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Biographie Correspondance journaux - Page 25

  • Shakespeare Antibiographie

    J'aime les biographies d'écrivains , alors une énième bio ?

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    Une énième biographie ? oui mais avec la faconde de Bill Bryson qui annonce dès le début qu’il va faire court car sur Shakespeare on ne sait ...rien ou presque rien.
    Il se moque allègrement des érudits qui avec ce rien ont réussi à remplir des livres. Car nous dit-il, il est plus rapide de faire la liste de ce qu’on sait de William Shakespeare que de ce qu’on ignore,  par exemple son portrait « Qui pourrait tout aussi bien être le portrait de quelqu’un d’autre ».
    Rien : pas une lettre, pas un manuscrit , avouez que c’est rageant pour un homme qui a écrit environ 900 000 mots, on a en tout et pour tout sa signature au bas d’un testament !

     

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    " Nous sommes tous capables de reconnaitre une représentation du Barde dès que nous en voyons une, et pourtant nous ne savons pas vraiment à quoi il ressemblait"

    On ignore à peu près tout de sa vie, de sa famille, de sa santé, il y a 8 années où on n’ignore où il était et ce qu’il faisait. Le peu que l’on sait est incertain « l’équivalent littéraire d’un électron » Alors comparez ça avec les quelques sept mille volumes consacrés au Barde à la Bibliothèque du Congrès !
    Des bruits ont courus, des hypothèses ont été posées sur la réalité de l’auteur d’Hamlet, on a voulu faire porter la paternité de l’œuvre de Shakespeare à Bacon, mais attention Bill Bryson nous dit que là comme sur le reste «personne n’a jamais produit le moindre commencement de preuve ».
    Si on ne peut parler de la vie de Will que dire ? Bill Bryson livre un tableau complet de l’époque « Un monde qui manquait d’habitants et qui avait bien du mal à garder ceux qui y naissaient » époque de turbulences religieuses, de grandes épidémies « La plus grande performance de Shakespeare ne fut pas d’écrire Hamlet mais de passer le cap de la première année » écrit-il avec malice.
    Il nous introduit dans les moeurs de l’époque, on croise Ben Jonson et Christopher Marlowe, on apprend que les théâtres n’avaient ni rideau ni décor.

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    Le théâtre du Globe au temps de Shakespeare


    Mais là ou Bryson s’en donne à coeur joie c’est dès qu’il nous fait sentir sa totale admiration pour l’oeuvre, pour Will le créateur de mots, crédité de plus de 800 nouveaux mots qui sont passés dans la langue anglaise. Qu’une si grande partie de l’œuvre de Shakespeare soit arrivée jusqu’à nous relève du miracle.
    Shakespeare plagiait à tour de bras comme tous les auteurs de l’époque mais ce qu’il en a fait «  personne ne l’a jamais surpassé »
    Car dit-il « On dit souvent que ce qui distingue Shakespeare c’est sa capacité à mettre au jour les rouages de l’âme, et Dieu sait qu’il fait cela de manière éblouissante. Mais ce qui caractérise vraiment son oeuvre, n’importe quelle partie de son oeuvre, les poèmes, les pièces et même les dédicaces, c’est la jubilation évidente, palpable, que lui cause le pouvoir fascinant du langage »

    Lisez Bill Bryson c’est un bon guide, transportez vous à l’époque élisabéthaine et allez lire les billets sur le Barde chez ClaudiaLucia

    Et puis vous pouvez aussi vous tournez vers la légèreté et voir ou revoir

     


    Shakespeare in Love - Bande Annonce

     

    Le livre : Shakespeare  Antibiographie - Bill Bryson - Traduit par Hélène Hinfray - Editions Payot

     

