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  • Quai du polar 2019 et ses noires trilogies

    J’ai décidé de fêter à ma manière le festival Quai du Polar. 
    Je dis à ma manière parce que très peu pour moi des queues interminables pour apercevoir un auteur et plus encore l’écouter parler. Foin de la foule qui se presse en masse pour acheter le dernier Connelly ou Bussy. 

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    Non je me suis plongée dans des eaux noires bien à l’abri, dans mon fauteuil mais je dois dire que j’ai malgré tout frissonné un rien.

    Je vous propose de faire connaissance avec deux flics, deux trilogies, deux pays et deux époques.
    Je me garde toujours un polar ou deux sous le coude pour les jours de disette : disette d’envie de lire, disette de livres à lire (euh ça c’est plus rare) voilà comment j’ai fait connaissance de l’Inspecteur Wisting et de Franck Stage.

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    Le passé en premier, Cay Rademacher nous transporte dans l’immédiat après-guerre à Hambourg. La ville a subi des bombardements pendant des mois, le décor est sinistre, tout est dévasté et le premier opus de la trilogie se passe en plein hiver par moins vingt degrés.

    Voilà le cadre est posé, le flic de service Franck Stage, après avoir montré patte blanche auprès des autorités anglaises, prouvé qu’il n’avait jamais été nazi, est en charge de la brigade criminelle. Sa femme est morte dans les bombardements et son fils engagé dans les SS, lui, a disparu. 

    Il est secondé, parce que les alliés sont moyennement confiants à cette époque, par un lieutenant de l’armée britannique Mac Donald et il peut aussi trouvé de l’aide auprès du procureur Erlich, un chasseur de nazis.

    Trois enquêtes donc très réussies. Le marché noir, la prostitution des enfants, la faim, la peur car ce fut l’Apocalypse à Hambourg :

    « Dans la tempête de feu de 1943, le goudron bouillait. Des femmes et des enfants qui fuyaient leur domicile en flammes y sont restés englués. Ils se sont débarrassés de leurs chaussures collées au bitume, se sont remis à courir, pour quelques enjambées seulement : leurs pieds nus se sont enfoncés jusqu’aux chevilles dans cette masse bouillonnante. Puis les flammes des incendies les ont rattrapés. »

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    Le binôme anglo-germanique fonctionne bien, le tableau de cette Allemagne à terre est juste, le temps est en quelque sorte suspendu mais les meurtres eux ne s’arrêtent pas et les conditions d’enquête sont très difficiles. Comme il se doit l’histoire personnelle du héros évolue aussi et l’on prend plaisir à suivre le parcours de cet homme qui tente de se relever, d’oublier, de vivre à nouveau. 

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    Le tableau n’est pas manichéen et l’auteur nous fait pénétrer dans les tréfonds d’une ville en décrépitude avec les bassesses, les faiblesses et parfois ici ou là un rien d’espoir. C’est très réussi. 

     

    D’un coup d’aile je vous transporte de nos jours en Norvège, ben oui Quai du polar cette année met les nordiques à l’honneur. 
    Question nordique on ne fait pas mieux avec l’inspecteur Wisting un veuf tranquille dont la fille Line partage la vie d’un mauvais garçon. 

    Nous sommes dans la Norvège qui est au top 5 des rêves pour réfugiés. Un pays magnifique …euh à part le climat, moi il me convient mais je vous prévient vous allez grelotter évidement.

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    beau mais frais

    Les enquêtes sont classiques mais pas fades du tout, on se prend au jeu facilement. J’ai lu les trois romans pffff dans la foulée.

    Le premier opus se passe sur une commune où notre inspecteur à un chalet, lieu magnifique mais qui va vite se transformer en scène de crime.
    La construction des trois enquêtes est habile, les personnages sont prenants et l’on finit vite par être captivé par l’énigme posée.

    Dans le second roman Wisting est mis en cause sur une ancienne enquête qu’il aurait bidouillé, my god ! Il va lui falloir se défendre en plongeant dans les archives aidé par sa fille Line qui j’avais oublié de vous le dire est journaliste d’investigation.

