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Biographie Correspondance journaux - Page 24

  • Correspondance - Virginia Woolf Vita Sackville West


    Deux femmes d’exception...........

     

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    Virginia Woolf    Vita Sackville-West

    Vingt ans de correspondance, entamée en 1923, elle ne s’achève qu’avec la mort de V Woolf.
    Une correspondance qui séduit en raison de la personnalité des deux femmes mais plus encore par le style des lettres, chacun connaît l’art de Virginia Woolf mais le style des lettres de Vita est une surprise, il est magnifique, enlevé, brillant, éclatant. Vita aime la vie, le jeu, les plaisirs et les voyages, ne s’embarrasse pas de fidélité.
    Quand elles font connaissance Virginia a atteint une certaine notoriété, elle a déjà écrit trois romans et déjà fait face à trois crise d’aliénation mentale,  Vita est en train de devenir un auteur à succès et a déjà publié roman et surtout de la poésie.
    Ce n’est qu’en 1925 que commence réellement leur liaison, Vita est impressionnée par la publication de Mrs Dalloway et Virginia sort d’une période d’épuisantes migraines.

     

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    Monk's House

    De badin le ton des lettres prend une tournure amoureuse puis le ton de la passion. Temps béni vite interrompu par le départ de Vita pour Téhéran où elle doit rejoindre son diplomate de mari, du coup la passion fuse dans les lettres, les mots tendres, mais aussi les affres de la jalousie.   
    La séparation est plus douloureuse pour Virginia, et les voyages donnent à Vita l’occasion de lettres drôles, alertes, vivantes, elle sait décrire à merveille les lieux traversés, les personnages rencontrés.
    Virginia que l’on attend plus réservée sait se défaire du carcan des moeurs de l’époque et fait preuve d’audace épistolaire surprenante
    L’une a besoin de protéger, l’autre a besoin de l’être, toujours en proie à l’angoisse et à la peur de la folie.
    Mais  “La plus longue et la plus charmante lettre d’amour de la littérature” c’est Virginia qui l’écrira, avec la parution d’Orlando dédié à son amour.

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    Sissinghurst

    C’est la proximité intellectuelle entre les deux femmes qui va permettre à leur relation de passer de la passion à l’amitié amoureuse puis à l’amitié tout court. Vita se tourne vers d’autres amours et grâce à l’argent que lui rapporte ses livres va se consacrer à entretenir, embellir sa propriété de Sissinghurst qui devient le centre de son univers.
    Les lettres prendront un tour différent, parfois frivoles et ne dédaignant ni les ragots ni les moqueries sur la société qui les entoure.
    Deux femmes sont passionnées par la vie culturelle et intellectuelle de leur temps. Elles fréquentent tout ce qui compte en littérature à l’époque : Thomas Hardy, Aldoux Huxley, D.H Lawrence. Leurs échanges portent souvent sur l’écriture, elles comparent leurs lectures, s’enthousiasment pour Proust.
    Virginia Woolf écrit à Vita une dernière fois le 22 mars 1941 quelques jours avant son suicide.

    Virginia admirait Vita comme femme et Vita admirait l’écrivain, elles nous donnent à voir cet amour et cette admiration dans leur superbe correspondance.

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    Le Livre : Correspondance - Virginia Woolf / Vita Sackville-West - Traduit par Raymond Las Vergnas - Editions Stock

  • Voyage au pays des Ze-Ka - Julius Margolin

    Un témoignage irremplaçable

     

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    Julius Margolin est un intellectuel juif polonais qui a émigré en Palestine à la fin des années 30, l’été 1939 il est en visite en Pologne, du jour au lendemain les frontières se ferment, le pacte Germano-Soviétique va conduire cet agrégé de philosophie à chercher refuge dans sa ville natale de Pinsk où se retrouvent beaucoup de juifs fuyant les nazis.
    Pendant une année Margolin va tenter de sortir du pays, faisant valoir son passeport palestinien, lui qui a au cours de sa vie changer plusieurs fois de nationalité au gré des guerres, va se retrouver sans nationalité, toutes ses tentatives échouent et il est finalement arrêté pour infraction aux lois sur les passeports !
    Condamné, un voyage interminable aux conditions matérielles épouvantables, va le conduire au fin fond de la Sibérie. Il n’est plus un homme, il est devenu un Ze-Ka terme qui désignait les prisonniers qui creusaient le canal de la mer Blanche à la Baltique : le sinistre Belomorkanal, et qui passa dans le langage des camps. Il passera cinq années au Goulag.

