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Biographie Correspondance journaux - Page 15

  • Dostoïevski Les années miraculeuses - Joeph Frank

    Les biographies sur Dostoïevski sont multiples, on peut en trouver de toutes sortes mais LA biographie indispensable c’est celle de Joseph Frank. On n’est pas aussi favorisé que le public anglo-saxon qui dispose d’une bio en 6 volumes, Actes Sud avec l’aide de l’auteur a réduit cela à un volume uniquement, certes une biographie réduite mais malgré tout oh combien passionnante ! 

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    La version française est centrée sur ce que Frank appelle les années miraculeuses, les années les plus productives pour Dostoïevski.

    Peut-on se représenter le travail de l’écrivain ? En six ans ce sont cinq des plus grands textes russes qui vont être publiés. Crime et châtiment, Le joueur, L'idiot, L'éternel mari et Les démons 

    Dostoïevski est rentré de l’exil qui a suivi le bagne, repris un travail littéraire mais la mort de son frère et de sa femme l’ont mis dans une situation difficile le contraignant par devoir à prendre en charge un beau-fils et la famille de son frère. Ses dettes s’accumulent, ses éditeurs ne lui font aucun cadeau, les crises d'épilepsie augmentent.

    Il est acculé et contraint à écrire sans relâche. Spirale infernale.

    C’est la collaboration puis le mariage avec  Anna Grigorievna  Snitkina.

     

    Plus de vingt ans les séparent mais cette jeune femme est sans doute pour beaucoup dans ces années miraculeuses, permettant à l’écrivain de faire face à ses engagements, l’aidant à supporter la charge familiale, tolérant son addiction au jeu et lui offrant une vie de famille paisible. Quatre années en Europe  permettent d’échapper un peu aux créanciers mais aussi de perdre le peu d’argent qu’il gagne sur les tapis des casinos.

     

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    Crime et Châtiment paraît en feuilleton  en 1865, les critiques sont parfois sévères mais les lecteurs sont au rendez-vous. 

    « ouvrage d’une puissance fascinante, l’un des plus importants romans du XIXe siècle, qui dès sa publication suscite une grande controverse critique »

    Pour aider le lecteur  J Frank nous souffle

    « Il y a donc, enchâssé dans Crime et châtiment un point de vue sur la façon dont il faut lire le roman  (...)

    Personne à notre connaissance, n’a jamais accordé la moindre attention à cette composante : il serait utile de réparer cette omission flagrante. »

    Il attire notre attention sur

    « certaines pages les plus émouvantes que Dostoïevski ait jamais écrit »

    Raskolnikov est patiemment disséqué, étudié, critiqué, compris.

    « Dans la pure tradition du roman du XIXe siècle, Dostoïevski achève son livre sur un épilogue par lequel l’existence des ses personnages principaux se poursuit au-delà des limites de l’intrigue, qu’avait close l’aveu de Raskolnikov. »

     

    Si l’accouchement de Crime et Châtiment fut difficile c’est avec la parution du Joueur que

    « Dostoïevski est parvenu à gagner l’un des plus grands paris de sa vie; il réalise la prouesse exceptionnelle de composer une longue nouvelle en moins d’un mois, en respectant le délai imposé. » grâce à Anna Grigorievna.

     

    Mariage, départ pour l’Europe.C’est en voyage qu’il rencontre Tourgueniev et qu’il affine ses idées sur l’Europe, la Russie, le nihilisme.

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    Vous pouvez aussi faire le choix du livre audio

     

    L’encre du roman précédent est à peine sèche qu’il lui faut de nouveau chercher l’inspiration pour un nouveau roman. Il accumule les notes, les compilations de faits divers, il cherche un personnage

    « qui incarne son idéal moral positif. »

    Il va créer le Prince Mychkine affligé d’épilepsie, Aglaïa, Nastassia Filippovna et Rogojine. 

