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A sauts et à gambades - Page 252

  • Vivre à propos

    Vivre à propos - Montaigne traduit du japonais par Pascal Hervieu - Préface Michel Onfray - Editions Flammarion
    Essais - Montaigne - Editions Arléa

    vivreapropos.gifTout a été dit sur Montaigne et je ne me donnerai pas le ridicule de gloser sur ses écrits, on dit que Montaigne est toujours cité mais peu lu, comme beaucoup je gardais un souvenir pénible des heures lycéennes consacrées à Montaigne, des années plus tard bien que lectrice assidue et attentive de beaucoup d’autres philosophes, Montaigne ne faisait pas partie de mes lectures. Il a fallu la conjugaison d’un « passeur » et d’un éditeur.

    C’est André Comte-Sponville qui m’a donné l’envie de rouvrir Montaigne, dans son livre Une éducation philosophique il dit  " N’est-il pas l’un de nos grands auteurs, le premier peut-être, et, s’il est l’un des rares à être absolument universel, aussi le plus français de tous ? Sans doute. Pourtant en France même, on en parle peu (..) et encore moins chez les philosophes.
    Certes Montaigne fait partie des classiques, comme on dit ; mais cela signifie surtout qu’on l’étudie dans les classes ... et qu’on ne le lit guère.
    "


    L’envie est une chose et la réalisation une autre, je me suis heurtée, n’étant ni philologue, ni universitaire,  à la difficulté de lecture et parfois de compréhension, André Comte-Sponville le dit lui même " la langue qui a vieilli, l’explique en partie : la lecture de Montaigne, pour un français d’aujourd’hui, est difficile, et ses innombrables archaïsmes, s’ils en rehaussent encore la saveur, en gênent aussi, parfois, l’accès."

    essais.gifLa solution vint toute seule en 1992 avec la publication chez Arléa, des Essais rajeunis, Claude Pinganaud maître d’oeuvre de cette édition avait souhaité rajeunir l’orthographe et apporter une aide à la compréhension de termes aujourd’hui disparus ou modifiés profondément. Son ambition était bien de le mettre à la portée de tous, sans apparat critique, la traduction des citations latines ou grecques venant immédiatement après la citation elle-même. Pour qualifier son travail Pinganaud parlait alors de traduction.
    Ce Montaigne là m’accompagne depuis, bien sûr il m’a donné envie d’en savoir plus, d’en exprimer tout le suc et pour cela j’ai lu autour de Montaigne de nombreux auteurs, de Hugo Friederich à Gide, de Zweig à Géralde Nakam. Pour le dire mieux en empruntant les mots de Claude Pinganaud "La découverte de Montaigne me fut la découverte d’un monde. (..) Je ne sache pas d’autre livre au monde qui ait cette force. Il vous passe dans l’âme, il s’incorpore à vous " et laissant à nouveau la parole à André Comte-Sponville  " Le seul secret de la vie, c’est vivre. Montaigne nous apprend à aimer la vie telle qu’elle est, non pas malgré sa fugacité, mais dans sa fugacité...Il nous apprend à aimer cette existence éphémère au lieu d’en rêver une autre."

    Et aujourd’hui me voilà avec dans les mains un livre tout à fait extraordinaire et surprenant mais dont la lecture m’a passionné.
    Michel Onfray s’il a parfois eu la dent dure envers Comte-Sponville (et vice versa) est lui aussi un grand admirateur de Montaigne, les heures qu’il lui a consacrées et que l’on peut retrouver dans sa Contre-histoire de la philosophie, sont là pour en témoigner.
    Que nous propose-t-il ici ?  A première vue une idée folle et saugrenue, accéder à Montaigne par le détour d’une traduction.
    Montaigne est difficile d’accès certes, mais qu’en font les américains, les hongrois, les japonais ? Ils lisent et admirent Montaigne en n’ayant pas accès à la langue d’origine.
    Le pari fou tenté et à mon sens réussi c’est celui de la traduction d’une traduction de deux des chapitres majeurs des Essais. Pascal Hervieu à partir de la traduction en japonais des Essais, à fait un nouveau travail de traduction vers le français, un français actuel.
    Pascal Hervieu a utilisé les traductions des trois plus grands écrivains japonais traducteurs de Montaigne, Pour Sekine Hideo ce fut l’oeuvre de toute une vie. Il a traduit à l’aveugle, sans se référer au texte français, une année lui fut nécessaire pour traduire ces deux essais.

    chateaux-saint-michel-de-montaigne-france-1059659096-1228552.jpg


    Qui perd et qui gagne dans l’aventure ?

