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Biographie Correspondance journaux - Page 26

  • Elisée Reclus Etonnant géographe - Joël Cornuault

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    Elisée Reclus étonnant géographe - Joël Cornuault - Editions Fanlac
    Qu’est-ce qui fait que l’on part à la recherche d’un écrivain ?  le plus souvent pour moi c’est parce que je lis ici ou là un article, un passage de livre le concernant. Et de temps en temps c’est autre chose. Pour Elisée Reclus je connaissais son nom, de façon très vague et associé à la géographie mais c’est tout.
    C’est l’interview de Kenneth White dans une émission de radio qui m’a titillé, il parlait de Reclus avec une telle admiration, mettant en avant les écrits mais aussi l’homme et son engagement personnel. Du coup j’ai voulu satisfaire ma curiosité et je vous propose de faire connaissance avec ce savant, cet humaniste, cet anarchiste « père de la géographie » un peu comme Hérodote est le père de l’histoire.

    Vient de paraitre une biographie très complète et qui vient d'obtenir le Prix Fémina de l'essai, mais elle est réservée aux  vraiment curieux, pour les autres je propose une balade plus légère avec le spécialiste  de Reclus : Joël Cornuault qui anime les Cahiers d’Elisée Reclus et qui a traduit également les livres de John Burroughs.
    En ouverture de ce petit livre de 150 pages l’auteur nous dit : « Elisée Reclus fut un homme de conviction ardente : loyal, opiniâtre, désintéressé, bienveillant, capable de vivre jusqu’au bout les opinions qu’il professait (...) car il croyait, rare parmi les hommes de plume, en ce qu’il disait ou écrivait  » Joli début non ? et qui donne envie de mieux connaître l’homme.

    EliseeReclusNadar.jpgQuelques éléments biographiques indispensables :
    Né en 1830 dans le sud ouest, issu d’une famille protestante, son père pasteur éleva 14 enfants, programmé pour être pasteur il renonce à la théologie et étudie les langues (il en parle 5) la géographie, perd la foi et devient anarchiste.

    Homme de convictions il est obligé de fuir après le coup d’état de Napoléon III, il va en profiter pour visiter les Etats Unis, découvre et s’insurge contre l’esclavage. De retour en France il commence sa vrai carrière de géographe en voyageant dans toute l'Europe et le plus souvent à pieds pour les éditions Hachette.
    Ses convictions anarchistes le lient à Bakounine et il participe à la Commune, condamné au bagne il est sauvé par son renom d’homme de sciences car de nombreux savants intercédèrent pour lui dont Darwin, il est condamné au bannissement, il va désormais vivre à l’étranger, en Suisse, en Belgique. Il devient l’ami de Pierre Kropotkine , amitié qui se poursuivra pendant de longues années. 

    Il va écrire ses livres les plus célèbres : Histoire d’un ruisseau et surtout une « Géographie universelle » en 19 volumes et « La terre » en 6 volumes, titulaire d’une chaire à l’université de Bruxelles, il fonde l’Institut Géographique, il voyage énormément et meurt en 1905, il est inhumé au cimetière d’Ixelles

    Le grand intérêt du livre de Cornuault c’est de ne pas respecter la chronologie mais plutôt de nous introduire dans la pensée de Reclus en quelques chapitres évocateurs : Du sentiment de la beauté, Paysages sonores et rythmes du monde, Elisée et les joies de l’espace.
    On découvre dans ces chapitres « l’homme d’abord, le géographe ensuite » comme Reclus se décrivait lui-même
    elisee-reclus-1879.jpgCe fut, dit Cornuault « un semeur de sciences » et à travers son oeuvre et la qualité de ses écrits « un semeur de beauté »
    Le grand projet de Reclus était de mettre les sciences à la portée de tous. Toute son oeuvre est parcourue par une émotion forte, par son admiration de la nature, lui qui combattait l’illusion, le mystère mais qui avait une « chaleur admirative pour les formes de la terre » Il se qualifiait de « Géographe prolétarien » joli nom pour ce socialiste convaincu. Géologue perspicace il eut l’intuition de la dérive des continents.
    Dans ce petit livre on découvre aussi son entourage, Camille Pissaro avec qui il a été en relation et qu’un critique de l’époque appellait « anartiste » ce qui était fait pour plaire à Reclus.
    Toutes ses oeuvres sont bien sûr illustrées de cartes mais aussi de vignettes dessinées par Frantz Kupka qui deviendra ensuite un peintre abstrait très connu.

