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A sauts et à gambades - Page 67

  • Sartoris - William Faulkner

    C’est le premier roman des oeuvres complètes de Faulkner en pléiade. 
    Il n’a pas encore fait le grand saut vers l’écriture qui sera la sienne pour les années à venir.

    Ce roman là est de conception classique avec comme revers qu’il n’emporte pas le lecteur comme le feront les romans suivants. Pourtant pas question de faire la fine bouche, même classique ça reste du Faulkner.

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    Il restitue dans ce roman toute l’atmosphère déliquescente d’une propriété dans un comté du Mississippi et d’une famille : les Sartoris, lignée sur le déclin. 
    Attention on peut parfois se prendre les pieds dans l’arbre généalogique car il n’y a pas moins de trois John et autant de Bayard, allez vous y retrouver. 

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    Aucun des ancêtres Sartoris n’est mort tranquillement dans son lit, les uns ont tué à la guerre, les autre en duel. Comme le dit un des personnages  « Quand on se met à tuer des gens, on ne sait plus où ça s'arrête. Et quand on s'y met on est comme qui dirait déjà mort soi-même »

    Le dernier John est mort aux commandes de son avion du côté des champs de bataille français et son frère, Bayard le fils, rivalise avec lui par delà la mort au volant de sa voiture en s’enivrant de vitesse ou en tentant de stopper un cheval au galop.

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    Il reste aussi Bayard le vieux, sans oublier Miss Jenny dont l’âge est indécidable. Et bien sûr il y a toute la maisonnée noire, faite de serviteurs sans âge, roublards et dévoués à l’image du vieux Simon.

    N’est-il pas temps de redonner vie à cette lignée ? Est-ce encore possible où le pire est-il déjà là ? 

    Faulkner ne raconte pas vraiment une histoire dans Sartoris, il suggère, laisse entendre. Les personnages sont en fuite, le destin leur joue des tours et Miss Jenny est là pour faire de sombres prédictions telle Cassandre.
    La violence les tient et plus encore l’orgueil, orgueil du nom, de la lignée. Ils aiment fanfaronner, narguer la mort et faire un pied de nez au destin qui s’annonce tragique.

    Faulkner s’est inspiré de sa famille et de son comté 
    « Je n’ai fait que me servir de l’instrument le plus près, à portée de ma main. Je me suis servi de ce que je connaissais le mieux, c’est-à-dire le pays où je suis né et où j’ai passé la plus grande partie de ma vie [...] J’ai essayé de peindre des êtres, en me servant du seul instrument que je connaissais, c’est-à-dire le pays que je connaissais.»

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    C’est le tableau de la fin d’une époque, le roman du déclin et une bonne façon d’entrer dans le monde de Faulkner, les descriptions champêtres sont belles, il y a quelques scènes burlesques dont une très drôle qui oppose médecin et rebouteux. 

    Il faut un été très chaud pour bien lire Faulkner et l'été dernier était parfait pour cela mais je crois que je n'attendrai pas l'été prochain pour poursuivre ma lecture.

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    Le livre : Sartoris dans Oeuvres Tome 1 - William Faulkner - traduit par RN Raimbaud et H Delgrove- Gallimard pléiade 

  • Bribes de musique céleste

    Un pasteur américain, en 1860, a noté les sons que les gouttes de la pluie faisaient retentir sur l’herbe et les petits sentiers de graviers du jardin de la cure.

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    Il transcrit des mois durant, des saisons durant, des années durant, tous les chants des oiseaux qui viennent y nicher, se percher dans les branches, se dissimuler sous les feuilles des arbres.

     

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    Il s’appelait Simeon Pease Cheney.
    Le révérend Cheney vivait exactement au temps où le pasteur Brontë finissait ses jours, alors que ses trois filles et son fils étaient morts.

     

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    Une odeur de champignon délicieuse s’élève quand on marche dehors et qu’on rentre en direction de la maison en soulevant un peu de terre à chaque pas.
    C’est un parfum de mousse, de feuilles détrempées, de fougères rousses, de limace, de bière.
    Accroché au muret du jardin, au moindre rayon fragile de soleil, le lierre sent le miel.
    Seuls les oiseaux nocturnes, la nuit, expriment, sans beaucoup les varier, leurs pépiages si bas, si beaux, si pauvres, si étranglés, si brefs.
    Fragments sonores qui sont comme écourtés, arrêtés sur place devant l’hiver qui vient.

     

    Le livre : Dans ce jardin qu’on aimait - Pascal Quignard - Editions Grasset

  • La Tanche d'or - Constantin Paoustovski

    Constantin Paoustovski est un écrivain russe qui a vécu la révolution et le bolchevisme, parmi ses multiples écrits un peu oubliés aujourd'hui il y a des nouvelles.