    Le gain évident le lecteur se sent moins intimidé, la lisibilité est plus grande, il y a un accès immédiat à l’idée sans le détour d’un vocabulaire parfois rare, sans tournures de phrases inusitées aujourd’hui, c’est à mon avis un accès intéressant pour une première lecture de Montaigne, pour une approche simple, sans barrière.
    Ai-je l’impression d’une perte ? oui, ma réponse eut été très différente quelques années en arrière, après des lectures multiples et aidées par des accompagnateurs (Marcel Conche, Jean Starobinski, Michel Onfray etc.) je trouve aujourd’hui belle, voire familière, la langue de Montaigne, s’en priver est dommage.

    Mais...car il y a un mais, si la langue doit faire barrage, faut-il se passer de la lecture ou faut-il adapter la langue sans la trahir, je suis résolument pour la seconde solution et c’est en cela que j’applaudis le travail de Pascal Hervieu. Le texte n’est en rien dénaturé, il y gagne parfois beaucoup en clarté, des choix ont été fait par le traducteur, la pensée de Montaigne est préservée me semble-t-il.
    N'hésitez pas, si Montaigne vous a attiré mais que vous vous êtes laissé rebuté par la langue, lisez ces deux chapitres, l'envie vous viendra sans doute de les relire en "VO".
    Montaigne-Dumonstier.jpgPour le dire comme Montaigne "Je ne suis pas philosophe" je ne suis pas une lettrée au sens de William Marx, ni enseignante, ni universitaire, je ne suis qu’une lectrice qui croit que (pardon à  François Jullien pour l’emprunt du titre) le détour par le japonais s’il permet l’accès à Montaigne, ce détour là est un chemin vers le bonheur de la lecture des Essais
    Si quelques doutes subsistent dans votre esprit sur l’intérêt, la nécessité et le bonheur de lire les Essais, je vous laisse en compagnie de Michel Onfray :
    « Apprendre à vivre, à souffrir, à aimer, à vieillir, apprendre les autres, l’amour et l’amitié, apprendre les passions humaines, apprendre le mouvement des choses et du monde, apprendre à regarder les animaux et apprendre des leçons d’eux, apprendre à prier sans courber l’échine, apprendre la vanité de nombre de choses humaines, dont la politique, apprendre à se connaître soi-même, apprendre à aimer les philosophes anciens, apprendre à s’aimer comme il faut, ni trop, ni trop peu, apprendre une sagesse intempestive, apprendre à mourir enfin - voilà ce que nous proposent les Essais. »

    « Quand Tolstoï s’est enfui, quand Alain est parti au front, c’est Montaigne qu’ils ont emporté » dit Sekine Hideo. Pourquoi pas vous.

     

    Lire par ricochets
    Des commentaires de lecture des Essais chez Jean Jadin

  • Alves et Cie - Eça de Queiroz

    Alves & Cie - Eça de Queiroz - Traduit par Natalia Vital - Editions de La Différence

    alves et cie.jpgAujourd’hui Godofredo da Conceição est heureux, un léger contre temps car Machado son associé s’est absenté de façon impromptue mais rien de grave, Lisbonne resplendit sous le soleil et il a trouvé un ravissant bracelet (et pas cher du tout) pour Lulu sa femme chérie. Il décide de lui faire une surprise pour fêter leur anniversaire de mariage et il rentre chez lui plus tôt que prévu...pour trouver Ludovina dans les bras du jeune Machado.
    Godofredo fait preuve d’une autorité sans faille, renvoie sa femme chez son père et décide de laver l’affront dans le sang.
    Mais...il est peut être bon de réfléchir avant de prendre des décisions aussi risquées....Le Drame romantique tourne à la farce.

    Le roman se situe à la fin du XIXe siècle dans la bourgeoisie aisée et Eça de Queiroz s’en donne à coeur joie pour fustiger la bêtise, la lâcheté, l’hypocrisie d’une bourgeoisie très attachée aux conventions.
    Traitées avec un humour féroce les péripéties du roman sont drôles et les quelques pages des réflexions du pauvre Godofredo sur l’opportunité de se battre, du choix de l’arme, ou d’une solution moins risquée, sont savoureuses.
    Ce roman publié après la mort de l’écrivain n’est pas le plus connu ni le plus important mais il permet d’entrer dans l’oeuvre du grand romancier portugais de façon plaisante.
    Grand amoureux de la France il dit « Mes romans sont français comme moi en presque tout, sauf un fond sincère de tristesse lyrique, un goût dépravé pour le fado et le juste amour de la morue. » mais à la condamnation de Dreyfus il avouait avoir perdu son « vieil amour latin pour la France ».