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    De Varlam Chalamov à Soljenitsyne, de  Evguenia Guinzbourg à Gustaw Herling,  ils sont nombreux à avoir témoigné sur le Goulag. Qu’est ce qui fait de ce livre un document très particulier ?

    Julius Margolin n’est pas Russe, il n’a jamais vécu sous le régime soviétique, il n’a pas été soumis à l’idéologie communiste, il n’a subi aucune répression. Il a une très grande capacité d’observation et de réflexion, sa formation intellectuelle le pousse à s’interroger, à tenter de comprendre le processus qui est à l’oeuvre au Goulag. Très tôt pendant sa détention il s’imagine alertant l’opinion publique mondiale, il s’ingénie à décrypter l’absurde des situations, le phénomène de déshumanisation qui est en oeuvre, il lutte avec acharnement allant jusqu’à vouloir écrire des traités de la haine ou du mensonge.

    Il décortique pour mieux les analyser les consignes qui régissent le camp : la ration de nourriture est proportionnelle au travail accompli, les jours de repos la ration diminue, si le Zek est malade la ration diminue, s’il fait un travail moins dur la ration diminue.
    Il démonte les consignes ridicules sur le rendement attendu des prisonniers, les punitions, les brimades, la terreur que font régner les ourkis prisonniers faisant régner la terreur , les chantiers épuisants et inutiles, les simulacres de justice.
    Il décrit les relations entre prisonniers, le grand mélange de nationalités qui exacerbe les sentiments les plus violents, il en est lui même victime et lorsqu’un jour il frappe un de ses compagnons il dit « Parmi toutes les choses que je ne pardonnerai jamais, ni au camp ni à ses sinistres créateurs, ce coup restera dans ma mémoire, car il fit de moi un instant, leur complice, leur élève, leur prosélyte »

    Le livre de Julius Margolin est irremplaçable, la traduction de Nina Berberova et Luba jurgenson respecte toute profondeur du texte, font entendre magnifiquement la voix qui s’élève contre la barbarie. Dans la postface vous apprendrez le rôle important qu’à joué jusqu’à sa mort l’auteur pour alerter l’opinion mondiale car dit-il « Chaque crime commis dans le monde doit être appelé par son nom, à haute voix. Sinon, la lutte contre lui est impossible

    Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque


    Le livre : Voyage au pays des Ze-Ka - Julius Margolin - Traduit du Russe par Nina Berberova et Luba Jurgenson - Editions Le Bruit du temps

    JuliusMargolin.jpgL’auteur : Né dans une famille juive de Pinsk (Biélorussie), Julius Margolin (1900-1971) est élevé dans la culture russe. Après avoir terminé ses études de philosophie à Berlin, il s'installe en Palestine. En 1939, il est en séjour à Lodz lorsque la Pologne est envahie. Il se réfugie alors dans sa ville natale, à l’est du pays. Arrêté le 19 juin par le NKVD, il est envoyé dans un camp de travail sur la rive nord du lac Onéga. Ayant survécu par miracle à cinq années de Goulag, libéré en 1945, il écrit le Voyage au pays des Ze-Ka dès son retour à Tel-Aviv, et doit faire face à une opinion internationale incrédule, l’URSS étant encore auréolée de sa contribution à la victoire contre le nazisme. Il vient à Paris en 1950 témoigner au procès de David Rousset contre Les Lettres françaises, et ne cessera de lutter, jusqu’à sa mort en 1971, pour la libération des Ze-Ka, les prisonniers des camps.(source l’éditeur)


  • Shakespeare Antibiographie

    J'aime les biographies d'écrivains , alors une énième bio ?

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    Une énième biographie ? oui mais avec la faconde de Bill Bryson qui annonce dès le début qu’il va faire court car sur Shakespeare on ne sait ...rien ou presque rien.
    Il se moque allègrement des érudits qui avec ce rien ont réussi à remplir des livres. Car nous dit-il, il est plus rapide de faire la liste de ce qu’on sait de William Shakespeare que de ce qu’on ignore,  par exemple son portrait « Qui pourrait tout aussi bien être le portrait de quelqu’un d’autre ».
    Rien : pas une lettre, pas un manuscrit , avouez que c’est rageant pour un homme qui a écrit environ 900 000 mots, on a en tout et pour tout sa signature au bas d’un testament !

