Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Biographie Correspondance journaux - Page 20

  • Littré L'humaniste et les mots - Alain Rey

    Des mots, encore des mots, toujours des mots

    photo-4.JPG

    C’est quelqu’un qui me connait bien qui m’a offert ce livre.
    Pensez  le roi du dictionnaire mis en musique par le prince des mots !  Curieux, tout le monde connaît LE Littré mais on connaît bien peu la vie de son auteur, un illustre inconnu en quelque sorte.

    Il pris son temps pour atteindre la notoriété, c'est la publication de son dico à partir de 1863 qui le fit atteindre la notoriété Je vous l'accorde Littré n'a pas une tête de rigolo, c'est un sérieux cet homme, un bosseur, un érudit austère et tolérant à la fois, un bourreau de travail. Et puis d'abord qu'est ce que vous avez contre les lunetteux ?

    littré .jpg

                                                      Emile Littré par Nadar

    Son père imbu des idées révolutionnaires de l'époque et un peu obsédé par les études, envoya son fils dans un lycée de prestige, Emile fréquenta donc  Louis le Grand , son père  mis à sa disposition une excellente bibliothèque.  
    Quand fut venu le temps de choisir une voie professionnelle  Littré  choisit la médecine. Il est prêt à passer son doctorat quand son père meurt et la famille restant sans ressources il va donner des cours de Latin et de Grec et entamer une carrière de journaliste pour gagner sa vie.

    Il entre comme journaliste au journal Le National. Plus tard il reprend ses études et assiste à des conférences qui lui permettront de livrer des articles à des revues spécialisées sur des sujets aussi variés que les épidémies ou les découvertes de Cuvier.

    Il va s'atteler à la rédaction d'un livre sur Hippocrate qui lui ouvrira les portes de l’Académie des inscriptions et belles lettres. Le début de la célébrité. Bien sûr pour nous il reste le père du dictionnaire qui porte son nom, mais avant cela il est aussi un traducteur, il maîtrise rien moins que le latin et le grec évidemment mais aussi l'anglais, l'allemand, l'italien et un peu de sanscrit pour faire le bon poids.
    Il travaille d'abord à un dictionnaire de médecine et de chirurgie. Puis il conçoit son grand projet qui va être accepté par les éditions Hachette, Louis Hachette  a été un condisciple de Littré à Louis le Grand.
    Son grand oeuvre l'occupa de 1847 à 1865 !!! Une méthode de travail parfaite, une érudition sans faille, et un travail de titan vont faire du dictionnaire un événement littéraire. Un travail de lexicographe patient, complet, sûr. L'usage de chaque mot est détaillé, les divers sens sont passés en revue et sont étayés d'exemples pris dans les meilleures oeuvres de la langue française.  Au mois d'août 1870, Littré fit transporter tous ses documents soit  415 636 feuillets et huit caisses de bois blanc pour les mettre à l'abri dans les sous-sols de la maison Hachette hors de portée des obus allemands. 

    photo-3.JPG

    Ce travail méritait bien un siège à l'Académie Française, oui mais Littré est un républicain et un athée farouche. Pour les milieux bien-pensant il est le diable. Le très fameux Mgr Dupanloup s'oppose à son admission (rappelez vous le père de Marcel Pagnol se moquant de Mgr Dupanloup dans "la gloire de mon père") et Littré échoue.

    Il prendra sa revanche sur le saint homme et entrera  sous la Coupole le 30 décembre 1871. Littré n'était peut être pas toujours un homme exemplaire du moins si l'on en croit cette anecdote rapportée par Alain Rey 

    «Littré se livre à des débats indécents avec une domestique, qu'on imagine jeune et accorte. Sa sérieuse épouse s'en avise et, choquée, mais sans perdre son sang-froid: Monsieur, je suis surprise!
    A quoi le philologue réplique : Non, madame, vous êtes étonnée. C'est nous qui sommes surpris.
    » 

    Le 8 juillet 1875, Il est reçu au Grand Orient de France en même temps que Jules Ferry, une grande publicité fut faite à l'évenement. A la fin de sa vie il réaffirme ses convictions matérialistes et agnostiques sans jamais chercher à dénigrer la foi  

    « je suis sans regret d'être en dehors de ces croyances, et ne puis découvrir en moi aucun désir d'y rentrer. » 

    photo-6.JPG

    C'est ce qui rend très suspecte sa soi disante conversion orchestrée par sa femme et sa fille toutes deux ferventes catholiques.
    Il fut enterré au cimetière Montparnasse. 
    Pour les amateurs de mots cette biographie se lit d'une traite. Alain Rey nous dit que Littré avait " une obsession : connaître "  et qu'il mérite le beau nom d'humaniste.

