Je suis allée de ricochet en ricochet, après l'herbier de Marcel Proust, je suis passée à Monet qui fut un grand inspirateur de l'écrivain, et hasard alors que je venais d'acheter ce livre sur Hokusai je découvrais que la salle à manger du peintre était décorée d'estampes japonaises.
Retour à la peinture avec ce musée imaginaire qui n'était plus disponible depuis longtemps et qui vient d'être réédité.
Pour les lecteurs de Proust, et même sans avoir lu La Recherche en totalité, on est vite frappé par les pages qui font référence à la musique, à la littérature mais plus encore à la peinture.
Il paraissait naturel de composer ce musée imaginaire et pas seulement avec le Petit pan de mur jaune, car Proust ne s'arrête pas à Vermeer.
La Recherche est littéralement truffée de références picturales. Plus de 200 oeuvres ont été répertoriées par Eric Karpeles.
Si vous êtes lecteur de Proust vous avez sans doute mémorisé quelques unes de ses comparaisons, de ses métaphores mais je gage que comme moi vous êtes bien incapable de vous rappeler de tout. C'est donc une balade au musée que nous permet l'écrivain et le texte est ainsi mis en valeur, les mots s'appuient sur l'illustration de façon parfaite.
« Swann possédait une merveilleuse écharpe orientale, bleue et rose, qu'il avait achetée parce que c'était exactement celle de la Vierge du Magnificat. »
Le livre est superbement illustré et à chaque tableau répond le texte de Proust qui lui fait écho. C'est savoureux de pouvoir lire et voir sur une même page.
On s'amuse énormément à vérifier les correspondances entre texte et tableau, on admire et on sourit très souvent car l'ironie et l'humour de Proust sont encore amplifiés par l'image.
« Je lui dit que c'était Bloch. - Ah oui ce garçon que j'ai vu une fois ici et qui ressemble tellement au portrait de Mahomet II par Bellini »
Parfois Proust invente des tableaux imaginaires, tels ceux d'Elstir, Eric Karpeles sait faire appel à ses fines connaissances pour nous proposer un tableau très proche, dans le ton du texte.
On connait sa passion pour les couleurs, la lumière d'un paysage, les ciels que l'on peut retrouver dans les tableaux.
Ses portraits illustrés par un tableau : personne n'a oublié la Charité de Giotto.
« La pauvre Charité de Giotto, comme l'appelait Swann, chargée par Françoise de les "plumer", les avait près d'elle dans une corbeille, son air était douloureux, comme si elle ressentait tous les malheurs de la terre ; et les légères couronnes d'azur qui ceignaient les asperges au-dessus de leurs tuniques de rose étaient finement dessinées, étoile par étoile, comme le sont dans la fresque les fleurs bandées autour du front ou piquées dans la corbeille de la Vertu de Padoue. »
Et la magnifique comparaison entre Odette et la fille de Jethro dans la fresque de Botticelli : Épisodes de la vie de Moïse
« Elle frappa Swann par sa ressemblance avec cette figure de Zéphora, la fille de Jéthro, qu’on voit dans une fresque de la chapelle Sixtine »
En relisant ainsi les passages de la Recherche j'ai été frappé par l'extraordinaire culture de Proust, par le nombre des tableaux qu'il connait à une époque où il n'était pas très facile de se procurer des reproductions aussi belles et fidèles qu'aujourd'hui.
J'ai aimé aussi que les emprunts aillent de toiles très très connues comme celles de Botticelli, Véronèse, Titien, Tiepolo, mais aussi à des tableaux de peintres oubliés qui sortent ainsi de la pénombre où le temps les avait plongés.
Si vous n'êtes pas familier de l'oeuvre de Proust, comme pour son herbier, c'est une façon simple et attrayante d'y entrer.
Keisha l'avait lu dans la version de 2009
Le Livre : Le musée imaginaire de Marcel Proust - Eric Karpeles - Editions Thames et Hudson