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  • Le Grand siècle volume 1

    Le Grand Siècle Volume 1

     

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    J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique
    La ville et la campagne, enfin tout ;
    il n’est rien qui ne me soit souverain bien

    Jusqu’au sombre plaisir d’un coeur mélancolique

     

    Notre culture poétique, nos réminiscences scolaires, sont imprégnés des oeuvres de cet homme. Parfois incapables de dire les textes en leur entier, nous les reconnaissons pourtant dès les premiers mots.
    L'auteur est une mine pour les professeurs en mal de sujets de dissertation...

    La Fontaine est c’est homme là, l’homme qui aime Boccace, l’Arioste et par-dessus tout Montaigne.
    L’homme dont les amis s’appellent Madame de Sévigné, La Rochefoucauld, Madame de La Fayette. Un écrivain lié à la vie intellectuelle et politique de son temps.

    Laissez vous emporter par la plume savante de Marc Fumaroli, vous découvrirez un La Fontaine inconnu, un homme qui « a été l’objet d’amitié encore plus que d’admiration », dont Léon-Paul Fargue disait : « un ami de tout les instants ; qui pénètre le coeur sans le blesser. »

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    Ici pas de parcours biographique classique, on est d’emblée confronté à l’évènement majeur pour La Fontaine : l’arrestation de Nicolas Fouquet, son mentor, le mécène auprès de qui il fit ses premières rimes.
    Immédiatement le ton est donné car La Fontaine bravant l’autorité toute neuve de Louis XIV, va tenter de défendre Fouquet avec une belle détermination et un certain courage.

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    Vaux le Vicomte

    La Fontaine était en bonne compagnie à Vaux le Vicomte comme pensionné du surintendant, tout ce que la France comptait d’artistes de valeur est là, Poussin et Le Nôtre, Molière et les frères Corneille.
    Le procès de Fouquet que La Fontaine estime inique est pour lui l’occasion de s’élever avec talent contre l’arbitraire royal. On peut presque dire que le procès, voulu par Louis XIV, a participé à la naissance de l’écrivain !


    L’homme se fait ainsi quelques ennemis et en particulier Colbert qui a maintenant la haute main sur les largesses en faveur des écrivains.
    La Fontaine va passer sa vie sans être admis à la cour et revendiquant de manière très prudente mais permanente, la liberté de l’artiste face à l’autorité de l’Etat.
    Son langage, ses écrits seront donc un perpétuel pied de nez aux grands, aux vaniteux, un pied de nez teinté d’érudition, d’inspiration des poètes antiques, préférant l’insinuation et la malice à la diatribe hargneuse.
    Ses amis seront en même temps ses soutiens financiers, Madame du Bouillon, Madame de la Sablière permettent à son talent de s’épanouir tout en lui assurant une indépendance d’esprit, soutiens qui lui permettront de n’avoir jamais à glorifier le roi comme le fera un Racine avec son apologie de Louis XIV.

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    On voit se dessiner le portrait d’un homme qui a le goût du bonheur, qui aime le « gai savoir ».
    Ses contes puis ses Fables vont le rendre célèbre, même Colbert finira par s’incliner en l’acceptant à l’Académie Française.
    Le poète que l’on imagine la fleur à la bouche, dilettante de génie, volage à l’occasion est en fait nous dit Marc Fumaroli un philosophe épicurien, adepte de l'amitié à la manière d’un Montaigne
    « En dépit de la douceur que La Fontaine avait imprimée à sa prose et à sa poésie, il était clair qu’elles émanaient d’une arrière boutique toute franche construite sur le même modèle que celle de Montaigne. »

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    C’est l’indépendance conservée qui va lui permettre de composer ses fables« quintessence de poésie, fruit de l’expérience d’un artiste qui n’avait écrit qu’après avoir passé la quarantaine : une goutte de miel, un grain d’encens, qui donnait saveur et parfum à tout le livre »

    Des textes simples en apparence, mais c’est une simplicité trompeuse :

    « J’ai fait parler le loup et répondre l’agneau.
    j’ai passé plus avant : les arbres et les plantes
    Sont devenues chez moi créatures parlantes. »

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    Les mots sont parfois féroces vis-à-vis du pouvoir mais comment pourrait-on le reprocher à la fourmi, la cigale et autre belette.
    Le ton est parfois cinglant, cruel, la langue est d’une telle élégance qu’elle sert de masque aux propos.

