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Littérature française et francophone - Page 13

  • Le Pansement Schubert - Claire Oppert

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    J’ai longtemps exercé un métier de soignante, au fil des années je me suis forgée quelques certitudes : la douleur du corps peut et doit être prise en compte, nous revenons de loin sur ce point mais aujourd’hui enfin la douleur et l’aide que l’on peut apporter sont devenues des priorités. 
    Le titre de ce livre et plus encore son contenu ont immédiatement trouvé un écho en moi. 

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    Claire Oppert est violoncelliste, comme tous les bons musiciens elle se produit en concert, elle enseigne son art, mais elle n’est pas une musicienne comme les autres. Elle joue pour des publics particuliers. 

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    Elle joue dans un centre qui reçoit de jeunes autistes, elle joue dans un cantou pour patients souffrant de maladie d’Alzheimer, enfin elle joue auprès de patients en fin de vie dans un service de soins palliatifs. 

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    Elle propose aux patients une sorte de stimulation sensorielle par la musique parce qu’un jour elle a pu avec une équipe de soignants, mesurer l’effet de la musique sur les personnes, sur leur douleur.

    Ce furent des rencontres uniques, la voix du violoncelle apportant du réconfort, diminuant l’angoisse devant un soin ou une situation, apaisant même parfois la douleur.

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    Cette expérience est devenue une étude clinique médicale nommée « Pansement Schubert » à la suite d’une diminution radicale de la douleur chez une patiente démente lors d’un pansement difficile, à l’écoute du thème du mouvement lent du 2ème trio de Schubert, joué au violoncelle devant la patiente par Claire Oppert.

    Une sorte de médicament musical. 

    Cette expérience très limitée a été élargie : observer l’effet de la musique lors de soins tels que la toilette, les pansements d’escarres particulièrement pénibles, la pose de voie veineuse parfois transformée en parcours du combattant.

    Grâce à des fiches d’observation mis à disposition des soignants les effets furent mesurés, collationnés, parfois de façon objective : rythme respiratoire, tension artérielle, pouls, mimiques. Parfois de façon plus subjective, de l’ordre du ressenti : anxiété, ressenti émotionnel du patient ou du soignant.

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    Lorsqu’elle écrit ce livre, Claire Oppert a participé à 106 « Pansements Schubert » et le bénéfice est là, manifeste, pour les patients, les soignants et même l’entourage.
    L’effet est apaisant, stimulant parfois mais il y a toujours un impact qui augmente le bien être.

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    Au fil du temps d’autres musiques ont été invitées : Bach, Mozart, Beethoven, Tchaïkovsky, Rachmaninov, des airs d’opéra, des chansons bretonnes et andalouses, de la musique juive, arabe, africaine, du jazz, ou du rap. 

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    Je vous préviens les témoignages sont rudes, profonds, vrais.

    Il y a pour certains patients une émergence des souvenirs d’enfance chez des personnes dont la mémoire est aux abonnés absents depuis des années. 

    Je vous défie de ne pas être bouleversé par les histoires des personnes, par la plume de Claire Oppert qui mêle son expérience à ses souvenirs de musicienne.

    A titre personnel j’aime énormément le violoncelle, on dit souvent que c’est l’instrument le plus proche de la voix humaine, un instrument au timbre chaud, déchirant parfois.

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    Le livre : Le pansement Schubert - Claire Oppert - Editions Denoël 2020

  • Bribes du poète

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    « Les ruisseaux se sont réveillés.

    La voix moins claire s’entrelace à la plus claire

    comme se tressent leurs rapides eaux.

    Pour qu’on me lie avec des liens pareils,

    Je veux bien tendre les deux mains.

