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A sauts et à gambades - Page 196

  • Sur la lecture - Marcel Proust

    A la recherche de Proust   Episode 4

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    Bonheur de l’édition voilà un livre que vous pouvez trouver sous plusieurs costumes, en mélange dans Pastiches et Mélanges, en petite édition simple chez Sillage ou alors en livre audio.
    j’ai choisi la version sonore car elle est lue pas quelqu’un pour lequel j’ai une passion coupable : André Dussolier.

    Je ne vais pas m’étendre sur le sujet du livre, je crois que vous le connaissez tous, la lecture, les livres, le bonheur de lire lorsque l’on est enfant et au delà.
    Proust nous parle de ces livres qui nous donnent envie de passer la soirée avec eux, ce petits grincement que constitue le « chapitre interrompu » car « On aurait tant voulu que le livre continuât ».

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    Enfant lisant

    Le rôle de la lecture « une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés » disait Ruskin, ce à quoi Proust répond

    «  la lecture ne saurait être ainsi assimilée à une conversation, fût-ce avec le plus sage des hommes; que ce qui diffère essentiellement entre un livre et un ami, ce n'est pas leur plus ou moins grande sagesse, mais la manière dont on communique avec eux, la lecture, au rebours de la conversation, consistant pour chacun de nous à recevoir communication d'une autre pensée, mais tout en restant seul » 
    Pour lui c’est d’abord et avant tout un accès à soi.

    Le livre qui console de tout disait Montesquieu, qui tient enchaîné la ronde des heures dirait Proust, ce petit texte devenu très célèbre est ici porté par André Dussolier, un plaisir ajouté.


    Ecoutez le un moment sur le site de Thélème

    Le livre audio : Sur la lecture - Lu par André Dussolier - Editions Thélème

  • Meurtre chez Tante Léonie - Estelle Montbrun

    A la recherche de Proust  Episode 3

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    La maison de Tante Léonie

    Proust adorait la parodie, le pastiche, les imitations de Céleste, bref se moquer, s’amuser, il ne dédaignerait certes pas ce roman là.

    La maison de Tante Léonie, où le petit Marcel passait ses vacances, est devenue pélérinage et centre d’études, à la veille d’un colloque très littéraire, la présidente de très docte Proust Association est retrouvée assassinée par Emilienne la femme de ménage, (tiens donc elle ne s’appelle pas Françoise !)
    Mais qui a tué Adeline Bertrand-Verdon femme « qui se croyait sortie de la cuisse de Jupiter » à la fois adulée et détestée ?

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    Enquête dans la maison

    Avouez que ça la fiche mal à la veille d’une journée qui réunit tout ce que le gratin littéraire international compte d’hommes importants, universitaires, critiques, le Professeur Verdaillan, son homogue américain le Professeur Rainsford.
    Le commissaire Foucheroux et son adjointe Leila Djemani se retrouvent avec une affaire sensible sur les bras à résoudre avant qu’affluent les amateurs de Vivonne, de madeleines et d’aubépines.

    Un roman habile où il est question de manuscrits cachés, d’édition des oeuvres pouvant semer la confusion dans le petit monde de l’édition, ciel des textes inconnus !!!  Gisèle Lambert la secrétaire de l’association, naïve et ayant gardé une âme d’enfant est  « au bord de l’effondrement ». Elle est immédiatement sur la liste des suspects mais bien entendu cela serait trop simple et le commissaire va devoir s’immerger dans les souvenirs d’un écrivain qui n’est ni né, ni mort ici, et redonner à cette maison « le calme, la dignité et le sacré dont elle n’aurait jamais dû avoir à se départir »

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    Enquête au bord de la Vivonne

    Estelle Montbrun s’amuse beaucoup et nous aussi, elle joue la connivence avec les lecteurs de Proust, sème les indices, fait des portraits des protagonistes dans le veine de ceux de Marcel, nous gave de citations. Tout est prétexte à entrer dans l’univers proustien, à goûter à la fameuse madeleine, ce n’est pas sérieux mais terriblement réjouissant et c’est à regret que l’on quitte Illiers-Combray.

    Le livre : Meurtre chez tante Léonie - Estelle Monbrun - Editions Viviane Hamy

  • La Colombe poignardée - Pietro Citati

    A la recherche de Proust  Episode 2

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    Vous n’avez jamais lu La Recherche, vous avez été tenté mais ... vous avez commencé et vous êtes enfui à toutes jambes ....Voilà un livre fait pour vous.
    Après le témoignage de Céleste, une analyse subtile qui déclenche l’envie de lire Proust ou apporte un plaisir renouvelé à sa lecture.