  • Tourgueniev - André Maurois

    tourgueniev.gifTourgueniev - André Maurois - Editions Grasset Les Cahiers Rouges
    Depuis quelques mois j’ai lu plusieurs romans de Tourgueniev et j’avais envie d’en savoir un peu plus sur sa vie, avant de me lancer dans une vraie et complète bio j’ai choisi ce petit livre d’André Maurois.
    Il a un double avantage, d’abord il est fort bien écrit et cela déjà le rend très agréable et il est court car c’est une suite de petits textes qui n’étaient pas fait à l’origine pour être rassemblés puisqu’il s’agit de 4 conférences données par Maurois.
    En quelques lignes Maurois situe la Russie et son régime autocratique au moment de la naissance de Tourgueniev
    « La Russie de 1820 n’est pas en équilibre. Ce’est un état politique dangereux pour une nation, mais c’est un état favorable à la formation des grands romanciers, parce que les passions y sont fortes, les changements soudains et frappants »
    Il nous présente la famille de Tourgueniev, son père qui servira de modèle à « Premier amour », l’autoritarisme de sa mère qui engendra sans doute un comportement avec les femmes très difficile dont sa liaison singulière avec Pauline Viardot, que l’on trouve évoquée dans « Journal d'un homme de trop », est le reflet
    André Maurois s’attache à faire comprendre les liens entre l’oeuvre et la vie. Il revient en détail sur certaines périodes  et l’on voit Tourgueniev arrêté et emprisonné pour avoir écrit un article sur Gogol et ensuite condamné à l’exil sur ses terres. C’est l’occasion pour André Maurois d’évoquer l’amour inconditionnel de Tourgueniev pour la Russie, amour qui perdurera même lorsque ses convictions le porteront à critiquer le système politique et à s’opposer au servage.
    « Il semble y avoir, dans les paysages russes, une mystérieuse beauté dont ceux qui les ont connus gardent jusqu’à la mort l’amour et le regret »
    J’ai découvert aussi un auteur satirique de la noblesse terrienne que j’avais déjà entreaperçu dans « Fumée » et mieux compris l’impression de Tourgueniev de n’être nul part à sa place, trop européen pour les russes et trop russe pour les européens. On retrouve son amitié avec Flaubert, Maupassant, Zola, Daudet, Mérimée qui le situe dans le monde culturel de l'époque.

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    De gauche à droite : Daudet, Flaubert, Zola et Tourgueniev

    En deux courts chapitres Maurois analyse l’art de Tourgueniev, il veut tirer un trait sur les querelles littéraires qui opposent Dostoïevski ou Tolstoï à Tourgueniev en quelques phrases d’une grande justesse
    « Ce que nous défendons avec tant de force chez un écrivain, ce n’est pas son oeuvre, ce sont nos goûts profonds. Nos choix littéraires, nos préférences sont déterminés par nos besoins sentimentaux et spirituels. Ayant retrouvé dans un roman l’image exacte de notre inquiétude ou de notre sérénité, nous considérons le critique hostile comme un adversaire personnel »

    Maurois sait à merveille nous présenter le génie descriptif de Tourgueniev, son art pour retenir le détail essentiel qui sait suggérer, il dit « Jamais romancier n'a fait preuve d'une économie de moyens aussi complète. Quand on a un peu l'habitude de la technique d'un roman, on se demande d'abord avec surprise comment Tourguéniev put, par des livres si courts donner une telle impression de durée et de plénitude  »

    Ce livre loin d'avoir épuisé son sujet m'a donné envie de lire une biographie plus importante et surtout de continuer ma lecture de Tourgueniev que je n'ai fait qu'effleurer

     

  • Une enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff

    enfanceprusse.jpgUne enfance en Prusse orientale - Marion Dönhoff - Traduit de l’Allemand par Colette Kowalski- Editions Albin Michel - 1990
    Il y a quelques mois le roman de Béatrice Wilmos « L’Album de Menzel » m’a donné envie de relire ce récit datant déjà de 1990 et écrit par une grande dame du journalisme européen, la Comtesse Marion Dönhoff.
    Vous ne trouverez plus hélas ce livre, épuisé et jamais réédité, mais fouillez bien dans la bibliothèque de votre ville, les trésors sont toujours enfouis.
    Marion Dönhoff a près de 80 ans quand elle écrit ses souvenirs, en 1945 elle a fui devant l’Armée rouge,  elle a vu Königsberg bombardée, elle a abandonné le château de son enfance, elle entame un long périple qui la conduira un jour à la tête de « Die Zeit » le grand journal allemand.

    Son livre est composé d’une multitude de scènes, de tableaux, décrivant la vie dans cette Prusse aujourd’hui disparue, racontant l’histoire de ces domaines, de ces hommes et femmes qui vont disparaitre dans la guerre.

