J’ai une étagère de livres compagnons, je n’aime pas le terme de coup de coeur parce que pour moi c’est un phénomène éphémère, alors que compagnons c’est quelque chose qui s’inscrit dans la durée.
Ce ne sont pas tous des chefs d’oeuvre, non, mais des livres qui me procurent un plaisir de lecture, un apaisement, une joie renouvelée à chaque lecture.
Le roman de Claudie Hunzinger va aller rejoindre mon étagère de livres compagnons.
Pamina habite une ferme isolée, perdue dans les Vosges avec son compagnon Nils.
Depuis longtemps elle cherche à surprendre les cerfs dont elle repère régulièrement les traces alentour.
Elle est fascinée par ces invisibles et cherche à les apercevoir. Elle veut écrire sur eux.
Elle trouve de l’aide auprès de Léo, un fou de l’observation animale, un dingue de photographie. Il sait tout des cerfs, leurs habitudes, leurs cheminements, il sait où les guetter.
Elle va lui permettre d’installer une cabane d’affût sur son terrain des Hautes-Huttes.
Léo lui fait partager son savoir mais sans jamais se livrer totalement, un écolo à qui Pamina donnerait le bon dieu sans confession. Confiance trop aveugle ?
J’ai aimé les apparitions nocturnes des cerfs « un tonnerre de beauté » Le mélange nature et poésie, nature et littérature :
« Dans mon sac, il n'y avait pas seulement Lucrèce. Les albums du Père Castor aussi. Je les avais tous gardés et emportés là-haut. Froux, le Lièvre, Panache, L'Ecureuil. Et il y avait Francis Ponge. Et c'était comme si j'avais pris avec moi beaucoup mieux que des jumelles, dont d'ailleurs je me suis longtemps passée, comme si j'avais pris avec moi de quoi scruter La nature des choses et la fabrique du pré. Ils faisaient la paire, Lucrèce et Ponge pour illuminer l'intérieur de notre maison pourrie d'humidité, une vraie caverne »
J’ai aimé les pages sur cette quête un peu folle, un peu vaine aussi, j’ai aimé les saisons qui modifient la nature autant que la main de l’homme.
J’ai aimé que le roman ne soit pas manichéen, certes Pamina défend les cerfs et leur survie mais s’interroge aussi sur leurs méfaits, doit-on faire des compromis ?
La nature oui mais jusqu’où ?
Après la beauté et l’émerveillement vient le temps de l’effarement, des compromissions, de la destruction annoncée.
Nils son homme ne change pas de roman en roman, toujours aussi complice, toujours un rien anarchiste bienveillant.
J’ai aimé que le lieu de vie de Claudie Hunzinger change de nom à chacun de ses livres, Bambois, la Survivance, les Hautes-huttes qui chaque fois invite à un bain de nature.
Le livre : Les grands cerfs - Claudie Hunzinger - Editions Grasset