    Essai d’un érudit, d’ un esthète, d’un admirateur intransigeant, d’un écrivain d’un rare talent. Je vous assure que je n’exagère pas du tout.

    Le livre se divise en deux temps distincts, les premiers chapitres ont la forme de la biographie, mais une bio sautillante car le respect de la chronologie n’est pas le fort de Pietro Citati.
    Ce qui l’intéresse et qui du coup intéresse son lecteur ce sont les à côtés, les moments clé de la vie de Proust, ceux qui ensuite vont se retrouver dans son oeuvre et servir de trame à la Recherche.
    Pietro Citati nous invite à découvrir un homme pour qui le bonheur est le centre, l’essence même de son écriture.
    Je vous vois tressauter derrière votre écran ! quoi Proust amateur de bonheur ! lui qui dissèque pendant des pages sa quasi agonie lorsque sa mère ne lui donne pas le baiser du soir ?  

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    Oui ce Proust là, dont Pietro Citati nous dit que son envie de bonheur était tellement intense qu’elle en était douloureuse. D’une façon inattendue il rapproche Proust de Tolstoï dans cette course effrénée vers la vie et le bonheur.
    A travers des anecdotes, des épisodes de la vie de Marcel Proust il donne à voir cette réalité. Les relations avec sa mère, qui refusait tout ce que son fils était « l’emphase, l’exagération, la tragédie, le dévoilement de soi » les relations avec les autres qui toutes étaient blessure car « la douleur est l’arme véritable pour pénétrer dans le coeur des autres. »
    On voit Proust au travail, Proust en pleine crise d’asthme, Proust devant les tableaux de Chardin ou de Vermeer, Proust se gorgeant de musique.
    Pietro Citati nous invite dans son intimité avec ses amis, ses amants : Reynaldo Hahn, Antoine Bibesco, Anna de Noailles.

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    La seconde partie  Autour de la recherche  est une analyse de l’oeuvre, une recherche sur la Recherche, en découvrir les mécanismes, en comprendre les rouages. Voir se construire cette cathédrale somptueuse :
    « La Recherche est une oeuvre unique. Si nous lisons Wilhelm Meister, Crime et Châtiments, Anna Karénine, les Démons ou L’homme sans qualités, nous découvrons que l’oeuvre grandit d’abord comme un arbre ou un taillis, sans posséder encore une architecture, ou une théorie sur elle-même. »
    Pour la Recherche il en va autrement « Toute l’énorme masse narrative s’y dissimule, comme un germe qui deviendra arbre, forêt, continent. »

    Proust voulait écrire un roman avec des « essences »  des « gouttes de lumière » et son oeuvre « tente de réunir en elle toutes les traditions la littérature. »
    Effort prodigieux de Marcel Proust car nous dit Pietro Citati
    « Pour écrire un livre aussi démesuré, Proust avait l’impression de devoir se multiplier. Il lui fallait faire appel à tous ses sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher »

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    Proust l’écrivain du temps « Nous connaissons tous le temps, tous nous vivons immergés en lui, et nous entendons le lent bruissement qui l’accompagne et nous enveloppe tandis que nous pénétrons en lui »  mais quelle différence avec d’autres écrivains du temps « Stevenson reproduit sa légèreté rapide, Flaubert sa continuité monotone, Hardy sa laborieuse épaisseur, Proust la mélodie des événements. »
    Ce livre est un monument d’admiration pour un auteur, le Proust portraitiste, le Proust maître du dialogue, le Proust ironiste mais aussi le ténébreux et presque frère de Dostoïevski.
    Je vous laisse en compagnie de Citati qui je l’espère finira de vous convaincre de glisser ce livre dans votre bibliothèque.

    « Nous sommes parvenus ici, vers la fin du temps retrouvé; nous avons lu des milliers de pages, sans comprendre les signes, les indices, les avertissements, les révélations inachevées, les clartés dans l’ombre; des épisodes entiers reçoivent maintenant leur signification : nous n’avions même pas compris les premières pages ; il nous faut maintenant revenir en arrière, déchiffrer Longtemps je me suis couché de bonne heure , puis relire tout le livre, tandis que Marcel commence à écrire le sien. »

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    Le livre : La Colombe poignardée - Pietro Citati - Editions Gallimard 1997 également en Folio

  • Monsieur Proust - Céleste Albaret

    A la recherche de Proust  Episode 1

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    "A Céleste, affectueusement, son vieux Marcel"

    En 1913 une toute jeune femme épouse un homme taxi de son état, son principal client lui adresse un télégramme de voeux pour son mariage « Je fais des voeux de tout mon coeur pour votre bonheur et celui des vôtres » , en 1922 les derniers mots écrits de cet homme il les lui confiera « à l’heure où sa plume a cessé de courir sur le papier ».