    Ainsi lié je me délivre de l’hiver. »

     

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    « La lumière n’est plus aujourd’hui qu’un lit de plumes 

    pour le repos du coeur. »

     

    Le Livre : Le dernier livre de madrigaux - Philippe Jaccottet - Editions Gallimard

  • Le Pinceau de Brueghel

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    « Dans un horizon immense éclairé par un soleil jaune se profile tout au fond une ville blanche estompée par la brume. 
    Au milieu,  sur une mer agitée par le vent, des bateaux voguent, voiles gonflées. Au premier plan un paysan laboure avec application, la tête penchée vers le sol. Au second plan, un berger regarde le ciel. 
    Au troisième plan un homme est tout absorbé par sa pêche. »

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    Le paysan

    « Bruegel a lu Ovide, les trois témoins en sont la preuve. Mais s’il les emprunte à Ovide, c’est pour détourner aussitôt le sens de leur témoignage : de béats, stupéfaits, émerveillés qu’ils sont dans le récit antique, ils se muent ici en témoins indifférents, peut—être même hostiles, à cette fin tragique. »

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    Le berger

    «  Sa chute alors n’est pas un accident, mais un châtiment. »

     

    Le livre : L'envol d’Icare - Jacques Lacarrière - Edition Seghers

  • La Barque de l'aube - Françoise Ascal

    Vers douze ans grâce à mon premier argent de poche, j’ai fait deux découvertes.  
    Je me suis acheté mon premier disque de musique classique : La Pastorale de Beethoven  et j’ai admiré pour la première fois un tableau de Corot  Souvenir de Mortefontaine  qui illustrait la pochette du disque. 

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    Un souvenir qui a perduré jusqu’à aujourd’hui alors que le disque est perdu.
    Quand j’ai trouvé en librairie le petit livre de Françoise Ascal j’ai fait avec elle la même promenade sous le ciel de Corot que celle que j’avais faite à douze ans.

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    Camille  Corot le batelier de Mortefontaine

    Dans ce petit livre Françoise Ascal nous promène dans les pas de deux Camille.
    En tout premier il y a Camille Corot dont elle est sensible à la peinture.

    Un peintre qui aime revenir dans des lieux bénis, les bosquets, les sous-bois. Il aime par dessus tout les arbres, les feuilles.
    Il est attiré par les rivières, les eaux calmes, les reflets dans l’eau, c’est son enfance de paysan qui parle là.

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    Camille Corto l'Etang de Ville d'Avray

    Corot est un homme de carnets, il note beaucoup, il se répète comme sa représentation plusieurs fois répétée dans son oeuvre d’une femme lisant.

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    « Ainsi, regardant ta Liseuse au bord de l’eau, on ne voit au premier coup d’œil qu’un paysage vaporeux, gaze ou tulle. Herbes, frondaisons, ciels dans de sourdes tonalités dont on ne sait si elles vont se dissoudre avec la lumière matinale, ou s’intensifier pour rejoindre l’obscur. Rivière étale, sans ride. Pas de vent dans les branches. Quelques pâles reflets esquissés sur une eau sans vertige. »

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    Il dit « Pour bien entrer dans mes paysages, il faut au moins avoir la patience de laisser le brouillard se lever ; on n’y pénètre que peu à peu et, quand on y est, l’on doit s’y plaire. » 

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    Homère et les bergers dans un paysage - C Corot  Saint Lô Musée des Beaux Arts

    « Rien n’est inutile, rien n’est à retrancher » dit Baudelaire de la peinture de Corot.

    Mais Françoise Ascal insert dans son texte un autre Camille, un jeune homme mort à la guerre « foudroyé à dix-neuf ans, deux trous rouges au côté droit » 

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    Ce jeune homme lié à sa famille semble arpenter les chemins du peintre.

    « Vous auriez pu arpenter les mêmes terres, longer les mêmes rivières, graver vos initiales sur les mêmes écorces de frêne.» nous dit-elle.

    Manifestement Françoise Ascal nourrit un penchant particulier pour le peintre et elle sait à merveille mêler les deux destins, l’émotion et la beauté sont là 

    Ce livre est une douce réflexion sur le temps qui passe, la mémoire, et la beauté de la peinture, un livre qui est un bel hommage et un objet poétique riche de lumière, de rêverie, une jolie méditation où comme le peintre en ses tableaux elle «  y suggère la vie ».