    « Si l’Idiot est le plus inégal de ses quatre meilleurs romans, il reste le texte où l’écrivain exprime le plus profondément sa vision de la vie, dans toute sa complexité tragique, sur un ton particulièrement poignant  et avec une intense émotion dont le lyrisme touche au sublime. »

    Pour Joseph Frank l'Idiot 

    « est la plus personnelle de ses oeuvres majeures, le livre dans lequel il exprime ses certitudes les plus intimes, les plus chères et les plus sacrées » « Un affrontement dramatique entre l'humain et le divin » 

     

    Dans les derniers mois passés en Europe il va écrire l’Eternel mari une grande nouvelle et débuter Les Démons ! 

    Si vous n’avez jamais lu Dostoïevski commencez par l’Eternel mari, le trio classique de la femme, du mari, de l’amant, mais la farce prend une toute autre dimension sous la plume de Dostoïevski. Il étudie les revirements de personnalité, les évolutions psychologiques, la transformation morale, les conflits intérieurs. Veltchaninov et Troussotski l’éternel mari sont inoubliables.

    « la plus travaillée des oeuvres courtes de Dostoïevski » 

     

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    Les Démons au théâtre 

     

    Dernier des romans des années miraculeuses Les Démons, certainement l’oeuvre la plus difficile d’accès à mon avis dont J Frank nous ouvre les portes.

    L’idée du roman n’est pas récente, Dostoïevski l’a en tête depuis longtemps, il a même commencé à peintre ses personnages.

    C’est le roman qui a fait que les bolcheviks vont doucement éliminer Dostoïevski de la scène littéraire russe pour n’y laisser que Tolstoï moins dangereux.

    Décembre 1869 à février 1870 Dostoïevski va reprendre toutes ses notes et créer l’oeuvre où la vie politique russe est la plus présente.

    Il y a un fond de raillerie et de parodie dans le roman avec les coups de griffes données aux occidentalisés dont Tourgueniev est le représentant.

    Joseph Frank consacre deux chapitres à l’analyse du roman c’est dire son importance.

    Le roman a

    « à maintes reprises été critiqué avec virulence en tant que calomnie malveillante du mouvement révolutionnaire russe »

    l’histoire donnera largement raison à Dostoïevski et l’on peut aujourd’hui considérer

    « le livre comme un ouvrage plus prophétique que diffamatoire ». 

    Stavroguine est un héros inoubliable, maléfique, tourmenté et effrayant.

    Les personnages du roman vivent 

    « les questions morales, philosophiques et sociales les plus profondes et les plus complexes. »

    « Les démons demeurent insurpassés par leur tableau prémonitoires des enlisements moraux et des trahisons potentielles que recèlent (...) l’idéal révolutionnaire. »

     

    Ce livre de Joseph Frank  est pour moi le type même de la biographie parfaite, éclairant l’oeuvre, la faisant vivre, la commentant, l’expliquant et dressant en filigrane le portrait d’un homme tourmenté grâce à des analyses fines et profondes et une connaissance étourdissante de l’oeuvre. 

     

    Le livre fourmille de détails bienvenus, le tableau politique et intellectuel de la Russie permet au lecteur de replacer l’écrivain dans son siècle et d’accéder à l’homme Dostoïevski avec son courage, son abnégation mais aussi sa xénophobie et son antisémitisme larvé. 

    Le propos est  d’une grande richesse et d’une puissante vigueur, l’auteur s’est plongé dans la correspondance, les journaux, et la traduction est très bonne.

     

    Un défaut à cette biographie ? oui celle de s’arrêter trop tôt et du coup de ne pas nous donner l’analyse des Frères Karamazov.

     

     

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    L'auteur et son épouse 

     

    Imaginez un homme qui a passé sa vie à lire et relire Dostoïevski, à analyser son oeuvre, à comparer ses romans et à tenter de comprendre son cheminement intellectuel et personnel. Tellement impressionné par l’écrivain qu’il décide dans les années 50 d’apprendre le russe et qu’il se promène avec sous le bras une grammaire russe et que sa maison est pleine de photos de son auteur fétiche et d’affiches des films adaptés de l’oeuvre.

