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Littérature américaine - Page 9

  • Roderick Hudson - Henry James

     Les débuts d'un maître

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    Roderick Hudson est le premier roman très abouti d’Henry James. Il reçut un accueil très positif aussi bien au Etats Unis qu’en Angleterre.

    Roderick est sculpteur, c'est un jeune artiste au talent prometteur. Il est remarqué par Rowland Malet qui va jouer auprès de lui le rôle de mécène et de mentor, il lui propose de l’accompagner en Europe, de découvrir avec lui les grands musées, les artistes les plus brillants et de donner ainsi une chance à son talent de s’épanouir.

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    Henry James et Hendrick Andersen sculpteur 

    Très vite les deux hommes deviennent amis, Rowland lui ouvre toutes les portes possibles, ils sont introduits dans une société brillante mais où l’argent ou plutôt le manque d’argent tient une grande place. 

    La belle aventure va tourner court lorsque Roderick Hudson rencontre Christina Light. La beauté incarnée mais hélas aussi le caractère le plus imprévisible qui soit. Sous la pression de sa mère elle est en Italie à la recherche d’un riche parti. 

    Roderick tombe sous son charme très sulfureux, terminé la sculpture, le jeune homme se laisse porter par un caractère volage et fantasque que Rowland n’avait pas décelé. Il fait fi des préjugés et se rend à Baden Baden où le jeu va compliquer la situation. 

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    L’idylle prend un tour dangereux, Roderick  échappe à son Prométhé et pousse Rowland à appeler à la rescousse Mrs Hudson mère qui redoutait les tentations du voyage et Mary Garland qu’il a rencontré aux Etats-Unis et qui apprend-t-il est fiancée à Roderick. 

    Rowland espère que la venue des deux femmes va remettre Roderick au travail, mais les liens entre Roderick et Christina sont semble-t-il trop violents.

    Comme toujours avec Henry James on entre dans le secret des ressorts humains sans pour autant leur trouver une explication ou une justification.

    J’ai aimé le personnage de Rowland, il est un rien ambigu évidement mais son côté mécène est tout à fait sincère, cela  procure un but à sa vie oisive. 

    Là où James est le meilleur c’est dans la description des rapports tortueux qui unissent Roderick et Christina, mais aussi dans l’évolution de ceux entre Roderick et Mary Garland. L’amour non partagé, le dévouement absolu, l’égoïsme poussé à son comble.

    Roderick et Rowland sont d’abord deux amis, puis deux frères complices pour finir par se trouver en opposition, beaucoup de critiques y ont vu une teinte d’homosexualité. J'y ai plus vu le reflet de la compétition permanente avec son frère Williams mais ce n'est que mon impression. 

    Le second thème du roman est bien sûr la création artistique, ses méandres, ses aléas, l’intrusion du mécène et le rôle parfois ambigu qu’il tient. La différence de traitement que James accorde à l’artiste plein de talent mais qui refuse toute discipline, tout effort, et celui qu’il accorde à un peintre d’aquarelles qui, lui, progresse par un travail acharné, un jugement tout à fait dans la morale du temps.

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    Rome apparait comme une ville magnifique mais ô combien dangereuse. Contrairement à d’autres romans où la nature est assez absente, il y a dans ce roman quelques belles descriptions de paysages et c’est d’ailleurs à travers elles que Henry James fait monter la tension dramatique de l’histoire.

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    Il semble que le roman doive beaucoup à la lecture de Balzac qu' Henry James admirait énormément,  vrai que l’on trouve la trace des Illusions perdues et de l’expérience de Lucien de Rubempré.

     

    David Lodge fervent admirateur de James dit que « La lecture de Henry James requiert patience et maturité. Suivre le flux de conscience des personnages les plus instables grâce à toutes les nuances de la plus somptueuse des proses, nécessite de tourner lentement les pages de son livre. »

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    Le livre : Roderick Hudson dans Un portrait de femme et autres romans - Henry James - Traductions de Anne Battesti - Gallimard Pléiade 2016.

  • Ce sont les violents qui l'emportent - Flannery O'Connor

    Deuxième incursion chez les écrivains sudistes et une nouvelle plongée dans l’absurdité et l’obscurité du monde.

    Un roman placé sous le signe du bien et du mal et de la guerre qu’ils se livrent depuis Caïn et Abel.