    En 1913 Marcel Proust entra dans la vie de Céleste Albaret pour n’en plus ressortir.
    De simple commissionnaire qui porte les ouvrages dédicacés chez les amis et relations de l’écrivain, elle devient une présence indispensable.
    Elle l’accompagne lors de son dernier séjour à Cabourg mais au retour Marcel Proust lui annonce :
    « Ma chère Céleste, il y a une chose que je dois vous dire. J’ai fait ce voyage à Cabourg avec vous, mais c’est fini : je ne ressortirai jamais plus »
    La voilà enfermée avec l’écrivain pour neuf années, installée comme lui dans une vie de recluse.

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    Céleste guette les coups de sonnette, prépare « l’essence de café » et l’assiette avec le sacro-saint croissant, et elle attend que Proust l’appelle.
    Elle est l’obéissance même, Proust lui conseille de lire, elle lit et y prend plaisir « Je me souviens même qu’il m’a conseillé Les Trois Mousquetaires. Je l’ai lu et cela m’a passionnée ».
    Elle répond à toutes ses envies, commande le plat que l’écrivain réclame mais qu’il ne touchera pas car dit-elle
    « Il était fin gourmet ou plutôt l’avait été. Je voyais bien que ses envies le prenaient comme des coups de souvenir »

    Elle lui prépare ses  boules  d’eau chaude, s’occupe de la garde-robe, mais jamais au grand jamais ne vois Proust à sa toilette, c’est le domaine interdit de cet homme d’une pudeur presque maladive.
    Mais bientôt voilà Céleste et Proust qui « entrent dans l’habitude de la conversation » , elle l’attend lorsqu’il rentre de soirée avec « l’air d’un jeune prince qui revient du bal de la vie. »
    Jamais elle ne s’assoit dans cette chambre , elle l’écoute debout à côté du lit raconter les bals, les souvenirs de vie mondaine, son duel, ses années de jeunesse.
    L’écrivain construit son oeuvre « Il faisait le tri de ce qu’il pensait (...) je suis sûre qu’il essayait sur moi, pour mieux voir ce qu’il écrirait »

    C’est elle qui souffle à l’écrivain l’idée des béquets qui permettent de faire des rallonges au manuscrit, elle qui courre à la librairie pour trouver l’ouvrage que veut lire Proust. Elle assiste à la « course aux personnages » , à l'édification de l’oeuvre.

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    La librairie où courrait Céleste


    Elle devient une confidente, qui sait tout de la vie du maître, qui peux parce qu’elle en a la preuve, affirmer qu’André Gide « avec ses airs de faux moine » a refusé le roman de Proust sans l’avoir lu, qui a vu Gaston Gallimard faire antichambre « Ce M. Gallimard est un peu papillon, maintenant qu’il a vu la fleur, il voudrait se poser. Laissons le voleter encore un peu. »

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    La chambre de Proust au Musée Carnavalet   © Cécile Debise

    Céleste est près de lui quand il est « pâle comme un mort, penché sur sa fumigation et cherchant désespérément à respirer ».
    Elle est un coeur simple comme la Félicité de Flaubert, capable de tout sacrifier, confidente, rempart protecteur entre le monde "Il y a des moments où je me sentais comme sa mère et d'autres, comme sa fille."

    Témoin privilégié, c’est un témoin émouvant, drôle, cruel parfois, sincère dans son admiration sans limite de l’homme. Elle ferme les yeux sur les défauts, sur les amours interdites, sur la tyrannie de Proust dont elle rit.

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    "C'est ainsi qu'il était quand il me parlait de son lit"

    Pendant des années elle refusa tous les interviews, toutes les propositions de livre,  elle se décide sur le tard à raconter  "parce que trop de choses fausses ont été écrites par des gens que ne l'ont connu que par les livres "
    Elle l’éternelle admiratrice comblée car dit-elle  « C'est grâce à la gentillesse et à la bonté de Monsieur Proust, je puis vous le dire, que je suis devenu quelqu'un »



    Si vous aimez Proust, si vous voulez le voir sous un jour très humain, parfois naïf mais toujours émouvant c’est le livre indispensable.
    Il vous fera pénétrer dans une chambre sombre, enfumée et apercevoir une silhouette pâle assise dans le lit entourée de ses carnets, cachés sous des châles, avec à ses côtés une cafetière d’argent, un croissant posé sur une soucoupe..........

