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Penser - Page 2

  • Les Lettres d'A l'est d'Eden - John Steinbeck

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    J’ai lu il y a trois ans Jours de travail qui était le journal d’écriture des Raisins de la colère. J’avais beaucoup aimé ce livre j’ai donc tout naturellement lu le journal d’écriture d’A l’est d’Eden.

    Il faut malgré tout que je vous prévienne, si vous n’avez jamais lu les romans je vous déconseille de lire ces journaux. Non que ce ne serait pas intéressant mais c’est tellement plus prégnant après la lecture du roman.
    Outre que Steinbeck donne des détails qui casseraient un peu les surprises de lecture.

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    Pascal covici

    C’est parti
    Ces lettres sont destinées à son éditeur et ami Pascal Covici. Steinbeck joue franc jeu avec lui, ne lui épargne pas ses difficultés, mais l’associe à ses joies.
    Au fil des pages on voit naitre le roman et l’on en suit la génèse.

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    Ce livre lui a été inspiré par ses fils, il a muri le roman durant 3 ans avant de se lancer. Il est prêt :
    « La forme en sera étonnante, l’écriture maigre et décharnée, les concepts rugueux, la philosophie antique et en même temps à peine née »

    Le thème ? « L’histoire du bien et du mal, de la force et de la faiblesse, de l’amour et de la haine, de la beauté et de la laideur. »

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    John Steinbeck est quelqu’un qui doute, sera-t-il à la hauteur ?
    « Que je sois assez bon ou assez doué pour le faire reste encore une interrogation »
    Il tente donc de se rassurer « J’ai de l’expérience, je connais l’amour et j’ai connu la douleur »

    Il est à la fois optimiste et méfiant, son expérience des Raisins de la colère reste comme une épine plantée dans le cœur.
    Il a une forte ambition pour ce livre « Je veux faire celui-là comme si c’était le dernier »

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    Il s’installe, achète une nouvelle pipe, fait provision de crayons à papier d’une marque particulière, et il ne lésine pas les achetant pas dizaine !!

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    Il est temps de démarrer « Il faut que je me rende dans la vallée de Salinas »

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    Les Hamiltons entrent en scène : « je peux raconter ce que je veux à leur sujet parce qu’ils sont tous morts et qu’ils ne s’offusquent pas de la vérité »

    La famille Trask c’est autre chose « J’ai plongé dans l’histoire de leurs ancêtres. Je connais leur humeur et leurs pulsions peut-être mieux que les miennes »

    Je suis touchée et un peu dans l’incompréhension, comment un écrivain peut à ce point s’approprier des personnages ?

    L’auteur a une idée bien arrêtée de ce que sera son roman
    « C’est un roman à l’ancienne, Pat. Il atteindra l’effet qu’il recherche grâce à une accumulation et non grâce à de rapides épisodes à l’éclat fugitif »

    Qu’on se le dise ce roman va prendre son temps, et donc évidemment ce sera un pavé.
    Steinbeck explique le rythme de ses journées, ses jours de doute, ses jours de joie.
    Plus question de se jeter tête la première dans le récit.
    Il ne veut pas revivre la tension des Raisins de la colère « Je souhaite que ce soit un livre très lent et pas qu’il se mette à courir loin devant moi.»

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    Je suis toujours étonnée quand un auteur parle de son livre comme d’une chose qui lui échappe ! Pourtant Steinbeck parle de ses personnages comme s’ils n’émergeaient de rien grâce à l’histoire.
    Lorsqu’il reçoit l’état des lieux de la vente de ses livres, il est rassuré.

    Il redoute l’échec mais en fait il n’est obnubilé que par le livre en gestation « Je me fiche éperdument d’un livre une fois qu’il est terminé. L’argent et la célébrité qui en découlent n’ont aucun lien avec le sentiment qu’il m’inspire. »

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    Je vous laisse découvrir comment le titre passera du Signe de Caïn au titre véritable. Comment le dernier chapitre du livre va lui donner du fil à retordre, le voir se plonger dans la Bible, chercher le sens des mots en hébreu.