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    Ses amis s’amusaient à mettre un nom derrière l’animal, à deviner la cible des attaques, riant des ruses de La Fontaine pour dire sans dire et mettre les rieurs de son côté.

    Superbe livre, où Marc Fumaroli sait nous faire le tableau de cette période qui est un tournant important dans la vie politique de la France, pour lui La Fontaine est le dernier des poètes de la Renaissance, à la sortie du livre les critiques ont vu en lui un Saint Simon moderne et cela lui va bien.

    A côté des Fables, faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

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    Le livre : le poète et le roi - Marc Fumaroli - Editions De Fallois 1997

    Visiter Le Musée Jean de la Fontaine

  • L'histoire mondiale de la France - sous la direction de Patrick Boucheron - Editions du Seuil

    Quand l’Histoire fait le buzz

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    Avant de vous décider à acheter ou emprunter ce livre vous avez le choix entre deux types de critiques : soit l’on estime que cet ouvrage est « le fossoyeur du grand héritage français » dixit Alain Finkielkraut notre homme en vert, soit qu’il soit là pour « déplacer, dépayser, et élargir notre histoire » dixit Patrick Boucheron.

    Je dois avoir un côté centriste (c’est à la mode n’est-ce pas ?) car si j’ai beaucoup aimé ce livre, j’ai trouvé ici ou là quelques discours un peu trop négatifs qui tendent à culpabiliser le lecteur d’aujourd’hui, mais cela ne concerne que quelques chapitres d’un très gros livre qui reste un travail passionnant pour nous aider à regarder la France les yeux bien ouverts sur le monde et où le positif l’emporte largement.

     

    Patrick Boucheron et l’équipe d’historiens qui l’entoure ont décidé de choisir 146 dates dans l’histoire de la France, des faits et des personnages, pour illustrer l’évolution de la nation France.On va des dessins de la grotte Chauvet aux attentats de 2015.

    C’est donc une histoire que vous pouvez lire comme je l’ai fait en suivant la chronologie ou vous pouvez piocher au hasard de vos envies et de votre curiosité, chaque chapitre étant une unité indépendante avec sa propre bibliographie et un nombre limité de pages ce qui permet de rapidement se faire une idée du sujet traité. 

    Pour aller dans le sens de Finkielkraut il y a en effet des choses passées sous silence, la littérature est très peu présente ainsi que l’art. Mais l’ensemble est éclairant, loin des discours simplistes de certains pseudo historiens style Lorant Deutsch

     

    Une date : 34000 ans avant JC et ces hommes « les premiers à avoir fréquenté cette grotte, les auteurs de ses principales fresques » quelque part dans le sud de la France.  Ils illustrent ce « grand art des cavernes » , inventent un langage qui aujourd’hui nous émerveille.

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    La grotte Chauvet

    « brillants artistes, dont cette grotte reste le chef-d’oeuvre : avec près de cinq cents figures animales »

     

    Des personnages : Des gaulois au Sénat de Rome en 48
    On a longtemps appris que nos ancêtres et les romains n’étaient pas dans les meilleurs termes mais savez vous qu’un jour une délégation de notables venus « d’Aquitaine, de Lyonnaise, de Belgique »est allée réclamer le droit d’accéder et de siéger au Sénat ? C’est bien fait pour flanquer un coup à nos irréductibles gaulois ça ! 

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    Un homme et une ville : Troyes en 1105
    La Champagne a abrité un homme d’exception qui commenta la totalité de la Bible et du Talmud. Il s’appelait Rachi et peut être « considéré comme l’un des premiers grands auteurs français »
    Il passa sa vie en Champagne mais son savoir plane encore aujourd’hui dans « les synagogues du monde entier, des grandes villes américaines aux hameaux du Yemen, du Birobijian à Canberra »
    La ville lui a consacré un musée.