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    Le château de Friedrichstein

    Marion Hedda Ilse Dönhoff est née au château Friedrichstein, en Prusse orientale, quand elle naît  son père le Comte Dönhoff est député au Reichstag à la « Chambre des Seigneurs de Prusse » il a 64 ans. C’est un homme passionné d’art et de voyages parfois aventureux.
    Sa mère elle a aussi « le goût des arts, beaucoup d’imagination et un penchant pour le romantisme » et un sens très sûr des convenances de ce qui « se fait » et de ce qui ne se fait pas  « verdict sans appel qui mettait fin à toute discussion ». Ce rigorisme et cette vie aisée ne l’empêchait pas d’assurer soins et médicaments aux villageois proches du domaine.
    C’est une vie heureuse que mène Marion Dönhoff, la nombreuse fratrie permet des jeux et activités qui inculquent l’amour de l’aventure et le sens des responsabilités. La discipline est rigoureuse, on n’est pas en Prusse pour rien, mais trouver une façon de tourner les interdits occupe la joyeuse bande.
    Les parents sont peu présents mais la fréquentation des serviteurs du château va dégourdir la jeune fille « j’ai appris à démonter un carburateur avec le chauffeur ».

    Sa description de la vie du château et du village est empreinte de tendresse, le lavoir, le repassage qui lui apprennent les servantes, les premières lampes électriques, le valet Fritz « qui savait tout et s’intéressait à tout » , Krebs le jardiner au rôle essentiel pour ce domaine qui vit en autarcie totale.
    Les enfants participent aux travaux des champs, à la cueillette des champignons et framboises. L’hiver la glace est découpée dans les étangs gelés, la transporter en traineaux pour la stocker « Cela demandait une journée entière et s’achevait généralement par une sorte de fête, car on buvait quantité de grog pour se réchauffer et se donner du coeur à l’ouvrage. » fait partie de ses souvenirs.
    C’est une enfance au rythme des saisons « Il ne faut que quelques jours en Prusse Orientale pour que l’interminable engourdissement hivernal cède la place à la rayonnante splendeur du printemps »
    Ce sont les passages les plus beaux du livre, on y sent tout l’amour de Marion Dönhoff pour sa patrie; elle qui ressent « une profonde gratitude que ce soit là mon pays »
    Elle sait aussi nous raconter l’histoire de la région à travers les familles ou les domaines qui ont marqué son enfance.

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    Mais c’est bientôt « la fin de l’insouciance » et le départ pour Potsdam pour poursuivre des études.
    La guerre va la rattraper, plusieurs de ses amis proches ont été les protagonistes du complot contre Hitler et tous seront exécutés. Elle a puisé là un courage et une rectitude qui l’accompagneront toute sa vie.
    La fin du livre est digne d’un livre d’aventures, fuyant à cheval devant l’Armée Rouge, obligée d’abandonner tous ses souvenirs, elle réussira à rejoindre l’Ouest après une chevauchée de 2000 km.
    Les réfugiés sont sur les routes, le froid intense. Elle partage son sort avec la population allemande de la région. Elle retrouve sa famille après bien des détours « C’est au milieu de l’hiver que j’étais partie à cheval de chez moi et quand finalement j’arrivai en Westphalie, c’était le printemps. Les oiseaux chantaient. »

    marion-doenhoff.jpgMarion Dönhoff en 1988 est retourné à Königsberg et je lui laisse la parole
    « Je ne peux pas non plus m’imaginer que le grand amour de la patrie s’illustre par la haine de ceux qui en ont pris possession (...) Quand je pense aux forêts et aux lacs de Prusse Orientale, aux vastes prairies et aux vieilles routes bordées d’arbres, je suis sûre qu’ils ont gardé l’incomparable beauté qui était la leur autrefois, à l’époque où tout cela était mon pays.
    Peut-être le plus grand amour réside-t-il en cela : pouvoir aimer sans posséder. »

  • Elisée Reclus Etonnant géographe - Joël Cornuault

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    Elisée Reclus étonnant géographe - Joël Cornuault - Editions Fanlac
    Qu’est-ce qui fait que l’on part à la recherche d’un écrivain ?  le plus souvent pour moi c’est parce que je lis ici ou là un article, un passage de livre le concernant. Et de temps en temps c’est autre chose. Pour Elisée Reclus je connaissais son nom, de façon très vague et associé à la géographie mais c’est tout.
    C’est l’interview de Kenneth White dans une émission de radio qui m’a titillé, il parlait de Reclus avec une telle admiration, mettant en avant les écrits mais aussi l’homme et son engagement personnel. Du coup j’ai voulu satisfaire ma curiosité et je vous propose de faire connaissance avec ce savant, cet humaniste, cet anarchiste « père de la géographie » un peu comme Hérodote est le père de l’histoire.