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    Le livre : La Barque de l’aube - Françoise Ascal - Editions Arléa

     

     

  • Hommage à Philippe Jaccottet : Philippe Leuckx Ce long sillage du coeur

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    Ce n’est pas souvent que l’on apprend la disparition d’un poète, et encore moins celle d’un poète auquel on revient sans cesse au fil des années.
    Il y a bien des façons de rendre hommage à un disparu, faire un billet dithyrambique sur son oeuvre, éplucher ses écrits, parler de l’homme lui-même.

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    Ma bibliothèque est riche de ses poèmes, de ses écrits autour de ses amis et j’attends avec impatience les dernières parutions qui vont sortir début mars.

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    Poète de l’éphémère qui souhaitait que « L'effacement soit ma façon de resplendir »

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    Mes étagères sont riches aussi de ses traductions.

     

    Mais aujourd’hui ce que je préfère c’est vous parler d’un poète qui pour moi appartient à la même famille que Philippe Jaccottet, un poète francophone comme lui, non pas suisse mais belge. 

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    Philippe Leuckx

    J’ai fait connaissance avec Philippe Leuckx il y a peu de temps, je l’ai trouvé discret dans une petite maison d’éditions qui porte un nom qui me plait infiniment : La Tête à l’envers.

    Il a publié bien entendu chez d’autres éditeurs et je compte bien élargir ma bibliothèque.

     

    Aujourd’hui le recueil que j’ai reçu porte un titre qui ma plu immédiatement et qui est inspiré par un autre poète Jules Supervielle

    Quelqu’un a pris ta main qui t’attendait aussi
    Pour écouter ce long sillage du coeur
    Qui ne pouvait pas croire à la fin du voyage 

     

    Un recueil de 62 poèmes en vers ou en prose avec lesquels j’ai fait la promenade parfaite, promenade faite de sensations, d’émotions, d’impressions saisies sur l’instant.

     

    Philippe Leuckx vise la simplicité car les mots coulent «  j’avais pour compagnie un ruisseau » 

    J’ai senti la lumière à travers les mots 
    Mon coeur est plein de fenêtres 
    Et d’étoiles vers les confins

    Je suis passée de l’ombre à la lumière, du soleil à la fine bruine

    Le printemps ose une fine bruine sur le murmure des mondes
    A peine
    Un troglodyte bruisse sur l’arbre à découvert

     

    La beauté de la nature s’impose sans effort dans ses poèmes.

    Au-delà des rumeurs
    La lumière ruse
    A l’heure où les herbes 
    Vont boire
    Un abri sous les fleurs

    Rêve et nostalgie se partagent les poèmes, tout est empreint de douceur  « Nous allions sous la pluie avec les mots en poche »

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    Vincent Van Gogh Cuesmes Wasmes

    L’ enfance est très présente, une enfance peut être un peu malmenée et sans doute solitaire dans le pays du Hainaut, pays de mines et de terrils, le pays de Van Gogh

    L’enfant blessé d’ombre
    se recoud au soleil 

    Le poète vagabonde avec bonheur « D’errance en vagabondage, de cheminement en balade, de sentes en passages escarpés » parfois il va chercher la lumière en Grèce

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    Il va comme le marcheur, le wanderer comme le surnomme Françoise Lefèvre dans sa préface, je préfère le nom de pérégrin car nous dit le poète « Chaque poème rend pèlerin de soi »

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    Il m’a rappelé un poète que j’aime beaucoup Hubert Voignier et son recueil Les Hautes herbes.

    Un poète que je vais m’empresser de connaitre mieux car j’ai aimé sa poésie subtile et apaisée, forte de sensations, de bribes d’enfance, de paysages du coeur.

    J’ai aimé  sa « langue douce de l’errance » mais aussi cette sensibilité qui touche profondément

    Il y a quelque chose de compté dans l’air. Qui broie. Efface. 
    C’est un tumulte léger au coeur. Parfois juste un repli.
    Souvent une souffrance.