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    Scène de crime à la norvégienne

    Dans le troisième c’est une série de disparitions à quelques vingt années d’intervalle qui va faire peser sur la police une pression distillée par les médias.
    Jorn Lier Horst connait parfaitement le système, la police, les médias et la société norvégienne, il a été flic lui-même. Mine de rien il dénonce les dérives qu’elles soient policières ou médiatiques.

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    L'auteur

    Ne cherchez pas d’analyse trop psychologisante, c’es l’efficacité nordique qui est à l’oeuvre.
    J’ai marché pour les trois romans et il parait qu’en fait c’était le 8 ème roman de l’auteur, alors Gallimard a encore quelques titres à nous offrir. 

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    Les Livres de Cay Rademacher traduits par Georges Sturm - Editions du Masque

    1 L’orphelin des docks

    2 L’assassin des ruines

    3 Le faussaire de Hambourg

    Les livres de Jorn Lier Horst Traduits par Hélène Hervieu et Céline Romand Monnier- Editions Gallimard et folio

    1 Fermé pour l’hiver

    2 Les chiens de chasse

    3 L’usurpateur

  • Jours de travail Les Journaux des Raisins de la colère - John Steinbeck

    Ce livre s’adresse aux lecteurs de Steinbeck, aux admirateurs de son roman le plus célèbre : Grape of wrath, les Raisins de la colère.

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    C’est un roman que j’ai découvert très tôt, trop sans doute mais si je n’ai pas lors de ma première lecture apprécié l’ensemble à sa juste valeur, j’ai néanmoins ressenti fortement cette volonté forte, déterminée, de prendre fait et cause pour les démunis, les traine-savates, les exclus. 

    Quand Steinbeck commence l’écriture des Raisins de la colère il vient de connaitre le succès, succès de ses deux derniers livres : En un combat douteux et surtout Des souris et des hommes. 

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    Adaptation théâtrale, Hollywood lui fait les yeux doux, il est harcelé par les médias pour des émissions, interviews, réceptions et il se sent piégé et incapable de mener à bien en même temps l’écriture d’un roman ambitieux.

    Le journal qu’il tient pendant ces quelques mois d’écriture traduit fidèlement ses difficultés, ses emballements, ses doutes. Steinbeck est pressé par le temps, il s’impose des délais intenables, écrire 2000 mots chaque jour, il se fixe des objectifs pour les oublier le lendemain.
    « Un livre a-t-il jamais été écrit dans des conditions plus difficiles ? »

    Il tente de lutter contre le délitement de son temps d’écriture et de sa concentration, les bruits intolérables, les coups de téléphone, les amis qui s’invitent et surtout le projet d’achat d’une propriété qui lui tient à coeur mais qui traine en longueur et vient perturber son écriture.

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    Chaplin est parmi les visiteurs

    L’écrivain travaille à son domicile et pour son entourage il n’est pas vraiment au travail, il est là, disponible. « ils m’observent et ne sont plus naturels. »
    Il se fait aussi des reproches, il a une tendance à la paresse, au découragement 
    Plus grave encore on le sent préoccupé par l’évolution vers la guerre, les accords de Munich, sa vision de plus en plus forte d’une guerre imminente. 

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                                                                        Munich 1938 

    « Ce livre est ma seule responsabilité et je dois m’y coller, et rien d’autre. Ce livre est ma vie à présent ou doit l’être. Quand il sera terminé, viendra le temps d’une autre vie. Mais pas avant qu’il ne soit achevé. Et les autres vies ont commencé à faire irruption. Cela ne fait aucun doute. C’est pourquoi je prends autant de temps à écrire ce journal ce matin. Pour me calmer

     Sa principale préoccupation est de bien traduire dans son écriture le combat des pauvres cueilleurs, fermiers qui ont tout perdu, métayers d’Oklahoma fuyant la misère et la poussière; la vie effroyable dans les camps de migrants.

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    Camp  Photo de Dorothea Lange 

    On sent dans le journal cette volonté d’être à la hauteur, c’est un corps à corps avec les difficultés, les personnages, on les voit naitre sous sa plume 
    Son épouse tape frénétiquement au fur et à mesure de l’écriture. 