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    « J’ai parcouru le monde en homme libre... »
    (article publié lors de sa mort )

    L’auteur ne s’attarde pas sur l’engagement anarchiste de Reclus car dit-il « C’est par les chemins buissonniers qu’emprunte le lecteur sans affiliation que je vins à Elisée Reclus. »
    J’ai beaucoup aimé ce livre du genre de ceux qui emportent vers d’autres livres

    Poursuivre votre lecture


    Histoire d’un ruisseau - Elisée Reclus - Editions Infolio


    Elisée Reclus Géorgraphe anarchiste, écologiste - Jean Didier Vincent - Robert Laffont
    Une biographie très complète mais que j'ai trouvé moins vivante que le livre de Cornuault par contre elle s'attache a montré la vie et l'engagement anarchiste de Reclus, ses liens avec Bakounine et Kropotkine et assez longuement sa vie en exil.



  • Stendhal - Philippe Berthier

    stendhal.gifStendhal vivre, écrire, aimer - Philippe Berthier - Editions de Fallois
    Vivre, écrire, aimer : le titre même de cette biographie virevoltante dit l’essentiel de son sujet. La vie d’un homme pour qui la vie passe avant la littérature et ne peut se concevoir sans une quête permanente de l’amour.
    Je ne savais quasiment rien de la vie d’Henri Beyle, quelques clichés tout au plus. Cette lecture fut donc une totale découverte et grâce à la virtuosité de Philippe Berthier ce fut un grand plaisir. C’est enlevé, vivant, bouillonnant, parsemé de citations, de jeux de mots, de comparaisons audacieuses. Bref on ne s’ennuie pas un instant.

    Amant malheureux et parfois éconduit, passionné de théâtre, complètement dingue d’opéra, un amoureux de l’Italie et de ses peintres, un écrivain magnifique mais qui ne connu pas le vrai succès de son vivant, journaliste pour faire bouillir la marmite, perpétuellement à court d’argent. Voilà le portrait brossé à grands traits d’Henri Beyle dit Stendhal.
    Mais approchons nous plus près grâce à la lorgnette de Philippe Berthier
    Je vous fais grâce des détails pour retenir les traits caractéristiques.
    Henri Beyle fut un lecteur acharné « Insatiable il entonne tout ce qui passe à sa portée, fait flèche de tout bois, épluche avec ardeur les annonces de livres à vendre dans la presse. Tout est bon pour alimenter le bibliophage : Dante, Lucien, l’Abbé Prévost, Rousseau.. »
    Chez lui l’amour des femmes et l’amour des livres se mêlent « Lire c’est jouir. Et écrire donc !  »
    Il écrivit pendant des années des chroniques pour les journaux anglais « N’ayant personne à ménager pour des lecteurs d’outre-Manche, Stendhal à la bride sur le cou et s’ébroue en toute liberté »  il y parle de tout, de politique, d’actualité littéraire, de théâtre.
    Cet homme qui courut après l’amour d’une femme toute sa vie n’était pas beau et le savait  « il a été capable d’en parlé avec simplicité » cela ne l’empêchait pas de poursuivre les soubrettes avec acharnement tant son amour de la vie était grand.

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    Il n’aimait pas tout le monde, dans une notice biographique il dit de lui « Il n’aima aucun de ses parents » on peut dire même qu’il détesta son père alors que celui-ci lui permit de passer des années à faire ce que bon lui semblait.
    Les moments les plus précieux de son existence ne seront pas la publication des ses romans mais ses séjours italiens qui parfois tournent à la farce tant il est habile à se mettre les gens à dos « Stendhal ne peut s’emêcher de tendre des verges pour se faire battre, de dire à un puissant exactement ce qu’il ne faut par dire : Henri Lagaffe c’est tout lui. »
    A t-il comme on le prétend occupé des postes de façon bien légère ? Souvent malade c’est le roi de la demande de congés exceptionnels, jugez en « Les uns prétendent que Stendhal a été un fonctionnaire dilettante, négligent, scandaleusement même, si l’on songe qu’en additionnant ses éclipses, on arrive parfois au total en effet effarant de sept mois en un an » 