    Le roman est dense et long et Steinbeck avoue « J’ai l’impression d’écrire depuis une éternité »

    Ce livre sera automatiquement à côté des romans de Steinbeck, comme une leçon, comme un mystère résolu, comme un exemple.

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    Le livre : Les lettres d’A l’est d’Eden journal d’un roman – John Steinbeck – traduit par Pierre Guglielmina – Éditions Seghers

  • Ma vie est un fusil chargé - Marie Gillet

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    Plutôt que de faire une recension unique du livre de Marie Gillet, j’ai choisi de vous faire partager mes émotions à la lecture de son livre.

    Les mots de Marie ont totalement fait écho chez moi parce que comme elle j’ai été une lectrice compulsive et que parfois je le suis encore.
    « Je faisais des listes de livres à lire et je cochais au fur et à mesure l’avancée de mes lectures. »

     

    Ces listes deviennent prioritaires, il y a une jouissance puissante lorsque l’on met la coche, lorsque l’on compte et recompte les livres lus.
    Certes aujourd’hui cela me semble dérisoire mais comme je comprends ce besoin.

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    Je me suis sentie totalement en pays de connaissance quand Marie Gillet écrit « Je lus tout Jules Verne d’un coup, tout Milan Kundera d’un coup ; tout Dostoïevski d’un coup ; tout Rousseau d’un coup ; tout Dickens d’un coup ; tout Tolstoï d’un coup … »

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    J’ai lu des livres en bibliothèque et puis comme Marie j’en ai acheté, trop, beaucoup trop ; c’est venu avec les moyens financiers bien entendu. Mais je me retrouve dans ces mots « J’ai longtemps acheté beaucoup de livres, bien plus que je ne pouvais en lire »

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    Je vous laisse découvrir comment elle est passée de la compulsion totale à une lecture où la sagesse l’emporte.

    Alors les livres deviennent vraiment des amis « Les livres ont été merveilleux, ils ont tout fait pour que j’avance sur mon chemin »

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    Ces livres merveilleux elle vous les fera découvrir, ses livres-chevaliers comme elle les nomme.

    Je vous retrouve dans quelques jours pour partager un peu de cette chevalerie des livres.

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    Le livre : Ma vie était un fusil chargé - Marie Gillet –Les Impliqués Éditeurs

  • Bribes de marche pour philosophes

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    « La marche est un début de chute, l’amorce d’une chute, qui est d’abord provoquée, puis aussitôt empêchée, puis recommencée et réempêchée… indéfiniment. Mettre un pied devant l’autre, c’est se faire presque tomber, se rattraper, se refaire tomber à peine, se rerattraper, sans cesse. Le mouvement est produit par cette amorce de chute constamment entretenue et arrêtée. Nous le savons, intuitivement. Nous n’y pensons presque jamais, bien que nous marchions tous les jours, pour la plupart d’entre nous. »

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    « Humains, nous sommes des « êtres marchants ». La marche peut définir l’humain tout autant que la parole et la pensée. Il est le seul, de tous les vivants, à se déplacer ainsi. C’est pourquoi il me semble qu’on ne peut se contenter de juxtaposer ces définitions de l’humain : être marchant, être parlant, être doué de raison. Il faut en explorer les liens, en examiner l’éventuelle unité. Car se redresser pour marcher fut apparemment, pour notre espèce, le geste qui a permis de parler et de penser. Quand l’humain a commencé à marcher, il a commencé aussi à parler et à penser. »

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    « En ce sens, nos pensées marchent. Quand elles sont mises à l’épreuve – et la philosophie constitue au plus haut point cet exercice – leur manière de fuir en avant ressemble de très près au mouvement de contrariété interne, provoquée et surmontée, qui se tient au cœur de la marche. Marche et philosophie se trouvent sans doute dans un mouvement semblable de chutes et redressements permanents. »

    Le livre : Comment marchent les philosophes – Roger-Pol Droit – Editions Paulsen

  • Eden - Auður Ava Ólafsdóttir

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    Êtes-vous partant pour un séjour en Islande, bon c’est certain il va pleuvoir mais vous pourrez nager dans une source chaude, ceci compense cela.