     

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    " Nous sommes tous capables de reconnaitre une représentation du Barde dès que nous en voyons une, et pourtant nous ne savons pas vraiment à quoi il ressemblait"

    On ignore à peu près tout de sa vie, de sa famille, de sa santé, il y a 8 années où on n’ignore où il était et ce qu’il faisait. Le peu que l’on sait est incertain « l’équivalent littéraire d’un électron » Alors comparez ça avec les quelques sept mille volumes consacrés au Barde à la Bibliothèque du Congrès !
    Des bruits ont courus, des hypothèses ont été posées sur la réalité de l’auteur d’Hamlet, on a voulu faire porter la paternité de l’œuvre de Shakespeare à Bacon, mais attention Bill Bryson nous dit que là comme sur le reste «personne n’a jamais produit le moindre commencement de preuve ».
    Si on ne peut parler de la vie de Will que dire ? Bill Bryson livre un tableau complet de l’époque « Un monde qui manquait d’habitants et qui avait bien du mal à garder ceux qui y naissaient » époque de turbulences religieuses, de grandes épidémies « La plus grande performance de Shakespeare ne fut pas d’écrire Hamlet mais de passer le cap de la première année » écrit-il avec malice.
    Il nous introduit dans les moeurs de l’époque, on croise Ben Jonson et Christopher Marlowe, on apprend que les théâtres n’avaient ni rideau ni décor.

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    Le théâtre du Globe au temps de Shakespeare


    Mais là ou Bryson s’en donne à coeur joie c’est dès qu’il nous fait sentir sa totale admiration pour l’oeuvre, pour Will le créateur de mots, crédité de plus de 800 nouveaux mots qui sont passés dans la langue anglaise. Qu’une si grande partie de l’œuvre de Shakespeare soit arrivée jusqu’à nous relève du miracle.
    Shakespeare plagiait à tour de bras comme tous les auteurs de l’époque mais ce qu’il en a fait «  personne ne l’a jamais surpassé »
    Car dit-il « On dit souvent que ce qui distingue Shakespeare c’est sa capacité à mettre au jour les rouages de l’âme, et Dieu sait qu’il fait cela de manière éblouissante. Mais ce qui caractérise vraiment son oeuvre, n’importe quelle partie de son oeuvre, les poèmes, les pièces et même les dédicaces, c’est la jubilation évidente, palpable, que lui cause le pouvoir fascinant du langage »

    Lisez Bill Bryson c’est un bon guide, transportez vous à l’époque élisabéthaine et allez lire les billets sur le Barde chez ClaudiaLucia

    Et puis vous pouvez aussi vous tournez vers la légèreté et voir ou revoir

     


    Shakespeare in Love - Bande Annonce

     

    Le livre : Shakespeare  Antibiographie - Bill Bryson - Traduit par Hélène Hinfray - Editions Payot

     