    Le Littré en ligne 

    9782070786053FS.gif

    Le Livre : Littré L'humaniste et les mots - Alain Rey - Editions Gallimard

  • Journal de l'année du désastre - Kressmann Taylor

    Mon dernier rattrapage au un parfum d'Italie

    florence_1990_ii.jpg

    Un dernier rattrapage, celui-là appartient au genre  jamais traduit.
    Dieu sait que l’auteur est aujourd’hui célèbre après la publication de Inconnu à cette adresse, mais saviez-vous que Kressman Taylor a vécu à Florence et qu’elle y était présente la première semaine de novembre 1966, l’année du désastre ?

    Selon votre âge c’est un événement dont vous avez vaguement entendu parlé ou alors comme moi, vous gardez un souvenir précis des images de Florence sous les eaux dans la presse et à la télévision.
    En novembre 1966 l’Arno sortit de son lit et plus encore ! Florence fut submergée en quelques heures, des habitants perdirent la vie, bon nombre de florentins perdirent tout leurs biens, musées, églises, palais, bibliothèques, tout se retrouva sous les eaux.
    C’est cet épisode que retrace le livre de K Taylor. Elle le fait avec un luxe de précisions que lui permet sa situation privilégiée, hôte de la pensione Consigli et elle a une chambre avec vue sur l’Arno.

    inondation.jpg


    Le 3 novembre au soir rien ne laisse présager du désastre imminent
    « Six heures du soir à Florence. Une foule d’imperméables regagne ses pénates par les ruelles étroites du centre ville. »
    Mais le lendemain matin la chanson a changé de registre :
    « Ma première vision est un ciel noir de suie et toujours ces trombes d’eau. L’instant d’après je contemple la rivière bouche bée »
    Et oui l’Arno est devenu un fleuve furieux, un torrent qui crache des flots de boue, de déchets, de mazout, d’objets
    « Un fauteuil voguant paisiblement, calme et droit  » et le flot s’accentue toujours plus au cours des heures «  Dans un enchevêtrement de branches vertes passe une vache rouge et blanc »
    C’est l’horreur pour cette ville qui est un joyau, la ville « la plus rare, la plus intime »  l’eau déferle à 60 km/heure , les habitants sauvent ce qu’ils peuvent, à la pensione Consigli tout le monde monte d’un étage et K Taylor s’endort écoutant « dans un demi-sommeil le grondement de l’Arno »

    florence.jpg


    Le lendemain c’est un sentiment de désolation qui l’emporte, les ponts endommagés ou emportés, les boutiques dévastées « Le coeur de la belle Florence n’est plus qu’une morne décharge. »
    K Taylor, amoureuse de l’Italie, de Florence va faire le récit des jours suivants, ceux du bilan terrible pour la ville et toute la région, des jours où la ville est coupée du monde, ceux ou les florentins vont devoir avec dignité et courage, faire face au désastre :  6 000 familles sans abri, 6 000 boutiques balayées, 1 300 oeuvres abîmées ou perdues.
    Elle va assister à des scènes de désespoir mais aussi de solidarité, voir la vie reprendre le dessus envers et contre tout.

    tumblr_lr2kjojpen1qazg3ko1_500.jpg


    Paru quelques mois après l’inondation en anglais, c’est une excellent chose que les éditions autrement choisissent de traduire et éditer ce livre car le récit est très vivant, toujours plein d’empathie pour la population et son courage extraordinaire. Les anecdotes sont parfois drôles, parfois émouvantes et l’on est aux premières loges. Amoureux de l’Italie ajoutez ce livre à votre bibliothèque.