    Joseph Frank est un universitaire éminent, professeur émérite l'Université Stanford et Princeton. Son travail a été plusieurs fois récompensé par des prix prestigieux aux USA et salué par la critiques :

    « Une réalisation monumentale... »

    « Il a changé de manière significative notre compréhension de l'homme et son travail »

    « Frank a réussi triomphalement »

    « Magnifique... » 

     

    En lisant cette biographie je n'ai pas pu m'empêcher de repenser aux film "la femme aux cinq éléphants" qui montre si bien le travail de la traduction

     

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    Tout Dostoïevski chez Actes Sud 

     

     

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    Le livre : Dostoïevski, les années miraculeuses (1865-1871) - Joseph Frank -  traduit par Aline Weill - Solin Actes Sud

  • Le Secret de l'Empereur - Amélie de Bourbon Parme

    ah le bon livre, l’excellent roman ! Je suis tombée sous le charme dès le premier chapitre.

    Je sais que certains sont un peu réfractaires au roman historique mais je vous assure celui-là est tout à fait réussi.

     

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    D’abord le héros de l’histoire : Charles Quint, l’empereur de la moitié de l’Europe, un homme qui a vu très tôt les couronnes s’amonceler sur sa tête, c’est rare un homme qui n’a rien demandé et qui se retrouve: 

    Roi de toutes les Espagnes 

    Empereur du Saint Empire romain germanique, en gros l’Empire Austro-Hongrois

    Roi d’Aragon, de Naples et de Sicile 

    Roi des Pays bas : hollande Flandre et Luxembourg 

    Duc de Bourgogne donc de la Savoie, de la Franche Comté et du nord de la France : si vous savez « Besançon vieille ville espagnole » nous disait le grand Victor

    ouf je crois que je n’ai rien oublié...

     

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    « Neuf fois je suis allé en Haute Allemagne, six fois je suis passé en Espagne, sept en Italie, dix fois je suis venu au Pays-Bas. (...) Quatre fois en temps de paix ou de guerre je suis entré en France, deux en Angleterre, deux autres fois, je suis descendu en Afrique, ce qui fait au total quarante voyages... »

     

    1555 Après quarante ans de règne et avoir voyagé partout dans ses possessions, alors qu’il est le souverain le plus puissant il renonce à ses titres, à ses prérogatives, il dépose son sceptre et ses couronnes et « les oripeaux de la gloire ». 

    Lui qui a combattu Soliman le Magnifique, François Ier et surtout Luther, il veut abdiquer.

    Son fils n’est pas du tout réjouit, son frère envoie une fin de non recevoir quant au Pape il est furieux.

    Mais Charles Quint est têtu, la goutte l’a rendu quasi infirme et il veut se retirer en Espagne dans un monastère auprès des moines hiéronymites (de l’ordre de Saint Jérôme) 

     

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    « Les abords du monastère étaient calmes, plus tranquilles que tous les territoires traversés durant ce périple : le silence des moines était contagieux, il irradiait des alentours de l’enceinte comme une onde bienveillante. »

     

    Mais rien n’est simple et le voyage de Bruxelles vers l’Espagne prendra beaucoup plus de temps que prévu. 

    Dans ses bagages l’Empereur emporte outre un portrait de son épouse, sa collection d’horloges. Leurs mécanismes le fascinent en un temps où la science horlogère a encore une petit parfum d’hérésie. Il ajoute à ses bagages une curieuse horloge portant une mystérieuse inscription en latin, cette horloge le fascine. 

     

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    Une des horloges de Charles Quint

     

    J’arrête là mon récit et je vous laisse découvrir plus avant ce monarque hors normes, c’était la première fois qu’un souverain abdiquait depuis ....Dioclétien en ..305 

    J’ai tout aimé dans ce roman, la façon habile et talentueuse d’Amélie de Bourbon Parme de nous dresser le portrait de son arrière arrière arrière arrière ....grand-père.(j’ai peut-être oublié un arrière) 

    La passion, voire l’obsession de cet homme pour ses horloges aux mécanismes précis qui résistent au temps comme lui résiste à la maladie avec ses articulations pesantes et douloureuses. La vie dans un monastère perdu en Estrémadure est qui n’est pas à proprement parlé une vie de moine.

    C’est traité avec sensibilité, érudition et un joli brin de plume, un rien de suspens en sus.