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    Rachi né et mort à Troyes

    Un fléau : La peste noire 1347 et des foyers aux quatre coins du monde, en Ukraine, en Chine, véhiculée par les marchands persans, arabes, grecs, vénitiens, génois. Elle interrompt même la Guerre de cent ans mais atteint les villes de France plutôt que les campagnes. Elle fit aussi d’autres sortes de morts comme les 2000 juifs victimes d’un pogrom à Strasbourg, il fallait bien trouver un bouc émissaire.

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    Une ville : Dunkerque 1662
    Une ville sur laquelle Louis XIV met la main alors qu’elle était jusque là un repaire de corsaires, un nid d’espions hollandais et anglais, bref un port très cosmopolite.

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    Vous le croyez français Jean Bart ? non corsaire flamand 

     

    1825 et la première intervention humanitaire de la France et la première réflexion sur le droit d’ingérence. Vous avez devinez ? oui rappelez vous 

    Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ? 
    Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus, 
    Je veux de la poudre et des balles. 

     

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    Theodoros P. Vryzakis, Missolonghi 

    1917 : pendant que la Première Guerre fait rage, en Nouvelle Calédonie la révolte des Kanaks vient rappeler que ces français malgré eux refusent d’aller se battre pour la France en Europe. Colère que les Kanaks mettront en mots grâce à des « poésies-récits ».

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    1954 et l’appel de l’abbé Pierre « le pays se mobilise pour venir en aide aux mal-logés. Le retentissement est international »

     

    Il y a encore cette histoire d’un tailleur de pierre qui s’en va en Suède en 1287 pour construire la cathédrale d’Uppsala ou Dominique Vivant Denon cherchant à soustraire aux armées et pays d’occupation les oeuvres dont Napoléon avait enrichi le Louvre. Le Nobel de Marie Curie ou la loi de 1927 facilitant l’accession à la nationalité française et qui me fait me souvenir de la lecture d’Adieu Volodia de Simone Signoret. 

     

    Ce ne sont que quelques exemples par forcément les plus importants mais parmi ceux qui m’ont plu ou qui ont attiré mon attention ou des sujets que je ne connaissais pas du tout.

    Certains chapitres m’ont moins plus, par exemple celui sur Jean Calvin non que l’homme n’est pas important, mais l’affublé du terme d'« humaniste » me semble bien erroné quand on pense à Michel Servet qu’il envoya au bûcher ou à Sébastien Castellion qu’il accula à la misère.
    J’ai eu quelques tiraillements aussi en lisant le chapitre sur la Terreur dont l’auteur semble dédouaner un peu vites les révolutionnaires de l’époque.

     

    Pourtant dans leur grande majorité les articles sont intéressants, riches. Ils offrent une excellente synthèse en peu de pages, libre ensuite au lecteur d’aller parfaire son information. 

    Le portrait de la France qui ressort est plus bigarré, plus métissé que celui qui prévaut dans beaucoup de livres.

    C’est une Histoire qui interroge, qui relance la réflexion, qui agace parfois mais qui toujours nous met en demeure d’élargir notre point de vue et rien que pour cela j’ai fait une place à ce livre dans ma bibliothèque, il va aller rejoindre le Petit Mourre qui lui répond à de toutes autres questions, ils se complètent bien.

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    Le livre : L’histoire mondiale de la France - Sous la direction de Patrick Boucheron - Editions du Seuil

  • La légende des montagnes qui naviguent - Paolo Rumiz

    Quand on est un peu accro à un auteur on saute sur tout ce qui parait, sans se poser trop de questions, par fidélité en somme.
    C'est ce qui m'a fait acheter ce livre et non seulement je n'ai aucun regret mais j'ai des petites étincelles dans les yeux.

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    Attention c'est un livre qui date un peu, enfin tout est relatif, mais quand même, les articles ont été écrit par P Rumiz pour les journaux dans les années 2003 à 2006. Mais qu'importe car ils mettent déjà l'accent sur les changements que connaissent les territoires de montagne, en Italie, en Suisse, en Autriche et en France. Et aujourd'hui les choses n'ont fait qu'empirer.

    Paolo Rumiz a entrepris un voyage de 7000 Km le long des Alpes et des Apennins, son voyage l'emporte du golfe de Kvarner jusqu'au bout de la botte italienne.