    Vient de paraitre une biographie très complète et qui vient d'obtenir le Prix Fémina de l'essai, mais elle est réservée aux  vraiment curieux, pour les autres je propose une balade plus légère avec le spécialiste  de Reclus : Joël Cornuault qui anime les Cahiers d’Elisée Reclus et qui a traduit également les livres de John Burroughs.
    En ouverture de ce petit livre de 150 pages l’auteur nous dit : « Elisée Reclus fut un homme de conviction ardente : loyal, opiniâtre, désintéressé, bienveillant, capable de vivre jusqu’au bout les opinions qu’il professait (...) car il croyait, rare parmi les hommes de plume, en ce qu’il disait ou écrivait  » Joli début non ? et qui donne envie de mieux connaître l’homme.

    EliseeReclusNadar.jpgQuelques éléments biographiques indispensables :
    Né en 1830 dans le sud ouest, issu d’une famille protestante, son père pasteur éleva 14 enfants, programmé pour être pasteur il renonce à la théologie et étudie les langues (il en parle 5) la géographie, perd la foi et devient anarchiste.

    Homme de convictions il est obligé de fuir après le coup d’état de Napoléon III, il va en profiter pour visiter les Etats Unis, découvre et s’insurge contre l’esclavage. De retour en France il commence sa vrai carrière de géographe en voyageant dans toute l'Europe et le plus souvent à pieds pour les éditions Hachette.
    Ses convictions anarchistes le lient à Bakounine et il participe à la Commune, condamné au bagne il est sauvé par son renom d’homme de sciences car de nombreux savants intercédèrent pour lui dont Darwin, il est condamné au bannissement, il va désormais vivre à l’étranger, en Suisse, en Belgique. Il devient l’ami de Pierre Kropotkine , amitié qui se poursuivra pendant de longues années. 

    Il va écrire ses livres les plus célèbres : Histoire d’un ruisseau et surtout une « Géographie universelle » en 19 volumes et « La terre » en 6 volumes, titulaire d’une chaire à l’université de Bruxelles, il fonde l’Institut Géographique, il voyage énormément et meurt en 1905, il est inhumé au cimetière d’Ixelles

    Le grand intérêt du livre de Cornuault c’est de ne pas respecter la chronologie mais plutôt de nous introduire dans la pensée de Reclus en quelques chapitres évocateurs : Du sentiment de la beauté, Paysages sonores et rythmes du monde, Elisée et les joies de l’espace.
    On découvre dans ces chapitres « l’homme d’abord, le géographe ensuite » comme Reclus se décrivait lui-même
    elisee-reclus-1879.jpgCe fut, dit Cornuault « un semeur de sciences » et à travers son oeuvre et la qualité de ses écrits « un semeur de beauté »
    Le grand projet de Reclus était de mettre les sciences à la portée de tous. Toute son oeuvre est parcourue par une émotion forte, par son admiration de la nature, lui qui combattait l’illusion, le mystère mais qui avait une « chaleur admirative pour les formes de la terre » Il se qualifiait de « Géographe prolétarien » joli nom pour ce socialiste convaincu. Géologue perspicace il eut l’intuition de la dérive des continents.
    Dans ce petit livre on découvre aussi son entourage, Camille Pissaro avec qui il a été en relation et qu’un critique de l’époque appellait « anartiste » ce qui était fait pour plaire à Reclus.
    Toutes ses oeuvres sont bien sûr illustrées de cartes mais aussi de vignettes dessinées par Frantz Kupka qui deviendra ensuite un peintre abstrait très connu.