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    La Russie de toujours 

    Les récits de La Tanche d’or sont un peu comme des souvenirs magiques, on plonge dans la Russie rurale avec onze nouvelles pleines de fraicheur comme si on passait ensemble une soirée auprès d’un bon feu en se racontant des histoires. Ce sont onze nouvelles qui vous entrainent dans la région natale de Paoustovski.

     

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    Isaac Levitan Village en hiver

    C’est la Russie des bois et des lacs, des longs hivers, de la première neige : 

    « nous savions bien qu’en grattant la couche de neige molle avec la main, il serait encore possible de découvrir de fraîches fleurs sauvages; que le feu allait continuer à crépiter dans les poêles; que les mésanges allaient hiberner avec nous. L’hiver nous sembla alors posséder une splendeur analogue à celle de l’été. »

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    Isaac Levitan 

    Les petits matins de pêche, les étangs poissonneux,  les paysages de toujours : isbas, grands espaces et bouleaux magnifiques. Les personnages de toujours, le paysan, le garde forestier, le pêcheur, le chasseur. 

    C’est intimiste on se croirait dans un tableau de Isaac Levitan, dans un monde d’harmonie où le temps n’a pas de prise
    C’est tout au long une exaltation de la vie, les blaireaux se brûlent le museau dans les poêles à frire, des lièvres sauvent la vie des hommes, la pluie chaude résonne sur les toits et dans le jardin.

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    Jour de printemps - Isaac Levitan

    Ce sont des moments empreints d’une grande poésie alors que dans le même temps le stalinisme fait des ravages, peut être une façon pour l’auteur de célébrer malgré tout la vie russe. 

    C’est la Russie de Tolstoï quand Levin fait les foins avec ses paysans, c’est la Russie de Tourgueniev et ses mémoires d’un chasseur, celle aussi qu’Ivan Bounine peint dans la Vie d’Arseniev. Une traduction parfaite.  

    Une chronique chez Lire et Merveilles 

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    Le livre : La Tanche d’or -Constantin Paoustovksi - Traduit par Alain Cappon -  Editions de l’Aube

  • Les Braves gens ne courent pas les rues - Flannery O'Connor

    J’ai lu récemment trois recueils de nouvelles, l’un où l’amour tient la première place, un recueil d’une poésie magnifique et le troisième où j’ai pris une baffe monumentale, c’est de celui-ci qu’il va être question.

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    L'auteur et ses paons

    Ne vous laissez pas berner par le titre, Flannery O’Connor est une adepte de la litote.

    Une histoire de grand-mère un peu casse-couille débute la série de nouvelles, la famille envisage un petit voyage et la grand-mère va obtenir gain de cause pour une petite virée au Tennessee, je me suis un rien laissée endormir par cette gentille famille et je vous assure que le réveil est brutal. 

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    Après cette première nouvelle qui m’avait laissée un peu assommée je m’attendais au pire et j’avais bien raison, la nouvelle « Le fleuve » est d’une violence inouïe sous des dehors convenus et bien pensants et un rien dépassés, Flannery O’Connor s’y connait en humour noir, cruauté en tous genres, elle cultive allègrement le ridicule, quant à la bonté des hommes, elle nous laisse entendre qu’elle est parfois plus horrible que consolante, la preuve avec la nouvelle apparement réconfortante de cette vieille fille simplette que sa mère parvient enfin à caser…

    Elle nous mène en bateau Flannery, elle rit de nous, de nos préjugés, de nos jugements à l’emporte pièce, prenez cette nouvelle où un vendeur de bibles séduit une jeune femme à la jambe de bois, quel altruisme direz-vous, l’auteur avec un brin de perversion va vous faire revenir sur votre jugement premier. 

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    Rien n'a vraiment changé 

    La nouvelle qui m’a le plus touchée c’est celle qui a trait à « La personne déplacée » où les personnages rivalisent de bêtise et de méchanceté face à un travailleur immigré trop courageux et compétent pour son bien.

    On ressort un peu sonné, admiratif de l’art de l’auteur pour cette mise en scène d’une humanité égoïste, mesquine, cruelle, ridicule, bigote, et souvent grotesque. 

    Un monde de petits blancs racistes et xénophobes, qui vivent eux mêmes dans une misère profonde, et pourtant l’auteur parvient à nous faire rire, un rire grinçant je vous l’accorde, mais rire quand même.

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     Il a fallu deux ans à l’auteur pour écrire ces dix nouvelles, dont au moins la moitié sont des chefs-d’oeuvre absolus. Aucun sentimentalisme, aucune mièvrerie, l’humour est ravageur et cinglant.

    J’avais beaucoup aimé son roman, Ce sont les violents qui l’emportent, mais ses nouvelles sont largement au dessus.

