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Le Grand troupeau - Jean Giono

 

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Depuis quelques mois j’ai lu plusieurs des livres de Nicole Lombard et ses références à Giono sont permanentes, elles donnent nécessairement envie de le lire ou le relire.

Le Grand troupeau écrit en 1931 est de ces envies là. 

 

J’étais un peu sceptique avant ma lecture, mes lectures de Giono antérieures ne cadraient pas bien avec un récit de guerre. 

Et bien autant pour moi, c’est certainement un des plus beau roman sur la guerre que j’ai lu, avec une approche tellement singulière qu’elle va restée je pense inoubliable pour moi.

 

Août 14, les hommes appelés au combat quittent leurs fermes, leurs champs, leurs femmes et leurs enfants. 

Joseph marié à Julia est un des premiers à partir, suivra Olivier amoureux de Madeleine. Restent à la ferme pour faire les moissons et les vendanges que deux femmes et un papé.

Bientôt les récoltes et le bétail seront aussi réquisitionnés. 

Bien sûr lors du retour du front rien ne sera simple, amputation, blessure volontaire vont marquées à jamais hommes et femmes. 

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                  Même le mulet est réquisitionné 

 

Simple me direz-vous, alors qu’est-ce qui fait de ce roman un très très grand livre ? 

Tout d’abord un scène d’ouverture absolument fulgurante, un énorme troupeau de moutons traverse vallées et villages avec seulement deux bergers tous les hommes ayant été appelés, et ce troupeau impressionne « tout l'air tremblait et on ne pouvait plus parler », métaphore saisissante des hommes que l’on conduit à la boucherie que sera la guerre.

« Parfois, ça devait s’arrêter là-bas, au fond des terres où s’était perdu le berger… L’arrêt remontait le long du troupeau, puis ça repartait avec un premier pas où toutes les bêtes bêlaient de douleur ensemble. »

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Ensuite Giono va tout au long du roman nous faire passer de l’arrière provençal au champ de bataille mais sans jamais être précis sur les lieux, sur les dates. Ce flou voulu rend le récit atemporel et lui confère une force supplémentaire.

Giono le pacifiste ne se perd pas en discours inutiles, ses descriptions du chaos sont bien suffisantes, il nous fait sentir en quelques phrases l’angoisse du soldat, les gestes de Joseph auprès d’un blessé disent tout de la peur, de la douleur. Pas de scènes héroïques, pas de descriptions de bataille. Les hommes seuls importent. La folie guette parfois.

 

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Giono  peint ce monde rural dévasté par le départ des hommes et les annonces de morts et de blessés. Une scène très forte m’a particulièrement remuée celle d’un hommage rendu, une cérémonie « au corps absent » car l’homme n’a jamais été retrouvé.

Les femmes qui vont empoigner le travail des hommes mais qui la nuit venue cherchent dans le lit la marque de l’absent « Elle vint découvrir le grand lit. Il en a tellement l’habitude que la place du Joseph est encore formée et que, dans le blanc des draps, ça fait comme un homme d’ombre couché là ».

Il faut être un grand romancier pour parvenir à teinter un tel récit d’éclats de poésie.

« Il n’y aurait qu’à ouvrir la fenêtre, tout deviendrait clair. Les amandiers et sur le blé ces ombres rondes comme des pastèques. Et ce vent frais tiré de l’eau. Les tulipes et les hirondelles, ces fleurs d’amandier qui tombent. »

 

Ce roman est comme la suite naturelle de Jean le bleu qui se termine ainsi :

« On entra dans l’année quatorze sans s’en apercevoir. Elle fit tout doucement son jeu de neige, d’hirondelles, d’amandiers en fleur. Les blés montèrent comme d’habitude. Les tulipes des champs arrivèrent à l’heure ; elles sortaient paisiblement des vieux oignons du printemps treize. Les hirondelles retrouvaient leurs nids. Les hases avaient fait des troupes de petits levrauts. Autour des bergeries on agrandissait les barrières parce que, cette année-là, le sel des béliers s’annonçait bien divisé ; on avait presque un tiers de plus d’agneaux. « 

 

Faites une place à ce livre dans votre bibliothèque

 

Le livre : Le Grand troupeau - Jean Giono - Editions Gallimard Folio

Commentaires

  • Je n'ai pas lu Giono depuis bien longtemps, tu me tentes fort avec ce roman, qui parle beaucoup de ce qui se passait à l'arrière, si je comprends bien ?

