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Une amitié littéraire

Mon chère Maître

 

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George Sand à Flaubert

Nos vraies discussions doivent rester entre nous comme des caresses entre amants et plus douces, puisque l’amitié a ses mystères aussi, sans les orages de la personnalité.

Moi, je crois que dans cinquante ans je serai parfaitement oubliée et peut-être durement méconnue. C’est la loi des choses qui ne sont pas de premier ordre et je ne me suis jamais crue de 1er ordre. Mon idée a été plutôt d’agir sur mes contemporains, ne fût-ce que sur quelques uns, et de leur faire partager mon idéal de douceur et de poésie.

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Chez George Sand à Nohant


Tu aimes trop la littérature, elle te tuera et tu ne tueras pas la bêtise humaine.

L'art n'est pas seulement de la peinture. La vraie peinture est, d'ailleurs, pleine de l'âme qui pousse la brosse. L'art n'est pas seulement de la critique et de la satire. Critique et satire ne peignent qu'une face du vrai. Je veux voir l'homme tel qu'il est. Il n'est pas bon ou mauvais. Il est bon et mauvais. Mais il est quelque chose encore, la nuance, la nuance qui est pour moi le but de l'art. Etant bon et mauvais, il a une force intérieure qui le conduit à être très mauvais et peu bon, ou très bon et peu mauvais.

 

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Nos vraies discussions doivent rester entre nous comme des caresses entre amants et plus douces, puisque l’amitié a ses mystères aussi, sans les orages de la personnalité.

C’est une bonne leçon que la souffrance physique quand elle vous laisse la liberté d’esprit. On apprend à la supporter et à la vaincre. On a bien quelques moments de découragements où l’on se jette sur son lit ; mais moi je pense toujours à ce que me disait mon vieux curé quand il avait la goutte : ça passera ou je passerai.



Flaubert à George Sand 

Ne vous ayant pas près de moi, je vous lis ou plutôt relis. J’ai pris Consuelo, que j’avais dévoré jadis dans la Revue Indépendante.
J’en suis, derechef, charmé. Quel talent, nom de Dieu ! Quel talent ! C’est le cri que je pousse par intervalles, dans le «silence du cabinet». J’ai tant pleuré pour de vrai, au baiser que Porpora met sur le front de Consuelo !... Je ne peux mieux vous comparer qu’à un grand fleuve d’Amérique. énormité et douceur.

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Croisset chez Gustave Flaubert


Non, chère maître, vous n’êtes pas près de votre fin. Tant pis pour vous, peut-être. Mais vous vivrez vieille et très vieille, comme vivent les géants, puisque vous êtes de cette race-là ; seulement, il faut se reposer. Une chose m’étonne, c’est que vous ne soyez pas morte vingt fois, ayant tant pensé, tant écrit, et tant souffert. Allez donc un peu, comme vous en aviez tant envie, au bord de la Méditerranée. L’azur détend et retrempe. Il y a des pays de jouvence, comme la baie de Naples. En de certains moments, ils rendent peut-être plus triste ? Je n’en sais rien.
La vie n’est pas facile ! Quelle affaire compliquée et dispendieuse !

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Vous m’écrivez de belles choses sur «l’affection désintéressée». Cela est vrai, mais le contraire aussi ! Nous faisons toujours Dieu à notre image.

Au fond de tous nos amours et de toutes nos admirations, nous retrouvons nous, ou quelque chose d’approchant. Qu’importe, si nous est bien !
 Mon moi m’assomme pour le quart d’heure. Comme ce coco-là me pèse sur les épaules par moments ! Il écrit trop lentement et ne pose pas le moins du monde quand il se plaint de son travail. Quel pensum ! Et quelle diable d’idée d’avoir été chercher un sujet pareil ! Vous devriez bien me donner une recette pour aller plus vite ; et vous vous plaignez de chercher fortune ! Vous !


Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols, et j’ai entendu de jolis mots à la prud’homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.
 C’est la haine que l’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète, et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Il est vrai que beaucoup de choses m’exaspèrent. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.

 

Le livre : Gustave Flaubert George Sand - Correspondance - Editions Flammarion

Commentaires

  • Que voilà un charmant billet. On savait correspondre, à l'époque...
    Tu sais que je n'habite pas très très loin de Nohant?

  • @ Keisha : chanceuse : c'est un grand plaisir les maisons d'écrivains

  • Touché (e)!!
    Tout pour me plaire.
    Nohant, où je vais régulièrement,Sand,Flaubert .
    Il est un autre lieu dont j'aime m'imprégner Saché où l'an passé du reste j'ai pu voir une superbe exposition dédiée aux relations entre Sand et Balzac.
    Il manque juste quelques notes de Chopin....

  • @ autourdupuits : je peux fredonner si tu n'es pas craintive :-)
    Saché est un excellent souvenir mais trop ancien pour que je garde une sensation précise

  • Quel plaisir à lire, je note particulièrement cette première citation en rouge sur les discussions et l'amitié.

  • @ emmyne : on aurait envie de tout retenir

  • Un ami était (tous deux sont décédés aujourd'hui) marié avec une George. Quand il se présentait seul à une réception d'hôtel, plus qu'à son tour, il avait droit à la soupe à la grimace. La ou le préposé(e) s'imaginaient qu'un couple d'homosexuels demandait une chambre.

  • @ JEA : et dieu sait que Mme Sand a joué elle aussi de la confusion mais en sens inverse et pipe à la bouche

  • Il est dans ma bibliothèque et j'y picore régulièrement. C'est un régal, dommage qu'il soit un peu lourd, je l'aurais emmené en vacances. Et comme j'aurais aimé que la maison de Flaubert à Croisset ne disparaisse pas.