    Mais la littérature dans tout ça ? Philippe Berthier nous dit « Stendhal n’a jamais sacralisé la littérature au point de lui sacrifier les autres plaisirs de la vie »  J’ai découvert que Henri Beyle n’était pas du tout gêné de plagier allégrement , il a une façon bien à lui d’écrire « je compose 20 ou 30 pages puis j’ai besoin de me distraire, d’un peu d’amour quand je puis ou un peu d’orgie »
    Il écrit la Chartreuse de Parme en quelques 60 jours !!!

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    Stendhal Consul à Civitavecchia

    Loin des pensums d’analyse d’oeuvres littéraires ou des biographies poussives, ce livre est tonique et drôle, d’une érudition folle, bref un livre passionnant. Une critique et après on en parle plus : je trouve un peu méprisant pour le lecteur que l’auteur ne juge pas nécessaire de traduire les citations en italien, allemand ou latin. Travers d’universitaire peut être ?
    Le tempo de la biographie est celui de la vie de Stendhal, toujours courant après l’amour, le plaisir et parfois les honneurs qui toujours lui échappent « un existence farouchement indépendante qui, malgré quelques tentations, avait une fois pour toutes pris le parti de la liberté et donc de la solitude. »


    Une biographie indispensable pour tous les amoureux de Stendhal

    Un site qui lui est consacré : Lectura

    l’auteur
    Philippe Berthier est professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle. Cet ouvrage est le neuvième qu’il consacre à Stendhal, dont il coédite les Œuvres romanesques complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade.

  • Le Blanc Fouquet - Franck Herbet-Pain

    blancfouquet.gifLe Blanc Fouquet - Franck Herbet-Pain - Editions Gallimard
    Une mini biographie de Jean Fouquet peintre dont on  sait très peu de choses et qui fut pourtant en son temps le peintre officielle de la cour et du roi Louis XI.
    Un peintre né, au temps de la guerre de Cent ans, des amours illicites d’un prêtre et d’une femme du peuple. Il grandit sur les bords de Loire où il fait l’expérience pour la première fois des couleurs « le rouge des radis qu’il suçote, le jaune des champignons, l’orange des citrouilles  » puis des enluminures qui égayent le livre dans lequel son père lui apprend à lire.
    Bientôt c’est lui qui tient la plume pour dessiner le visage de son père, de sa mère et ajouter de la couleur, il « cherche le rouge des mûres aux buissons épineux, le marron de la vase, le vert des algues translucides, mais le jaune, comment faire le jaune ? »
    Il fait un long et dur apprentissage dans l’atelier de Maître Royer.  Miniaturiste, enlumineur, il devient bientôt l’égal du maître mais fils de prêtre il n’a droit à aucun salaire.
    Ses premières oeuvres attirent l’attention de l’évêque de Tours et de celui de Paris. Il va parfaire son art dans l’atelier de Van Eyck à Gand, il apprend l’art de la perspective, voyage en Italie où il rencontre Fra Angelico et découvre émerveillé les oeuvres de Masaccio « Adam et Eve en marche dans le mouvement de leur désespoir, chassés du Paradis, une lumière qui donne à leur corps et à leur visage le relief des peines et de la sueur à endurer. »

     

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    Portrait de Charles VII

    Son style est en train de naître, sa main « rallie la précision des Flandres à la légèreté italienne »
    Il travaille beaucoup et lorsqu’il se voit confier la réalisation d’un diptyque où la vierge a le visage d’Agnès Sorel, la maîtresse du roi, c’est le succès. Toute la cours commente l’oeuvre et il devient le peintre officiel.

