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A sauts et à gambades - Page 162

  • Doña Gracia Nasi - Cecil Roth

    Une banquière en terre d'Islam

     

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                       illustrations de l'émission © Jean-Jacques Prunès

     

    Arte vient de diffuser en 4 épisodes un documentaire passionnant sur les relations entre juifs et musulmans. J’ai vu les deux premiers et à la fin du second il est question de l’Empire Ottoman qui après l’expulsion des juifs d’Espagne et du Portugal à la fin du XVème siècle, accueillit les juifs avec intérêt car le Sultan les voyait comme une source de richesse.

     

    Dans l’été j’ai lu un petit livre sur une femme tout à fait extraordinaire qui sut asseoir sa fortune et celle de sa famille dans ce contexte.

    Doña Gracia Nasi est née à Lisbonne et a grandi dans une famille juive, elle a épousé Francisco Mendes, à la mort de son mari elle va gérer l’empire commercial de la famille Mendes.

     

     

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    Quand je dis empire le mot n’est pas trop fort puisque ces puissants négociants avaient des agents à travers toute l’Europe et tout autour de la Méditerranée. 

    Une femme était pour la première fois en position d’influencer les rois et les papes.

    Quels étaient ses « clients » ? rien moins qu’ Henri II en France, Henri VIII en Angleterre, Charles Quint, les Princes du Saint Empire et le pape Paul III. Ajoutez à ça Soliman le Magnifique !!

     

     

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                                     Venise quartier du Ghetto 

     

    Le livre nous montre les pérégrinations de Dona Gracia Nasi pour fuir l’inquisition, d’abord vers Anvers, puis Venise, puis Ferrare où le Duc d’Este souhaite l’accueillir, mais la pression de l’Eglise Catholique va contraindre la famille à se réfugier à Constantinople dans le quartier de Galata.

    Cette femme est une personnalité tout à fait extraordinaire du monde séfarade du XVI ème siècle, avisée, enrichie par le commerce des épices, elle mettra sa fortune à la disposition des juifs qui fuient les persécutions et on peut supposer qu’elle continua à suivre les préceptes de sa religion malgré sa conversion de façade. A Venise elle va aider les juifs du ghetto surpeuplé et très insalubre. 

    Elle fera appliqué un boycott de la ville d’Ancône où des juifs avaient été massacrés.

     

     Femme de culture elle soutiendra l’activité littéraire et l’imprimerie dans les villes où elle résidera. Elle soutint la traduction en espagnol de la Bible hébraïque. Elle finança la création d’écoles talmudiques et de synagogues dans tout l’Empire Ottoman ainsi que d’hôpitaux. Elle occupa une place important à la cour de Soliman Ier.

    Enfin Gracia Nasi tenta de soutenir un projet d’installation d’une colonie sur le site de Tibériade en Terre Sainte qui pourrait servir de refuge aux juifs fuyant l’inquisition.

    Une personnalité légendaire grâce à qui on peut avoir une meilleure connaissance de la personnalité des monarques chrétiens et musulmans de l'époque.

     

    Un petit livre très riche en information et tout à fait surprenant.

     

    Une vidéo en anglais 

     

     

     

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     Le livre : Doña Gracia Nasi - Cecil Roth - Editions Liana Levi - Version numérique

     

  • Bravo Monsieur Saladin

    Si vous me lisez régulièrement vous savez que j'ai un faible pour Erasme.

    Un billet sur sa biographie par Zweig que j'aime beaucoup et surtout SURTOUT les Adages publiés récemment aux Belles Lettres

    Une édition époustouflante sous la direction de Jean-Christophe Saladin.

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    Non content d'avoir dirigé la traduction des Adages, il vient de s'attaquer à l'Eloge de la folie qui est publiée chez Diane de Sellier, un joli cadeau à faire pour noël !