    On voit le roman avancé et je me suis reportée au fur et à mesure aux chapitres du roman correspondants, on voit le déroulé, le plan des différentes étapes du roman. On voit les personnages prendre de l’épaisseur. En même temps Steinbeck est bouleversé par la famine et la détresse des cinq mille familles de saisonniers venus en surnombre pour la cueillette des petits pois, son nom va servir de caution, ajoutant ainsi à la pression qu’il ressent.

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                                                  © Dorothea Lange 

    On apprend par son journal que c’est sa femme qui a trouvé le titre splendide issu d’un chant patriotique américain. « un titre merveilleux, le livre existe enfin »

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    Il se sent totalement responsable  « C’est la partie importante du livre. Je dois la réussir. Cette petite grève. Je dois la gagner. Il faut que ce soit plein de mouvement et qu’il y ait la combativité de la grève. Et il faut la gagner »

    Le livre est un énorme succès dès sa sortie mais Steinbeck est poursuivi par la vindicte des grands propriétaires ou des banquiers montrés du doigt dans le roman. Son livre est interdit de vente dans certaines villes de Californie.

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    En 1940 Steinbeck reçoit le prix Pulitzer Pour Les Raisins de la colère

    Je suis une inconditionnelle de Steinbeck alors évidement je suis partiale, mais si comme moi vous aimez ses romans alors lisez ce livre qui fait pénétrer dans l’intimité de la création, ses joies et ses affres.

    Chaque entrée du journal est repris en notes par Pierre Gugliemina ce qui éclaire le lecteur et apporte une saveur supplémentaire au journal. Il dit que Steinbeck a pleinement conscience d'écrire un roman révolutionnaire.
    Il est évident que l’on a une seule envie, celle de relire le roman dont les premiers mots sont restés dans la mémoire de beaucoup de lecteurs :

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    « Sur les terres rouges et sur une partie des terres grises de l’Oklahoma, les dernières pluies tombèrent doucement et n’entamèrent point la terre crevassée. » 

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    Le livre : Jours de travail -Les journaux des Raisins de la colère -John Steinbeck - Traduit par Pierre Guglielmina - Editions Seghers

  • Bribes de justice

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    « Je serai toujours là, partout, dans l’ombre. Partout où tu porteras les yeux. Partout où y aura une bagarre pour que les gens puissent avoir à manger, je serai là. 

    Partout où y aura un flic en train de passer un type à tabac, je serai là. 

    Si c’est comme Casy le sentait, eh ben dans les cris des gens qui se mettent en colère parce qu’ils n’ont rien dans le ventre, je serai là, et dans les rires des mioches qu’ont faim et qui savent que la soupe les attend, je serai là. 

    Et quand les nôtres auront sur leurs tables ce qu’ils auront planté et récolté, quand ils habiteront dans les maisons qu’ils auront construites… eh ben, je serai là. Comprends-tu ? » 

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    Des personnages inoubiables

    Le Livre : Les Raisins de la colère -  John Steinbeck - Traduction Maurice Coindreau et Marcel Duhamel - Le livre de poche ou Gallimard Biblos

  • Divine surprise

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    J’aime la philo, j’ai toujours été curieuse des écrits de Nietzsche aussi j’ai été particulièrement heureuse du cadeau que m’on fait mes filles de son oeuvre en pléiade.

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    Enfin quand je dis son oeuvre, il serait plus juste de dire du 1er tome de son oeuvre. 

    C’était en 2000……..

    Et depuis j’attends le tome 2……

    Heureuse nouvelle il est paru le 14 mars 2019……..

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    Je n’ose même pas demander la date de sortie du tome 3 je pense que je ne la verrai jamais…….je ne suis pas certaine en effet de vivre encore 20 ans.

    Somme toute Nietzsche a plus de chance que Steinbeck ou George Eliot qui eux sont aux abonnés absents. 

