Envie d'un peu de légéreté ça vous dit une croisière nordique ?
Si vous êtes prêt à monter à bord c’est ici dès demain
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Envie d'un peu de légéreté ça vous dit une croisière nordique ?
Si vous êtes prêt à monter à bord c’est ici dès demain
Bon je l’avoue ma façon de classer mes livres est un peu ...curieuse
Par exemple celui-là va prendre place à côté des Essais et de L’Obèle sur le rayon Montaigne.
Cela vous semble peut être curieux mais attendez voilà les explications.
Les Guerres de Religion ont inspiré romanciers et cinéastes, voir récemment la Princesse de Montpensier par exemple. Et bien ce roman se situe là.
Les ligueurs en procession
Gabriel des Feuillades a fait les guerres d'Italie (comme le père de Montaigne) et choisit de vivre retiré sur son domaine.
Il mène un vie tranquille, partageant son temps entre l’étude de la botanique, la lecture des anciens, ses vignes mais aussi parce qu’il n’est sage qu’à moitié quelques dévergondages avec sa servante.
Il a une épouse tendre, un fils qui rêve de gloire, une fille un peu différente des autres enfants.
Gentilhomme périgourdin Gabriel a eu son comptant de batailles et de blessures et cherche aujourd’hui les compromis, l’isolement lui convient et si il n’a pas de tour pour se retirer comme son illustre voisin, il va néanmoins servir de médiateur local entre catholiques et protestants alors que lui-même professe un sage septicisme « Eadem sunt omnia semper » *
Son illustre voisin
Lorsque les événements dégénèrent que le pillage, les tueries reprennent Ulysse, le fils révolté qui rêve de gloire, va partir participer aux combats terribles des fous de Dieu, les fils s’opposent aux pères c’est bien connu.
Alors que le père aspire à la sagesse
« Je rêve d’une autre religion, dit-il, toute nouvelle ou très ancienne, sans dogme ni culte, sans prêtres ni guerre, dont le seul exercice de piété serait la joie d’être au monde »
Le fils lui il exècre l’attitude de son père et rêve d'en découdre
« Vos livres, votre jeu d’échecs, vos écritures, votre herbier, votre feinte sagesse, votre incroyance, vos sourires et vos sarcasmes, tout cela m’était plus que jamais insupportable. » et affirme « je consacrerais ma vie à un combat juste et grand »
Un pays à feu et à sang
J’ai pris un très grand plaisir à cette lecture, pour le sujet d’abord qui m’intéresse malgré pas mal de lectures engrangées, et puis pour l’écriture, quelle élégance ! je suis tombée sous le charme.
J’ai lu le journal du père, et le récit du fils qui jamais ne se rejoignent et si il y a une chose certaine c’est que Bernard de Bonnelle a du tomber un jour dans la marmite des Essais !
Il semble que ce récit ressemble aux écrits de Brantôme, ma curiosité est éveillée !!
* Tout est indifférent ou tout est toujours pareil - Lucrèce De rerum natura
Le livre : Les serviteurs inutiles - Bernard Bonnelle - Editions La Table Ronde
J’ai d’abord pensé à changer mon billet de demain, et puis en le relisant je me suis dit qu’il convenait parfaitement
Un homme sage au milieu d’une guerre civile religieuse, un homme qui se veut médiateur ...
Comme beaucoup je pense je n’ai pas lu hier soir, impossible, j’ai malgré tout cessé d’écouter les médias qui diffusent en boucle les mêmes paroles et j’ai branché mes écouteurs et écouté Montaigne, mieux qu’un dérivatif, un vrai pansement pour l’âme.
Comme Claudialucia j’ai été sensible au dessin de Plantu qui dit mieux que les mots notre soutien.
Retour à la montagne
C’est un jeune homme, la trentaine tout juste, il quitte la ville, la douleur accompagne cette évasion.
« J’avais trente ans et je me sentais à bout de forces, désemparé et abattu, comme quand une entreprise en laquelle tu as cru, échoue misérablement. »
Il va passer du temps dans une solitude quasi totale pratiquant ainsi une rupture radicale avec sa vie d’avant, plusieurs semaines sans voir âme qui vive, il va ainsi tenter de reprendre pieds dans la vie.
Il nous invite sur les pentes de sa montagne où
« les pâturages étaient encore en sommeil, teintés des couleurs brunes et ocres du dégel; les montagnes et les vallons ombragés encore recouvert de neige. » pas très loin du Grand Paradis.
Paolo Cognetti est un admirateur de Thoreau mais pour autant il ne construit pas sa cabane, non il a pour s’enfouir loin du monde
« une baita en bois et en pierre à deux mille mètres d’altitude, là où les dernières forêts de conifères cèdent la place aux hauts pâturages. »
Il emporte de quoi lire et écrire, Thoreau bien sûr, Elisée Reclus le géographe et puis il a en tête des auteurs choisis : Mario Rigoni Stern, Erri de Luca, Charles-Ferdinand Ramuz ...