     

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    Si vous voulez tout savoir de la Renaissance, de l'humanisme, des conflits Erasme/Luther écoutez le chez Frédéric Lenoir et Leili Anvar  et les Racines du ciel

     

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  • Pietra Viva -Léonor de Recondo

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      « la dernière fois qu'il est venu à Carrare, il a trouvé le bloc de sa pietà de Rome »

     

    Si l’on cherche bien au milieu de toutes les publications de la rentrée on finit par tomber sur des petites pépites et en voilà une.

     

    Imaginez vous au temps de la Renaissance, Michel-Ange l’artiste en vogue du moment, protégé des princes et des papes vient de réaliser une magnifique Pietà et le Pape Jule II lui commande son tombeau.

    Michel-Ange qui vient de voir mourir Andréa un moine qu’il aimait particulièrement « la beauté à l’état pur », profite de la commande du Pape pour fuir Rome et prendre la route de Carrare avec « Pétrarque dans sa besace ».

     

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                              le travail dangereux des carriers

     

     

    Nous faisons route avec lui pour atteindre le saint des saints. Il doit choisir pour son oeuvre future les plus beaux blocs de marbre et les faire convoyer jusqu’à Rome.

    « Les carriers sont âpres en affaire » mais il a en poche les ducats du Pape et il n’hésite  jamais à marchander avec opiniâtreté pour obtenir les meilleurs prix.

    Michel-Ange était réputé pour son très mauvais caractère, ici il apparait aussi en homme fragilisé par une enfance qui a laissé des traces, par le chagrin éprouvé à la mort du jeune moine.

    C’est le roman de la création artistique avec tout ce qu’elle contient de puissance, de don, mais aussi de colère, de ressentiment car pour créer il faut être un homme qui sait ressentir dans sa chair toutes les émotions. La ferveur envers la matière première du travail, les obsessions personnelles qui viennent hanter les nuit de l’artiste et qui vont aussi donner vie à ses sculptures  « Le matin, il est le premier dans la carrière à observer les montagnes qui se défont pour qu’il puisse leur insuffler ses formes à lui, leur redonner vie à sa manière. Imaginer, sculpter, créer, afin que sa volonté se fasse sur la pierre »

    Et parfois le miracle se produit « Et, soudain, il imagine un homme prisonnier d’un bloc. Un personnage qui hésiterait à sortir du marbre ou y rester et qui, troublé par la dualité de ses sentiments, aurait le visage inondé de souffrance et de plaisir » alors les ciseaux se mettent à danser.

     

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                                         Le Moïse du tombeau

     

    C’est un récit très sensuel, on a envie de caresser ce marbre, de sentir sous nos doigts la poussière, les aspérités. Le roman palpite d’une vie sourde qui explose parfois emportée par le caractère colérique du sculpteur. Sa façon de vivre dans le village est dérangeante, il n’a que peu de respect et peu de sentiments pour les plus humbles jusqu’à ce que remonte à lui ses souvenirs d’enfance, et là l’homme brutal se fait agneau.

     

    J’ai aimé voir cet homme se perdre dans le travail pour oublier la mort qui lui est si proche, mort de sa mère toujours vive, mort d’un moine et mort encore puisque l’oeuvre qu’il doit réaliser est un tombeau. Il dessine pour conjurer le sort et pour rendre la pierre vivante, pour extraire la vie du marbre blanc, pour la façonner à sa convenance.

    C’est cette alchimie particulière entre un homme en proie aux souvenirs, au chagrin, et l’homme sûr de lui, certain de son génie, c’est ce mélange qui rend le livre si attachant et si réussit.

    Il y a de la beauté, du désir et  de la violence dans ce superbe roman.

    Léonor de Récondo fait elle aussi oeuvre de création en nous livrant ce Michel Ange, l’écriture est belle et parfaitement accordée au sujet. 

     

    Vous pouvez lire l’avis de Jostein  

     

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    Le livre :  Pietra Viva - Léonor de Récondo - Sabine Wespieser Editeur

  • Fallir être flingué - Céline Minard

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                      ça pourrait se passer là.........

     

    J’avoue j’ai toujours eu un faible pour les westerns, les bons évidement, mais moi que voulez-vous quand j’entends Dean Martin dans Rio bravo je fonds totalement et je peux rester coller à l’écran pour voir Redford Jeremiah avancer dans les neiges du grand ouest américain.