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    « J’ai parcouru le monde en homme libre... »
    (article publié lors de sa mort )

    L’auteur ne s’attarde pas sur l’engagement anarchiste de Reclus car dit-il « C’est par les chemins buissonniers qu’emprunte le lecteur sans affiliation que je vins à Elisée Reclus. »
    J’ai beaucoup aimé ce livre du genre de ceux qui emportent vers d’autres livres

    Poursuivre votre lecture


    Histoire d’un ruisseau - Elisée Reclus - Editions Infolio


    Elisée Reclus Géorgraphe anarchiste, écologiste - Jean Didier Vincent - Robert Laffont
    Une biographie très complète mais que j'ai trouvé moins vivante que le livre de Cornuault par contre elle s'attache a montré la vie et l'engagement anarchiste de Reclus, ses liens avec Bakounine et Kropotkine et assez longuement sa vie en exil.



  • Stendhal - Philippe Berthier

    stendhal.gifStendhal vivre, écrire, aimer - Philippe Berthier - Editions de Fallois
    Vivre, écrire, aimer : le titre même de cette biographie virevoltante dit l’essentiel de son sujet. La vie d’un homme pour qui la vie passe avant la littérature et ne peut se concevoir sans une quête permanente de l’amour.
    Je ne savais quasiment rien de la vie d’Henri Beyle, quelques clichés tout au plus. Cette lecture fut donc une totale découverte et grâce à la virtuosité de Philippe Berthier ce fut un grand plaisir. C’est enlevé, vivant, bouillonnant, parsemé de citations, de jeux de mots, de comparaisons audacieuses. Bref on ne s’ennuie pas un instant.

    Amant malheureux et parfois éconduit, passionné de théâtre, complètement dingue d’opéra, un amoureux de l’Italie et de ses peintres, un écrivain magnifique mais qui ne connu pas le vrai succès de son vivant, journaliste pour faire bouillir la marmite, perpétuellement à court d’argent. Voilà le portrait brossé à grands traits d’Henri Beyle dit Stendhal.
    Mais approchons nous plus près grâce à la lorgnette de Philippe Berthier
    Je vous fais grâce des détails pour retenir les traits caractéristiques.
    Henri Beyle fut un lecteur acharné « Insatiable il entonne tout ce qui passe à sa portée, fait flèche de tout bois, épluche avec ardeur les annonces de livres à vendre dans la presse. Tout est bon pour alimenter le bibliophage : Dante, Lucien, l’Abbé Prévost, Rousseau.. »
    Chez lui l’amour des femmes et l’amour des livres se mêlent « Lire c’est jouir. Et écrire donc !  »
    Il écrivit pendant des années des chroniques pour les journaux anglais « N’ayant personne à ménager pour des lecteurs d’outre-Manche, Stendhal à la bride sur le cou et s’ébroue en toute liberté »  il y parle de tout, de politique, d’actualité littéraire, de théâtre.
    Cet homme qui courut après l’amour d’une femme toute sa vie n’était pas beau et le savait  « il a été capable d’en parlé avec simplicité » cela ne l’empêchait pas de poursuivre les soubrettes avec acharnement tant son amour de la vie était grand.

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    Il n’aimait pas tout le monde, dans une notice biographique il dit de lui « Il n’aima aucun de ses parents » on peut dire même qu’il détesta son père alors que celui-ci lui permit de passer des années à faire ce que bon lui semblait.
    Les moments les plus précieux de son existence ne seront pas la publication des ses romans mais ses séjours italiens qui parfois tournent à la farce tant il est habile à se mettre les gens à dos « Stendhal ne peut s’emêcher de tendre des verges pour se faire battre, de dire à un puissant exactement ce qu’il ne faut par dire : Henri Lagaffe c’est tout lui. »
    A t-il comme on le prétend occupé des postes de façon bien légère ? Souvent malade c’est le roi de la demande de congés exceptionnels, jugez en « Les uns prétendent que Stendhal a été un fonctionnaire dilettante, négligent, scandaleusement même, si l’on songe qu’en additionnant ses éclipses, on arrive parfois au total en effet effarant de sept mois en un an » 

    Mais la littérature dans tout ça ? Philippe Berthier nous dit « Stendhal n’a jamais sacralisé la littérature au point de lui sacrifier les autres plaisirs de la vie »  J’ai découvert que Henri Beyle n’était pas du tout gêné de plagier allégrement , il a une façon bien à lui d’écrire « je compose 20 ou 30 pages puis j’ai besoin de me distraire, d’un peu d’amour quand je puis ou un peu d’orgie »
    Il écrit la Chartreuse de Parme en quelques 60 jours !!!