    Nous ne nous sommes pas donné le mot mais Keisha est elle aussi séduite par le monde de Proust

     

    Le livre : Monsieur Proust - Céleste Albaret - Editions Robert Laffont


  • Repas de morts - Dimitri Bortnikov

    L'âme Russe  - Episode 3

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    Après deux géants des lettres russes, Pouchkine et Soljenitsyne, je voulais faire un billet sur un auteur russe contemporain.
    J’ai hésité entre deux auteurs Vladimir Sorokine qui m’avait estomaqué avec Roman et qui m’a énormément plu avec  Tourmente son dernier roman chez Verdier mais je prends le risque de vous parler d’un auteur inconnu, ahurissant, russe mais écrivant en français et auteur d’un petit livre tout à fait stupéfiant.
    Tout au long de ma lecture j’ai hésité, j’ai été tentée de fermer ce livre :  illisible  mais toujours je l’ai rouvert pour rattraper cet auteur sur sa route vers les steppes et le passé.

    Premier avertissement les premières pages peuvent rebuter, mais allez y continuez cela vaut la peine
    Un retour vers le passé et la famille : 
    la mère rongée par la culpabilité liée à son métier, elle a avorté des femmes et voit dans ses cauchemars les âmes des enfants jamais nés « Elle était faite pour soigner les morts. Son chef c’était la mort (...) et elle attendait que la mort vienne la soigner. »

    L’auteur nous invite à un  bal des revenants  : le grand-père alcoolique qui a fait deux guerres « dans les forêts de Finlande »  la grand-mère babouchka bienveillante « toi Babania ...Toi ma vieille vielle grand-mère. Tant de gens ne savent pas que tu as vécu. »
    Le père violent et autour d’eux la steppe « dans la steppe en hiver - l’agonie. Dans ce blanc - l’agonie. »

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    Babania ....Je vois notre cour .......


    Tout vient s’entrechoquer : les saisons, lArctique, les amis, la prison, la guerre et par là-dessus la poésie plane « Et puis l’odeur du coucher de soleil. L’odeur du soleil endormi. Et l’herbe presque bleue. »

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    La mer de Laptev


    On perçoit dans les phrases haletantes les cris de douleur jusqu’à l’intolérable, la rage absolue, les mots  vidés de leur sens, et l’on se sent tanguer à la lecture de ce texte qui interpelle chacun

    « Toute la vie on cherche... Quelqu'un. Qui nous vivra après. Qui après notre mort recueillera notre âme. Quelqu'un devant qui t'as pas honte de crever. Quelqu'un à qui tu feras confiance quand il te murmurera - t'es mort. »

    A ce repas de funérailles nous sommes convié comme à une descente en enfer. C’est comme s’inviter à l’intérieur d’un tableau de Jérôme Bosch.

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    L'enfer - Jérôme Bosch

    Un écrivain qui crache, qui vomit les mots, un récit autobiographique aux antipodes des textes nombrilistes, Dimitri Bortnikov torture notre langue, il invente avec lyrisme, il nous choque au point de ne pas pouvoir oublier sa prose fascinante.
    A lui plus qu’à tout autre on peut appliquer les mots de Kafka :
    « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous » à cela je laisse répondre Bortnikov  « Deux ans de pôle Nord. Deux ans sur les rives du Styx glacé. Blanc à perdre la vue. Glaces…Je transe. »


    Lisez ce livre difficile d’accès certes mais dont la libre écriture explose ligne après ligne, Bortnikov l’insoumis qui nous emporte de la Steppe glaciale à un Paris de solitude dans un long monologue.

    Le livre : Repas de morts - Dimitri Bortnikov - Editions Allia

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    L'auteur : Né en 1968 en Russie, l’auteur est installé en France depuis 2000 et écrit pour la première fois en français.