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    Agnès Sorel

    Tout au long de sa vie il travaille les couleurs, le blanc surtout qui fera sa gloire et dont il détient le secret blanc « Il reste le soir seul dans l'atelier, dispose les coupelles des différents dosages de blancs obtenus, les applique sur des feuilles différentes, puis dans d'autres coupelles mélange les blancs premiers entre eux, les numérote comme les feuilles qu'il dispose dans tout l'atelier, enfin sort faire quelques pas dans la rue noire laver ses rétines, les lancer vers la nuit d'hiver opaque comme la suie, les plumes des corbeaux. Quand il revient, il note enfin celui qui a percé l'obscurité, le blanc royal, le blanc Fouquet, qui le fait soudain vomir dans la rue. »

    Blanc qui se révélera mortel.

    C’est un plaisir très doux de lire cette biographie dans la collection où j'avais déjà découvert Ambroise Paré
    C'est un plaisir lumineux aussi car l’auteur trace ce portrait par petites touches courtes comme un artisan attentionné, il sait décrire avec des mots très justes le travail du peintre, les couleurs, la lumière, la vie personnelle de Jean Fouquet est évoquée avec tendresse et pudeur et vient rendre ce portrait très vivant.

    Pour continuer le site magnifique de la BNF l'atelier de Fouquet

  • Les ciels de Tiepolo

     

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    Persée et Andromède - Frick Collection New York - Giovanni Battista Tiepolo

    "Chez Tiepolo la couleur est comme déplacée, par rapport aux propositions de la nature, elle ne dit plus le vert du feuillage, la teinte jaune des fruits, elle a des jaunes acides, des roses, des mauves comme la terre n’en offre guère, et qui suggèrent plutôt de luxueuses étoffes teintes, comme si le Ciel s’était revêtu des parures de la Venise festive qui a commandé nombre de ces peintures."

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    Olympe - Musée du Prado - Giovanni Battista Tiepolo


    " Si les ciels ne sont pas d’abord lumière, ils ne sont pas les cieux. Toujours cette merveilleuse clarté et cette intense luminosité des plafonds de Giambattista Tiepolo. La profondeur des cieux ne peut être rendue sensible que par un apâlissement des coloris. Des teintes sombres refermeraient l’espace, feraient voûte, barreraient le regard qui n’aurait jamais l’impression de plonger dans l’infini céleste. Au contraire une certaine pastellisation des couleurs recule l’horizon, ouvre les perspectives."

     

    Le livre :  Les Ciels de Tiepolo - Alain Busine - Gallimard

     

  • Le Crépuscule d'une idole - Michel Onfray

    crépuscule.gifLe crépuscule d’une idole - Michel Onfray - Fayard
    Je fais partie des gens que le freudisme agace, cela depuis de lointaines études et l’interdiction qu’il y avait alors à mettre en doute les affirmations de l’enseignant. Elles devaient être admises sans discussions possibles. J’ai toujours considéré la psychanalyse comme une thérapie peu fiable aux résultats très incertains et d’une durée risible. Ceci posé je n’ai jamais, au grand jamais mis totalement en doute les thèses de Sigmund Freud ou comme les appelle Michel Onfray ses " cartes postales"

    «Freud a découvert l’inconscient tout seul à l’aide d’une auto-analyse extrêmement audacieuse et courageuse»
    «Freud a découvert une technique qui, via la cure et le divan, permet de soigner et de guérir les psychopathologies»
    «la psychanalyse procède d’observations cliniques, elle relève de la science»
    «le complexe d’Œdipe est universel»,
    «la conscientisation d’un refoulement obtenue lors de l’analyse entraîne la disparition du symptôme»


    et bien sûr :  l’interprétation des rêves, les actes manqués, le déni, toutes ces notions développées dans une oeuvre qui occupe plusieurs rayons de bibliothèque, oeuvre qui semblait intouchable.
    C’était sans compter sur Michel Onfray, éternel empêcheur de penser en rond qui s’attaque à la statue du commandeur.
    C’est toute l’oeuvre de Freud qu’Onfray a lu pour écrire son livre, mais aussi sa correspondance, même si une partie de celle-ci est encore interdite d'accès.
    Que nous dit Michel Onfray en multipliant les citations de Freud lui-même ?

