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  • Un été à l'Islette - Géraldine Jeoffroy

    Camille Claudel c’est pour moi assez définitivement La petite robe bleue de Michèle Desbordes. 

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    Il y a bien sûr les biographies mais ce petit livre m’avait touché de façon forte. Cette rentrée m’a offert de nouveau un livre au ton moins noir mais tout aussi émouvant. 

    Par la grâce de la correspondance qu’ Eugénie entretient avec un soldat au front en 1915 (ne vous inquiétez pas vous le retrouverez) nous sommes emportés vers l’été 1862 au Château de l’Islette en Touraine, lieu enchanteur proche d'Azay-le-Rideau  au bord de l'Indre. 

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    Eugénie est une jeune fille en mal d’avenir, sa famille lui a réservé le rôle d’institutrice un peu pour se débarrasser d’elle. Elle arrive au château pour être la préceptrice de Marguerite la petite fille qui vit au château avec sa grand-mère, la châtelaine , Mme Courcelle qui accueille chez elle des artistes. 
    Et pas n’importe quels artistes : Camille Claudel et Rodin, Debussy avec Mallarmé en filigrane.

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    Camille vient à l’Islette pour travailler sur son oeuvre en cours : La Valse, une oeuvre qu’elle façonne, modifie, corrige car la direction des Beaux-Arts trouve la première version de sa Valse trop dénudée.

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    « Nous tournions et retournions autour des danseurs car l’œuvre imposait de la contempler sous tous les angles ; par une mystérieuse attraction, elle nous contraignait à la regarder en trois temps, nous emportant irrésistiblement dans son tournoiement. »

    Camille et le compositeur Claude Debussy échangent des lettres courtes,  Claude ne semble pas un admirateur de Rodin et pousse Camille à échapper un peu à son emprise, mais celle -ci attend son amant. Elle lui écrit «  Nous sommes, vous et moi, des bagnards isolés mais nous aimons nos chaînes et notre solitude. » 

    Debussy aussi est dans le désarroi, il en est aux premiers balbutiements de Prélude à l’après-midi d’un faune.
    Rodin arrive tout à son projet d’un Balzac, il cherche l’inspiration. Marguerite a un peu peur de lui, pour elle il est à la fois l’ours et l’ogre des contes.

    Eugénie est témoin de la tension dans le couple, mais les chemins de la création se recoupent.

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    Eugénie devient pour quelques jours la secrétaire de Rodin et nous permet de partager leurs doutes, les affres de la création, la violence des sentiments.

    L’auteur parvient à mêler très habilement un romanesque purement imaginaire et une réalité de la création.

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    Marguerite le modèle de la Petite châtelaine

    Un roman qui effleure les trois grands destins avec une extrême sensibilité, beaucoup de délicatesse mais aussi avec une profonde vérité dans ce qu’elle peut avoir de dure, de noire et de désespérée.

    Un petit régal que ce roman. Les éditions Arléa savent parfois dénicher des trésors, c’est eux qui avaient déniché Neige de M Fermine. J’ai retrouvé ici un roman qui m’a procuré un même plaisir 

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    Le livre : Un été à L’Islette - Géraldine Jeoffroy - Editions Arléa

     

  • Bribes de génies

    Rencontre des génies

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    Camille et Paul

    « Camille sonne à la porte de Mallarmé, c’est au quatrième étage, étrange timbre pour une sonnette. Quelques fidèles sont déjà là, Oscar Wilde, Jules Laforgue, Henri de Régnier, Gustave Kahn. Ils fument, bavardent, boivent du café, feuillettent des livres autour de la table centrale, certains sont installés dans des fauteuils, d’autres debout près du Maître, pipe à la bouche, devant la cheminée de faïence blanche, on reconnaît le visage de Claude Debussy. »

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    Mallarmé et Saint Saëns

    « Camille Saint-Saëns est au piano, il joue pour les amis « La Marche royale du lion », le début du Carnaval des animaux qu’il vient de composer, il a cinquante et un ans. Mallarmé, quarante-quatre ans, Laforgue vingt-six, Debussy vingt-quatre, Paul Claudel dix-huit. »

    Le livre : Camille Claudel - Colette Fellous - Editions Fayard

  • Les Patriotes

    Florence Fein en 1934 est une jeune juive américaine, elle parle russe et travaille comme interprète, elle admire la Russie et son idéal la pousse vers cette terre promise. 