Il trace la carte du pays, il a envie comme Reclus de cataloguer la faune et la flore « une tentative de lire les histoires que le terrain avait à raconter. »
Il parcourt les pentes, contemple « les nuages gonflés d’eau » et prend avec les aigles « une leçon de voltige » ou entendre le bruit d’éclatement du mélèze frappé par la foudre. A sa suite on surprend le renard dans sa clairière et on l’entend imiter le sifflet des marmottes.
Après quelques semaines l’envie d’échanger à nouveau avec les hommes revient et lorsque quelqu’un toque à la porte il pleinement heureux, il va faire une rencontre prémices d’une belle amitié.
Dans sa baita il découvre un livre de poésie et c’est une vraie chance pour nous lecteur que de lire pour la première fois un poème d’Antonia Pozzi, poétesse qui se donna la mort à 26 ans lors de la montée du fascisme en Italie.
Dire que j’ai aimé ce livre est peu dire. Ce petit livre se classe dans la catégorie des livres d’ermitages, à côté de Thoreau bien sûr mais il a aussi une parenté très forte avec Mario Rigoni Stern que Cognetti cite souvent et qu’il admire manifestement.
C’est un recours aux montagnes comme Thoreau proposait un recours aux forêts, un voyage vers soi-même. Paolo Cognetti met dans cette introspection beaucoup de pudeur et de poésie.
Et pour vous donner envie de découvrir Antonia Pozzi
J'ai écumé les monts
hérissée comme une fleur —
regardant les rochers,
les hautes parois
dans les mers du vent —
et, chantant à mi-voix, je me souvenais
d'un ancien été
où les rhododendrons amers
prenaient feu dans mon sang.
Antonia Pozzi - Névés - La route du mourir
L'avis positif aussi d'Hélène
Le livre : Le garçon sauvage Carnets de montagne - Paolo Cognetti - Traduit par Anita Rochedy - Editions ZOE
J’aime l’idée de se retirer du monde parfois pour échapper au quotidien ou aux événements trop difficiles.
Et j’aime les auteurs qui en parle de façon parfois très différentes
euh peut être un peu trop spartiate pour moi !
Deux auteurs, deux époques, deux pays, une même envie
Je vous embarque derrière eux dès demain.
Si vous me suivez ici régulièrement vous savez que j’ai lu deux biographies de Shakespeare, trois en fait mais l’un d’elle n’a pas fait l’objet d’un billet.
Dans les trois, les auteurs se posent beaucoup de question sur l’identité même de l’auteur anglais, des zones d’ombres importantes persistent, en particulier sur ses études, sur une dizaine d’années où l’on ignore ce qu’il a pu faire. Toujours les biographes se sont interrogés sur le surgissement brutal de cet auteur si doué, si magnifique sur la scène londonienne, disons le, du jour au lendemain
D’ailleurs Stephen Greenblatt note les trous dans la biographie et les incertitudes
« Un jeune homme originaire d’un petit bourg de province, sans fortune, ni relations familiales, ni éducation universitaire » mais aussi « une réussite qui défie toute explication rationnelle »
Parlant de l’oeuvre
« Son oeuvre est si surprenante et si lumineuse qu’elle semble avoir été créée par un dieu et non par un mortel, encore moins par un provincial d’origine modeste. » Il précise « nous n’avons aucune preuve que Shakespeare fit ses études à la grammar school de Stratford. »
C’est au point que beaucoup d’écrivains et non des moindre,Borges, Henry James, Dickens, Twain, Walt Whitman sans oublier Freud, mettaient en doute que l’auteur de théâtre ait pu ainsi surgir d’un chapeau.
Beaucoup de noms ont été avancés, Francis Bacon, Edouard de Vere ou Marlowe, sans que jamais on ne soit parvenu à rien prouver faute de documents.
Voici l’essai de Lamberto Tassinari qui n’hésite pas à franchir le Rubicon et à considérer que William Shakespeare en tant qu’auteur n’a jamais existé, que sous ce nom se cache John Florio italien de naissance, anglais d’adoption, l’auteur du premier dictionnaire anglais/italien Le Monde des mots et le traducteur de Montaigne et Boccace en anglais.
John Florio
Pour l’occasion et afin que vous ne me preniez pas pour une hurluberlue j’ai relu la biographie romancée de John Florio par Anne Cuneo.
La biographe place Shakespeare au plus près de Florio même si dans la post-face l’auteur prend bien garde de préciser que jamais au grand jamais elle n’a pu penser à une possible paternité de John Florio, faute de temps dit-elle.