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    Golf et îles de Croatie

    Les Alpes pas de problème, je voyais bien les paysages, les lieux, les vallées, les sommets. Par contre les Apennins c'était plus nébuleux pour moi malgré plusieurs séjours en Italie ça ne me parlait pas vraiment.

    Mon regret ? Ne plus avoir sous la main l'équivalent du fabuleux atlas que j'avais enfant, celui du Reader Digest qui à l'époque m'a fait voyager partout, l'Europe était mon terrain de jeux et j'ai passé bien des heures penchée sur les doubles pages à la taille démesurée ( il faut dire que j'étais petite et gringalette ) je me suis vengée sur ma tablette.

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    Vous êtes prêt pour le voyage ?

    Un mot d'abord des moyens de circulation, à pied évidement, en vélo, et plus insolite en Topolino de 1954  « Sur le marché, c'est celle qui se rapproche le plus de la mule. » dit Paolo Rumiz 

    Tout commence dans les Alpes en Slovénie, surprenant voyage dans un pays qui n'attire pas l'attention et que les pages de Rumiz m'ont donné envie de découvrir même si le penchant des slovènes va plus vers les ours que vers les étrangers. 

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    On navigue, car c'est bien de navigation qu'il s'agit, entre le pays des loups, des ours et du miel, le Tessin italien, les sommets avec Walter Bonatti un guide idéal dans les Alpes ou Mario Rigoni Stern qui devait disparaitre peu après.

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    Walter Bonatti 

    Ce début de voyage m'a enchanté et a ravivé des journées en montagne, des cueillettes de fleurs, des photos de sommets, des vallées presque inconnues, des glaciers et de somptueux coups de soleil.
    Une belle randonnée dans les Alpes que j'ai parcouru au fil des années et le récit de Rumiz a réveillé bien des souvenirs pour moi.

    On croise des musiciens, des experts, des gardiens d'auberges de montagne, il est à Chamonix juste avant que ne soit décidé la réouverture aux poids lourds après la catastrophe du tunnel du Mont Blanc, entrainant la catastrophe écologique qui sévit aujourd'hui si vous avez écouté les dernières constations sanitaires sur la vallée de l'Arve.

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    Il évoque la catastrophe du Vajont en 1963 qui tua 2000 personnes et anéantit une partie de la Vénétie.
    Ces Alpes où la neige est de plus en plus rare, où les stations plongent dans un marasme économique et écologique.

    On croise Õtzi l'homme des glaciers découvert par Helmut Simon, avec autour de cette découverte un peu de ce qu'à connu chez nous la Grotte Chauvet et les enjeux médiatiques qui s'y rattachent.

     

     

    Les Apennins c'est différent, je ne me sentais pas en pays connu. Ces montagnes nécessitent la lenteur, la recherche d'une certaine harmonie. Les lieux ont été parfois saccagés, parfois épargnés, les témoignages sont là pour appuyer les propos. 
    Et puis les Apennins vivent encore dans l'ombre d'Hannibal.

    Traverser ces montagnes « sans croiser un gendarme ou une autoroute » cela tient d'une gageure. On peut lire les marques sur le paysage de la désertification, du manque d'eau, l'installation de la « grande peur climatique »

    Paolo Rumiz déniche une Topolino, datant de 1954. Un véhicule pour se faire instantanément des amis. La sienne prend l'eau, a des ratés mais avance vaille que vaille.

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    On s'enfonce dans « un labyrinthe aussi fascinant qu’infini » qui va des côtes ligures jusqu'au bout du bout de la Calabre.

    On navigue dans des villages déserts, uniquement habité de vieillards et de leurs auxiliaires de vie, Paolo Rumiz rivalise d'anecdotes pour faire oublier la tristesse des lieux.

    Vous pensez que cela va vous plomber le moral ? Et bien pas du tout, l'humour de l'auteur est là, et puis il y a ces personnages hors du temps qui enchantent le récit.
    Certains noms de lieu ne parlent pas à nos oreilles françaises et la magie d'internet est là pour combler le vide

     

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    « Vous verrez des merveilles. Des fleuves de lumière, des villages abandonnés, des maquis impénétrables, des cascades.»

    Un journal de voyage plein de surprises, sans GPS mais avec carte. Des sites hors des itinéraires touristiques, où la cuisine est savoureuse et les villages dépeuplés.

