La fin d'un monde
Peut-être est-il à l’agonie l’homme qui prend la parole. Il est le dernier à vivre dans ce hameau d’Aragon, près de Huesca. Ainielle est un village où déjà en 1950 il ne restait plus que trois habitants.
"Les maisons commencèrent à montrer leurs mutilations, leurs moignons et leurs os."
Le narrateur vit là seul depuis près de dix ans, son épouse est est morte depuis longtemps et il est « habitués depuis toujours à la tristesse et à la solitude de ces montagnes ».
Sa famille a disparu graduellement, Camilo mort on ne sait trop comment, Sara emportée par la maladie à l’âge de 4 ans, il reste bien un fils, Andrès, mais où est-il ?
"La vieille école gisait au sol, complètement effondrée, les murs écroulés et les meubles ensevelis sous un tas de décombres et de lichen."
Le village s’est vidé doucement, la végétation a tout envahi, la nature a repris ses droits sur la terre et les maisons, l’humidité à rongé murs et fenêtres, le vent à décoiffé les toits, la mousse s’infiltre partout. Jusqu’aux animaux qui sont venus s’installer sans demander la permission.
Le vieux il ne lui reste qu’à tenir, à résister au froid, à la neige, à la solitude. Tenir jusqu’au printemps suivant, alors il tente de redonner vie au village : il restaure, il nettoie, répare les clôtures, ajoute des lauzes sur les toits.
Mais jusqu’à quand ? La folie guette.
"Vue du côteau, Ainielle est suspendue au-dessus du ravin, telle une avalanche de lauzes et d’ardoises torturées."
C’est un texte magnifique, l’attachement de l’homme à sa terre transpire par tous les mots. La lutte permanente, l’acharnement contre le temps est à la fois grandiose et ridiculement inutile.
J’ai lu ce roman d’une traite malgré un sujet dur, on pense à Regain bien sûr mais la note est plus âpre, plus féroce ici. C’est très réussi.
J’avais beaucoup aimé un roman précédent et très différent : Lune de loups.
Celui-là je vais le ranger avec La petite lumière et Maison des autres, il est de la même famille.
Le livre : La pluie jaune - Julio Llamazares - Traduit par Michèle Planel - Editions Verdier 1988 et version verdier Poche
Commentaires
Un classique, pour moi. Magnifique !
j'ai beaucoup aimé et j'ai aimé qu'un auteur parvienne ainsi à écrire deux romans aussi différents
J'avais adoré également ce roman, cette démence qui s'insinue doucement mais irrésistiblement, ce foisonnement d'une nature qui reprend ses droits..
je n'arrive pas à trouver ton billet, si j'y parviens je mettrai un lien
Je ne connais pas! (ah bon il existe du Verdier poche?)
ah oui !! et même tu peux ainsi lire toute une série d'excellents romans pour pas cher : lune de loup mais aussi maison des autres, l'île, regarde sur leur site tu verras y a de quoi lire
Tu en parles avec force, de ce vieux solitaire. Il faut que je lise Julio Llamazares, décidément.
Belles photos d'ambiance pour ce billet. Bonne journée, Dominique.
un auteur à découvrir manifestement avec ses deux romans traduits, j'espère que Verdier en traduira d'autres car j'ai regardé il y a encore plusieurs romans en espagnol non traduits
Quand on voit combien d'êtres humains s'entassent dans des endroits si laids , on se dit que l'humanité est étrange , non?
oui mais en même temps qui aujourd'hui accepte de vivre loin de tout ?
Je ne connais pas, mais je prends note... Merci !
A découvrir
J'aime beaucoup cet auteur. Des textes rudes et beaux
rudes en effet et les deux romans chacun dans leur genre sont durs mais magnifiques
Oh là là, il va me le falloir vite celui-là, surtout si tu le mets avec "La petite lumière".
je lui trouve une parenté certaine mais avec un côté assez noir
Ce livre évoque quelque chose que je connais bien, la folie en moins. Je me souviens que dans le hameau de Lozère où j'ai acheté ma maison, il ne restait plus qu'un habitant. Il faut être très solide pour vivre ainsi isolé et cela forge un caractère bien trempé.
oui cela évoque tous ces villages qui sont morts et qui parfois ont été restauré mais sont devenus vides une bonne partie de l'année
Bonjour Dominique, je suis sûre que c'est bien (en tout cas tu donnes envie) mais pas pour moi pour l'instant. Ce n'est pas le genre de sujet qui m'attire. Désolé. Bonne après-midi.
Vas vite au ciné :-)
Bonjour Dominique, j'avais beaucoup aimé ce livre. Il y a du même auteur "lune de loups" qui est magnifique aussi. à bientôt
Claude
oui c'est pour ça que j'ai mis un lien vers mon billet de ce roman là qui est très réussi
Je note je le chercherai à notre retour
bon voyage
Bonjour,
Votre billet est toujours intéressant à lire d'autant que les livres commentés par vos soins sortent du lot ainsi des deux romans de Llamazares plutôt confidentiels en France. Vos photographies agrémentent votre note de lecture mais si je me souviens bien, dans le roman, il s'agit d'un village aragonais imaginaire. Plusieurs choses m'avaient paru alourdir le propos sombre du récit : la symbolique du jaune, l'introspection du narrateur peu probable au regard de sa vie fruste, son agonie qui n'en finit plus. En revanche, "Lune de loups" est d'une grande force et son propos percute encore le lecteur d'aujourd'hui bien qu'il relate la débandade de jeunes républicains dans la montagne, pourchassés sans relâche par les franquistes. Le romancier est un poète et cela éclate en ténébreux éblouissements comme des "puits d'écume noire".
Bien à vous.
pour ma part j'ai vraiment dans un style effectivement très différent, aimé les deux romans
j'ai cherché quelques renseignements sur ce village et j'avais trouvé dans un article espagnol que ce village avait servi de "modèle" même si effectivement celui du roman n'est jamais nommé
Tout se transforme éternellement et c'est dur parfois, on croit tous en l'éternité... sur terre ! Si tu mets ce roman à côté de "la petite lumière", je fonce sur sa lecture. Bises Dominique. brigitte
C'est un roman de la même famille
Un romancier à découvrir, si j'en lis des commentaires engageants, il s'agirait d'un récit confidentiel , la symbolique du jaune, la solitude dans les villages désertés, la parenté avec ces deux autres romans que vous rappelez.
Je garde tout cela en réserve : Llamazares, d'Arzo, Moresco, pour nourrir mes soifs de terres rurales.
Lune de loup tourne lui autour de la guerre d'Espagne
on te sent absolument séduite! J'admire tes photos... toujours :) !
merci c'est très gentil
Cela me fait grand plaisir! Un grand auteur, un roman, dur comme la plupart des écrits espagnols, mais dont tu racontes si bien la force et la beauté...sur tes illustrations aussi.
Des tas de villages sont abandonnés sur la Péninsule, ou n'y habitent plus que quelques vieux et un peu fous.
Billet convaincant et photos superbes !