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Conscience contre violence - Stefan Zweig

Conscience contre violence - Stefan Zweig - Editions du Castor Astral

« Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme ».

conscience.gifCette phrase est de Sébastien Castellion, un nom qui est absent des livres d’histoire, il fut " l’homme le plus savant de son époque " il fut aussi et c’est lui qui le dit " le moucheron contre l’éléphant " dans sa lutte contre Jean Calvin et sa dictature religieuse, il fut pour la liberté de pensée et la liberté religieuse.

En 1536 de façon démocratique Genève choisit la religion réformée.  Calvin va s’imposer comme chef spirituel " Cet homme sec et dur, enveloppé dans sa robe noire et flottante de prêtre" homme de pouvoir, rigide, fanatique certain du bien fondé de sa doctrine, il va imposer à tous une " tentative d’uniformisation absolue de tout un peuple "
Les fêtes sont supprimées, la musique est bannie, sourire lors d’un baptême peut vous valoir la prison ! on légifère sur la longueur des robes des femmes, les enfants sont invités à dénoncer les turpitudes de leurs parents. Il est interdit d’écrire à l’étranger, interdit aux époux de se faire des cadeaux  " interdit, interdit, interdit: on n’entend plus que cet horrible mot" et quand l’intimidation, l’encouragement à la délation et l’appel au meurtre ne suffisent pas, on utilise l’emprisonnement et le meurtre.
Pour que triomphe sa doctrine Calvin "intellectuel délicat et pieux" impose un régime de terreur à la ville perdant "toute mesure et tout sentiment humain"
Les Genevois subissent le joug sans révolte.  La couardise des chefs religieux pendant l’épidémie de peste qui fait rage trois années durant sera la première interrogation sérieuse sur l’infaillibilité de Calvin et de son entourage, mais insuffisante pour mettre à mal son pouvoir.
Lorsque Michel Servet est condamné au bûcher en 1553 pour avoir défendu des thèses considérées comme hérétiques par Calvin,  des voix s’élèvent.
Cette condamnation était une nécessité politique pour Calvin, son autorité était défiée. Le procès fut une caricature inique et ridicule, la mort fut barbare et Calvin se garde d’y assister.

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Sébastien Castellion


Sébastien Castellion homme d’une foi profonde s’est déjà heurté au maître de Genève, celui-ci l’a poursuivi de sa hargne, le contraignant à l’exil et à la pauvreté. Il va être le seul intellectuel à s’indigner publiquement.
Castellion va utiliser la seule arme pacifique à sa disposition, il va prendre la plume contre Calvin, contre " le premier meurtre religieux commis par la Réforme et la première négation éclatante de sa doctrine primitive".
Castellion est très sévère  " Les premières exhortations de Calvin ont été des injures, la seconde a été la prison et Servet n’a comparu devant les fidèles que pour être hissé sur des fagots et brûlé vif."
Le tempérament de Castellion le porte vers la conciliation, l’indulgence, mais dit Stefan Zweig " Il faut qu’une voix claire et nette s’élève en faveur des persécutés et contre les persécuteurs."
Castellion malgré le danger publie un  Traité des hérétiques Calvin s’appuie en permanence sur la Bible ? Castellion va faire de même, il affirme que la notion même d’hérétique n’apparaît pas dans les textes sacrés et que " Nous estimons hérétiques tous ceux qui ne s’accordent avec nous, en notre opinion" il faut ajoute t-il "Mettre fin une fois pour toutes à cette folie qu’il est nécessaire de torturer et tuer des hommes uniquement parce qu’ils ont d’autres opinions que les puissants du jour " Il s’oppose à Calvin au nom de la tolérance qui " seule peut préserver l’humanité de la barbarie."

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Le mur des réformateurs : Genève honore aujourd'hui Calvin et a oublié Castellion


Zweig nous le présente comme un homme courageux   "Avec héroïsme il ose élever la voix en faveur de ses compagnons poursuivis, risquant ainsi sa propre vie. Sans le moindre fanatisme, quoique menacé à chaque instant par les fanatiques, sans aucune passion, mais avec une fermeté inébranlable, il brandit telle une bannière sa profession de foi au-dessus de son époque enragée, il proclame que les idées ne s’imposent pas, qu’aucune puissance terrestre n’a le droit d’exercer une contrainte quelconque sur la conscience d’un homme. "
Sébastien Castellion va payer le prix fort pour son courage, Calvin le harcèle, fait brûler ses écrits, il est injurié, des pamphlets sont écrits contre lui, on le prive de travail et donc de ressources. Seule une mort par épuisement à 48 ans lui épargnera la prison ou le bûcher.