    Elle part vers la Russie rejoindre un jeune russe rencontré par son travail, destination Magnitogorsk une ville minière du bout du monde.

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    Florence va rester en Union Soviétique, cherchant à s’intégrer le mieux possible 
    « Elle se découvrit un talent pour collectionner clichés, expressions locales, platitudes et banalités en tout genre, puis pour les enchaîner avec tant d’adresse qu’une oreille inexpérimentée l’aurait presque prise pour une Moscovite. »

    Malgré les signes manifestes d’un régime politique répressif, elle ne veut rien voir de la réalité, son rêve lui tient lieu de vérité. Elle se marie, donne naissance à un enfant et ... là la répression va s’abattre sur elle de la façon la pire qui soit puisqu’elle perd sa nationalité américaine et se retrouve au Goulag.
    Elle émigrera plus tard avec son fils vers les Etats-Unis.

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    l'arctique russe et le pétrole

    En 2008 son fils Julian, qui n’a connu sa mère que très tard à sa sortie des camps, travaille avec la Russie concevant des navires brise-glaces pour extraire le pétrole de l'Arctique russe, nageant dans les eaux troubles de l’économie des oligarques.
    Julian se promène entre des demeures de luxe et des datchas en rondins, jonglant avec la corruption, les promesses non tenues et un semblant de moralité. 

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    Il s’est toujours posé des questions sur le passé de sa mère, l’ouverture des dossiers du KGB va peut être lui permettre d’y répondre plongeant dans  les « entrailles encore chaudes de l'Union soviétique »

    Lenny le petit fils un rien rebelle est la troisième génération qui a fait le voyage et qui tente aussi sa chance dans la nouvelle Russie

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    Un roman fait d’aller et retour entre les Etats Unis et la Russie. Petit à petit tout converge et le tissage des liens familiaux apparait

    Un récit choral mettant en scène le destin d’une jeune femme romanesque qui ne cesse jamais de défendre ses idéaux mais qui devra en subir les répercussions.
    Une femme qui a construit un «écran à l'épreuve des faits» elle agit comme un croyant « Il ne peut pas être effrayé par le danger, ni découragé par un obstacle, ni dérouté par des contradictions, car il nie leur existence »

    Le récit ne suit pas la chronologie et les petites reproductions de visas en début de chapitre aident à suivre le fil rouge du récit.
    J’ai découvert l’histoire de ces américains pris au piège en Union Soviétique et que leur pays a laissé croupir dans les geôles de Staline.
    Un livre est paru sur le sujet : Les Abandonnés. Le destin des Américains qui ont cru au rêve soviétique de Tim Tzouliadis 

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    L'auteur dont c'est le premier roman

    C’est un roman très rythmé qui m’a rappelé Une Saga moscovite et qui fait un large place à l’influence insidieuse du totalitarisme sur les êtres et fait entendre la voix de la Russie de la Fin de l’homme rouge. 

    L'avis de Kathel de Lettres exprès 

    Un roman très ambitieux et qui tient ses promesses. 

