Entre joie et poignant ennui
Oh ! Ne se peut nulle tendresse :
C'est en vain qu'un cœur en détresse
Retient l'amitié qui s'enfuit.
Je m'en irai vers les lointains des mers,
Et, labourant leur espace désert,
Quêtant de l'archipel les plus lointaines terres
Où le reflux propulse en cadence les lames,
Je saurai découvrir une île hospitalière
Où pourra, pour souffrir, errer libre mon âme.
Je rêve aux landes, aux brumeuse collines,
Où s'amasse l'ombre glacée du soir,
Car, perdus parmi les froides montagnes
Gisent ceux que j'ai aimés autrefois.
La nuit autour de moi se fait plus obscure,
Les vents sauvages soufflent, plus froids,
Mais un charme tout puissant me lie,
Et partir, partir, je ne le peux.
Les arbres géants abaissent
Leurs branches nues, pesantes de neige,
Et la tempête va grande erre,
Et cependant je ne puis partir.
Nuages au-delà, nuages au-dessus de moi,
Solitudes au-delà, solitudes plus bas,
Mais nulle désolation ne peut m’émouvoir,
Je ne veux pas, je ne peux pas partir.
Deux arbres dans un champ désert
Me chuchotent un sortilège :
Lugubre est le secret que leur sombre ramure
Agite avec solennité.
Les livres : Emily Brontë - Poèmes - Gallimard ou Points poche