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    Le sud de Dorothea Lange et Flannery O'Connor

    « L’oncle de Francis Marion Tarwater n'était mort que depuis quelques heures quand l'enfant se trouva trop soûl pour achever de creuser sa tombe, et un nègre nommé Buford Munson, qui était venu faire remplir sa cruche, fut obligé de la finir et d'y traîner le cadavre qu'il avait trouvé assis à table devant son petit déjeuner, et de l'ensevelir d'une façon décente et chrétienne, avec le signe du Sauveur à la tête de la fosse et assez de terre par-dessus pour empêcher les chiens de venir le déterrer. »

    C’est une plongée dans les ténèbres que ce roman qui démarre sur une sorte de coup de folie. Un vieil homme, certain d’être un élu de dieu, a kidnappé son petit-neveu tout bébé, il a élevé celui-ci dans la certitude d’être un prophète, il l’a soustrait à toutes les influences qu’il considérait comme pernicieuses, pas d’amis, pas d’école, pas de distractions à part les sermons dont il abreuve largement le monde alentour et l’accès à son alambic.

    A sa mort Francis Marion Tarwater va se retrouver seul et entame un retour vers ses origines. Il part à la recherche de George Rayber un oncle qui a tenté de le soustraire à la folie du vieil homme mais l’a abandonné à son sort, il a quatorze ans et ne connait que haine et colère comme sentiments.

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    H Bosch le jugement dernier Musée des Beaux arts de Vienne

    Le mal est fait, il entend des voix, son grand-père lui a intimé l’ordre de baptiser Bishop l’enfant handicapé de son oncle, il s’y refuse mais l’emprise du vieil homme est encore très prégnante et quand il découvre l’enfant qui « avait les yeux légèrement enfoncés sous le front, et ses pommettes étaient plus basses qu’elles n’auraient dû être. Il était là, debout, sombre et ancien, comme un enfant qui serait enfant depuis des siècles. » il ne sait plus.

    La tragédie est en marche sur fond de fournaise sudiste 

    Cette histoire est traitée avec un humour corrosif et féroce que j’avais rarement rencontré jusqu’ici. Flannery O’Connor nous montre la face cachée de la foi religieuse, celle qui déclenche souffrance, cruauté, superstitions ridicules mais dangereuses c'est d'autant plus courageux et surprenant qu'elle était elle-même très croyante.

    C’est l’Amérique sous l’emprise de la Bible et des prédicateurs de tous poils. 

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    On ne sait ce qui l’emporte, le grotesque ou l’effroi, l’auteur utilise les sentences bibliques comme des fers rouges, le titre du roman sortant de l'Evangile de Matthieu, ses personnages se dirigent droit vers la damnation.

    Il y a du Jérôme Bosch dans ce roman, comme le peintre Flannery O'Connor mêle l’enfer et le grotesque.
    Son biographe et traducteur Maurice-Edgar Coindreau dit qu’elle n’avait  « aucune illusion sur la vraie nature d'une humanité qu'elle estimait plus ridicule encore que méchante ».

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    H Bosch la chute des anges rebelles Musées royaux des beaux arts Bruxelles

    Flannery O’Connor a écrit deux romans ayant pour acteurs le prophète grotesque qui nous ferait rire s’il n’était aussi dangereux,  les héros marginaux dont on aurait pitié s’ils n’étaient aussi violents. C’est absolument saisissant et éprouvant à la fois. 

    C’est le premier roman que je lis de l’auteur mais je sais que j’y reviendrai.

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    Le livre : Ce sont les violents qui l’emportent - Flannery O’Connor - Traduit par Maurice-Edgar Coindreau  - Editions Gallimard

  • L'intrus - William Faulkner

    Qu’arrivait-il dans les années vingt dans le Mississipi à un noir arrêté arme en main avec à ses pieds le corps d’un blanc abattu d’une balle dans le dos ?

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    Le lynchage de Thomas Shipp et Abram Smith, 7 août 1930 à Marion, Indiana

    Surtout quand la victime est de la tribue des Gowrie. Toute la ville s’attend à un lynchage, une pendaison ou même l’utilisation d’un simple bidon d’essence. Heureusement pour Lucas Beauchamp demain c’est le sabbat et il gagne quelques heures de vie.