  • @ Aifelle : le roman se divise en deux et les parties alternent, mais il y a une étude magnifique de la vie rurale en temps de guerre, ces femmes et ces vieux qui doivent à la fois protéger leurs biens, nourrir tout le monde et en même temps imaginer la guerre

  • Comme Aifelle, mes lectures de Giono me semblent remonter à un passé lointain. Comme Aifelle, je suis bien tentée par ce roman, d'autant plus que je sais combien l'écriture de Giono pouvait être poétique. D'autant plus aussi qu'il y aura 100 ans en août que les hommes sont partis combattre....

  • @ Martine : on est parfois un peu lassé par l'avalanche de livres lors d'une commémoration mais à part Lemaître je n'avais plus lu depuis un certain temps sur la guerre de 14, le roman de Giono m'a tenté par son caractère particulier et parce que Giono !

  • Je ne suis pas une inconditionnelle de Giono, mais ce roman là, c'est quelque chose ... La scène inaugurale que tu évoques, sous la métaphore, est d'une violence dénonciatrice et en même temps,si tellement terriblement belle .... Cela me fait penser que depuis le temps que je veux lire "Un roi sans divertissement", il va falloir que je me décide. Les deux textes sont souvent comparés, je crois.

  • @ Athalie : j'aime beaucoup Giono d'une façon générale même si tout ne me touche pas, ce roman là jamais lu m'a fait vraiment un choc, cette scène inaugurale et magistrale de violence ET de poésie c'est là un tour de force

    Un roi sans divertissement est un roman déroutant, je l'aime mais je dois dire qu'il ne m'a séduit qu'à la seconde lecture, la première fois j'étais restée sur ma faim

  • Je le lirai avec grand plaisir, Dominique. Giono fait partie des auteurs que j'ai longtemps évités et qui m'ont éblouie une fois que j'ai commencé à les lire. De plus, ici, c'est presque le pays de Giono !

  • @ Annie : je crois que ses descriptions de l'arrière pays de la guerre va te séduire et te parler

  • Il faut absolument que je le lise ! Mes lectures anciennes de Giono m'avaient emballée, et dans ses Ecrits pacifistes lu récemment, il y a des chapitres qui ont été ôtés de la version finale du Grand troupeau et qui donnent grande envie de le lire.

  • @ Kathel : j'ai aimé ce parti pris des deux parties bien différentes mais sa façon de montrer les combats est elle aussi forte sans mots inutiles sans précisions sur les combats eux mêmes tout est centré sur les hommes

  • Moi non plus je ne suis pas une inconditionelle de Giono mais qui sait avec l'âge peut-être que je le verrais sous un autre oeil
    Il y avait eu un Carnet Nomade qui lui avait été consacré il me semble ou bien était-ce une autre émission ?
    Je ne sais plus très bien

  • @ Aloïs : je ne suis pas non plus "inconditionnelle" il y a des choses que j'aime moins, des aspects de sa vie que je trouve peu glorieux mais beaucoup de ses oeuvres me plaisent infiniment et celle là m'a vraiment littéralement assommé

  • Si je peux me permettre, un extrait d'un texte écrit quelque temps après par Giono :
    "Je ne peux pas oublier la guerre. Je le voudrais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser et brusquement, je la revois, je la sens, je l'entends, je la subis encore. Et j'ai peur. Ce soir est la fin d'un beau jour de juillet. La plaine sous moi est devenue toute rousse. On va couper les blés. L'air, le ciel, la terre sont immobiles et calmes. Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie, les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre. L'horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les survivants portent la marque."

  • @ Sandrine : tu peux tout te permettre surtout avec un texte comme celui là qui dit bien cette souffrance ressentit longtemps après et qui transpire dans les pages de ce roman

  • Inconditionnelle de Giono... Relu ce grand roman il y a peu, fabuleux !