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    Le livre : Les Patriotes - Sana Krasikov - Traduit par Sarah Gurcel - Editions Albin Michel

     

  • Bribes russes

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    « Il arrive qu’on se sente chez soi ailleurs. Dans quelques rares endroits lointains, tout semble plus authentique. »

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    La Russie de Custine

    « Je viens d’une génération qui honnit la Russie et pense, comme le marquis de Custine, que c’est  le pays de la terre où les hommes sont le plus malheureux  car il est régi par le mensonge et la barbarie ; nul homme ne peut y être vraiment libre. »

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    «  En Russie, tout problème trouve sa solution, même si cela implique parfois de sortir son portefeuille. Moyennant quelques billets, on peut s’entendre avec n’importe qui, le milicien, le médecin, le juge ou le quidam. »

     

    Le Livre : L’Oural en plein coeur - Astrid Wenlandt  Editions Albin Michel 

  • Je reste roi de mes chagrins - Philippe Forest

    « La vie est un conte raconté par un idiot, plein de bruit et de fureur et qui ne signifie rien » 

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    Le Macbeth de Polanski 

    Churchill est un personnage qui m’a toujours fasciné, j’ai lu ses mémoires, sa biographie. Cet homme a marqué son siècle.

    Philippe Forest l’a choisi pour prendre place dans son roman, non comme un héros mais comme un miroir qu’il tend au lecteur, on y lit en filigrane la question « Qu’est-ce qu’une vie, sa vie ? »

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    Le Hamlet de Delacroix

    Le récit ou plutôt devrais-je dire la scène, tant les rapprochement avec le théâtre sont nombreux, se déroule en 1954; le grand homme pose pour le peintre Graham Sutherland qui a été choisi pour faire le portrait de Winston Churchill, comme un hommage et surtout le signe que la classe politique tout entière souhaiterait bien se débarrasser du personnage un rien encombrant.
    La réaction de Churchill à la vue du tableau va rester dans la mémoire de l’Angleterre et le scandale va secouer le Parlement.

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    Portrait qui fit scandale

    Philippe Forest transforme ce moment particulier en drame tout entier empreint de Shakespeare.
    Nous sommes les spectateurs, les acteurs sont sur la scène, le peintre, son modèle et le narrateur offrent toutes les facettes du théâtre.

    Prologue, intermèdes, choeur antique, spectres et épilogue. Le rideau prêt à se lever, les dialogues entre un Churchill inconsolable de la mort d’une de ses enfants, partageant avec le peintre la douleur du deuil d’un récit qui « reste pourtant éternellement à raconter ».

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    Ne soyez pas dérouté par les premiers chapitres, nous assistons à la mise en place du drame qui va se jouer et la représentation est parfaitement réussie. On retrouve le vieux lion aux griffes toujours acérées, un Churchill toujours en quête de l’amour de son père, un Churchill mélancolique qui pourtant su mener son peuple à la victoire et l’Europe à la paix.

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    J’ai dit que Shakespeare est là toujours en arrière fond avec en exergue à chaque chapitre une citation de son oeuvre. Le titre même du roman est tiré de Richard II.

    Philippe Forest est tout entier imprégné de pensée japonaise et des notions d’impermanence, de vacuité, d’incertitude. C’est le roman de l’illusion et de la perte. 

    L’écriture est tout simplement somptueuse, tout en élégante subtilité. Un livre magnifique magistralement construit.

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    Le livre : Je reste roi de mes chagrins - Philippe Forest - Editions Gallimard

  • Bribes anglaises

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    « Un bon politicien doit pouvoir prédire ce qui arrivera demain, la semaine prochaine, le mois prochain et l’année suivante ; après quoi, il doit encore être capable d’expliquer pourquoi rien de tout cela ne s’est produit » 

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    « Nul ne paraît plus assuré de sa place, plus convaincu de son génie, plus dominateur que cet homme peu ordinaire. Il se croit sorcier. Il règne, on obéit. Pourtant, sous le masque du chef de guerre et du protecteur charismatique de la nation en 1940-1945, et jusque dans le vieillard qui s’adonne à l’aquarelle à la fin de sa vie, subsiste l’ombre du fils indigne, rejeton dévoyé d’une ancienne race. Un petit garçon, à jamais orphelin du regard de son père, et qui se maudit de n’être pas celui qu’on attendait. »

    Le livre : Tu seras un raté mon fils - Frédéric Ferney - Editions Albin Michel