    9782746731455FS.gif


    Le livre : Journal de l’année du désastre -Kathrine Kressmann Taylor - Traduit par Olivier Philipponnat- Editions Autrement 2012

  • Les Biographies de Stefan Zweig

    Philosopher, penser 

     

    Un petit détour avant le prochain billet de la série pour faire le point sur les biographies de Stefan Zweig

     

    Au fil du temps j'ai apprécié toutes ses biograpghies, certaines sont courtes, d'autres plus fouillées mais toutes sont passionnantes 

    L'histoire, les découvertes, la philosophie et la littérature sont au programme 

     

    histoire.jpg

     

     

    histoire 2.jpg

     

     

    penseurs.jpg

     

     

    maitres.jpg

     

    Bonne lecture !!

  • Érasme - Stefan Zweig

    Le Prince des humanistes

     

    portrait_d_Erasme quentin massys 1517.jpg

                    Erasme par Quentin Massys 1517

     

    Quand on a un peu lu Stefan Zweig on n’est nullement étonné qu’il ait consacré une de ses biographies à Érasme.

    On retrouve dans ce livre les préoccupations qui étaient déjà celles de Zweig quand il écrivait  Conscience contre violence  quand il traçait déjà son opposition au fanatisme C’est ici le « legs spirituel » de l’humaniste qu’il souhaite transmettre, un idéal de tolérance politique et religieuse.

     

    durerportrait_erasme.jpg

    Albrecht Dürer  - Portrait d'Erasme de Rotterdam

              1526 Musée départemental de Nantes 

     

    On dit Érasme né vers 1469 à Rotterdam, né européen en somme car cette région à l’époque n’est pas encore les Pays-bas, plus tout à fait le Duché de Bourgogne et pas vraiment l’Espagne. 

    Né vraisemblablement bâtard et sans doute fils de prêtre !! Difficile début dans l’existance. Cela n’empêche pas qu’il soit ordonné par l’évêque d’Utrecht en 1492, mais il abandonne vite la prêtrise pour la vagabondage dans toute l’Europe, pour la vie de l’esprit.

    L’Angleterre des Tudors, Anvers, Louvain, Paris où il vit très pauvrement « comme un escargot ». Enfin c’est l’Italie, Pise, Bologne, Venise où il est l’hôte du grand imprimeur Alde Manuce, Rome où s’ouvrent pour lui les portes de la Bibliothèque Vaticane.

     

    Vagabond et écrivain. Un amoureux de la langue, des mots, de la poésie, un écrivain prolifique à côté de qui Hugo ferait pâle figure ! Il s’exprime le plus souvent en latin, le latin des humanistes.

    C’est un « fervent des livres », la culture, la vie intellectuelle, voilà ce qui lui importe et qui tout au long de sa vie le feront développer des amitiés avec des hommes de savoir. 

    Il lit jusqu’à plus soif, les auteurs de l’antiquité, la Bible, son apprentissage du grec va lui ouvrir les portes des auteurs qu’ils appréciera toute sa vie : Euripide, Lucien l’insolent.

     

    Les Adages lui apportèrent la célébrité.

    adages.jpg

     « Errant à l’aventure dans les jardins si divers des auteurs, j’ai cueilli les adages les plus anciens et les plus remarquables comme de jolies fleurs de toute espèce et j’en ai composé une guirlande harmonieuse. »
     

    Les multiples éditions s’enrichiront jusqu’à rassembler plus de 4000 adages. Érasme mobilise tout son savoir pour comprendre d’où vient l’expression, il cherche dans les vieux traités de science, de médecine, parmi les contes populaires, dans la mythologie. Il ajoute, il retranche, il corrige.

     

    Hans_Holbein_d._J._046.jpg

    Erasme par Hans Holbein - Musée du Louvre

     

    « Les adages sont une forme ouverte : on peut ajouter ce que l’on veut, là où on le veut. Ce sera la même chose plus tard dans les Essais de Montaigne. »

     

    Du plus court à celui qui est un véritable essai philosophiques les adages « ne sont rien sans les commentaires qui leur donnent  sens et prennent parfois l’allure d’un petit traité »

    « La meilleure lecture sera buissonnière comme fut buissonnière leur composition » dit Daniel Ménager un biographe d’Érasme

    C’est chez Thomas Moore qu’il compose l’Eloge de la folie, satire qui va lui attirer les faveurs du public mais la vindicte de l’Eglise et qui reste pour le lecteur d’aujourd’hui son livre le plus lu.