    Une faiblesse bien sûr mais qui ne m’a pas quitté, alors voyez un peu ma joie et mon excitation après les dix premières pages du roman de Céline Minard.

     

    Je fais acte de contrition, je râle fréquemment contre le peu d’imagination et de souffle des écrivains français, et bien là chapeau bas (de cow-boy) Madame Minard.

     

     

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    Bon je vous la fait courte car vous avez dû déjà lire cela dix fois.

    Nous voilà dans une grande plaine mais avec juste les montagnes à main droite, genre le Wyoming ou le Montana

    Des migrants avancent péniblement, chariots, hommes et bêtes, bien portants et mourants, à quelques pas de là des indiens, des hommes en fuite, des voleurs, des grigous et d’autres au grand coeur. 

     

    Pour faire bonne mesure il y a la quête de nourriture, la chasse, la recherche d’un abri pour la nuit, la traversée des rivières..........

    Si vous êtes comme moi ces mots là ont dû faire apparaitre des images oubliées, de piste suivi par les troupeaux, de campements sous la lune, de danger dans l’ombre.

     

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                                  Hunters' Supper Frederic Remington

     

    Allons un peu plus avant, une ville vient de se créer, sa quincaillerie, son saloon au piano mécanique, ses filles et la tenancière derrière le bar. Il y a le barbier qui fait la peau douce, et celui qui loue tout (ouais ça existait déjà). 

    Que ce passe t-il lorsque les uns rencontrent les autres, des duels au pistolet ? des verres de whisky échangés ? ou des plaies recousues ........

    Voilà je n’irai pas plus loin, si vous hésitez à lire ce livre, regardez Règlement de compte à OK Corral ou alors Eldorado et ouvrez le livre, vous y êtes ..........

     

     

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    vous le reconnaissez le saloon ?

     

    Ici il faut que je remercie Clémence qui m’a donné envie de lire ce livre lors du dernier club lecture de la Médiathèque.

     

    Si vous voulez avoir des détails plus précis c’est chez Lecturissime ou Sibylline et pour avoir un avis masculin allez voir Jérôme

     

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    Le livre : Faillir être flingué - Céline Minar - Editions Payot Rivages version numérique

  • Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier

    Il faut parfois traverser l’Atlantique pour trouver un roman comme on les aime. Un roman que l'on a envie d'offrir ou de prêter immédiatement.

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                               Quand la forêt brûle

     

    Ce roman est un vrai moment de plaisir et le reste jusqu’à la fin.

    Un lieu fait pour me plaire : la forêt un rien sauvage et des cabanes en rondins. 

    Un fil rouge intelligent qui est déroulé par une photographe en quête de témoignages sur les incendies gigantesques qui ont au début du XXème siècle endeuillé le Québec.

    Des personnages attachants qui marchent un peu sur une corde raide mais que l’on a envie de voir finir la traversée de la vie ensemble. 

     

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                                                      © Photo de Jean Provencher

     

    Pour terminer son enquête et trouvé un dernier témoin « qui avait survécu aux Grands Feux et qui avait fui sa vie dans la forêt » il se nomme Ed Boychuck, notre photographe rôde à la recherche d’un ermitage où Ed aurait pu se réfugier loin de la civilisation. 

     

    Elle ne trouve pas Ed mais fait la connaissance de Charlie et Tom, Charlie le taiseux et Tom le gouailleur. Ils sont presque centenaires mais sont encore capable de couper leur bois et de faire marcher un alambic. Pour le reste motus et bouche cousue sur leurs raisons d’être là, sur leur passé. Ils ont choisi leur vie et bon sang de bois n’ont pas l’intention que quelqu’un s’en mêle ! 

    Ils ont un lien avec la civilisation, Bruno, qui n’est pas non plus le modèle du type bien sous tous rapports. 