     

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    Le livre : Le secret de l'empereur - Amélie de Bourbon Parme - Editions Gallimard 2015

  • En Provence sur les pas de Bosco - JF Jung et Sophie Pacifico le Guyader

    Henri Bosco le méconnu

     

    J’ai déjà dans ma bibliothèque des balades sur les pas de Giono ou une visite privée de sa maison, j’aime ces parcours personnalisés sur les traces d’un écrivain.

    Henri Bosco est un peu trop ignoré à mon goût aussi quelle belle idée que ce livre fait de textes et de photos.

    Disons tout de suite que les photos sont superbes et ont fait l’objet d’une expo à l’Isle sur la Sorgue. 

     

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    Il fut chargé de l’inventaire de la bibliothèque du Château de Lourmarin

     

    Mais le livre permet surtout de nous rappeler l’oeuvre et le parcours d’Henri Bosco.

    Comme Giono, inutile de parler de lui comme d’un écrivain régionaliste car son oeuvre est bien au-delà des romans de terroir. 

    C’est un monde onirique, parfois fantastique et toujours d’une inventivité et d’une créativité extraordinaire.

    Sa petit nièce Sophie Pacifico Le Guyader ouvre le livre avec un texte à sa mémoire qui permet d’entrer dans l’oeuvre de celui qui « rêvait de devenir un grand poète »

     

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    Le Bastidon d'Henri Bosco 

     

    Elle détaille la singularité de cette oeuvre, sa magie.

    « Qui a lu Le Mas Théotime n’oubliera plus l’image de la croix, du coeur et de la rose; qui a lu Hyacinthe gardera toujours en mémoire le mythe de l’âme emprisonnée au coeur d’un arbre. »

     

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    clic pour agrandir

     

    Une oeuvre qui permet de renouer avec la nature

    « Tiens me dit-il, montrant un arbuste qui semblait monter la garde, « c’est un laurier d’Apollon » Puis il coupa une branche du feuillage et, en me la tendant, il proposa de faire une halte » 

     

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    Elle dit cette écriture si particulière et si envoûtante

    « Il possédait l’art de conter les tempêtes de l’âme. Ses mots étaient polis comme les galets du Rhône, ses périodes amples comme des bourrasques de mistral. »

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    Henri Bosco s’est éteint en 1976 

    « Il repose au cimetière de Lourmarin non loin d’Albert Camus en ce Lubéron où il connait, selon la parole de René Char, « l’éternité à Lourmarin ».

     

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    Lourmarin

     

    Dans la seconde partie les photos de Jean-François Jung sont accompagnées par des extraits issus des romans. Enfin une partie photos souvenirs clôt le livre 

     

    Ce qui pour ma part me réjouit c’est que j’ai encore à lire plusieurs de ses romans et donc que j’ai devant moi du plaisir assuré.

    Un joli cadeau à vous faire ou à faire à un amateur d’Henri Bosco

     

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    Le livre - En Provence sur les pas d’Henri Bosco - Sophie Pacifico Le Guyader et Jean-François Jung - Editions Equinoxe

     

  • Blaise Pascal ou le génie français - Jacques Attali

    J’avais un énorme avantage en commencement ce livre, celui de n’avoir que de vagues souvenirs de mes cours de français sur Pascal et donc de démarrer ma lecture avec peu de connaissances, mais du même coup, peu de préjugés.

     

    Une biographie teintée d’une grande admiration pour le scientifique, pour le penseur, pour le polémiste

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    J’ai été surprise de découvrir dans Etienne Pascal, le père, un homme soucieux de ses enfants, totalement certain des dons de son fils et de sa fille. Assez voisin du père de Montaigne donnant une éducation sans obligations, sans pleurs et sans châtiments.

     

    Mais curieusement une éducation dont les livres sont presque absents, basée sur les expériences scientifiques et l’apprentissage des langues (grec, latin, hébreu) 

    Blaise Pascal montre très vite des dons en mathématique, après la mort de sa mère la famille issue de la petite noblesse auvergnate va quitter Clermont-Ferrand pour Paris. 

    Surprise aussi de voir, cet enfant de 12 ans à peine, invité à dialoguer avec les savants de son temps et en l’espace de quelques années allonger la liste de ses découvertes de façon impressionnante. 