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    Le film tiré du roman

    Quand Charlie avait 12 ans Lucas lui a sauvé la mise, il était passé à travers la glace d’une rivière gelée. Charlie sentant une dette peser sur sa conscience a eu un peu plus tard un geste qu’aujourd’hui encore il regrette, faisant ce qu’on attend d’un blanc vis à vis d’un noir.
    Aussi aujourd’hui quand Lucas Beauchamp dit ne pas être l’auteur du meurtre et que pour le prouver il lui demande d’aller tout simplement déterrer la victime, Charlie se sent obligé d’obéir.

    Il va trouver de l’aide auprès de la vieille Miss Habersham qui fournit véhicule, pelle et pioche ! 

    Lucas Beauchamp n’est pas un noir ordinaire et avec ce personnage c’est tout le talent de Faulkner qui s’impose.

    Lucas est le prototype du nègre qui ne s’incline pas devant les blancs, qui n’enlève pas son chapeau, ne remercie pas, ne plie pas le genou, cela même de l’avis des autres noirs qui eux font ce que l’on attend d’eux c'est à dire endurer et survivre.

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    Lucas Beauchamp

     L’intrigue est on ne peut plus simple mais elle est magnifiée par le talent de Faulkner et comme moi je pense vous serez admiratif du retournement qui se produit entre la première scène, celle du sauvetage de Charlie Mollison et la scène finale.

    Dès le début on se perd dans ses digressions, ses parenthèses, ses incises. On suit le monologue intérieur de Charlie, fil rouge du roman, son sentiment de culpabilité, son besoin de payer sa dette, il est intelligent et fier mais sait déjà que les blancs, les petits fermiers autour de lui, se font une autre idée de la justice et du droit et Gavin Stevens son oncle juge et attorney n’est pas exempt des mêmes préjugés.

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    Oxford Mississipi la ville de Faulkner

     

    Si vous aimez Virginia Woolf vous êtes déjà initié au flux de conscience, Faulkner est dans le même registre avec une dureté beaucoup plus prégnante et une permanence parfois déroutante. Les retours en arrière ne sont pas signalés alors on se perd parfois en route mais un coup de rétroviseur et l’on retrouve le bon chemin.

    Ce roman initiatique splendide que Faulkner écrit à la veille d’être couronné par le Nobel est une bonne façon d’entrer dans son univers pas toujours simple d’accès, beaucoup plus facilement que ses grands romans qui peuvent décourager plus d’un lecteur. 

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    Le livre : L’intrus - William Faulkner - Traduit par RN Rimbauld et Michel Gresset - Editions Gallimard Folio

     

  • Magic Time - Doug Marlette

    J’ai renoué d’un seul coup avec les romans qui racontent une bonne histoire et un romancier qui sait comment la raconter. 

    Je suppose qu’un jour ou l’autre vous avez vu le film Mississipi burning, si oui vous êtes déjà dans l’ambiance de Magic time. 

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    Gene Hackman et Willem Dafoe - Mississippi burning d'Alan Parker

    Les années noires de l’Amérique, celles au cours desquelles l’on pendait, l’on mutilait, l’on lynchait des noirs américains juste pour les empêcher de s’inscrire sur les listes électorales des états du sud et leur refuser les droits les plus élémentaires. 
    Doug Marlette évoque avec force et convictions le mouvement des droits civiques et il emprunte les allées de la fiction pour mieux nous tenir à sa merci.

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    Son roman se déroule sur deux époques, 1965 et 1990, son héros Carter Ramson est journaliste au New York Chroniqueur, victime d’un stress post-traumatique lorsque un attentat islamiste en 1990 manque d’emporter la femme qu’il aime, cet évènement est venu réveiller ses vieux démons et la folie meurtrière qui a cassé sa vie en deux un jour de 1965 lorsque dans le Mississipi une action du Klu Klux Klan a tué plusieurs de ses amis.

     


    La Longue Marche De Martin Luther King  

    Carter Ramson c’est LE journaliste dans toute sa splendeur, habile, libre, intègre mais tout couturé de cicatrices invisibles. 
    Pour l’aider sa soeur Sally le ramène au pays, à Troy où il retrouve ses vieux amis de jadis, Jimbo, Lonnie et Stephen, son père l’inflexible juge Ramson qui fête sa retraite mais il retrouve aussi les démons du passé en la personne du procureur Sydney Rushton qui va rouvrir le procès de l’incendie de l’église de Shiloe qui coûta la mort à quatre jeunes activistes amis de Carter en 1965, le principal accusé ayant échappé à l’époque à toute condamnation.
    Carter Ramson devra témoigner au procès.