    Quentin_Massys-_Erasmus_of_Rotterdam.jpg

    Erasme par Quentin Massys - Galerie Nationale Rome

    Traités, dialogues, essais philosophiques, essais pédagogiques pour l’apprentissage du latin, les Colloques teintés d’ironie, d’humour parfois, dans lesquels s’expriment sa pensée sous la forme de dialogues.

    Enfin une traduction du Nouveau Testament du grec au latin, afin de débarrasser le texte de tous les ajouts inutiles . Avec un certain culot l’auteur dédie sa traduction au Pape Léon X alors que manifestement il est là bien plus proche de Luther dans la recherche de la simplicité, il souhaite même que le texte soit traduit en langue vulgaire pour que « puisse le paysan au manche de sa charrue en chanter des passages, le tisserand à ses lisses en moduler quelque air, où le voyageur alléger la fatigue de sa route avec ses récits. »

     

    La faiblesse d’un tel homme ? Elle réside dans son indécision au moment de la Réforme mais « L’excès en toute chose demeurait étranger à sa nature  » incapable de soutenir ou de condamner Luther il tente de tenir une position médiane.

    Entre les deux hommes les relations vont devenir très difficiles : incompréhension, vindicte, diatribe, polémique : ils ne parviendront jamais à se comprendre.

    La fureur d’un Luther est trop grande, l’indécision d’Érasme trop difficile à surmonter, c’est l’affrontement de deux hommes de piété. 

    L’un plonge dans la bataille, l’autre se veut au-dessus de la mêlée. 

    D'Érasme Zweig nous dit « Il ne marche pas aux côtés de la Réforme, il ne marche pas aux côtés de l’Eglise »

    C’est la rupture entre l’humanisme et la Réforme allemande, Luther le voue aux gémonies et l’Eglise met ses livres à l’index.

     

    anderlecht-maison-d-erasme-jardin-08-4ah-cpf-147.jpg

                                Anderlecht - La Maison d'Erasme

     

    Érasme grand voyageur fut aussi un grand épistolier une correspondance extraordinaire de diversité : Thomas Moore dont il est l’ami, Luther si proche et si éloigné, François Ier, trois papes, Charles Quint

    C’est un grand européen avant l’heure, portraituré par les grands peintres de l’époque.
     
    Lui que l’on a appelé le précepteur de l’Europe fut toute sa vie l’ami des grands, mais vécut toujours assez simplement dans un souci d’indépendance, exerça de petits métiers pour survivre mais fut un homme des plus courtisé « les princes se le disputeront, les papes et les réformateurs l’imploreront, les imprimeurs viendront l’assaillir, il fera aux riches l’honneur d’accepter leurs présents. »

     

    Zweig fait un tableau de cette époque où « Un siècle finit, des temps nouveaux commencent : pendant un court instant , l’Europe n’a plus qu’un coeur, un désir, une volonté » Hélas hélas ce temps de l’humanisme sera aussi celui du fanatisme religieux. 

     

    Le Livre :
    Érasme - Stefan Zweig - Editions Grasset 

     

     

  • La croisée des errances - Lionel Bourg

    Jean-Jacques le nomade

     

    " Je dispose en maître de la nature entière ; mon coeur, errant d'objet en objet, s'unifie, s'identifie à ceux qui le flattent, s'entoure d'images charmantes , s'enivre de sentiments délicieux."

    rousseau rhone alpes.jpg

    Les débuts de Jean-Jacques Rousseau furent des débuts nomades. 

    Il circula, erra, pris la fuite, et cela pendant pas mal d’années. Beaucoup de ses tribulations eurent pour cadre la région Rhône Alpes, un livre aujourd’hui permet de suivre Rousseau au gré de ses errances, s’appuyant sur les textes de l’écrivain et associant ces écrits aux paysages que Rousseau traversa.                                    