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    La machine à calculer de Pascal : Musée des Arts et Métiers

    Pascal le savant va successivement travailler sur les coniques , la machine à calculer, fait faire ses premiers pas à la physique expérimentale en montrant  l’existence du vide et de la pression atmosphérique, modéliser le calcul des probabilités et la théorie du calcul intégral.

    Là j’avoue que quelques pages m’ont semblé un peu ....complexes mais j’ai fait confiance à l’auteur. 

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    là j'ai calé un peu 

     

    Tout au long de sa vie y compris quant il est réellement très malade, il poursuit une correspondance avec Pierre Fermat sur ses recherches en mathématique et en passant comme pour s'amuser, crée le premier service de transport en commun parisien. Diable d’homme !

     

    Et bien sûr vous n’avez là que le petit côté du génie.

    L’autre facette c’est le penseur, le philosophe, l’écrivain dont la langue est toute de simplicité, de clarté, de métaphores superbes, d’humour, l’incarnation du goût de Pascal pour la raison, le coeur de la langue française dit Jacques Attali.

    On voit avec tristesse cet homme extraordinaire devenir prisonnier de sentiments un peu trop violents pour sa soeur Jacqueline, jeune femme qui mériterait une biographie pour elle seule. Pascal tellement attaché à sa soeur qu’il va jusqu’à lui interdire d’entrer au couvent et pour cela tentant de la priver de sa part d’héritage à la mort du père. 

    Il se tourne totalement vers la religion.

    Les jansénistes lui ouvriront les bras et cela nous vaudra Les Provinciales, un texte qui n’a rien perdu de sa virulence, une réflexion aujourd’hui encore pertinente sur la liberté et d’une vraie modernité nous dit Attali. C’est le temps de Port Royal, le temps de la clandestinité.

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    Port Royal au temps de Pascal

    Pascal accumule les notes prises ici et là sur n’importe quel bout de papier, ficelées ensemble sans réel ordre, elles deviendront Les Pensées publiées après sa mort.

     

    Si je n’éprouve pas pour Pascal la sympathie que j’ai pour Montaigne, son goût pour l'ascétisme me le rend un peu lointain, cette biographie m’a donné envie de le lire au delà de ce que j’en connais qui est bien maigre.

    Le beau portrait d’un homme énigmatique, violent dans ses réquisitoires, passionné par la réflexion intellectuelle, ambitieux et conscient de sa valeur, grand croyant et penseur politique.

    Quelques passages des Provinciales valent d’être relus aujourd’hui, bref un génie.

    Jacques Attali est parfait en biographe, ni trop, ni trop peu, le portrait se dessine peu à peu, il dévoile les côtés peu sympathiques comme l’amour teinté de jalousie que Pascal voue à sa soeur, son envie un peu trop violent de notoriété et son goût un peu trop prononcé pour le silice et la pénitence. 

     

    Une belle biographie.

     

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    Le livre - Blaise Pascal ou le génie français - Jacques Attali - Le livre de poche

     

  • Quand vous viendrez me voir aux Antipodes - Simon Leys

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    J’ai fait connaissance avec Simon Leys en 1971, passionnée par la Chine je voulais en savoir plus et j’avais lu Les habits neufs du Président Mao. 

    Je me souviens dans les années 80 de son passage à Apostrophe et de son empoignade légendaire avec Maria Antonietta Macciocchi qui défendait le maoïsme bec et ongles.

    j’ai continué au fil des années à lire Simon Leys.

     

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    Il vit en Australie d’où le titre de ces lettres envoyées à Pierre Boncenne qui travailla avec Bernard Pivot à Lire, Apostrophe et Bouillon de culture. Elles sont la preuve d’une longue amitié et prennent parfois la forme d’un dialogue sur la vie intellectuelle, politique, artistique, dialogue qui mêle aussi bien les compte rendus de lecture, les anecdotes rigolardes, les coups de gueule, les hommages à des amis disparus, les inquiétudes pour la vieillesse qui arrive.