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    Des victimes parmi d'autres

    Construit avec la technique du flash back, le roman progresse très habilement, peu à peu apparait le tableau de cette société sudiste qui mélange compassion et haine pour les noirs, qui fait porter les soupçons sur les coupables mais aussi parfois sur les innocents, qui relit son histoire avec regret ou complaisance, on n’y voit le courage et la lâcheté à l’oeuvre.

    Doug Marlette compose un beau portrait d’homme qui petit à petit se construit une conscience politique et l’intrigue avance inexorablement vers son dénouement. 

    C’est un excellent roman avec un petit bémol, mais vraiment petit, le nombre de personnages secondaires parmi lesquels on se perd un peu parfois mais c’est tout à fait secondaire par rapport à l’intérêt du thème et à la façon très rigoureuse dont l’intrigue est menée. 

    Un clin d'oeil à Keisha qui m'a fait connaitre ce livre

    Merci à Eeguab qui m'a signalé cette chanson qui salue les victimes

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    Le livre : Magic Time - Doug Marlette - Traduit par Karine Laléchère - Editions Le Cherche Midi

  • La voie des morts - Neely Tucker

    Mes dernières incursions en territoire polar furent très décevantes alors j’ai jubilé en lisant celui-ci.

    C’est le premier roman de Neely Tucker et c’est franchement très efficace.

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    Retour en arrière puisque l’action se situe à la fin de l’ère Clinton. Une jeune fille blanche a disparu, ça c’est courant mais c’est la fille d’un juge qui allait être nommé à la Cour Suprême, évidement les choses du coup prennent une autre tournure.

    Sarah Reese après son cours de danse s’est rendue dans un petit supermarché, là elle a été prise à parti par trois ados noirs, quelques heures après son corps est retrouvé dans la ruelle derrière  le market.

    Un polar oui mais son héros est un journaliste, Sully Carter, un fouille-merde comme les appellent les flics, mais celui-là est un tenace, la médiatisation de l’intéresse pas, il se tourne vers ses indics, si je vous dis qu’en plus il a eu maille à partie avec le juge Reese vous savez tout ce qui est nécessaire pour vous donner envie de lire ce polar

    C’est d’une grande efficacité, les bas-fonds qu’ils soient ceux des mafieux mais aussi ceux des politiques sont parfaitement mis en scène.

    Et à force de recoupements qu’il fait grâce à une grande carte sur un mur de son bureau, vous avez compris que ce n’est pas un fan de technologie, il fait apparaitre un tout autre tableau de la disparitions de Sarah Reese.

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    Bien sûr il est un rien alcoolo ce journaleux, il faut dire qu’il était en Bosnie et qu’il en garde quelques séquelles, nobody’s perfect !

    Allez y de confiance c’est efficace, la traduction est bonne, la photo de la société américaine est très réussie et j’espère bien retrouver ce héros et cet auteur prochainement.

     

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    Le livre : Voie des morts - Neely Tucker - Traduit par Alexandra Maillard - Série Noire Gallimard

  • Un jardin dans les Appalaches - Barbara Kingsolver

    Un jour avec binette et râteau 

     

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    Fête des mères, des pères,  comment faire plaisir à un(e) écologiste en mal de sobriété heureuse ? 

    Et bien en lui offrant un livre sympa mais en version poche (moins d’euros et moins de papier parfait pour l’empreinte carbone) 

     

    Celui que je vous propose n’est pas récent du tout mais je m’y suis replongée pour vous avec délices car non seulement vous y apprendrez comment réussi votre verger, votre potager mais en prime vous aurez droit à quelques recettes

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    Un pari celui d’une famille qui désireuse de changement s’installe dans une ferme des Appalaches avec l’idée folle de se nourrir avec ce qu’ils feront pousser ou ce que pourront leur fournir les fermiers des environs. 

    Ciel des locavores ces drôles de petites bêtes qui ne mangent que les légumes et fruits de saison et qui ont poussé sur place.

    Les expériences de nos fermiers en herbe ne sont pas toujours couronnées de succès mais ils s’accrochent. Mari et filles ont participé totalement à l’expérience et à la rédaction du livre. Un livre qui donne des idées et des envies.

     

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    Ce livre là je vais tout de suite l'offrir à  Aloïs qui a déjà le jardin, le potager, les bocaux, et qui en un tour de mains peut concocter un repas de roi et vous donner la recette.

     

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    Le livre : Un jardin dans les Appalaches - Barbara Kingsolver - Editions