  • @ Pascale : je le suis peut être moins que toi, encore que j'ai encore plusieurs romans à lire de lui ! mais celui là est fulgurant

  • Je ne doute pas de ce bon conseil de lecture. Je l'ai lu il y a très très longtemps. Il retrouvera certainement une place dans mes heures de lecture maintenant.

  • @ Christw : un livre magistral

  • J'ai lu et aimé plusieurs livres de Giono (beaucoup aimé le hussard sur le toit) mais pas celui-là que je m'empresse de noter.

  • @ Nadejda : j'ai le Hussard à lire et je m'en réjouis à l'avance

  • Depuis quelque temps l'envie de lire cet auteur (à nouveau) me titille. Allez?!

  • @ Keisha : ah oui tu es comme moi victime de titillement !!

  • J'ai dû lire un Giono il y a longtemps et je ne me souviens même plus lequel, tu m donnes envie de le relire avec ce thème de01-8 (et la citation donnée par Sandrine... )

  • @ Anne : le type de roman qu'on lit et que l'on relit un jour

  • Un Giono que je n'ai pas lu, assurément j'ai tort. Heureusement, les livres savent attendre.

  • @ Tania : le propre des classiques, le temps ne fait rien à l'affaire !!

  • Quelle métaphore en effet ! Une seule envie... retrouver Giono et sa poésie, et sa lumière... Bises et beau lundi Dolminique. brigitte

  • @ Plumes d'Anges : Brigitte je profite de ton commentaire pour te dire que ce matin impossible de mettre un com chez toi la frappe du mot de passe est en permanence refusé comme un doublon !! j'ai essayé 6 fois puis je me suis lassée

  • Quel style ce Giono! C'est vrai que c'est un grand écrivain! Il a eu une grande influence sur la jeunesse de son époque avec sa théorie du retour à la nature. Je l'aime beaucoup et l'ai beaucoup fréquenté jadis mais avec tout ça, je ne connais pas ce roman de guerre!

  • @ Claudialucia : ma fréquentation a été intermittente ce qui fait qu'il me reste à lire plusieurs romans ce dont je me réjouis

  • @ miriam : ah je te croyais au Maroc :-)

  • Je voudrais relire "Que ma joie demeure", je l'ai ressorti pour le relire depuis un bout de temps déjà, il faut que je m'y mette. J'avais adoré ! Celui-ci sur la guerre me tente moins je dois dire !

  • @ Hélène : les livres sur la guerre sont légion mais celui là est un peu à part et c'est ce qui m'a attiré
    Je viens de finir "que ma joie demeure" et je reste totalement sous le charme

  • moi aussi j'avais lu "Que ma joie demeure" à 17 ans, et c'était un livre qui m'avait fait palpiter, j'avais souligné tous les passages remplis d'une force poétique presque métaphysique et pendant longtemps, je n'ai pas pu ouvrir un autre roman, ensorcelée que j'étais par celui-ci.

  • @ Joëlle : je l'ai lu avec d'abord une prévention car la préface annonçait un côté messianique et cela m'indispose un peu mais ensuite ce livre est fantastique
    Vrai qu'ensuite après le Grand troupeau et Que ma joie demeure j'ai un peu de mal à lire autre chose
    Dans ce cas là je me soigne à coup de polars

  • J'accompagne des adolescents en tant que bénévole surtout en français, peinture etc.. Je viens de découvrir "Le grand troupeau" enfin quelques extraits, même si je connais cet auteur, à "mon époque" au lycée, non mixtes, les filles lisaient Colette, Sand, et les garçons Giono, Mauriac, donc il m'a fallu oublier cette fâcheuse habitude, j'ai découvert Giono tard avec "La rondeur des jours" et mon mari guide mes lectures d'auteurs hommes mais malheureusement peu lisent Colette etc..sauf Mr Garcin , amoureux de Colette! Oui, Giono a été emprisonné pour refuser de partir à la guerre de 39/45, si tous nos hommes avaient réagi ainsi...,!? Le pacifisme, magnifique mais nos hommes ont besoin de l'héroïsme mais qui est le plus héroïque, celui qui suit le grand troupeau ou le rebelle?
    Bien à vous tous, toutes nos chers jeunes...
    nelly

  • merci pour ce commentaire et bienvenue sur ce blog
    j'espère que vous y trouverez des lectures intéressantes

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