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    Stendhal Consul à Civitavecchia

    Loin des pensums d’analyse d’oeuvres littéraires ou des biographies poussives, ce livre est tonique et drôle, d’une érudition folle, bref un livre passionnant. Une critique et après on en parle plus : je trouve un peu méprisant pour le lecteur que l’auteur ne juge pas nécessaire de traduire les citations en italien, allemand ou latin. Travers d’universitaire peut être ?
    Le tempo de la biographie est celui de la vie de Stendhal, toujours courant après l’amour, le plaisir et parfois les honneurs qui toujours lui échappent « un existence farouchement indépendante qui, malgré quelques tentations, avait une fois pour toutes pris le parti de la liberté et donc de la solitude. »


    Une biographie indispensable pour tous les amoureux de Stendhal

    Un site qui lui est consacré : Lectura

    l’auteur
    Philippe Berthier est professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle. Cet ouvrage est le neuvième qu’il consacre à Stendhal, dont il coédite les Œuvres romanesques complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade.

  • Le Blanc Fouquet - Franck Herbet-Pain

    blancfouquet.gifLe Blanc Fouquet - Franck Herbet-Pain - Editions Gallimard
    Une mini biographie de Jean Fouquet peintre dont on  sait très peu de choses et qui fut pourtant en son temps le peintre officielle de la cour et du roi Louis XI.
    Un peintre né, au temps de la guerre de Cent ans, des amours illicites d’un prêtre et d’une femme du peuple. Il grandit sur les bords de Loire où il fait l’expérience pour la première fois des couleurs « le rouge des radis qu’il suçote, le jaune des champignons, l’orange des citrouilles  » puis des enluminures qui égayent le livre dans lequel son père lui apprend à lire.
    Bientôt c’est lui qui tient la plume pour dessiner le visage de son père, de sa mère et ajouter de la couleur, il « cherche le rouge des mûres aux buissons épineux, le marron de la vase, le vert des algues translucides, mais le jaune, comment faire le jaune ? »
    Il fait un long et dur apprentissage dans l’atelier de Maître Royer.  Miniaturiste, enlumineur, il devient bientôt l’égal du maître mais fils de prêtre il n’a droit à aucun salaire.
    Ses premières oeuvres attirent l’attention de l’évêque de Tours et de celui de Paris. Il va parfaire son art dans l’atelier de Van Eyck à Gand, il apprend l’art de la perspective, voyage en Italie où il rencontre Fra Angelico et découvre émerveillé les oeuvres de Masaccio « Adam et Eve en marche dans le mouvement de leur désespoir, chassés du Paradis, une lumière qui donne à leur corps et à leur visage le relief des peines et de la sueur à endurer. »

     

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    Portrait de Charles VII

    Son style est en train de naître, sa main « rallie la précision des Flandres à la légèreté italienne »
    Il travaille beaucoup et lorsqu’il se voit confier la réalisation d’un diptyque où la vierge a le visage d’Agnès Sorel, la maîtresse du roi, c’est le succès. Toute la cours commente l’oeuvre et il devient le peintre officiel.

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    Agnès Sorel

    Tout au long de sa vie il travaille les couleurs, le blanc surtout qui fera sa gloire et dont il détient le secret blanc « Il reste le soir seul dans l'atelier, dispose les coupelles des différents dosages de blancs obtenus, les applique sur des feuilles différentes, puis dans d'autres coupelles mélange les blancs premiers entre eux, les numérote comme les feuilles qu'il dispose dans tout l'atelier, enfin sort faire quelques pas dans la rue noire laver ses rétines, les lancer vers la nuit d'hiver opaque comme la suie, les plumes des corbeaux. Quand il revient, il note enfin celui qui a percé l'obscurité, le blanc royal, le blanc Fouquet, qui le fait soudain vomir dans la rue. »

    Blanc qui se révélera mortel.

    C’est un plaisir très doux de lire cette biographie dans la collection où j'avais déjà découvert Ambroise Paré
    C'est un plaisir lumineux aussi car l’auteur trace ce portrait par petites touches courtes comme un artisan attentionné, il sait décrire avec des mots très justes le travail du peintre, les couleurs, la lumière, la vie personnelle de Jean Fouquet est évoquée avec tendresse et pudeur et vient rendre ce portrait très vivant.

    Pour continuer le site magnifique de la BNF l'atelier de Fouquet