Trois jours de réflexion
En 1933 Thomas Mann a quitté Munich pour un voyage en Suisse, le retour se révèle risqué et quasi impossible, les nazis ont confisqués une grande partie de ses biens et sa sécurité n’est plus assuré. Adieu maison à laquelle l’écrivain est très attaché et surtout adieu à la bibliothèque de 8000 volumes même s’il garde un rien d’espoir de les récupérer.
La maison des Mann à Munich
Le voyage se transforme en exil pour le Prix Nobel de littérature obtenu en 1929, il trouve, après bien des pérégrinations, à se loger dans une maison à Zurich au bord d’un lac. En 1936 les exactions en Allemagne prennent le tournant qu’on connait et sa femme et surtout ses enfants le pressent de prendre parti, de s’exprimer. Erika surtout est sévère avec lui elle
« lui reprochait sa superbe, qualifiait sa retenue de marque d’arrogance, affirmait qu’il était déplacé, à pareille époque, de vouloir ainsi faire fi de la réalité. »
Thomas Mann s’apprête à publier une lettre dans le Neue Zürcher Zeitung, l’indisponibilité de son ami l’éditeur Korodi lui donne quelques heures de répit et il hésite soudain.
Maison de l'exil
Aucun suspense dans ce livre car on sait que la Lettre aux Allemands fut publiée mais on entre dans l’intimité d’un homme au bord de la rupture avec sa patrie, rupture qu’il pressent douloureuse.
Il a à la fois l’envie de combattre les nazis et le besoin d’écrire en paix, il donne raison à son frère Heinrich qui a pressenti très tôt la catastrophe, mais on perçoit à travers ses atermoiements la crainte de n’être plus lu en Allemagne, de ne plus pouvoir faire vivre sa famille.
C’est un homme d’ordre, de manies et l’on est partagé entre l’agacement parfois et la compassion devant l’écroulement de tout ce qu’il a défendu, aimé, célébré.
La famille Mann
Il sait qu’une fois la lettre publiée les liens avec l’Allemagne seront définitivement rompus alors il essaie de se rassurer
« Même s’il n’a plus le droit de vivre dans sa patrie, tant qu’il continuera d’y être lu et de pouvoir écrire pour elle, il ne sera pas tout à fait sans patrie. »
J’ai aimé cette réflexion quand Thomas Mann ne peut plus se contenter de vivre dans la peur
« Ses livres seraient interdits en Allemagne et lui inévitablement déchu de sa nationalité. »
et le ressentiment pour ses amis d’hier et la presse dans laquelle
« On affirmait qu’avec sa conférence sur Wagner, il avait souillé la mémoire du grand compositeur »
lui qui aime tant la musique de Wagner.
Le livre est court et les fréquents retours en arrière rythment très bien le récit.
Entrer ainsi dans la sphère de pensée d’un des grands écrivains du XXème siècle est un très bon moment de lecture, son portrait est convaincant.
Dans sa lettre il a dit
« Tant que je vivrai, fût-ce même comme citoyen du Nouveau Monde, je resterai Allemand et je souffrirai du destin de l’Allemagne et de tout ce que, par la volonté de tyrans criminels, elle a infligé moralement et physiquement au monde. »
Un premier roman réussi pour Britta Böhler avocate de profession mais qui a choisi la voie politique et le roman pour s’exprimer
Le Livre : La décision - Britta Böhler - Traduit par Corinna Gepner - Editions Stocks