    Un livre par un écrivain de la lenteur, pour les fous de voyage, de montagne, de protection des territoires, d'écologie. 

    Pour clore ce billet je laisse la parole à Paolo Rumiz

    « Parti pour m'échapper du monde, j'ai fini, au contraire, par en trouver un autre : à ma grande surprise, mon voyage s'est transformé en révélation d'un univers vivant et secret. Je l'ai décrit avec rage et émerveillement. Émerveillé par la beauté fabuleuse du paysage humain et naturel, mis en rage par le pouvoir qui n'en tient aucun compte. »

     

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    Le Livre : La légende des montagnes qui naviguent - Paolo Rumiz - Traduit par Béatrice Vierne  - Editions Arthaud

     

     

  • L'Invention de la nature - Andrea Wulf


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    Portrait par  FG Weitsch, 1806

    Cet homme a donné son nom à un courant marin, à des chaînes de montagnes, à un manchot, à une mer sur la lune, et même à un calmar géant. 

    Je vous livre en vrac quelques adjectifs et autres épithètes pour qualifier cet homme :

    Un visionnaire

    le grand scientifique des Lumières

    L'homme le plus célèbre de son temps

    Le plus grand homme depuis le déluge

    Et son influence fut telle que : 

    Ses livres sont dans la bibliothèque de Nemo sur le Nautilus

    Il inspira Walt Withman, Thoreau et John Muir 

    Darwin s'est embarqué sur le Beagle à cause de lui ……..

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    Si vous êtes tenté de faire connaissance avec Alexander von Humboldt, et je sens que vous l'êtes, en avant avec tous vos instruments de mesure, vos cartes, vos atlas numériques ou non et je vous promets un moment de lecture passionnant. 

    La biographie d'un tel homme c'est à la fois découvrir un naturaliste amoureux du monde vivant,  un explorateur intrépide,  un géographe arpenteur du monde, un touche à tout de génie.

    Il est l'inventeur de l'idée de nature telle qu'aujourd'hui nous la concevons.

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    Humboldt en Amazonie © Muséum d'Histoire Naturelle

    Il est né en Prusse en 1769, sa famille gravite autour de la famille royale et ses parents souhaitent pour lui un destin politique de grand commis de l'état. Mais Alexander a une passion : la science, tout en suivant une formation conforme au souhait de sa mère, il s'initie à la zoologie, la botanique, tout est bon à prendre. Il suit les cours à l'université de Göttingen, il fait des études de géologie et entreprend une carrière d'ingénieur des mines à laquelle il met fin à la mort de sa mère. 

    Libre de ses choix et en possession de son héritage il va se tourner vers sa passion.
    A partir de là sa vie donne le tournis. 

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    Humboldt et le français Aimé Bonpland par Edouard Ender

    Impossible de tout raconter ici mais sachez que Humblodt va gravir les Andes avec l'équipement de l'époque ! explorer les volcans parmi les plus hauts de la planète, naviguer sur l'Amazone et l'Orénoque,  explorer le Mexique. Traverser la Russie de bout en bout alors qu'une épidémie sévit.

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    Il escalade le Chimborazo 

    C'est Tintin avant l'heure cet homme, rien ne lui fait peur, rien ne l'abat et il a une puissance de travail fabuleuse. Il engrange tous les relevés possibles, il cueille toutes les plantes, il s'intéresse à la faune, il invente des instruments quand ceux qu'il a ne lui conviennent pas, et il remplit des carnets et des carnets de notes. 

    C'est un européen avant l'heure, il envoie à ses collègues anglais, français des récits de ses trouvailles, il aime partager, la science pour lui n'a pas de frontières. Il envoya des plantes à : Chateaubriand pour son domaine de La vallée aux loups.

    Ses ambitions furent freinées par les guerres napoléoniennes qui l'empêchèrent de circuler comme bon lui semblait. 

     

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    Savez-vous que nous lui devons la notion de zone climatique qu'il fut le premier à analyser, il alerta au retour de ses voyages sur les changements climatiques induits par l'homme, sur les ravages de la déforestation.