  • @ Aifelle : oui oui un vrai pavé et c'est uniquement avec George Sand !!

  • Quelle belle écriture !
    Cette citation en rouge je la trouve tellement vraie.
    Et cette demeure est magnifique.

  • @ dimitri : les maisons d'écrivains conservent un peu de leur âme et comme le dit Aifelle c'est dommage que la maison de Flaubert n'est pas été conservée

  • Voilà un livre que je possède et que j'ouvre trop rarement!
    j'aime beaucoup le tableau de la maison de Croisset au bord du fleuve, très poétique.
    J'aime l'appellation " chère maître"

  • @ Dominique : j'aime aussi beaucoup le "chère Maître" on n'y sent toute l'affection et toute l'admiration

  • Beauté de l'écriture de l'un et de l'autre, belle amitié et les photos de leur lieu de vie et d'écriture ont beaucoup de charme. Je pense que je vais me procurer cette réédition de cette belle correspondance. Merci.

  • @ nadejda : les correspondances c'est un grand plaisir pour moi car on peut y picorer sans s'obliger à faire le parcours complet !

  • @ Theoma : deux personnages hors du commun il faut dire

  • Il me fait vraiment envie ! ils viennent de sortir un véritable pavé de leur correspondance... Les lettres sont une manière très agréable de découvrir l'écriture, le caractère, la vie d'un auteur... (Moi j'ai celles de San et Musset qui m'attendent dans ma PAL mais elles sont d'une autre teneur !)

  • @ maggie : la correspondance avec Musset est bien tentante

  • Que tout cela est bien dit et donne envie d'apprendre par coeur.
    Se reposer aux bords de la Méditerranée, ça me dit quelque chose...
    Extraits et illustrations superbes, merci Dominique, bonne soirée.

  • @ Colo : George Sand et Majorque c'est une belle histoire

  • @ Tastu : à vous revoir un jour ou l'autre

  • Voilà une belle correspondance que je n'ai pas encore ouverte, mais cela viendra !

  • @ Tania : après un bain de jouvence au soleil de la méditerranée c'est le moment :-)

  • Correspondance et jolis mots qui font l'objet de publication et deviennent des oeuvres littéraires... que restera-t-il de nous couriels et sms...
    As-tu visité Nohant et Gargilesse? Des lieux plein de charme et de fantômes...
    Bisous et très belle journée chère Dominique

  • @ Kenza : il va manquer des traces pour la littérature et l'histoire future, quoi de plus volatil qu'un mail ? et même qu'un billet de blog !

  • Je dois reconnaitre que j'aime George Sand bien plus que ses romans, c'était une femme fascinante . J'ai d'ailleurs fait mon petit pélerinage à Nohant il y a quelques années et j'en garde un merveilleux souvenir ...

  • @ Malika : C'est ClaudiaLucia qui a fait de nombreux billets sur les écrits de George Sand que je lis avec intérêt mais je n'accroche que peu à l'auteur de romans par contre sa vie, alors là oui ! quelle passion !!

  • Encore un livre qui me tente beaucoup... et que je ne peux que noter au vu de la pile qui m'attend encore pour terminer mon travail... Mais quelle idée aussi de venir sur ton blog !!! ;-)

  • @ Margotte : c'est comme la voix des sirènes à l'oreille d'Ulysse, il ne te restes plus qu'à te faire attacher à un mat :-))))

  • Bonsoir Dominique, je ne savais pas que Flaubert et Sand avaient correspondu. En tout cas, on est dans les hautes sphères du talent, de l'intelligence et du savoir écrire. Merci pour ces extraits. Bonne soirée.

  • @ dasola : Entre Flaubert et George Sand ils ont à eux seuls enrichis le patrimoine de milliers de lettres, entre eux bien sûr mais aussi tout autour

  • Dans une vie prochaine, je voudrais avoir un talent épistolaire, c'est tellement merveilleux de s'écrire avec de beaux mots, bien choisis pour justement nuancer nos propos et échanger... C'est un grand rêve pour moi. Quelle belle âme, cette madame Sand ! Des bisous. brigitte

  • @ Plumes d'Anges : avoir ce talent là et laisser des lettres que les destinataires relisent des années plus tard, une jolie ambition

  • Génial cette échange... deux grands écrivains tous les deux et pourtant si différents! George Sand disait qu'écrire, pour elle, était aussi facile que de broder un ourlet, Flaubert suait sang et eau pour écrire une phrase, à la recherche de la perfection il lui faisait passer l'épreuve de son "Gueuloir" en la lisant à haute voix ...
    J'aime leur admiration réciproque et la modestie (très sincère ) de George.

  • @ Claudialucia : j'ai pensé à toi en faisant ce billet car tu as beaucoup lu George Sand alors que je suis un peu réfractaire, mais par contre comme toi j'aime cette prose épistolaire, on aurait aimé être amie avec eux

  • A lire ces extraits de correspondance, je regrette un peu cette époque où l'on prenait le temps d'écrire, et de bien écrire ! Cela devient si rare de nos jours, que lorsqu'on lit un bel article, bien rédigé, on le trouve trop profond, trop cultivé ... Je ne parle même pas des SMS que je n'arrive jamais à décrypter !

  • @ Nanne : certain qu'il y aura de moins en moins de publications de correspondances et sans doute aussi de moins en moins de personnes pour les lire !

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