    LesCharmettes.jpg

                                              Les Charmettes 

     

    Ce livre nous ouvre les perspectives des pérégrinations du philosophes, ses marches parfois difficiles, marches qui s’étagent au fil des années et des lieux.

    Lionel Bourg nous permet de suivre le Rousseau jeune vagabond amoureux des montagnes « Il me faut des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent bien peur » et aussi le Rousseau trouvant asile aux Charmettes chez Mme de Warens et en proie aux émotions du jeune homme faisant connaissance avec l’amour et la volupté.

     

    charmettes_jardin_m.jpg

                                              Les Charmettes le jardin

     

     

    Mais Lionel Bourg suit les traces de l’écrivain à Lyon, à Valence, à Grenoble hors des sentiers battus.

     

    beauregard.jpg

                                           Grenoble : Beauregard

     

    " Cheminant rive droit du Drac : les bois de Fontaine ou de Seyssins, Beauregard, n'eurent bientôt plus de secrets pour l'infatigable randonneur "

     

    Il est bon de découvrir le Rousseau musicien, le futur auteur des Confessions et des Rêveries d’un promeneur solitaire. Lionel Bourg à travers ses propres souvenirs nous invite à herboriser et vagabonder aux côtés de Rousseau en s’invitant dans ses écrits, en les lisant ou relisant tout en suivant son parcours de Genève à Paris.

     

    montee-des-chazeaux-vers-fourviere.jpg

     " Des parcs, des jardins, des maisons de retraite, des villas s'y disputent toujours avec la même indolence le monopole d'une vue imprenable sur la saône

     

    Le portrait tracé du « proscrit, indésirable à Genève » et qui devient le philosophe inspirateur des Lumières. Mettant ses pas dans ceux de Jean-Jacques, Lionel Bourg nous invite à le connaître mieux, à redécouvrir l’impertinent qui aujourd’hui encore intrigue par son amour de la solitude tempéré par son envie de reconnaissance, son amour de la langue et de la liberté,.

     

    Un petit livre écrit par un admirateur qui ne peut s’empêcher de dire « J’aime Rousseau », suivez le par les monts et par les champs derrière Jean-Jacques le genevoix, d’auberge en cascade, de l’adolescence à l’âge adulte, au long des chemins, c’est un joli parcours plein de sensibilité.

    J’ai aimé ce petit livre qui fait la part belle aux errances du philosophe et de l’auteur, publié chez un éditeur de la région comme il se doit.

    9782357070264FS.gif

     

    Le livre : La Croisée des errances - Lionel Bourg - Editions La Fosse aux ours - 2012

  • La Reine du désert - Janet Wallach

    Cap au sud 

     

    Portrait d’une femme d’exception 

    painting1.jpg

                 Tableau d'Edmund Berninger  The desert carvan

     

    Aventureuse, excentrique, têtue, érudite, faiseuse de rois, amie de Lawrence d’Arabie............pas moins !!

    Une femme qui joua un rôle déterminant dans la politique anglaise au Moyen Orient puisqu’elle en a dessiné les frontières ce qui n’est pas à priori le rôle d’une femme née sous Victoria !

    Gertrude Bell surnommée La reine du désert ou la Khatun par les arabes fut peut être la femme la plus puissante de l’Empire britannique à son époque. 

    Je vous sens déjà bien attentif alors en route.

     

    Gertrude Bell est née dans la bonne aristocratie victorienne de la fin du XIX ème siècle, elle se fait remarquer assez vite par sa volonté de suivre des études à Oxford, rappelez-vous les écrits de Virginia Woolf sur le sujet, c’est extrêmement difficile pour une femme, et voila Gertrude qui non seulement arrache le consentement de sa famille mais en plus sort première femme diplômée d’histoire !!

    Cette jeune femme va très vite se faire remarquer par son érudition, sa soif d’apprendre, traductrice du Persan, archéologue à ses heures, elle est aussi une femme intrépide qui fait l’escalade des Drus et de bien d’autres sommets. 