    Rendez-vous chez Alba, une femme qui vit parmi les mots, et pas seulement les mots, les langues aussi. Elle est linguiste et spécialiste des langues en perdition. Elle est douée et passionnée.

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    A ce titre elle voyage un peu partout, elle jongle avec les déclinaisons, les conjugaisons, la grammaire, de quoi remplir les journées.

    Et puis quelque chose se rompt dans la machine bien huilée, son travail à l’université de Reykjavík et dans l’édition semble ne plus tout à fait suffire, il y a aussi un grain de sable dans les rouages, un étudiant lui dédit des poèmes, des écrits, ce qui risque de mettre en péril un poste qu’elle a en vue.

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    Et puis il y a ses doutes et ses inquiétudes sur l’état de la planète, sur l’extinction programmée des espèces et pas seulement des dialectes, sur tout ce qu’elle a envie de préserver : la nature, les liens que l’on forge au gré du temps, les livres qui peuplent la vie.

    Elle doit avouer « Je n'ai pas toujours été très douée pour faire coïncider mes pensées avec mes paroles. »
    Son père est un passionné des arbres et du coup Alba s’interroge.
    « Combien d'arbres je devrais planter si je voulais compenser l'empreinte carbone de tous les trajets en avion que j'ai effectués l'an dernier ? »

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    La prise de conscience est brutale, il lui faudrait planter 5600 arbres pour combler le déficit !!!
    De quoi s’interroger sur son mode de vie.
    Pas de blablas de spécialiste, pas de conférence sur le réchauffement non, tous simplement Alba remonte ses manches et se met à planter des arbres.

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    Elle achète une petite maison avec un immense terrain pour planter 2000 bouleaux, rien de moins, ah oui elle a aussi prévu un potager.

    Son petit paradis demande de l’huile de coude pour entamer cette reconstruction, mais elle a trouvé un nouveau sens à sa vie et cela change tout.

    J’ai aimé cette jolie fable pleine d’espoir, de poésie, de drôlerie.

    J’ai aimé le personnage de Danyel jeune réfugié prêt à s’approprier une nouvelle langue car il sait que cela lui permettra d’être accepté, de tisser quelques liens.Parce que dit Alba, une langue c’est une façon de « décrire comment il est possible de supporter cette chose qu'on appelle la vie »

    J’ai aimé que Auður Ava Ólafsdóttir vienne titiller notre responsabilité, pas question de nous culpabiliser non mais elle nous pousse à réfléchir à notre engagement personnel car après tout « Nous sommes à chaque instant au centre de notre existence »

    J’ai aimé comment elle montre que le trop plein d’objets, de livres « Gerður, la guichetière de la banque, m'a acheté La généalogie de la langue, Fríður qui travaille à la supérette la compilation d'articles: La grammaire en s'amusant. Et juste avant ton arrivée, j'ai vendu à Elinborg K Déclaration d'amour à ma langue maternelle »

    J’ai aimé ce vivre ensemble,la liste des « activités qui échappent aux règles du langage »

    «Marcher dans la nature.
          Travailler dans le jardin.
    Biner les rangs de pommes de terre.
    Respirer.
    Regarder le ciel au-dessus de la montagne.
    Écouter les oiseaux »

    C’est le moment de remercier le traducteur, Eric Boury, je l’ai déjà apprécié avec les romans de Stefansson ou Indridason c’est une occasion de plus d’apprécier son travail.

     Un livre tout en finesse, légèreté et simplicité, n’hésitez pas

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    Le livre : Éden - Auður Ava Ólafsdóttir - traduit par Éric Boury – Éditions Zulma

  • Un Grand monsieur

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    Comme beaucoup parmi vous je pense j’ai appris avec tristesse la disparition de Jean Malaurie.