Ce qui m’a intéressée dans le travail de Tassinari c’est qu’alors que Shakespeare est un des auteurs ayant entrainé la production de travaux universitaires en nombres ahurissants, personne n’ait cherché à travailler sur Florio éminent intellectuel de son temps, linguiste émérite, traducteur reconnu. Comme si cet homme singulier n’avait jamais existé et surtout n’avait aucun lien avec William Shakespeare.
Pourtant le premier livre de Florio First Fruites est un ouvrage d’un linguiste qui aurait dû susciter l’intérêt de tous les chercheur soucieux de reconstituer la langue anglaise de Shakespeare
On constate quand on lit Shakespeare qu’il a un penchant pour les proverbes en tous genres hors « John( Florio) a lancé la mode de l’utilisation de dictons populaires et de proverbes en Angleterre, une mode dont Shakespeare, selon la critique orthodoxe, allait être un des adeptes les plus enthousiastes. »
le dictionnaire de john Florio
Le second livre de l’italien Second frutes est un « texte extrêmement pénétrant, résultant d’un travail de journalisme littéraire intelligent et cultivé sur la vie londonienne de l’époque. Bref, c’est un manuel plein de vivacité, d’érudition, d’idées et de tournures stylistiques qui, souvent, se retrouvent inchangées dans les oeuvres de Shakespeare »
Plusieurs universitaires ont commencé d’étudier Shakespeare à la lumière de Florio, mais au dernier moment, alors qu'il avancent des arguments en faveur d'un lien fort, ils renoncent à faire un pas de plus et à dire Florio = Shakespeare
Ce qui est certain et n’est nié par aucun biographe de Shakespeare c’est que « indépendamment de la question identitaire, le processus de l’écriture, de la représentation et de l’impression des oeuvres de Shakespeare demeure un mystère presque total » et j’avoue qu’en relisant la biographie de Greenblatt le lien qu’il fait entre, un penchant possible pour l'alcool du père de Shakespeare et la création de l’ivrogne Falstaff, est un rien tiré par les cheveux par exemple.
Alors d’où viennent les connaissances de Shakespeare en musique, son vocabulaire musical est étendu, en botanique, en médecine ...
Tous les biographes mettent l’accent sur l’influence de Montaigne sur Shakespeare (le Roi Lear, la Tempête) Montaigne dont les Essais furent traduits par.... John Florio
Florio a forgé 1149 mots en anglais pour traduire Montaigne, rappelez vous que l’on dit que Shakespeare lui en aurait inventé 2000, il semble improbable que deux hommes vivant à la même époque, créent en même temps un nouveau vocabulaire sans se connaitre !
Plus pertinent encore la connaissance par Shakespeare des écrits de Giordano Bruno pas encore connu, que Florio a côtoyé plusieurs années auprès de l’ambassadeur de France.
Le Marchand de Venise et Othello ont pour source d’inspiration des romans italiens non traduits en anglais au moment où Shakespeare écrit.
La Renaissance se prêtait bien aux emprunts littéraires, le droit d’auteur n’était pas fixé et « la masse des emprunts de Shakespeare à Florio est avérée »
On a souvent fait noté les emprunts de Shakespeare à la Bible et son savoir en la matière, ce à quoi L Tassinari répond qu’en effet John Florio a fait des études au séminaire de Tübingen ce qui lui permettait de vivre « bible en poche »
Enfin la connaissance fine de l’Italie est sûrement un argument de poids, connaissance des textes, de la commedia del arte, et sentiment de l’exil très souvent utilisé par Shakespeare.
Florio est un italien amoureux de la langue anglaise ce qui pourrait expliquer l’étrangeté souvent remarquée de la langue de Will le barde.
Robert Dudley Comte de Leicester mécène de john Florio ET Shakespeare
L’essai de Lamberto Tassinari n’est pas parfait mais il a le mérite d’ouvrir un débat.
« Pourquoi ce linguiste polyglotte, lexicographe, traducteur, courtisan, ami des plus puissants parmi les nobles de son époque, durant seize ans secrétaire personnel de la reine Anne de Danemark et grand diffuseur des cultures européennes en Angleterre a-t-il été boudé par les universitaires ? »
Il n’y a pas de preuves de ce que Lamberto Tassinari avance MAIS il y a un tel faisceau d’éléments concordants qu’à tout le moins on peut être certain d’une coopération entre ces deux personnages si tant est qu’ils ne fassent pas qu’un.
Que les anglais résistent à l’idée d’étudier la question on peut le comprendre, imaginons qu’un trublion vienne nous dire que Molière c’est du vent ....
Le livre : John Florio alias Shakespeare - Lamberto Tassinari - Traduit par Michel Vaïs - Editions Le Bord de l’eau