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Marcel - Erwin Mortier

Taire ou dénoncer 

 

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On sait tous que la réaction devant des événements exceptionnels peut être très différente d’un homme à l’autre, d’un pays à l’autre. Il y a toujours ceux qui se taisent, collaborent et ceux qui dénoncent, se battent.

Je vous propose un roman qui pourrait porter en sous-titre : Quand on choisit le silence...........

 

La Flandre, un pays qui dans les années 70 vit encore sous le poids d’une histoire que beaucoup voudraient oublier.

Une ville flamande comme les autres, une maison qui « ressemblait à toutes les autres de la rue : plus très d’aplomb après deux siècles d’occupations, de tempêtes et de guerres ».
Une famille flamande presque comme les autres.

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Le narrateur vit chez sa grand-mère, une maîtresse femme qui « a rarement tord », elle connaît tout le monde dans la ville, Andréa, elle occupe toute la place dans ce roman.

La vie s’écoule doucement « personne ne se déplaçait librement dans la maison. Chacun suivait le chemin de son habitude »
 

Dans une petite ville les langues vont bon train, quand Mademoiselle Veegaete, l’institutrice, vient pour renouveler sa garde robe, c’est l’effervescence car c’est une cliente privilégiée, on sort le service à liséré d’or, les magazines de mode. Ces jours là le narrateur voudrait « être une petite souris qui voit tout et n’oublie rien ».

 

Parfois on fait des visites « la grand-mère nous avait empaquetés, le grand-père et moi comme une cargaison vivante », l’occasion de découvrir de nouvelles photos : « Une multitude de visages d’hommes (...) Au dessus des têtes, une houle de bras levés »

Ce jour là le narrateur découvre qu’il ressemble à Marcel

 

Le même Marcel qui trône dans la vitrine où la grand-mère aligne les photos de tous les morts de la famille. « Dans leurs cadres chic, pareils à de précieux carrosses ils paraissaient faire la queue à la douane ».

Une kyrielle de tantes, d’oncles, tous disparus. Chaque photo raconte une histoire. Andréa époussette les cadres avec soin, elle va entretenir leurs tombes au cimetière. Elle raconte sans se lasser l’histoire de chacun. Sauf pour Marcel, parce que,Marcel, si il y a bien sa photo dans la vitrine, il n’y a aucune tombe à fleurir au cimetière et personne ne connaît la date de sa mort.

L’enfant aime le grenier et tout ce qu’il y trouve, c’est sa curiosité qui va déclencher la tempête, quand pour un travail scolaire il se sert d’une lettre ornée d’un aigle magnifique...

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Les héritiers !

Un roman court, sobre et habile pour restituer cette part de l’histoire longtemps cachée.  Le monde de l’enfance est décrit avec virtuosité et est empreint de trendresse mais le passé que l’auteur explore à travers ce récit est marqué de sentiment de culpabilité.  

Voici ce que dit l’auteur dans une interview :

«  Marcel  était pour moi l'occasion de m'exprimer en tant qu'arrière-petit-neveu d'un collaborateur mort en Russie, sur le front de l'Est. Âgés de vingt ans, mes grands-parents ont sympathisé avec les Allemands. Ce passé a marqué mon enfance, même si je suis né vingt ans après la fin de la guerre.» © La Libre Belgique 2003

 

La langue est superbe et la traduction a value à Marie Hooghe un prix bien mérité.

 

Si le sujet vous intéresse retrouvez chez JEA plusieurs articles ici et là 

 

Le livre : Marcel - Erwin Mortier - Traduit du néerlandais (Flandres) par Marie Hooghe - Editions Fayard 

 

L'auteur

erwin.jpgNé en 1965, en Belgique (Flandre), Erwin Mortier est écrivain, journaliste et historien d'art. Il est l'auteur deMarcel (Fayard, 2003, prix de traduction Amédée Pichot 2003), Ma deuxième peau (Fayard, 2004), Temps de pose(Fayard, 2005) et Les Dix Doigts des jours (Fayard, 2007), tous traduits du néerlandais par Marie Hooghe.

 

Commentaires

  • Les histoires non réglées n'en finissent pas de ressurgir, d'une manière ou d'une autre. Je connais mal l'histoire de la Flandre, je note ce roman.