    Ma rencontre avec lui date de la publication de son livre phare Les derniers rois de Thulé.

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    C’était pour moi une incursion dans ce monde de froid et de glace que j’avais tant aimé enfant lors de mes premières lectures sur l’exploration des glaces.

    Un trésor que ce livre que j’ai offert à un membre de ma famille avec plaisir comme un témoin précieux.

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    Depuis j’ai lu beaucoup de livres de sa collection Terre Humaine, et chaque fois ce fut du bonheur, j’ai encore deux livres dans ma bibliothèque et impossible de s’en séparer : L’été grec et Le Cheval d’orgueil.

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    Ses mémoires sont parues en 2022 et bien entendu elles sont sur mon étagère.

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    Un grand monsieur.

    Les Livres
    Les derniers rois de Thulé – Jean Malaurie – Terre Humain Éditions PlonDe la pierre à l’âme Mémoires – Jean Malaurie – Terre Humaine Éditions Plon
    Le Cheval d’orgueil – Pierre-Jakez Helias – Terre Humaine Éditions Plon
    L’été Grec – Jacques Lacarrière – Terre Humaine Éditions Plon

     

  • La Traductrice - Efim Etkind

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    C ‘est un cadeau que j’ai reçu et qui m’a fait un immense plaisir, vous me direz comment peux-tu dire ça alors que tu as déjà lu le livre ?
    C’est vrai je l’ai déjà lu mais rapidement comme on lit quand on doit rendre le livre très vite.

    Alors là j’ai pris mon temps.
    Un récit très court mais dont on regrette presque la concision tant cette étonnante histoire nous bouleverse.

    On assiste à la représentation de Don Juan de Byron, à la fin de la pièce le public debout réclame l’auteur. Une femme gênée, voutée, monte sur scène et là s’écroule.
    Cette femme c’est Tatiana Grigorievna Gnéditch.

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    Elle est une intellectuelle issue d’une famille aristocrate ce qui en Union Soviétique était comme une épée de Damoclès.
    Tatiana Gnéditch est passionnée de littérature anglaise et attirée en particulier par Byron. Elle a de qui tenir, un de ses ancêtres fut le traducteur de l’Iliade, traduction jamais dépassée depuis. 

    La politique n’intéresse pas Tatiana mais la politique va la rattraper. Soupçonnée puis emprisonnée pour ses origines, elle est condamnée à dix ans de camp en 1945.

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    Bizarrement elle ne part pas immédiatement au Goulag, elle va profiter de ce répit pour obtenir avec l’aide d’un de ses geôliers, papier et crayon et elle s’attaque à la traduction de Byron.
    Au nez et à la barbe du NKVD elle va traduire les 17000 vers de Don Juan. 

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    Le parcours de cette traduction est un exemple de solidarité et de prise de risques pour que ne se perdent pas les paroles des écrivains. 

    Une femme de la trempe d’un Soljenitsyne qui enterra ses manuscrits ou de Nadejda Mandelstam qui mémorisa l’œuvre de son mari pour qu'elle ne s'efface pas.

    En lisant ce petit livre j’ai pensé au « Proust contre la déchéance » de Joseph Czapski et au rôle de la mémoire.
    J’ai fait également le rapprochement avec le superbe film La femme aux cinq éléphants qui, bien que dans un tout autre contexte, met parfaitement en valeur le travail de la traduction.

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    Un mot sur l’auteur : Efim Etkind était linguiste et traducteur, il fut un dissident qui prit des risques pour faire circuler des œuvres d’auteurs interdits. Il a travailler à faire connaître les dérives soviétiques, en 1974 il fut contraint à quitter l’URSS.

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    Le genre de petit livre tout à fait indispensable, des textes qui ne s’oublient pas, qui réactivent en nous l’obligation de nous inquiéter des livres, des auteurs ET des traducteurs.

    Le livre : La traductrice – Efim Etkind – Traduit par Sophie Benech – Éditions Interférences