    Cecilia Dutter a écrit un essai biographique sur Flannery O’Connor :

    « Son œuvre est un pied-de-nez au prêt-à-penser consensuel. Elle nous bouscule, nous secoue, torpille nos préjugés et nos pauvres évidences pour nous révéler l’envers du décor »

     

    Kathel aussi a aimé 

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    Le livre : Les braves gens ne courent pas les rues - Flannery O’Connor - Traduit par - Editions Gallimard Quarto

  • Les farces du calendrier

    Il parait que l’on peut souhaiter une bonne année jusqu’à fin janvier, mais jusqu’à quand peut-on fêter noël ? 

    C’est ce que je vais faire et pour cela je fais une petite pause de quelques jours. Je vous laisse juste jeter un coup d'oeil

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    A très bientôt en compagnie d’auteurs de nouvelles 

  • Le Retour au pays natal - Thomas Hardy

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    J’arrive avec ce roman à la fin de l’oeuvre de Thomas Hardy, il ne me reste à lire que Tess d’Urberville, quand on arrive en fin de lecture d’une oeuvre on a un petit pincement au coeur.

    Claire Tomalin la biographe (en anglais uniquement hélas) de T Hardy dit que « La grandeur de Retour au pays natal tient au fait qu’il s’agit tout autant d’une oeuvre de Hardy poète que de Hardy romancier. » 

    C’est effectivement un roman d’une grande poésie dans lequel il y a foison de personnages  mais où la nature et la lande tiennent une place centrale. 

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    « L’heure du crépuscule approchait et la vaste étendue libre et sauvage, connue sous le nom de lande d’Egdon, allait s’assombrissant de minute en minute. Une mince couche de nuages, d’un blanc indécis, cachait le ciel, se déployait comme une tente qui aurait eu la lande entière pour sol.(…)

     C’était aux crépuscules, puis durant les heures qui se succédaient jusqu’aux aubes, que son charme s’imposait, prenait toute sa signification. Alors, et seulement alors, la lande était vraiment la lande. Un lien d’étroite parenté unissait cet endroit et la nuit, une tendance à graviter ensemble qui, dès la tombée du jour, se manifestait dans les ombres et le paysage : la sombre étendue de tertres et de creux semblait se lever pour accueillir, en pure sympathie, les gris mélancoliques du soir ; la lande exhalait l’obscurité, aussi rapidement que le ciel la déversait. Et, ainsi, l’obscurité de l’air et celle du sol se fondaient en une noire étreinte fraternelle, chacune ayant fait vers l’autre la moitié du chemin. »

    C’est le Dorset natal de Thomas Hardy qui sert de modèle à cette lande d’Egdon et l’auteur offre une vaste peinture de ce monde rural qu’il connait bien.

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    Mais voyons les personnages :

    Il y a un homme de la ville Clym Yeobright, il revient au pays après avoir connu les fastes et la richesse de Paris. Amoureux de Thomasine sa cousine mais celle-ci doit épouser un homme du pays un peu vaurien : Damon Wildeve. 

    La mère de Clym s’est opposée au mariage mais a finalement rendu les armes, Damon et Thomasine vont pouvoir convoler. 

    Mais chez Thomas Hardy les mariages ne sont jamais ce que l’on croit qu’ils sont et pour Damon il y a au fond de sa pensée la silhouette d’Eustacia Vye qui fut sa maitresse et qui rêve de partir à l’assaut du monde. 

    Pour rétablir l’équilibre il y a un troisième personnage masculin, un homme un peu mystérieux, c’est l’homme rouge Diggory Venn qui arpente la lande pour marquer les moutons à la craie rouge et qui va prendre des allures d’ange gardien.

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    Les passions vont se déchainer, amour et haine, trahison et vengeance. La terre dure aux paysans est aussi le prétexte à des superstitions. 

    Le drame va se nouer, erreur, mensonges et quiproquos, rêves de fuite, idéaux anéantis, toutes les actions ont la lande pour décor. Le destin joue des tours à tous les personnages et chez Thomas Hardy le destin est souvent douloureux.
    Le décor est fascinant et un rien effrayant, tout passe par la lande, on a parfois dit que la lande et ses habitants jouaient le rôle du choeur dans les tragédies grecques.

     

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    Une adaptation mais uniquement en anglais

    J’ai beaucoup aimé ce roman qu’il convient de lire lentement pour être pris par la magie de la lande. La traversée de la lande la nuit est magnifique, il y a des scènes villageoises qui marquent bien le désir de préserver des coutumes ancestrales et les personnages sont très attachants, mon préféré est sans conteste l’homme rouge. 
    Un classique de la littérature romantique anglaise. 

    La couverture des éditions Corti est magnifique et la peinture de Constable est tout à fait dans le ton du roman.

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    Le livre : Le Retour au pays natal - Thomas Hardy - Traduit par Marie Canavaggia - Editions José corti