  • @ Aifelle : il faut faire connaissance avec la littérature flamande cela vaut vraiment la peine

  • @ Keisha : une écriture d'une grande sobriété et très accordée au sujet
    une découverte à faire

  • Merci de ce billet.
    J'ai lu Sommeil des dieux du même auteur.
    J'avais été emballée.
    Sans toi je ne serais peut-être pas revenue vers cet auteur,qui méritent pourtant qu'on lui accorde un peu de notre temps
    La guerre est encore présente chez Ewin Mortier à ce que je vois.
    Bonne journée sous le soleil je suppose

  • @ Autour du puits : j'ai lu et aimé "sommeil des dieux" ce roman là lu en premier est resté dans ma mémoire de par le sujet très prenant
    si tu as aimé ce roman, lis "Marcel" je pense que tu ne seras pas déçuse
    Il est sans doute un peu "habité" par la guerre mais ses antécédents familiaux y sont sans doute pour beaucoup

  • Je ne désespère pas de lire un auteur flamand ou néerlandais qui m'emballe... ah si, il y a eu Gerbrand Bakker. Je note celui-ci en tout cas, tu parles de sobriété et c'est une qualité que j'apprécie grandement !

  • @ Kathel : Si tu as aimé Gerbrand Bakker tu aimeras "Marcel" , le sujet est différent certes mais on retrouve la même sensibilité

  • Tu me donnes envie de faire connaissance avec cet auteur. Ce livre là me tente par le thème mais je vais aller voir ses autres titres

  • @ nadejda : j'ai lu à peu près tout Mortier, ce roman là reste mon préféré, mais c'est personnel et peut être lié au fait que c'est ma première lecture et que j'en suis ressorti enthousiaste

  • Le sujet me touche de très près moi qui suis née en Flandre, y ai vécu jusqu'à 22 ans.
    Ce passé trouble d'une partie de la population, ce présent si "actif" m'affectent fort, même si ma famille était wallonne...et moi bien loin.
    Je ne connaissais pas cet auteur, grand merci donc.

  • @ colo : j'ignorais tout du passé de la Flandre mais après tout il y a une forte ressemblance avec ce qui s'est passé en France

  • Un thème qui peut toucher de près ou de loin bon nombre d'entre nous ! Mais pourquoi est-ce toujours la culpabilité qui se transmet et non pas le bonheur de vivre ou le sentiment du devoir accompli de nos ancêtres ?

  • @ Annie : le sentiment de culpabilité est plutôt porté par les différents personnages, l'auteur lui se fait la mémoire du passé

  • Chère Dominique,

    Merci pour vos liens avec quelques pages qui éclairent de très récentes tentatives visant à mettre sur pied d'égalité collaborateurs et résistants en Belgique. Essais de réhabilitation des premiers et de stigmatisation des seconds. Et ces éponges passées sur l'histoire pour ensuite la réécrire sont tenues par des mains flamandes. Extrémistes.
    Si vous le permettez, je souhaiterais préciser que ces manœuvres politiques tendant à flatter un nationalisme flamand ne sont décrites chez moi que parce qu'elles empiètent sur l'histoire au point d'en devenir volontairement révisionnistes.
    Dans ce roman, le personnage est jeune. Mort sur le front de l'Est. Qui le lit, est libre d'imaginer un catholique allant combattre le communisme pour sauver son église et sa civilisation européenne (selon l'un des slogans efficaces de l'époque). Soit un idéaliste, soit un jeune homme (la majorité est à 21 ans) influençable ou encore un garçon voulant tout simplement venir en aide matérielle à sa famille, les hypothèses ne manquent pas. Et non un nazillon se voulant plus SS que les SS allemands comme il y en eut, hélas, et qui massacrèrent à l'Est sans commune mesure avec les massacres par chez nous (exception faite d'Oradour...).
    @ kathel, auriez-vous déjà lu "Le chagrin des Belges" ?

  • @ JEA : je ne pense pas avoir laissé l'impression qu'i y ait dans les personnages des hommes ou femmes au portrait très noir, ce qui m'a intéressé c'est bien qu'il s'agissait d'une collaboration ordinaire
    le héros qui comme vous le dites est jeune ne comprend pas tout événements du passé, j'ai aimé les interrogations de l'auteur, le regard qu'il porte sur les gens

  • Le thème de la repentance rétroactive à la place des pères et des grand-pères est très complexe, souvent discutable et donc polémique. Alexandre Jardin en a fait récemment un livre pénible à force de culpabilité, de mortifications et d'expiation à la limite de la pathologie. C'est très tendance en ce moment, surtout en France, avec les lois mémorielles.
    Il me semble que les secrets de famille et leurs histoires honteuses mis au jour dans des récits autobiographiques tournent toujours autour du pot. Elles ne facilitent pas la digestion et ne règlent pas grand chose. Pire, elles contribuent à stigmatiser toujours plus un passé et désigner des coupables quand elles devraient plutôt en comprendre les mécanismes afin, qui sait? d'éviter de les reproduire...

