notre langue, chapeau!
    La photo de la mer de Laptev : extraordinaire!

  • @ Keisha : j'ai trouvé tout à fait extraordinaire sa façon de triturer la langue

  • J'ai lu plusieurs critiques concernant ce livre.
    Que des bonnes!
    Une interprétation différente de la façon d'écrire chez les uns et les autres,pour certains un style direct,franc,pour d'autres un style à la hache!
    Un lien grâce auquel on peut réécouter deux émissions

    http://www.franceculture.fr/oeuvre-repas-de-morts-de-dmitri-bortnikov.html

    Je pense tout de même que je vais attendre un peu pour ce genre de lecture d'être dans un autre état d'esprit!
    Merci tout de même de tes billets toujours aussi enrichissants et passionnants
    Bonne journée

  • @ autour du puits : merci pour le lien, je les ai raté ces émissions. je fais partie de ceux qui parle de hache car la violence est tout autant dans les mots que dans les situations. C'est surprenant de voir un écrivain s'emparer ainsi d'une langue

  • Oh que je déguste tes épisodes, moi qui suis fascinée par cette âme russe...( tu me rappelles que je m'étais promise de présenter plus de livres d'Andreï Makine, au panthéon de mes amours littéraires )

  • @ emmyne : ici cette âme russe est passablement torturée et j'ai été fascinée par cette langue
    Makine j'aime la plupart de ses romans et j'ai en livre audio "le testament français' qui est un bonheur à écouter

  • Tu as admirablement bien choisi cette photo de la mer de Laptev (je vais aller voir où elle se trouve) pour illustrer le propos, elle est fascinante et montre qu'il y a toujours une lumière qui brille pour nous quelque part... J'aimerais pouvoir lire cette histoire mais ces sujets sont si difficiles... Une fois de plus, tu nous captives Dominique. Que ta journée soit lumineuse, bises. brigitte

  • @ Plumes d'Anges : un sujet dur et une écriture très particulière
    la photo est superbe et j'ai trouvé qu'elle cadrait bien

  • Lecture éprouvante par moment mais inoubliable et que l'on peut reprendre à n'importe quel endroit en se laissant à nouveau emporter. Ce monsieur écrit directement en français et il viole la langue française. Tu rend très bien l'atmosphère de ce livre qui bouleverse. J'hésitais à lire le dernier de Sorokine dont "Roman" est pour moi un livre exceptionnel mais je vais le faire puisqu'apparemment il t'a plu lui-aussi.

  • @ nadejda : nous partageons totalement autour de ces deux écrivains, repas de mort m'a vraiment sidéré, je l'ai lu une première fois un peu en apnée, ahurie, et puis j'ai fait une seconde lecture et comme tu le dis il viole carrément la langue, il en fait sa chose, il y met toute sa violence extraordinaire
    "Roman" m'avait vraiment enthousiasmé et là aussi j'étais sortie secouée de la lecture, son second roman est moins violent et se tourne plus vers le fantastique, j'ai beaucoup aimé aussi, Sorokine, Bortnikov des auteurs à suivre

  • J'ai lu Le syndrôme de Fritz de lui l'année dernière et c'était déjà difficile mais "lisible".. Par contre à l'écouter faire sa promo, il avait l'air d'avoir complètement changé son écriture. Je me suis demandée si cela venait du fait qu'il était passé du russe au français.

  • @ CécileSblog : j'ai cherché ton billet mais je ne l'ai pas trouvé !
    je ne peux pas comparer car je n'ai pas lu son premier roman mais avec celui là il frappe fort

  • tu rends bien compte de ce livre , je n'irai pas jusqu'à dire que tu donnes envie de le lire , mais pourquoi pas..
    Luocine

  • @ Luocine : j'ai essayé d'être très franche, ce n'est pas un livre facile et on ne peut pas le lire comme ça du coin de l'oeil mais un auteur que je vais suivre c'est certain

  • Dimitri Bortnikov ? Moins classique que Makine, à première vue. A retenir auprès de Grigori Petrov, Lioudmila Oulitskaïa et Sorokine (pas encore lu, merci pour les titres cités), ses aînés du XXe siècle.

  • @ Tania : Pas classique du tout, plus inventif que Sorokine quant à la langue mais tout aussi violent et peu révérencieux par rapport aux romans russes classiques
    Makine et Oulitskaïa à côté font figure d'écrivains très sages
    je ne connais pas du tout Grigori Petrov à découvrir donc

  • L'odeur du soleil endormi...que c'est joli!
    Avec ou sans lune?
    Belle nuit Dominique.

  • @ Colo : c'est un grand talent qu'il faut pour mettre de la poésie dans un récit comme celui là

  • @ Alex mot à mots : non non pas de traduction, il écrit en français et je pense que sa façon de malmener la langue est très volontaire et au service d'un récit puissant torturé lui aussi

  • J'ai beaucoup de mal avec les livres "illisibles" ! C'est un vrai refus chez moi ! J'ai besoin de choses dîtes avec une certaine distance. Je ne crois pas que ce livre soit pour moi mais j'ai été heureuse de découvrir cet auteur.

  • @ Annie : je ne pourrais pas lire que ce type de livre mais j'aime être malmenée de temps en temps surtout quand c'est avec talent

  • Je me suis aperçue (au vu des commentaires sur mes billets de livres) que j'aimais les histoires tragiques, terribles (en littérature, pas en vrai). Ce livre devrait beaucoup me plaire... je vais, je crois ouvrir un petit carnet où je vais noter les livres de "à sauts et à gambade", tant tu me tentes chaque fois!! J'aime de plus en plus ton blog! Tu donnes vraiment envie de lire, et les illustrations sont excellentes!

  • @ Lin pain d'épices et chocolat : je crois qu'on peut se donner la main, je ne crois pas du tout à la gentille littérature, je penche irrémédiablement du côté de Gide là dessus
    par contre une bluette de temps en temps j'aime, ça repose mais ce n'est pas de la littérature, c'est juste une friandise
    merci à toi pour ce commentaire si gentil, moi j'apprécie d'aller chercher chez toi et chez autour du puits, des recettes, des balades et des photos splendides

  • Je t'admire d'avoir réussi à lire et à apprécier cet ouvrage. Tout comme Annie, je ne pense pas que j'arriverai à le lire. Lâme russe, sombre et torturée, semble portée ici à son paroxysme.

  • @ Claire-Lise : difficile certes mais pas vraiment plus que la poésie de Mandelstam par exemple qui elle aussi résonne de tant de douleur

  • Parce que je n'ai pas fait de billet tout simplement. Mais tu titilles ma curiosité.

  • Le lire après " du temps qu'on existait" de Defalvard est une expérience intéressante ! La beauté, la jeunesse et la puissance de la langue française, n'est pas forcément là où cela paraît le plus évident...

  • @ La ruelle bleue : je n'ai pas lu Defalvard la presse était un peu trop dithyrambique pour moi mais je vais aller lire ton billet

  • Sauf que ce n'est pas une traduction... Ce livre a été écrit directement en français par son auteur... dans un style très particulier!

  • @ Véronique : je ne crois pas avoir mentionner de traduction, c'est en effet écrit en français pour la première fois pour cet auteur

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