     

    lisbonne.jpg

    Lisbonne aujourd'hui (photo armando )

     

    L’auteur

    ecaqueiroz.jpgNé en 1845, est présenté comme le Flaubert portugais, Borges le tenait comme « l’un des plus grands écrivains de tous les temps » Adversaire du romantisme, il est l'initiateur du réalisme littéraire au Portugal.
    Consul à Paris à partir de 1888 il y meurt en 1900.
    Ses principaux romans
    Le crime de Padre Amaro, les Maia, la Tragédie de la rue des fleurs et 202, Champs Elysées

  • Surveillance - Jonathan Raban

    Surveillance - Jonathan Raban - Traduit par Antoine Cazé - Editions Christian Bourgois - 2009

    surveillance.gifJe  connaissais Jonathan Raban pour ses livres de voyage dans les USA en particulier un Old Man River très sympathique. Là il a fait le choix de la fiction totale.
    Seattle après le 11 septembre, le gouvernement plus bushien que Bush, a mis en place une surveillance très rapprochée des individus. Il met en scène de pseudo attentats terroristes avec figurants ensanglantés, fumées sur la ville pour sensibiliser la population et plus sûrement la maintenir dans un état de peur permanente.
    Cette surveillance inquiète un peu Lucy mais la rassure également, n’est ce pas là le but rechercher ?
    Lucy est journaliste, spécialiste des portraits de célébrités, après Bill Gates elle doit s’atteler à August Vanags écrivain imbuvable qui vit caché dans une île et qui semble ne pas avoir dit toute la vérité sur sa vie.
    Lucy a pour voisin son meilleur ami, Tad, séropositif, qui sert de père à Alida la fille de Lucy. Tad lui est totalement parano sur le sujet, il passe son temps sur internet pour alerter la population et est persuader de vivre déjà dans un état policier et fasciste.
    Alida a onze ans et adore Anne Franck et les maths, et avec ses copines fournissent force beignets à Finn l’as de l’informatique pour qu’il leur concocte des sites internet super branchés.
    Enfin il y a le propriétaire de l’immeuble, monsieur Lee, immigré mais que ça ne gênerait pas de flanquer à la mer tous les SDF qui polluent le quartier.
    la vie des autres.jpgQui a peur de qui ? qui surveille qui ? qui dit la vérité ? qui cache quelque chose de sa vie ?
    Le roman démonte les mécanismes de repli, d’agressivité, de mensonges que la peur engendre. Les uns comme Vanags pensent que tout est permis pour se défendre d’éventuels terroristes, Lucy est prête à accepter l’inacceptable pour protéger sa fille.
    Mais dans la vie réelle comme dans les scènes d’attentat organisées, les faits ne sont peut être pas ce qu’ils paraissent.
    Un bon roman qui sans y toucher déclenche une sensation de malaise et qui pousse à s’interroger, ce n'est pas 1984 ou  Le meilleur des mondes mais c'est pas mal du tout

    En le lisant j'ai pensé au film "la vie des autres" qui m'avait terrifié.

     

    L'auteur
    Critique, romancier, essayiste, Jonathan Raban a écrit de nombreux récits de voyage il est le seul écrivain-voyageur à avoir obtenu deux fois le prix Thomas Cook Travel Book. Surveillance est son 3ème roman. Il vit à Seattle.

     
  • Le Vésuve - Martial

    Le Vésuve

    Vésuve qu’ombrageaient jadis les pampres verts
    Dont les pressoirs croulaient de grappes purpurines
    Où de Nysa bacchus délaissait les collines`
    Où dansaient autrefois les satyres pervers
    Mieux qu’à Sparte, Vénus aimait chez toi descendre,
    Hercule de son nom faisait gloire à ces lieux
    La flamme a tout détruit, tout recouvert de cendres
    Avoir eut ce pourvoir est le remord des dieux

     

    Le poète Marcus Valerius Martialis  est plus connu pour ses vers licencieux mais j’aime cette évocation de la colère du Vésuve et l'idée du remord des dieux.