     

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    Le livre : Ce long sillage du coeur - Philippe Leuckx  - Editions La Tête à l’envers

     

  • Le dit du vivant - Dennis Drummond

    Il y a parfois des hasards heureux. Les problèmes de climat m’avaient rappelé un roman lu en 1982 et qui prédisait ….le retour de la terre à l’âge de glace ! 

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    C’était un bon roman, qui montrait parfaitement les disputes scientifiques, l'incrédulité des politiques, les conflits entre états chacun tirant la couverture à soi et des aventures individuelles mâtinées de romance.

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    Ce n’est pas un grand roman mais on passe à sa lecture un bon moment depuis les US jusqu’à l’Alaska et aux confins de la Sibérie.
    On est loin du réchauffement climatique mais qu’importe parce que quelque part la problématique reste un peu la même : Que fait-on ?

     

    Quand je suis tombé sur le livre de Dennis Drummond forte de mon expérience glaciaire j’ai immédiatement deviné qu’il était pour moi.
    Un saut dans le temps et rendez-vous au Japon. Un séisme  est suivi d’une coulée de boue qui détruit un village en son entier. 

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    Séisme au Japon

    Mais les mouvements de terrain ont aussi mis au jour une sorte de sépulture très ancienne. 

    Les scientifiques sont alertés et Sandra Blake, paléogénéticienne australienne se rend au Japon accompagnée par son petit garçon Tom, enfant autiste qui vient de faire une série de crises difficiles dans le centre où il était soigné.

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    Premier travail pour l’équipe scientifique : dater le site. Et là c’est un second séisme qui secoue le monde scientifique car la datation fait apparaitre des hominidés vieux de 13 millions d’années dont le savoir est un peu trop en avance par rapport à l’arbre de l’évolution.

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    Stupeur totale car cette datation remet en cause tout le connu jusqu’au théories darwiniennesLes certitudes volent en éclat.

     

    La presse, les scientifiques s’en emparent et donnent naissance à l’Homme d’Atsuna, nom du village où la découverte a été faite. Bientôt Sandra est sous les feux des projecteurs sans l’avoir demandé. Les critiques pleuvent, les religieux vitupèrent et annoncent l’Apocalypse.
    Les chercheurs sont très vite rattrapés par les enjeux politiques, culturels, religieux. 

    Heureusement la vie sur place est faite de rencontres, en particulier celle d’un maître de l’estampe japonaise qui va lui apporter chaleur et sérénité et d’une actrice du théâtre nô

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    Les personnages sont crédibles et possèdent de l’épaisseur, on est immédiatement en sympathie avec le maître de l’ estampe japonaise, Tom l’enfant autiste est attachant et son parcours intéressant même si son évolution peut avoir un peu trop une allure de miracle.

    Denis Drummond a choisi une construction singulière qui s’inspire du séquençage du génome et il nous embarque dans une belle Odyssée, un histoire des origines.

    Le livre est décomposé en 6 parties qui suivent un ordre chronologique mais s’appuient sur des genres différents : journaux intimes, articles de journaux, correspondances, articles scientifiques. 

    Chaque chapitre donne un point de vue différent. Un petit effort est nécessaire pour assembler une à une les pièces du puzzle mais cela vaut la peine

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    L'auteur

    L'écriture est souvent prenante et poétique, parfois même assez lyrique. 
    Ce n’est pas un roman de science-fiction, c’est un genre inclassable ce qui en fait l’originalité et l’intérêt.

    Un roman sur le monde d’aujourd’hui avec ses faiblesses, celui d’hier avec ses erreurs, mais peut être plus encore sur le monde que nous construisons pour demain.

    Au delà du récit, le roman pose de véritables questions : la place de la recherche aujourd’hui, le regard que l’on pose sur l’autre, que voulons-nous privilégier dans l’avenir ?

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    Les Livres : 

    Le dit du vivant - Denis Drummond - Editions Le Cherche Midi
    Le Sixième hiver - Douglas Orgille et John Gribbin - Point seuil à chercher d’occasion