  • Alexandre Soljenitsyne Le courage d'écrire

    L’ âme Russe - Episode 2 Dans les pas d'un géant

    « A tous ceux à qui la vie a manqué pour raconter cette histoire »

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    J’ai eu envie d’intituler ce billet dans les pas d’un géant  car « Des millions de lecteurs ont eu leur vie accompagnée par Alexandre Soljenitsyne »

    Une exposition et un livre consacré au géant de la littérature russe, de la littérature du Goulag. Pour une fois l’expo n’est pas parisienne mais Genevoise, Lyon Genève 1H30 de route qui hésiterais ?
    Septembre est magnifique et ce fut un plaisir de découvrir la Fondation Bodmer dominant le lac Léman.

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    La Fondation Bodmer Cologny

    La Suisse qui accueillit Soljenitsyne en 1974 chassé d’URSS.
    Je dois dire que j’avais une petite appréhension car une expo de peintures c’est une évidence, une expo autour d’un écrivain je craignais un peu la sécheresse ou la mise en valeur d’objets sans intérêt et peut-être l’ennui.
    Combien de fois lisant Chalamov et ses Récits de la Kolyma j’ai eu l’envie de rencontrer l’homme, de l’entendre parler de son expérience, ici grâce à la qualité de l’exposition on entend Soljenitsyne.
    C’est une exposition tout à fait impressionnante et fascinante consacré à un monument de la littérature du XX ème siècle et sans doute à son plus grand écrivain.
    J’ai eu l’envie d’en garder la trace, le souvenir à travers le livre édité à cette occasion.
    Quand je publierai ce billet l’expo sera fermée mais vous pourrez vous tourner vers le livre qui est lui-même un événement.

    Le titre du livre d’abord  Le courage d’écrire  et le préambule écrit par C Méla directeur de la fondation qui dit dans la préface
    « Soljenitsyne a mené une lutte clandestine, puis ouverte, au nom de la vérité, pour révéler au monde une entreprise de servitude sans précédent » justifiant ainsi immédiatement le titr
    e
    Le livre/catalogue est réalisé par Georges Nivat que tout lecteur amateur de littérature Russe connaît. Il est professeur honoraire à l'université de Genève et commissaire de l’exposition, ses liens personnels et amicaux avec Soljenitsyne ont permis la réalisation et la réussite de l’ensemble.

    J’ai été fasciné dans l’exposition par les  textes inconnu, les articles de journaux, les objets, les lettres, les manuscrits dont certains étaient parmi les fameux samizdat imprimés ou copiés clandestinement. J’ai ressenti de la ferveur, de l’admiration et de la stupéfaction devant l’ampleur du travail d’un homme, travail réalisé sous le joug permanent de la peur. On retrouve tout cela dans le livre.

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    Le Zek matricule CHth-854

    Le livre permet cette découverte avec les fac-similés des feuillets, 466 feuillets autographes de l’Archipel du Goulag dont le manuscrit est resté enfoui en Estonie Le livre qui  est venu réveiller la conscience de l’occident sur la réalité du Goulag.
    Tout est magnifique et émouvant dans ce livre, les photos de Soljenitsyne portant sa veste de Zek , les bouts de crayons qui ont tracé les mots de son oeuvre, des objets personnels issus de sa maison de Troïtse-Lykovo. Les souvenirs des années de labeur, des années d’exil  à Cavendish et du temps du retour.

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    Ce livre qui raconte une destinée d’écrivain est magnifique, j’ai découvert la gestation de la Roue rouge qui se se veut la généalogie de la révolution russe, son explication, ses noeuds (une oeuvre qui me reste à lire).
    Les efforts de l’écrivain pour maintenir en détention sa mémoire intacte sont particulièrement impressionnants. Les pages de Georges Nivat, pour éclairer chaque période, sont riches, les extraits nombreux et les photos toutes choisies avec soin.

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    1998 le temps du retour  Photo : Grigory Dukor/ Reuters

    J’ai croisé avec bonheur dans ce livre/catalogue : Nikita Struve l’éditeur de l’Archipel du Goulag, Claude Durand son agent littéraire pour le monde entier ; Bernard Pivot qui a donné à la France entière l’envie de lire Soljenitsyne et dont les entretiens sont aujourd’hui disponibles en DVD, les photos de Soljenitsyne instituteur ou recevant son Prix Nobel.

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    Bernard Pivot reçoit Alexandre Soljénitsyne à Apostrophes
    le 11 avril 1975.

    Ce livre est un cadeau, cadeau pour nous lecteur, cadeau à faire. Lisez le, offrez le et faites lui une place dans votre bibliothèque.
     
    Le livre : Alexandre Soljenitsyne Le courage d’écrire - Sous la direction de Georges Nivat - Editions des Syrtes