    Que les thèses développées par l’inventeur de la psychanalyse répondaient surtout aux obsessions de leur inventeur
    Que Freud était fasciné par des techniques qui frôlaient le charlatanisme
    Que lors des entretiens thérapeutiques avec ses patients il lui arrivait de s’endormir sans gêne aucune
    Qu’il a inventé des patients et masqué ses échecs thérapeutiques en falsifiant les rapports de ses expériences
    Qu’assoiffé de gloire et de richesse il n’hésitait pas à dénigrer, calomnier ses amis si cela pouvait servir ses intérêts
    Que son épouse, sa fille, sa belle-soeur ont toutes fait les frais de ses tourments personnels sans compter plusieurs patients qui ne se sont jamais remis des traitements infligés.

     

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    Le divan du psychanalyste à Vienne

    Mais Onfray ne s’arrête pas là, après avoir affirmé que Freud n’a jamais guéri personne, il insiste aussi sur les positions très conservatrices de Freud et lui reproche son silence sur la montée du Nazisme, car Freud n’a jamais écrit  " contre Hitler, contre le national- socialisme, contre la barbarie antisémite, alors qu'il n'hésite pas, régulièrement, à publier de longues analyses contre le communisme, le marxisme, le bolchevisme"
    La charge est violente et le réquisitoire très sévère, on sort de cette lecture un peu ahuri, se demandant pourquoi ces faits n’ont jamais été étudiés, comparés, pourquoi alors que la science réclame en permanence des preuves, on a accepté comme vérité la parole seule de Freud sans aucune preuve à l’appui. " Freud ne s'est pas contenté de créer un monde magique, il y a conduit nombre de personnes et a souhaité y faire entrer l'humanité tout entière"

     

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    Sigmund et Anna Freud on holiday, Italy, 1913.
     

    En voilà assez pour abattre n’importe quel statue, et l’homme Freud apparaît bien petit, on comprend mieux désormais sa haine des biographes et la destruction par lui ou ses proches d’une partie de sa correspondance.
    Alors tout est à jeter ? Non, même si le bilan est assez terrible, Michel Onfray reconnaît Freud comme philosophie et reconnaît l’apport important qui a " fait entrer le sexe dans la pensée occidentale "
    Il ne dénigre pas la psychanalyse mais refuse de la considérer comme une science comme Wittgenstein, Popper ou Deleuze avant lui.

    Onfray aime la polémique et ses passages sur les plateaux télé sont devenus  trop fréquents, son livre d’une écriture directe et simple est plein d'approximations disent ses détracteurs, mais beaucoup d'arguments avancés reposent sur les écrits de Freud lui-même ce qui affaiblit considérablement la critique. A cette lecture on s’offusque, on rit, on s’étonne, on est d’accord ou non, mais on ne s’ennuie pas un seul instant. Lisez ce livre dérangeant et tonique.

    Une interview de Michel Onfray


  • Conscience contre violence - Stefan Zweig

    Conscience contre violence - Stefan Zweig - Editions du Castor Astral

    « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme ».

    conscience.gifCette phrase est de Sébastien Castellion, un nom qui est absent des livres d’histoire, il fut " l’homme le plus savant de son époque " il fut aussi et c’est lui qui le dit " le moucheron contre l’éléphant " dans sa lutte contre Jean Calvin et sa dictature religieuse, il fut pour la liberté de pensée et la liberté religieuse.

    En 1536 de façon démocratique Genève choisit la religion réformée.  Calvin va s’imposer comme chef spirituel " Cet homme sec et dur, enveloppé dans sa robe noire et flottante de prêtre" homme de pouvoir, rigide, fanatique certain du bien fondé de sa doctrine, il va imposer à tous une " tentative d’uniformisation absolue de tout un peuple "
    Les fêtes sont supprimées, la musique est bannie, sourire lors d’un baptême peut vous valoir la prison ! on légifère sur la longueur des robes des femmes, les enfants sont invités à dénoncer les turpitudes de leurs parents. Il est interdit d’écrire à l’étranger, interdit aux époux de se faire des cadeaux  " interdit, interdit, interdit: on n’entend plus que cet horrible mot" et quand l’intimidation, l’encouragement à la délation et l’appel au meurtre ne suffisent pas, on utilise l’emprisonnement et le meurtre.
    Pour que triomphe sa doctrine Calvin "intellectuel délicat et pieux" impose un régime de terreur à la ville perdant "toute mesure et tout sentiment humain"
    Les Genevois subissent le joug sans révolte.  La couardise des chefs religieux pendant l’épidémie de peste qui fait rage trois années durant sera la première interrogation sérieuse sur l’infaillibilité de Calvin et de son entourage, mais insuffisante pour mettre à mal son pouvoir.
    Lorsque Michel Servet est condamné au bûcher en 1553 pour avoir défendu des thèses considérées comme hérétiques par Calvin,  des voix s’élèvent.
    Cette condamnation était une nécessité politique pour Calvin, son autorité était défiée. Le procès fut une caricature inique et ridicule, la mort fut barbare et Calvin se garde d’y assister.