  • Tourgueniev - André Maurois

    tourgueniev.gifTourgueniev - André Maurois - Editions Grasset Les Cahiers Rouges
    Depuis quelques mois j’ai lu plusieurs romans de Tourgueniev et j’avais envie d’en savoir un peu plus sur sa vie, avant de me lancer dans une vraie et complète bio j’ai choisi ce petit livre d’André Maurois.
    Il a un double avantage, d’abord il est fort bien écrit et cela déjà le rend très agréable et il est court car c’est une suite de petits textes qui n’étaient pas fait à l’origine pour être rassemblés puisqu’il s’agit de 4 conférences données par Maurois.
    En quelques lignes Maurois situe la Russie et son régime autocratique au moment de la naissance de Tourgueniev
    « La Russie de 1820 n’est pas en équilibre. Ce’est un état politique dangereux pour une nation, mais c’est un état favorable à la formation des grands romanciers, parce que les passions y sont fortes, les changements soudains et frappants »
    Il nous présente la famille de Tourgueniev, son père qui servira de modèle à « Premier amour », l’autoritarisme de sa mère qui engendra sans doute un comportement avec les femmes très difficile dont sa liaison singulière avec Pauline Viardot, que l’on trouve évoquée dans « Journal d'un homme de trop », est le reflet
    André Maurois s’attache à faire comprendre les liens entre l’oeuvre et la vie. Il revient en détail sur certaines périodes  et l’on voit Tourgueniev arrêté et emprisonné pour avoir écrit un article sur Gogol et ensuite condamné à l’exil sur ses terres. C’est l’occasion pour André Maurois d’évoquer l’amour inconditionnel de Tourgueniev pour la Russie, amour qui perdurera même lorsque ses convictions le porteront à critiquer le système politique et à s’opposer au servage.
    « Il semble y avoir, dans les paysages russes, une mystérieuse beauté dont ceux qui les ont connus gardent jusqu’à la mort l’amour et le regret »
    J’ai découvert aussi un auteur satirique de la noblesse terrienne que j’avais déjà entreaperçu dans « Fumée » et mieux compris l’impression de Tourgueniev de n’être nul part à sa place, trop européen pour les russes et trop russe pour les européens. On retrouve son amitié avec Flaubert, Maupassant, Zola, Daudet, Mérimée qui le situe dans le monde culturel de l'époque.

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    De gauche à droite : Daudet, Flaubert, Zola et Tourgueniev

    En deux courts chapitres Maurois analyse l’art de Tourgueniev, il veut tirer un trait sur les querelles littéraires qui opposent Dostoïevski ou Tolstoï à Tourgueniev en quelques phrases d’une grande justesse
    « Ce que nous défendons avec tant de force chez un écrivain, ce n’est pas son oeuvre, ce sont nos goûts profonds. Nos choix littéraires, nos préférences sont déterminés par nos besoins sentimentaux et spirituels. Ayant retrouvé dans un roman l’image exacte de notre inquiétude ou de notre sérénité, nous considérons le critique hostile comme un adversaire personnel »

    Maurois sait à merveille nous présenter le génie descriptif de Tourgueniev, son art pour retenir le détail essentiel qui sait suggérer, il dit « Jamais romancier n'a fait preuve d'une économie de moyens aussi complète. Quand on a un peu l'habitude de la technique d'un roman, on se demande d'abord avec surprise comment Tourguéniev put, par des livres si courts donner une telle impression de durée et de plénitude  »

    Ce livre loin d'avoir épuisé son sujet m'a donné envie de lire une biographie plus importante et surtout de continuer ma lecture de Tourgueniev que je n'ai fait qu'effleurer

     

  • Une enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff

    enfanceprusse.jpgUne enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff - Traduit de l’Allemand par Colette Kowalski- Editions Albin Michel - 1990
    Il y a quelques mois le roman de Béatrice Wilmos « L’Album de Menzel » m’a donné envie de relire ce récit datant déjà de 1990 et écrit par une grande dame du journalisme européen, la Comtesse Marion Dönhoff.
    Vous ne trouverez plus hélas ce livre, épuisé et jamais réédité, mais fouillez bien dans la bibliothèque de votre ville, les trésors sont toujours enfouis.
    Marion Dönhoff a près de 80 ans quand elle écrit ses souvenirs, en 1945 elle a fui devant l’Armée rouge,  elle a vu Königsberg bombardée, elle a abandonné le château de son enfance, elle entame un long périple qui la conduira un jour à la tête de « Die Zeit » le grand journal allemand.

    Son livre est composé d’une multitude de scènes, de tableaux, décrivant la vie dans cette Prusse aujourd’hui disparue, racontant l’histoire de ces domaines, de ces hommes et femmes qui vont disparaitre dans la guerre.

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    Le château de Friedrichstein

    Marion Hedda Ilse Dönhoff est née au château Friedrichstein, en Prusse orientale, quand elle naît  son père le Comte Dönhoff est député au Reichstag à la « Chambre des Seigneurs de Prusse » il a 64 ans. C’est un homme passionné d’art et de voyages parfois aventureux.
    Sa mère elle a aussi « le goût des arts, beaucoup d’imagination et un penchant pour le romantisme » et un sens très sûr des convenances de ce qui « se fait » et de ce qui ne se fait pas  « verdict sans appel qui mettait fin à toute discussion ». Ce rigorisme et cette vie aisée ne l’empêchait pas d’assurer soins et médicaments aux villageois proches du domaine.
    C’est une vie heureuse que mène Marion Dönhoff, la nombreuse fratrie permet des jeux et activités qui inculquent l’amour de l’aventure et le sens des responsabilités. La discipline est rigoureuse, on n’est pas en Prusse pour rien, mais trouver une façon de tourner les interdits occupe la joyeuse bande.
    Les parents sont peu présents mais la fréquentation des serviteurs du château va dégourdir la jeune fille « j’ai appris à démonter un carburateur avec le chauffeur ».

