Une banquière en terre d'Islam
illustrations de l'émission © Jean-Jacques Prunès
Arte vient de diffuser en 4 épisodes un documentaire passionnant sur les relations entre juifs et musulmans. J’ai vu les deux premiers et à la fin du second il est question de l’Empire Ottoman qui après l’expulsion des juifs d’Espagne et du Portugal à la fin du XVème siècle, accueillit les juifs avec intérêt car le Sultan les voyait comme une source de richesse.
Dans l’été j’ai lu un petit livre sur une femme tout à fait extraordinaire qui sut asseoir sa fortune et celle de sa famille dans ce contexte.
Doña Gracia Nasi est née à Lisbonne et a grandi dans une famille juive, elle a épousé Francisco Mendes, à la mort de son mari elle va gérer l’empire commercial de la famille Mendes.
Quand je dis empire le mot n’est pas trop fort puisque ces puissants négociants avaient des agents à travers toute l’Europe et tout autour de la Méditerranée.
Une femme était pour la première fois en position d’influencer les rois et les papes.
Quels étaient ses « clients » ? rien moins qu’ Henri II en France, Henri VIII en Angleterre, Charles Quint, les Princes du Saint Empire et le pape Paul III. Ajoutez à ça Soliman le Magnifique !!
Venise quartier du Ghetto
Le livre nous montre les pérégrinations de Dona Gracia Nasi pour fuir l’inquisition, d’abord vers Anvers, puis Venise, puis Ferrare où le Duc d’Este souhaite l’accueillir, mais la pression de l’Eglise Catholique va contraindre la famille à se réfugier à Constantinople dans le quartier de Galata.
Cette femme est une personnalité tout à fait extraordinaire du monde séfarade du XVI ème siècle, avisée, enrichie par le commerce des épices, elle mettra sa fortune à la disposition des juifs qui fuient les persécutions et on peut supposer qu’elle continua à suivre les préceptes de sa religion malgré sa conversion de façade. A Venise elle va aider les juifs du ghetto surpeuplé et très insalubre.
Elle fera appliqué un boycott de la ville d’Ancône où des juifs avaient été massacrés.
Femme de culture elle soutiendra l’activité littéraire et l’imprimerie dans les villes où elle résidera. Elle soutint la traduction en espagnol de la Bible hébraïque. Elle finança la création d’écoles talmudiques et de synagogues dans tout l’Empire Ottoman ainsi que d’hôpitaux. Elle occupa une place important à la cour de Soliman Ier.
Enfin Gracia Nasi tenta de soutenir un projet d’installation d’une colonie sur le site de Tibériade en Terre Sainte qui pourrait servir de refuge aux juifs fuyant l’inquisition.
Une personnalité légendaire grâce à qui on peut avoir une meilleure connaissance de la personnalité des monarques chrétiens et musulmans de l'époque.
Un petit livre très riche en information et tout à fait surprenant.
Une vidéo en anglais
Le livre : Doña Gracia Nasi - Cecil Roth - Editions Liana Levi - Version numérique