     

    jordanie.jpg

                          Elle fut la première femme à explorer ces sites fameux 

     

    Ce qui va changer sa vie c’est qu’elle tombe amoureuse de la mauvaise personne et que alors qu’elle est capable de faire fi de bien des préjugés, en matière de mariage elle se laisse influencer et renonce à l’homme qu’elle aime pour obéir aux codes de son milieu.

     

    Cet échec va décider de sa vie car comme la tradition le veut elle va partir, voyager pour oublier. Elle sillonne l’Europe mais très vite c’est l’Orient qui va l’attirer, elle va s’acharner à apprendre l’arabe, puis les dialectes des contrées où elle vit.

    Elle  tombe amoureuse du désert, des arabes, de leur mode de vie. Anglaise jusqu’au bout des ongles elle sait faire preuve de témérité mais reste attachée à ses habitudes et si elle voyage à dos de chameau, elle emporte aussi sa baignoire pliante et son service à thé en porcelaine de Chine.

     

     

    orient en peinture.jpg

    Orient en peinture 

     

    Petit à petit elle crée des liens avec les cheiks locaux, les chefs bédouins, les chefs de tribus, elle partage leur nourriture, les derniers potins locaux, s’informe, flatte, elle est traitée en dignitaire par ces notables. Elle transformera ses expériences en livres qui eurent un énorme succès et contribuèrent à lui assurer une certaine indépendance.

    Son rôle et ses connaissances vont s’avérer déterminantes lors de la Première Guerre mondiale, rappelez-vous que l’Empire Ottoman est à ce moment là l’allié des allemands et que les anglais ont besoin de la loyauté envers eux des différentes tribus arabes en guerre contre les Turcs.

    Y_313.jpg

                                  Ses interlocuteurs lors de ses voyages 

     

    Gertrude Bell  fait un vrai travail d’espionnage et de renseignement pour le gouvernement britannique et à cette occasion va créer des liens avec T.E Lawrence, le fameux Lawrence d’Arabie.

    A la fin de la guerre va se poser le problème des territoires perdus par les Turcs et le partage de la région par les vainqueurs français et anglais. C’est l’émergence du problème du pétrole. Les anglais ont besoin de toutes les personnes qui puissent les éclairer sur la situation, Gertrude Bell va être cette personne.

    Elle va soutenir le désir des arabes de voir se créer de nouveaux pays, Syrie, Irak. On a pu dire qu’elle a dessinée la carte de la région , elle adoube les futurs chefs de ces états et en particulier le future roi Fayçal d’Arabie.

    Arabie.jpg

    Elle est une des rares à avoir une idée claire des antagonismes entre Chiites et Sunnites ( déjà !!) entre arabes et kurdes ( déjà !) et lorsque elle participe à une conférence au Caire, on peut dire qu’elle est la femme la plus puissante de l’Empire. Elle va être très critique par rapport à certaines décisions qui s’avérerons désastreuses, la « poudrière » du Moyen-Orient est née 

     Cairo1921.jpg

    La Conférence du Caire 1921, G Bell sur un chameau devant les pyramides aux côtés de Winston Churchill qui vient juste de remonter sur son chameau après une chute mémorable

     

    Quelle vie riche, quelle force de caractère ! Certes sa vie personnelle et amoureuse s’en ressentit car elle est toujours victime du carcan de la bonne société, étonnante femme qui crée le Musée de Bagdad mais est incapable de vivre sa vie de femme !

    Ecartée de la politique à la fin de sa vie, elle meurt épuisée d’une overdose médicamenteuse peut-être volontaire. 

     

    Un livre passionnant qui se lit comme un roman tant l’esprit d’aventure souffle. Ecrit par une spécialiste du Moyen Orient il m’a permis de connaître mieux cette femme courageuse, endurante, à la fois corsetée par les conventions et éprise d’aventures, passionnée par l’Arabie et ses peubles. A travers sa vie on comprend un peu mieux les soubresauts de cette région qui se font sentir aujourd’hui encore. 

     

    poster_44262.jpg

     

    Le livre : La Reine du désert - Janet Wallach - Bayard Editions 1997  

    A chercher chez les bouquinistes et dans les bibliothèques