    Il fut le premier à établir des liens entre la météorologie, la géologie, la zoologie, bref à voir notre planète comme un tout, c'est le père de la notion d'écosystème

    Il étudia les courants, découvrit l'équateur magnétique.

    Il fit les premiers relevés des isothermes, les lignes de températures qui traversent les cartes météorologiques et il a inauguré une chaîne de stations à travers le monde pour mesurer le géomagnétisme.

    Il fut l'ami d'Arago, de Gay-Lussac, il correspondit avec tous les savants européens sur tous les sujets.

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    On rêve à imaginer ce qu'il aurait pu découvrir si les anglais lui avait permis d'explorer l'Asie et l'Inde en particulier, possibilité qui lui a toujours été refusée. Pourquoi ?

    Alexander Humblodt est un scientifique doublé d'un humaniste, il est viscéralement dès le début de son voyage, anti-colonialiste et anti-esclavagiste. 
    Il est un des premier à considérer les ravages du colonialisme en Amérique du Sud alors sous domination espagnole, on comprend mieux la crainte des anglais que cet homme aille dénoncer certains de leurs abus.

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    Doté d'un ambition énorme mais aussi d'une capacité à comprendre le monde qui l'entoure, Alexander Humboldt impressionna tous ceux qui croisèrent sa route.

    Il fut un ami de Goethe, l'hôte de Jefferson alors président avec lequel il ferrailla sur l'esclavage, il inspira Simon Bolivar dans sa conquête pour l'indépendance sans pour autant cautionner les excès de celui-ci. 

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    Mondialement célèbre on le trouve partout

    Voyageur, humaniste ET écrivain.

    Le manque d'argent et les contraintes politiques l'empêchèrent de faire plus de voyages aussi se consacra-t-il à l'écriture.

    Ses livres eurent un succès fulgurant, le récit de son voyage dans les Andes fut édité en  …34 volumes !!

    « Cosmos: une esquisse de la description physique de l'univers » son livre le plus célèbre fut traduit en de multiples langues et connut des tirages jamais atteints jusque là.
    Le scientifique sait se faire écrivain, ses livres ne sont exempts ni de lyrisme ni de poésie.

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    Impossible de tout dire dans ce billet mais qu'importe l'essentiel et de vous donner envie de découvrir cet homme.

    Andrea Wulf a choisi d'intercaler des chapitres sur les scientifiques ou philosophes que Humboldt a influencé, ainsi on retrouve Thoreau, Darwin, et les écologistes : Marsh et Muir 

    J'ai été fasciné par cet homme que son entourage avait bien de la peine à suivre, toujours en avance d'une idée, qui parlait à une vitesse extraordinaire, un homme à l'intelligence étincelante

    Je crois que je vais élire cette biographie Livre de l'année 2017 

     

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    Le livre : L'Invention de la nature - Andrea Wulf - Traduit par Florence Hertz - Editions Noir sur Blanc

     

  • S.P.Q.R. Histoire de l'ancienne Rome - Mary Beard

    Pourquoi l'histoire de Rome, de son Sénat et de son Peuple continue d'avoir du sens pour nous ?

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    Senatus PopulusQue Romanus : Le Sénat et le peuple romain

    J'aime l'histoire antique, la civilisation romaine m'intéresse depuis longtemps.

    Certains pensent que la civilisation romaine continue d'imprimer sa marque sur notre civilisation actuelle. Je suis de ceux-là, mais comment une petite ville insignifiante en est-elle venue à être une puissance qui aujourd'hui encore influence nos conceptions de la politique, de la justice, du pouvoir et de ses dérives, de la notion de citoyenneté ? 

    J'avais déjà lu à plusieurs reprises sur le sujet, en particulier le livre de Lucien Jerphagnon qui fut celui qui m'ouvrit les portes de cette histoire là. 

    Aujourd'hui il était temps de compléter ma vision, de remettre en cause mes à priori, bref d'élargir un peu mes connaissances.

    Pour cela le livre de Mary Beard est parfait.

    Elle fait le choix de ne pas embrasser toute l'histoire de Rome jusqu'à sa chute et son récit s'arrête avec l'empereur Caracalla en 212 av JC mais bien entendu elle commence avec le mythe, la légende de Romulus et Rémus et le temps de la royauté car il y eut des rois à Rome même si l'on a tendance à se focaliser sur les derniers empereurs.