    Sa description de la vie du château et du village est empreinte de tendresse, le lavoir, le repassage qui lui apprennent les servantes, les premières lampes électriques, le valet Fritz « qui savait tout et s’intéressait à tout » , Krebs le jardiner au rôle essentiel pour ce domaine qui vit en autarcie totale.
    Les enfants participent aux travaux des champs, à la cueillette des champignons et framboises. L’hiver la glace est découpée dans les étangs gelés, la transporter en traineaux pour la stocker « Cela demandait une journée entière et s’achevait généralement par une sorte de fête, car on buvait quantité de grog pour se réchauffer et se donner du coeur à l’ouvrage. » fait partie de ses souvenirs.
    C’est une enfance au rythme des saisons « Il ne faut que quelques jours en Prusse Orientale pour que l’interminable engourdissement hivernal cède la place à la rayonnante splendeur du printemps »
    Ce sont les passages les plus beaux du livre, on y sent tout l’amour de Marion Dönhoff pour sa patrie; elle qui ressent « une profonde gratitude que ce soit là mon pays »
    Elle sait aussi nous raconter l’histoire de la région à travers les familles ou les domaines qui ont marqué son enfance.

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    Mais c’est bientôt « la fin de l’insouciance » et le départ pour Potsdam pour poursuivre des études.
    La guerre va la rattraper, plusieurs de ses amis proches ont été les protagonistes du complot contre Hitler et tous seront exécutés. Elle a puisé là un courage et une rectitude qui l’accompagneront toute sa vie.
    La fin du livre est digne d’un livre d’aventures, fuyant à cheval devant l’Armée Rouge, obligée d’abandonner tous ses souvenirs, elle réussira à rejoindre l’Ouest après une chevauchée de 2000 km.
    Les réfugiés sont sur les routes, le froid intense. Elle partage son sort avec la population allemande de la région. Elle retrouve sa famille après bien des détours « C’est au milieu de l’hiver que j’étais partie à cheval de chez moi et quand finalement j’arrivai en Westphalie, c’était le printemps. Les oiseaux chantaient. »

    marion-doenhoff.jpgMarion Dönhoff en 1988 est retourné à Königsberg et je lui laisse la parole
    « Je ne peux pas non plus m’imaginer que le grand amour de la patrie s’illustre par la haine de ceux qui en ont pris possession (...) Quand je pense aux forêts et aux lacs de Prusse Orientale, aux vastes prairies et aux vieilles routes bordées d’arbres, je suis sûre qu’ils ont gardé l’incomparable beauté qui était la leur autrefois, à l’époque où tout cela était mon pays.
    Peut-être le plus grand amour réside-t-il en cela : pouvoir aimer sans posséder. »

  • Elisée Reclus Etonnant géographe - Joël Cornuault

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    Elisée Reclus étonnant géographe - Joël Cornuault - Editions Fanlac
    Qu’est-ce qui fait que l’on part à la recherche d’un écrivain ?  le plus souvent pour moi c’est parce que je lis ici ou là un article, un passage de livre le concernant. Et de temps en temps c’est autre chose. Pour Elisée Reclus je connaissais son nom, de façon très vague et associé à la géographie mais c’est tout.
    C’est l’interview de Kenneth White dans une émission de radio qui m’a titillé, il parlait de Reclus avec une telle admiration, mettant en avant les écrits mais aussi l’homme et son engagement personnel. Du coup j’ai voulu satisfaire ma curiosité et je vous propose de faire connaissance avec ce savant, cet humaniste, cet anarchiste « père de la géographie » un peu comme Hérodote est le père de l’histoire.