     

    vesuve_05.jpg

    Hic est pampineis uiridis modo Vesbius umbris,
    presserat hic madidos nobilis uua lacus:
    haec iuga quam Nysae colles plus Bacchus amauit;
    hoc nuper Satyri monte dedere choros;

    haec Veneris sedes, Lacedaemone gratior illi;
    his locus Herculeo nomine clarus erat.
    Cuncta iacent flammis et tristi mersa fauilla:
    nec superi uellent hoc licuisse sibi.

     


    "La flamme a tout détruit, tout recouvert de cendres " dit Martial, pour témoin Pline qui fait le premier récit d'une catastrophe naturelle :  les lettres 16 et 20 du livre VI de Pline le jeune

    "Pendant ce temps, des flammes très larges et de gros incendies luisaient en plusieurs endroits du mont Vésuve; leur éclat et leur clarté étaient avivés par les ténèbres de la nuit. Lui répétait pour calmer leur effroi que c'étaient des feux abandonnés dans la frayeur par des paysans et que c'étaient des fermes désertées qui brûlaient dans la solitude." Lettre 16

     

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    " Ça brillait un peu à nouveau, mais pas comme le jour, comme l'annonce d'un feu qui approche. Et du moins le feu ne s'avança pas particulièrement loin; de nouveau ce furent les ténèbres, de nouveau ce furent les cendres, abondantes et lourdes. Nous levant sans cesse, nous nous secouions pour les faire tomber; sans quoi nous serions recouverts et même écrasés sous leur poids.
    Enfin, ce nuage, pour ainsi dire affaibli en fumée ou en brouillard, disparut; ce fut bientôt le jour véritable; même le soleil se mit à briller, jaune pourtant, comme il est d'habitude lors d'une éclipse. Tout à nos yeux en désarroi se présentait transformé et recouvert d'une profonde couche de cendres, comme de la neige."  Lettre 20

     

    vesuve.jpg

    Et pour les amoureux des langues anciennes la version originale :


    " Interim e Vesuvio monte pluribus locis latissimae flammae altaque incendia relucebant, quorum fulgor et claritas tenebris noctis excitabatur. Ille agrestium trepidatione ignes relictos desertasque uillas per solitudinem ardere in remedium formidinis dictitabat." Lettre 16
    " Paulum reluxit, quod non dies nobis, sed aduentantis ignis indicium uidebatur. Et ignis quidem longius substitit; tenebrae rursus cinis rursus, multus et grauis. Hunc identidem adsurgentes excutiebamus; operti alioqui atque etiam oblisi pondere essemus.
    Andem illa caligo tenuata quasi in fumum nebulamue discessit; mox dies uerus; sol etiam effulsit, luridus tamen qualis esse cum deficit solet. Occursabant trepidantibus adhuc oculis mutata omnia altoque cinere tamquam niue obducta."  Lettre 20

     
    vesuve 2.jpg
    Aujourd'hui
     
     
    Epigrammes - Martial - Gallimard poésie
    Lettres - Pline le jeune - Editions 10/18 (actuellement indisponible mais d'autres éditions existent)
  • Hemingway à La Havane - Leonardo Padura

    Adios Hemingway - Leonardo Padura - Traduit par René Solis - Points seuil


    adios hemingway.gifN’ayant jamais lu de polar de Leonardo Padura je ne connaissais pas son héros Mario Conde et c’est une rencontre très sympathique.
    Ancien flic de La Havane plus versé aujourd’hui en bibliophilie qu’en enquête criminelle et se frottant à l’écriture, il reste malgré tout accro au Rhum et autres boissons toniques.
    Lorsqu’un cadavre datant des années cinquante est découvert dans les jardins de la maison d’Hemingway transformée en musée, il reprend du service. Pour identifier le corps d’abord mais surtout pour épargner au fantôme de « papa » d’être sali par une affaire criminelle.

    L’enquête commence donc dans la propriété d’Hemingway et une fois identifié l’enclos où avaient lieu des combats de coqs dont « papa » était friand, après avoir trouvé une insigne du FBI dont Ernest était la bête noire, tout semble concorder et accuser l’illustre prix Nobel. 
    Dur pour Mario Conde d’enquêter sur celui qui lui a ouvert les portes de l’écriture, à qui il voue une admiration sans borne et une haine tenace. Le récit est à deux voix, celle du flic sortit tout droit de l’imagination de l’auteur et celle d’Hemingway bien vivant dans l’imaginaire de Padura
    C’est un régal, c’est fort comme du rhum ambré, coquin comme la culotte noire d’une star hollywodienne (je vous laisse découvrir le nom de la propriétaire) et attachant comme l’insupportable et génial écrivain.
    Padura ressuscite un monstre sacré de la littérature pour notre plus grand plaisir et au sortir de ce polar vous n’avez qu’une envie : relire les nouvelles d’Hemingway.