  • @ Sandrine : il n'y a aucune repentance rétroactive de la part de l'auteur, il y a un récit sous couvert du regard d'un enfant, et le récit des comportements des membres de la famille, je ne suis pas d'accord avec l'idée que ce type de récit "ne facilitent pas la digestion" tout simplement car je crois qu'il ne faut pas digérer mais garder cela en mémoire
    l'auteur est dans un récit qui raconte ce qui s'est passé, ce qu'il en comprend, il n'y a pas de portrait de monstre mais d'une famille ordinaire, c'est ce qui m'a le plus intéressé

  • Pas loin de chez moi... et pourtant je ne connais pas Erwin Mortier, je note, bien sûr. Ce passé n'est pas si lointain.

  • @ Tania : j'aime beaucoup cet auteur et je te conseille vivement sa lecture

  • Ces secrets de famille et leur terrible poids qui handicape souvent plusieurs générations, ces sujets sont universels malheureusement, qu'ils touchent à l'Histoire ou qu'ils touchent à l'intime... personne ne détient de solution. Il faut garder espoir en l'évolution des hommes, c'est le difficile travail de la vie. Des bises Dominique. brigitte

  • @ Plumes d'Anges : je reconnais là ton optimisme

  • @ Margotte : merci à toi

  • je note ce livre... je n'ai pas une sympathie innée pour les Flamands je ne sais pas bien sur quoi cela se fonde . J'ai envie de lire ce livre tout en étant un peu lasse de la période de la deuxième guerre mondiale
    Luocine

  • @ Luocine : pour moi c'est tout l'inverse, j'aime ces régions, ses paysages et sa littérature. Pour la période c'est le contraire aussi mais je comprends que l'on puisse être à un moment à saturation, ça m'arrive et je me tourne vers autre chose

  • @ sable du temps : pas d'accord mais je m'interroge sur ce que j'aurais fait ....

  • Votre belle image est aux couleurs du drapeau belge !
    Par curiosité, j'ai cherché les traces de mouvements de collaboration en Wallonie: il n'y en a pas peu !
    Mon père, prisonnier évadé d'Allemagne, me parlait peu de cela, c'est pourtant à travers lui que vit pour moi l'occupation que je n'ai forcément pas connue.

  • @ Christw : pour plus d'infos allez voir le site de JEA cela vaut la peine

  • Certaines personnes s'interrogent à propos de la conduite de leurs parents pendant la guerre, même si on ne sait pas trop ce qu'ils ont fait, dans la mesure où ils n'ont jamais voulu parler de la collaboration, ni du génocide... On a l'impression que nul ne pouvait être innocent...!

  • @ Dominique : les héros de ce roman ne sont pas du tout des monstres ils sont plutôt des lâches ordinaires ou des prisonniers de convictions erronées

  • Je ne crois pas avoir lu un seul livre traduit du flamand. je m'empresse de noter celui-ci.

  • @ Mango :; une littérature à découvrir absolument !

  • Vraiment très intéressant ce roman. Je vais me renseigner un peu plus sur cet écrivain.

  • @ Manu : il a plusieurs romans traduits mais celui ci est mon préféré

  • Après multiples galères avec le monde du PC - le mien a rendu l'âme il y a quelques semaines me laissant 'orphelin' - me voici a faire un tour par tes bouquins et content de m'arrêter dans ce billet qui parle d'un auteur flamand et de cette culture, très influent dan sel monde des arts et de l'écriture.

    De Bruxelles. Une bise. Une fois. Quoi?...

  • @ Armando : tu vas repartir avec une pile à lire !!

  • moins connu comme volet de l'histoire, ce pourrait être intéressant (et mince de zut crotte flûte, je note !)

  • @ Lystig : je crois que nos hébergeurs font des leurs selon l'ordi et selon le navigateur, en plus ils se sont tous mis à nous demander deux mots d'identificaition !!!

  • Merci pour le partage, j'ai bien envie de découvrir ce livre !
    Je suis Wallone, mon mari d'origine flamande du côté paternel ( une famille bien belge ):-)

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