     

    Mary Beard part donc des premiers temps de la royauté et des conflits qui y sont attachés. Les fameux Gracques puis le temps de Cicéron et de la conjuration de Catilina qui apporta la célébrité à Cicéron.
    A travers ces faits l'auteur rend compte de l'évolution de la ville, car avant d'être un empire, Rome fut une ville, de ses institutions chaotiques et incohérentes parfois.

    On trouve là les mythes de cette histoire : le viol de Lucrèce qui n'eut jamais lieu, l'enlèvement des Sabines tout autant sujet à caution. 

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    L'enlèvement des Sabines  N Poussin Metropolitan Muséum NY

    D'autres événements plus crédibles comme la chute des Tarquins et la fin de la tyrannie qui voit en même temps la naissance d'une notion qui devait connaitre un grand succès, la notion de libertas.

    Mary Beard met en avant certains événements car ils ont fait l'objet de témoignages écrits, de traces archéologiques qui fait que « nous pouvons enquêter en chaussant, pour y voir de près et dans le détail, des lunettes contemporaines ».
    Elle nous invite à prendre de la distance avec les faits qui faute de la moindre trace ne sont pas avérés.

    A ce petit jeu de démystification certains personnages célèbres tombent un peu de leur piédestal, d'autres au contraire se voient offrir une absolution.
    Cléopâtre et son aspic si romanesque, Marc-Aurèle si philosophe et si violent ! Hannibal et ses éléphants, la figure de Pompée.

     

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    Rome au temps de Pompée

    Les Empereurs ne sont pas oubliés mais Mary Beard insiste beaucoup sur le fait que cette longue période qui va d'Auguste à Caracalla est somme toute la moins intéressante, les institutions ne bougent pas beaucoup, les détenteurs du pouvoir se succèdent souvent grâce au meurtre.

    Voilà pour l'exercice de salubrité publique mais ce qui est le plus intéressant dans ce livre c'est le regard que Mary Beard porte sur des aspects de l'histoire romaine peu mis en avant habituellement. 

    La religion, le commerce, la place des femmes et des esclaves, les riches et les pauvres. L'évolution de la société, de la ville et de l'Empire
    N'ayez crainte César ou Marc Antoine ne sont pas oubliés pas plus que Néron ou Tibère. 

    Malgré la masse de documents sur Auguste, l'auteur est toujours intriguée par les changements survenus chez cet homme, du jeune homme chétif et sournois à l'ambitieux forcené qui imprima sa marque aux 14 empeurs suivants.

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    J'ai lu quelques critiques reprochant à Mary Beard d'avoir interrompu son livre avant la Chute de Rome, cela ne m'a pas gêné car elle le clôt sur l'édit de l'empereur Caracalla  offrant la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l'empire. Joli symbole non ? 

    Décidément les anglais ont un rare savoir faire pour ce genre de livre, j'ai aimé l'écriture, j'ai aimé le mélange d'admiration et de critiques.
    J'ai apprécié l'ampleur du travail  

    « Depuis la Renaissance au moins, beaucoup de nos hypothèses les plus fondamentales sur le pouvoir, la citoyenneté, la responsabilité, la violence politique, l'empire, le luxe et la beauté ont été formés et testés, en dialogue avec les Romains et Leur écriture »

    Un livre qui sans nul doute trouvera sa place dans les bibliothèques des amateurs à côté de celui d'Edward Gibbon

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    Le Livre : SPQR Histoire de l'ancienne Rome - Mary Beard - Traduit par Simon Duran - Editions Perrin

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    L'auteur

    Mary Beard est professeur à Cambridge, elle a consacré plusieurs ouvrages à son sujet de prédilection. Elle a reçu pour ce livre la Médaille de la Librairie Bodleienne d'Oxford et et l'ordre of the British Empire. 

    Une personnalité hors norme, une femme libre qui aime à afficher son âge et ses choix vestimentaires au grand dam des critiques universitaires parfois un rien coincés.

    Elle conseille la BBC en matière d'histoire antique et est chargé du sujet dans les pages du Times Litrary supplémentaires.