Stefan-zweig.jpgC’est un grand livre que Stefan Zweig a écrit, un livre qui honore Castellion et Zweig. C’est un plaidoyer, une dénonciation et une mise en garde. Ecrit en 1936 sa dénonciation de la tyrannie, de la suppression d’une pensée libre résonne de façon prémonitoire.
Zweig fait le rapprochement entre l’action de Castellion et les manifestes pour la liberté que sont ceux de Voltaire en faveur de Calas, de Zola, qu’il admire en faveur de Dreyfus, mais il place Castellion au-dessus de tous car, Voltaire jouissait de l’appui des rois et Zola s’appuyait sur sa notoriété, Castellion lui " eu à souffrir de l’inhumanité furieuse et meurtrière de son siècle"

En 1936 Zweig espère encore en l’homme et termine ainsi son livre " Il se trouvera toujours un Castellion pour s’insurger contre un Calvin et pour défendre l’indépendance souveraine des opinions contre les formes de la violence"

Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

Commentaires

  • Je découvre ! Et je comprends le conseil:"Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque"
    "conscience contre violence" une lutte sans fin !

  • @ Fifi : un livre important si l'on croit à la tolérance et à la liberté de pensée

  • Rien que de lire ton billet je me sens bouillir de colère !!! Que de barbaries, que de violences commissent au nom de la religion...

  • @ L'or des chambres : je crois que les hommes n'ont pas besoin d'être beaucoup poussés pour faire preuve de barbarie, parfois la religion est le prétexte mais les frontières, la langue, ça marche aussi hélas

  • Dans le contexte de 1936 en Autriche, deux ans avant l'Anschluss, il est certain que Zweig devait se sentir proche d'un personnage comme Castellion.

    J'ai parfois eu du mal avec les biographies de Zweig (Marie Stuart par exemple); elles sont souvent intéressantes mais pas très objectives. Zweig prend le parti de son personnage avec passion, sans avoir la distance qu'on trouve habituellement chez un historien. Ca ressemble à des romans en fait.

  • @ Didouchka : Stefan Zweig n'est pas historien et ses biographies sont effectivement marqué par ses convictions mais celle de Nietzsche ou de Montaigne sont le reflet fidèle de son intérêt pour ces deux philosophies
    Celle ci a le mérite de faire connaitre un personnage oublié

  • je ne connaissais pas Castellion : honte à moi!
    Encore une fois tu parles d'un livre qu'il faut lire!

  • @ Keisha : rassures toi moi non plus, ce fut une découverte bien intéressante qui oblige à aller feuilleter un peu les livres d'histoire

  • Passionnant, une fois de plus...
    "un livre qui honore Castellion et Zweig"...
    On devrait plus souvent mettre en lumière ce style d'hommes (et donc d'ouvrages)
    Il est bien ce Stefan Zweig :))

  • @ Macile : c'est tellement frustrant d'admirer une oeuvre mais d'avoir du mépris pour l'auteur, c'est le cas pour Céline ou Hamsun, alors quand on peut à la fois aimer une oeuvre et admirer l'auteur ...

  • Editions du castor astral, j'adore le nom ! Dans la même maison, j'ai lu L'arcamonde, délicieux !

  • @ Theoma : je suis comme toi j'aime beaucoup ce nom d'éditeur, l'arcamonde ? je ne connais pas du tout

  • Bonjour Dominique, si j'osais, je dirais que ce que raconte ce livre me semble très actuel dans certaines religions traditionnalistes et fondamentalistes: surtout ceux que s'en réclament et veulent appliquer des règles rigides. On se trouve dans la négatione de penser par soi-même. Des hommes s'autorisent à penser pour vous. Cela fait peur. Merci pour ce conseil: je n'avais en effet jamais entendu parler de Sébastien Castellion. Bonne après-midi.