     

     

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    Finca Vigia la maison musée d'Hemingway à La Havane

  • Colette, une certaine France - Michel del Castillo

    Colette, une certaine France - Michel del Castillo - Editions Folio Gallimard


    colette une certaine france.gifMichel del Castillo est habile à vous faire aimer un écrivain, son essai sur Dostoïevski m’avait beaucoup plu, la relecture et l’écoute de Colette m’ont donné envie d’en savoir un peu plus sur Colette.
    L’image que j’avais gardé était celle de l’enfance campagnarde en Puisaye, le mariage avec Willy qui va s’approprier la paternité du premier « Claudine », le parfum du scandale de Colette nue sur scène et de sa liaison avec Mathilde de Morny, puis la femme assagie et la naissance de l’enfant chéri surnommée Bel Gazou, enfin la notoriété et la vieille dame du Palais Royal.

    Ce livre n’est pas une biographie au sens habituel du terme mais plutôt un portrait et comme tout bon portrait il est fidèle mais n’épargne pas les traits gênants.
    Michel del Castillo s’intéresse à l’entourage de Colette, à la correspondance de celle-ci et la réalité qu’il nous fait entrevoir est assez éloignée de la légende, « Peu d’auteurs auront travaillé avec autant de persévérance à l’élaboration de leur mythe » dit-il.
    Il ne s’agit pas seulement de petits détournements ou de petits arrangements avec la vérité, mais dans bien des circonstances Colette apparaît dure, égoïste et rancunière. Les portraits que fait Michel del Castillo de Willy, de Mathilde de Morny, et surtout de Colette de Jouvenel dite Bel Gazou, sont autant de pierres dans le jardin de Colette. Il s’interroge sur le paradoxe d’une auteure qui chante si bien la nature mais aime surtout la vie mondaine, qui sait magnifiquement parler de Sido mais n’assiste pas aux obsèques de sa mère, qui chante les enfants mais qui ne fut pas une mère exemplaire. Il dit son amour de l’argent, son ingratitude, son ambition balayant tout.

     
    port_colette.jpg

    Mais ce portrait est aussi un exercice d’admiration, égoïste Colette ? certes « on n’aura beau l’aimer et tenter de la défendre par tous les moyens, on ne réussira pas à enlever Colette à son égoïsme » mais géniale égoïste ou comme l’appelait François Mauriac une « joyeuse ogresse ».
    Michel del Castillo est touché par la quête perpétuelle du paradis de l’enfance de Colette, lui l’enfant meurtri et déchiré par son enfance. Lorsqu’il lit Colette il est emporté « A cet instant une page m’empoigne, me bouleverse par sa cadence exacte, par sa mélodie simple et savante » « Par la magie de cette poésie à la fois simple et raffinée. »
    Il aime sa sensualité animale,  sa véritable «vocation du bonheur », sa prose est « l’une des plus concrètes, des plus charnelles, avec celle de Montaigne, que la France ait produites »
    Il n’aime pas tout dans l’oeuvre de Colette mais « Sido et la Naissance du jour témoignent d'une maîtrise inégalée »
    Colette sort de ce portrait habillée d’ombres et de lumière sûrement plus proche de la réalité que dans les biographies idolâtres.
    Pour Michel del Castillo « Elle ne prétend à rien d’autre qu’à raconter et à charmer par ses histoires. Elle veut dispenser le plaisir de lire, l’émerveillement et l’émotion, par les moyens les plus simples.(...) Par moments, ce chant nous arrache à nous-mêmes, nous transporte, nous plonge dans une béatitude comblée. »




    L’auteur
    micheldelcastillo2od3.jpgLa biographie de Wikipedia répondra à vos questions.
    Je préfère signaler les trois livres de Michel del Castillo que je préfère  :
    Tanguy le récit de son enfance, Mon frère l’idiot essai sur Dostoïevski où comment la littérature lui a sauvé la vie et Colette une certaine France.