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    Sébastien Castellion


    Sébastien Castellion homme d’une foi profonde s’est déjà heurté au maître de Genève, celui-ci l’a poursuivi de sa hargne, le contraignant à l’exil et à la pauvreté. Il va être le seul intellectuel à s’indigner publiquement.
    Castellion va utiliser la seule arme pacifique à sa disposition, il va prendre la plume contre Calvin, contre " le premier meurtre religieux commis par la Réforme et la première négation éclatante de sa doctrine primitive".
    Castellion est très sévère  " Les premières exhortations de Calvin ont été des injures, la seconde a été la prison et Servet n’a comparu devant les fidèles que pour être hissé sur des fagots et brûlé vif."
    Le tempérament de Castellion le porte vers la conciliation, l’indulgence, mais dit Stefan Zweig " Il faut qu’une voix claire et nette s’élève en faveur des persécutés et contre les persécuteurs."
    Castellion malgré le danger publie un  Traité des hérétiques Calvin s’appuie en permanence sur la Bible ? Castellion va faire de même, il affirme que la notion même d’hérétique n’apparaît pas dans les textes sacrés et que " Nous estimons hérétiques tous ceux qui ne s’accordent avec nous, en notre opinion" il faut ajoute t-il "Mettre fin une fois pour toutes à cette folie qu’il est nécessaire de torturer et tuer des hommes uniquement parce qu’ils ont d’autres opinions que les puissants du jour " Il s’oppose à Calvin au nom de la tolérance qui " seule peut préserver l’humanité de la barbarie."

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    Le mur des réformateurs : Genève honore aujourd'hui Calvin et a oublié Castellion


    Zweig nous le présente comme un homme courageux   "Avec héroïsme il ose élever la voix en faveur de ses compagnons poursuivis, risquant ainsi sa propre vie. Sans le moindre fanatisme, quoique menacé à chaque instant par les fanatiques, sans aucune passion, mais avec une fermeté inébranlable, il brandit telle une bannière sa profession de foi au-dessus de son époque enragée, il proclame que les idées ne s’imposent pas, qu’aucune puissance terrestre n’a le droit d’exercer une contrainte quelconque sur la conscience d’un homme. "
    Sébastien Castellion va payer le prix fort pour son courage, Calvin le harcèle, fait brûler ses écrits, il est injurié, des pamphlets sont écrits contre lui, on le prive de travail et donc de ressources. Seule une mort par épuisement à 48 ans lui épargnera la prison ou le bûcher.

    Stefan-zweig.jpgC’est un grand livre que Stefan Zweig a écrit, un livre qui honore Castellion et Zweig. C’est un plaidoyer, une dénonciation et une mise en garde. Ecrit en 1936 sa dénonciation de la tyrannie, de la suppression d’une pensée libre résonne de façon prémonitoire.
    Zweig fait le rapprochement entre l’action de Castellion et les manifestes pour la liberté que sont ceux de Voltaire en faveur de Calas, de Zola, qu’il admire en faveur de Dreyfus, mais il place Castellion au-dessus de tous car, Voltaire jouissait de l’appui des rois et Zola s’appuyait sur sa notoriété, Castellion lui " eu à souffrir de l’inhumanité furieuse et meurtrière de son siècle"

    En 1936 Zweig espère encore en l’homme et termine ainsi son livre " Il se trouvera toujours un Castellion pour s’insurger contre un Calvin et pour défendre l’indépendance souveraine des opinions contre les formes de la violence"

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