  • @ Dasola : C'est un livre qui reste complètement d'actualité face à tous les intégrisme d'où qu'ils soient c'est ce qui fait son intérêt et je dirais même sa grandeur

  • On rève à penser que de tels remparts contre les tyrannies aient pu avoir accès à une blogosphère pour transmettre leurs mises en garde.
    Ceci dit, le monde est-il meilleur depuis? Les idées circulent plus facilement, et chatouillent les nouveaux tyrans.

  • @ Quotiriens : Heureuse de faire connaissance avec un nouveau visiteur de ce blog, je partage votre avis et aime beaucoup l'expression "chatouiller les tyrans "
    je vais avec plaisir faire une visite chez vous et ce que j'en ai aperçu me semble sympa

  • Décidément Zweig aura été de tous les combats pour défendre les valeurs humanistes et il reste plus que jamais moderne! Mon admiration pour lui est sans bornes!

  • @ Mango : la grandeur d'un auteur n'est pas que dans ses écrits effectivement

  • C'est vrai, n'importe quel prétexte est bon !!!
    "l'homme est un loup pour l'homme".... Mais ce n'est pas rendre justice aux loups...

  • @ L'or des chambres : oui pauvre pauvre loup

  • Il va sans dire que Castellion m'était totalement inconnu, mais comme tu me donnes envie de découvrir ce livre !
    De Stefan Sweig j'ai lu notamment "Lettre d'une inconnue" que je n'ai pratiquement pu lâcher avant la fin ... depuis deux ans de blog, mes horizons se sont ouverts, et c'est un vrai bonheur ! Merci pour tes "incitations de lecture"
    @mitiés

  • @ Chris : ce livre se lit très facilement car bien que ce soit une étude "historique" Zweig y fait preuve de tout son talent d'écrivain et comme le faisait remarquer Didouchka il n'est pas historien , c'est bien en homme de lettres qu'il écrit et s'élève contre la suppression de la liberté

  • Oui c'est vraiment d'actualité !
    J'aime beaucoup cette période car elle ressemble énormément à la nôtre : une période de rupture avec le passé, de découvertes mais aussi de peurs...
    En revanche j'ignorais que Calvin était devenu un dictateur, je le croyais seulement rigoureux voire rigoriste.
    Née frontalière, j'ai toujours détesté Genève.

    J'ai oublié de te dire que je te prêterai "La cité des amants perdus" de Nadeem Aslam...

  • @ Rosa : oui pendant quelques années Genève a souffert sous la tyrannie de Calvin avec une absence totale de liberté , en 2009 Genève a célébré Calvin et des voix se sont élevées pour rappeler la condamnation à mort de Michel Servet

  • Coïncidence ? De Laurent Seksik, j´au commencé de lire "Les derniers jours de Stefan Zweig".

  • @ Bol : j'ai vu quelques billets de blog sur ce livre du bon et du moins bon, j'attends votre avis

  • @ Double je : c'est le hasard d'une découverte en librairie, je ne connaissais pas du tout ce livre

  • Un livre à lire, que ce billet donne vraiment envie de découvrir, Dominique. De retour à Bruxelles pour y découvrir un nouveau chaos politique, je m'arrête sur une phrase en particulier: " Nous estimons hérétiques tous ceux qui ne s’accordent avec nous, en notre opinion" - en espérant que l'intolérance trouve des opposants efficaces et constructifs de tous côtés.

  • @ Tania : l'actualité européenne ou mondiale est là pour montrer que les hommes ou les traités porteurs de tolérance sont toujours indispensables
    La Belgique va t-elle vers une partition ???

  • Je ne connaissais cet ouvrage de Zweig que de nom, mais sans jamais l'avoir vu ni lu ! Ton billet me donne réellement envie de me pencher sur ce livre très fort et à la puissance évocatrice certaine ... Écrit en 1936, je pense que Stefan Zweig a dû faire le rapprochement avec les événements qui se préparaient déjà en Europe. Dire que l'histoire bégaie de temps en temps !

  • @ Nanne : je ne sais pas si c'est la période qui a poussé Zweig à écrire ce livre ou s'il l'avait dans ses cartons longtemps avant, la proximité est certaine mais elle est vraie aussi avec d'autres lieux et d'autres époques

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