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    Simon Leys © AFP

    Ce que j’ai aimé c’est le côté fourre-tout, j’aime sauter ainsi du coq à l’âne, de Cioran à la peinture de Vuillard, des traductions de Zhuang Zi « l’un des livres les plus sublimes qu’ait produit le genre humain » à Confucius ou à la pêche en mer.

    Simon Leys à l’admiration fébrile et la détestation explosive. C’est un curieux compulsif, érudit sinologue, lecteur passionné et critique parfois acerbe.

    On retrouve dans ces lettres sa colère devant des intellectuels français qui encensèrent le régime chinois, de BHL « pour la douce rigolade que suscite infailliblement l’exhibition de son ego »,  à Giscard qui avait qualifié Mao de phare de la pensée mondiale ! Ne vous étonnez donc pas que Simon Leys soit un admirateur d’Orwell à qui il a consacré un livre.

     

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    Il a traduit Les Propos du moine Citrouille amère de Shitao

    Question littérature c’est un feu d’artifice, je suis ressortie de là avec une grande liste de livres à lire et une pluie de citations.

    Il aime Balzac malgré ses imperfections « je lis ou relis Balzac. Le Colonel Chabert et le Curé de campagne, lus il y a quarante ans, demeurent mes favoris »,  il lit Cioran dont il a « découvert avec délice et passion les Cahiers ». Et mille autre réflexions sur Proust, Conrad, Cervantès ou Stendhal.

    Ce livre est un joli hommage à un ami disparu en 2014 rendu par le destinataire des lettres.

     

    Un livre qui a été en lice pour le Goncourt de la biographie et qui a pris la deuxième place.

     

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    Le livre : Quand vous viendrez me voir aux antipodes Lettres à Pierre Boncenne - Simon Leys -Editions Philippe Rey

  • Moïse fragile - Jean-Christophe Attias

     Une bio peu orthodoxe

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    Passage de la mer rouge Enluminure arménienne

    Et voilà ça tombe longtemps après la période des prix littéraires et c’est très bien car on est bien plus attentif. Le Goncourt de la biographie a récompensé ce livre et c’est justice.

    Si on me demande ce que je sais de Moïse je vais faire une réponse courte et mes références sont très cinématographiques ou alors remonte a de très très lointains cours de catéchisme :

    l’enfant dans son couffin, l’ouverture de la mer rouge, les tables de la loi et bien sûr l’arche d’alliance ! 

    Bon après ....

     

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    L'arche d'Indiana Jones

     

    Une bio du prophète, du chef des hébreux, du législateur voilà ce que propose  Jean-Christophe Attias mais très vite il nous le montre comme un homme fragile, il tient son nom d’une étrangère, la fille de Pharaon, il n’est sans doute pas circoncis,  il est bègue « handicapé de la parole » et a besoin d’un intercesseur pour haranguer les foules, il conduit son peuple vers la Terre promise mais lui ne pourra pas y mettre les pieds. Bref on est loin de l’homme parfait.

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    Les textes bibliques ont tenté de masquer les points les plus litigieux, de gommer les anomalies, Moïse apparait décidément comme un homme qui connait des faiblesses, qui doute, qui souffre de solitude et qui comme un vrai prophète « meurt en exil ».

     

    Dans une interview l’auteur dit de Moïse qu’il est humble, que sa fragilité est notre fragilité et qu’il peut nous aider à assumer nos doutes ou à les surmonter. 

     

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    Les tables de la loi - par Matfre Ermengaud  Bibliothèque de Lyon

    j’ai lu cette biographie avec grand plaisir mis à part quelques pages, non en raison d’un défaut quelconque du livre mais bien parce que ma connaissance du texte biblique était insuffisante et m’obligeait à aller relire les passages considérés attentivement.

    Jean-Christophe Attias fait évidement preuve d’érudition avec légèreté mais aussi d’un certain humour qui rend certaines formules très réjouissantes, comme celle ci « Quant à Dieu, qui n’existe pas, je suis encore assez déraisonnable pour espérer en sa miséricorde »

     

    Que vous soyez ou non juif, que vous soyez ou non croyant cette biographie mérite votre intérêt.

     

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    Le livre : Moïse fragile - Jean-Christophe Attias - Editions Alma