    Vient de paraitre une biographie très complète et qui vient d'obtenir le Prix Fémina de l'essai, mais elle est réservée aux  vraiment curieux, pour les autres je propose une balade plus légère avec le spécialiste  de Reclus : Joël Cornuault qui anime les Cahiers d’Elisée Reclus et qui a traduit également les livres de John Burroughs.
    En ouverture de ce petit livre de 150 pages l’auteur nous dit : « Elisée Reclus fut un homme de conviction ardente : loyal, opiniâtre, désintéressé, bienveillant, capable de vivre jusqu’au bout les opinions qu’il professait (...) car il croyait, rare parmi les hommes de plume, en ce qu’il disait ou écrivait  » Joli début non ? et qui donne envie de mieux connaître l’homme.

    EliseeReclusNadar.jpgQuelques éléments biographiques indispensables :
    Né en 1830 dans le sud ouest, issu d’une famille protestante, son père pasteur éleva 14 enfants, programmé pour être pasteur il renonce à la théologie et étudie les langues (il en parle 5) la géographie, perd la foi et devient anarchiste.

    Homme de convictions il est obligé de fuir après le coup d’état de Napoléon III, il va en profiter pour visiter les Etats Unis, découvre et s’insurge contre l’esclavage. De retour en France il commence sa vrai carrière de géographe en voyageant dans toute l'Europe et le plus souvent à pieds pour les éditions Hachette.
    Ses convictions anarchistes le lient à Bakounine et il participe à la Commune, condamné au bagne il est sauvé par son renom d’homme de sciences car de nombreux savants intercédèrent pour lui dont Darwin, il est condamné au bannissement, il va désormais vivre à l’étranger, en Suisse, en Belgique. Il devient l’ami de Pierre Kropotkine , amitié qui se poursuivra pendant de longues années. 

    Il va écrire ses livres les plus célèbres : Histoire d’un ruisseau et surtout une « Géographie universelle » en 19 volumes et « La terre » en 6 volumes, titulaire d’une chaire à l’université de Bruxelles, il fonde l’Institut Géographique, il voyage énormément et meurt en 1905, il est inhumé au cimetière d’Ixelles

    Le grand intérêt du livre de Cornuault c’est de ne pas respecter la chronologie mais plutôt de nous introduire dans la pensée de Reclus en quelques chapitres évocateurs : Du sentiment de la beauté, Paysages sonores et rythmes du monde, Elisée et les joies de l’espace.
    On découvre dans ces chapitres « l’homme d’abord, le géographe ensuite » comme Reclus se décrivait lui-même
    elisee-reclus-1879.jpgCe fut, dit Cornuault « un semeur de sciences » et à travers son oeuvre et la qualité de ses écrits « un semeur de beauté »
    Le grand projet de Reclus était de mettre les sciences à la portée de tous. Toute son oeuvre est parcourue par une émotion forte, par son admiration de la nature, lui qui combattait l’illusion, le mystère mais qui avait une « chaleur admirative pour les formes de la terre » Il se qualifiait de « Géographe prolétarien » joli nom pour ce socialiste convaincu. Géologue perspicace il eut l’intuition de la dérive des continents.
    Dans ce petit livre on découvre aussi son entourage, Camille Pissaro avec qui il a été en relation et qu’un critique de l’époque appellait « anartiste » ce qui était fait pour plaire à Reclus.
    Toutes ses oeuvres sont bien sûr illustrées de cartes mais aussi de vignettes dessinées par Frantz Kupka qui deviendra ensuite un peintre abstrait très connu.

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    « J’ai parcouru le monde en homme libre... »
    (article publié lors de sa mort )

    L’auteur ne s’attarde pas sur l’engagement anarchiste de Reclus car dit-il « C’est par les chemins buissonniers qu’emprunte le lecteur sans affiliation que je vins à Elisée Reclus. »
    J’ai beaucoup aimé ce livre du genre de ceux qui emportent vers d’autres livres

    Poursuivre votre lecture


    Histoire d’un ruisseau - Elisée Reclus - Editions Infolio


    Elisée Reclus Géorgraphe anarchiste, écologiste - Jean Didier Vincent - Robert Laffont
    Une biographie très complète mais que j'ai trouvé moins vivante que le livre de Cornuault par contre elle s'attache a montré la vie et l'engagement anarchiste de Reclus, ses liens avec Bakounine et Kropotkine et assez longuement sa vie en exil.