     

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    Mais elle est têtue notre photographe et elle n’a qu’une envie c’est faire plus ample connaissance, et lorsque Bruno se retrouve avec une vieille tante elle aussi quasi centenaire sur les bras tout va basculer et s’accélérer. Je vous livre son nom : Marie Desneiges 

     

    Je ne veux pas vous priver du plaisir de découvrir plus avant ces personnages qu’on voudrait bien avoir pour amis. Et puis il est normal de payer un peu de sa personne en maniant la hache, la canne à pêche, en touillant un repas pour tout ce monde là. 

    Vous passerez du rire aux larmes bref vous serez en empathie totale avec eux.

     

    Un livre qui fait l’occasion belle pour se renseigner un peu sur les grands incendies qui ravagèrent les forêts du Québec, qui fait aussi s’interroger sur ce que l’on souhaite pour soi et pour les autres lorsque la vie se fait trop dure.

     

    Allez glissez vous sous une peau d’ours et à l’abri des tempêtes et ouvrez ce livre. Moi je fais un clin d'oeil à Aifelle qui m'a poussé à la lecture

     

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    Le Livre : Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier - Editions Denoël 

  • L'échange des princesses- Chantal Thomas

    Après les déceptions, les réels plaisirs avec un récit historique qui se situe au XVIII ème siècle et met en scène deux fillettes qui vont servir de troc entre deux nations.

     

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                                              Le régent Philippe d'Orléans

     

    Pour améliorer les relations franco-espagnoles et asseoir ses prétentions au trône de France, le Régent Philippe d’Orléans va proposer à la couronne d’Espagne, deux mariages pour le moins surprenants.

    On marie qui avec qui ?

    Le futur Louis XV qui a tout juste 11 ans avec l’infante d’Espagne Anna Maria Victoria qui en a ........4, et comme il faut équilibrer les comptes le Régent projette de marier ...sa propre fille Louise-Elisabeth, Melle de Montpensier, songez qu’elle au moins à l’âge du mariage, elle a 12 ans et son promis le prince des Asturies futur roi a, lui, l’âge canonique de 15 ans.

     

    Les deux royaumes sont tout à fait heureux à la pensée de ses deux unions. On organise et c’est le Duc de Saint Simon qui va être l’émissaire du Régent, il faut dire qu’il lorgne depuis longtemps sur un titre de Grand d’Espagne que lui conférera à coups sûr son rôle d’entremetteur.

     

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    l'ambassadeur auprès de la cour d'Espagne

    Il ne suffit pas de signer les contrats de mariage, il faut organiser  l’échange des princesses. Pendant des mois ces deux fillettes vont prendre la route et rouler l’une vers l’autre et vers leurs époux respectifs.

     

    Si la très jeune infante d’Espagne, après un voyage où elle a mille occasions de perdre la vie, s’habitue assez bien à la cour de France, c’est une petite poupée qui passe de mains en mains, qui séduit et s’amuse dans les jardins de Versailles.

    Il n’en ai pas de même pour Melle de Montpensier qui vit elle un cauchemar absolu. Son futur époux est laid, la cour lui fait grise mine, le palais de l’Escurial est sinistre et l’époque n’est pas très riante, la monarchie étant sous la coupe de la terrible Inquisition.

     

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    Anna Maria Victoria et Louise-Elisabeth,

    héroïnes malgré elles de "l'Echange des princesses"  (©DR)

    Un récit totalement historique et totalement incroyable.
    J’avais lu avec plaisir Les Adieux à la reine et j’ai retrouvé ici le même plaisir. L’écriture est parfaite et s’accorde à merveille avec l’époque décrite. L’utilisation des lettres et journaux des différents protagonistes est faite avec habileté et sans jamais peser sur le récit.

    Chantal Thomas fait un tableau étonnant de la cour d’Espagne et peint parfaitement le Versailles de cette époque.

    La fin n’est pas une surprise car nous savons tous que Louis XV épousera finalement Marie Leczinska, mais le récit de cette échange extraordinaire garde toute sa force.

     

      

    Le livre : L’échange des princesses - Chantal Thomas - Editions du seuil numérique