     

  • Gaspard de la nuit - Aloysius Bertrand

    Il vous est certainement arrivé de découvrir un livre qui vous fait dire : mais pourquoi est-ce que je n’ai jamais lu ce livre ? Cela vient de m’arriver avec celui d’un poète qui fut l’homme d’un seul livre, un poète qui préfère la prose à la versification, admiré par Hugo et Baudelaire et qui a inspiré les surréalistes. 

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    Si vous ouvrez son livre vous partez pour quelques heures de folie, de délire, de scènes pleines de mystères et de merveilleux. 
    6 livres composent Gaspard de la nuit, avec chacun plusieurs petits textes, qui parfois répondent à une logique, mais pas tous loin de là.

    On saute d’une scène à l’autre, d’un lieu à un autre sans explication, comme pour déstabiliser le lecteur et le faire participer sur un rythme de sarabande soigneusement orchestrée.

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    Les passionnés de peinture s’y sentiront à l’aise car Aloysius Bertrand vous offre des « Fantaisies à la manière de Rembrandt et Callot » et de Jérôme Bosch
    Rembrandt pour le vieux sage en méditation, Callot qui aime le grotesque, le baroque, la folie.

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    Jacques Callot les Misères de la guerre

     Aloysius Bertrand ne décrit pas un tableau, il tente d’en saisir l’esprit. 
    « Trente dindelles carillonnent dans un ciel bleu d’outre-mer comme en peignait le vieil Albert Dürer »

    Des scènes de guerre, des personnages grotesques, des paysages d’hiver, des scènes que l’on a admiré dans des tableaux flamands de tout temps, féérie des contes et légendes. 

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    Des textes qui font retentir une volée de cloches, qui vous envoient faire un tour à la synagogue.pour la Sabbat, vous font sauter des Flandres à l’Italie, ou regarder au fond de la cornue d’un alchimiste. 

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    Ou les couplets surprenants et l’astuce magnifique qui fait clore un poème avec le « regard inquisiteur du duc d’Albe dont le portrait, chef-d’œuvre d’Holbein, était appendu à la muraille. »

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    Le duc d'Albe

    Le poète propose des énigmes et aussi de courtes balades dans le Paris des gueux, aux alentour de la Tour de Nesle, vous vous mêlé aux fous du carnaval, aux nains, au peuple de la cour des miracles, étonnez vous ensuite qu’un chapitre soit dédicacé à V Hugo 

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    On habite le récit, on croise un marchand de tulipes qui a un trésor « la merveille des merveilles, un oignon comme il n’en fleurit jamais qu’un par siècle dans le sérail de l’empereur de Constantinople ! »

    On tend la main vers un marchand, on lui ferme sa bible « jonchée de gothiques enluminures » 
    C’est un livre peuplé de vieux grimoires, de chouettes, de « nuits d’été, balsamiques et diaphanes »

    Vous vous constituerez une collection de mots rares, précieux, vous savourerez des mots comme : 
    Dindelles, basterne, violier, falot, ringrave …..

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    C’est Freud qui a parlé de l’inquiétante étrangeté, c’est un peu ce que l’on ressent en lisant A Bertrand.   

    Après lecture, revenez à la préface qui donne quelques clés, mais ne vous privez pas d’une découverte sans GPS, c’est la meilleure. 

    Et vous pouvez décider de finir en musique avec Ravel qui se laissa prendre à la magie de Gaspard de la nuit.

     

             

     

    Le livre : Gaspard de la nuit - Aloysius Bertrand  - Le livre de poche

     

  • Bribes de bleu

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    « A part le grand aconit, une scille, un lupin, une nivelle, la véronique petit-chêne, le lobélia, et le convolvulus qui triomphe de tous les bleus, le Créateur de toutes choses s’est montré un peu regardant quand il a distribué chez nous les fleurs bleues. »

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    Pas que les fleurs

    « Il y a des connaisseurs de bleu comme il y a des amateurs de crus.
    Quinze étés consécutifs à Saint-Tropez ne me furent pas seulement une cure d’azur, mais une étude aussi qui ne se bornait pas à la contemplation du ciel provençal. »

     

    Le Livre : Pour un herbier - Colette- Editions Fayard 1991