Giono est le roi de l’imaginaire, capable d’inventer même sa biographie ! Aussi quand j’ai commencé Le Déserteur j’ai cru qu’il s’agissait de fiction, mais au fil des pages j’ai eu un gros doute et bien sûr après recherche j’ai découvert que ce déserteur là avait bel et bien existé et que Giono l’a mis en lumière à la demande d’un artiste-éditeur
Une région magnifique
Il était ce qu’on appelle un peintre itinérant, il travaillait sur commande et réalisait des ex-voto, des images pieuses, des portraits. Il a fait tout ça sous un nom d’emprunt : Charles Frédéric Brun, or cet homme n’a jamais existé si l’on en croit les registres de l’Etat civil et pourtant il est bien réel.
C’est là que le talent de Giono opère, certes on ne sait que peut de chose de ce peintre mais Giono lui crée une vie, fabrique une identité à cet homme sans passeport qui arrive dans le Haut Valais en 1843 par des chemins empruntés par les contrebandiers ou les hors la loi.
Si comme moi vous connaissez la région on est du côté de Nendaz, d’Hérémence mais aussi la vallée d’Abondance.
En lisant le roman on pense immédiatement à Jean Valjean, il faut dire que Giono quand il écrit le Déserteur vient de relire les Misérables.
Charles Frédéric trouve le gîte chez l’habitant, dans les granges ou les raccards « On lui a fait un lit avec des vieux sacs à côté du poêle » Il vit simplement, frugalement et il peint.
Un raccard
Il fait halte dans le Chablais, on le voit passer à Vallorcine. Il va par les sentiers muletiers, s’arrête dans les hameaux.
Mais c’est dans le Valais qu’il est le mieux accueilli et pourtant « Ce n’était pas facile en 1850 de se faire adopter par un village de montagne du Valais »
Ses peintures plaisent « Elles ont été conservées ici parce qu’elles plaisaient au coeur populaire » Il ne fut jamais dénoncé, il a une place dans le coeur des villageois qui lui passent commande ainsi le portrait de Mme Fragnière :
« Marie-Jeanne Bournissay de son nom de jeune fille, préside son ménage. On ne peut pas distraire un quignon de pain et un quart de fromage de ses placards sans qu’elle en soit avertie. »
Le peintre se diversifie « il voudrait tout enrubanner de rose, fleurir ces neiges livides et réchauffer ces autans, donner à tout le monde le paradis naïf qui s’émerveille en lui. »
Il peint des saints, des vierges à l’enfant, les rois mages et autres scènes bibliques et il peint même Geneviève de Brabant, voilà qui aurait plu à Proust
« la robe de Geneviève a des plis, son voile de mariée est brodé d’un liséré de fleurs et sa couleur imite la transparence, etc., rien n’est passé au pochoir, tout est peint délicatement »
J’ai trouvé d’occasion un livre qui outre le texte de Giono rassemble les oeuvres du peintre et c’est magnifique de couleurs, de vivacité et d’une foi naïve de celle qu’on appelle la foi du charbonnier. C’est grâce à un curé de campagne qui commença à collectionner les oeuvres et récolta ces peintures colorées auprès de ses paroissiens que ce livre put se faire.
Vous pouvez voir certaines des oeuvres de ce peintre au musée de Sion en Suisse mais aussi à la Chapelle Saint Michel à Nendaz signalée par Tania
un billet de Cléanthe sur ce livre
Le livre : Le déserteur - Jean Giono - Editions de Fontainemore ou Gallimard Folio