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  • Sagesse de l'herbe - Anne Lemaître

    Il y a quelques semaines je vous ai donné un avant goût de ce livre, il est temps de vous donner envie de le lire, de l’offrir.

    C’est à pied qu’Anne Le Maître découvre son environnement.

    Voyages lointains, rando ou simple promenade, tout est l’occasion pour elle de partir nez au vent, de marquer le pas pour observer, s’évader, trouver un refuge, répondre à son besoin de calme, de silence. 

    Lemaitre

    Elle part avec de la poésie et de la philosophie dans ses bagages et dans sa tête. La Fontaine et Pascal l’accompagnent mais aussi Rûmi le poète persan

    «  Je suis la lueur de l’aube. Je suis l’haleine du soir. 
    Je suis le murmure du bocage, la masse ondoyante de la mer…
    Je suis la chaîne des êtres, je suis l’anneau des mondes.
    Echelle de la création, l’ascension et la chute…
    Je suis l’âme de tout. »

    Lemaitre

    Elle aime contempler, méditer en compagnie des poètes mais aussi des savants quand, comme Ptolémée surtout, ils savent mettre le monde en mots
    « Moi qui passe et qui meurs, je vous contemple étoiles !…Debout tout près des cieux dans la nuit aux cent voiles, je m’associe infirme à cette immensité :  je goûte, en vous voyant, ma part d’éternité. »

    On la suit de la forêt amazonienne aux gravillons de sa cour.

    « Tous ces chemins, donc, tous ces jardins et ces vergers, ces marécages et ces bois, ces friches et ces alpages, ces landes et ces déserts…Dans l’infini vertigineux j’avance pas à pas, allant d’un battement de coeur à l’autre »

    Lemaitre

    Anne Lemaître marche nous dit-elle «  au péril de l’herbe et du vent. » Pour tenter de renouer avec la sagesse de l’herbe. Déchiffrer un paysage, se pencher sur une fleur. 

    Si vous la suivez vous apprendrez que «  Nos mots sont nos lunettes, le filtre que la pensée pose devant le réel. » C’est ainsi que j’ai appris que les néerlandais ont un mot pour dire « marcher par mauvais temps pour le plaisir : uitwaaien »

    Lemaitre

    Livre précieux et délicieux, tout bruissant d’anecdotes, de rencontres, de lectures aussi.
    Vous verrez défiler les saisons, éclore les premières primevères, vous dénicherez avec elle un crocus, vous prendrez le temps de flâner, de vagabonder.
    Une très belle photo en couverture qui s’accorde parfaitement avec le propos du livre

    A lire sur le bord d’un chemin, quand l’envie de ralentir vous prend, à glisser dans votre sac à dos ou simplement comme moi à lire pour explorer avec elle les chemins.  

    Lemaitre

    Le livre : Sagesse de l’herbe - Anne Le Maître - Editions Transboréal

     

  • Bribes du jardin des simples

    « Dans le jardin des gouttes d’eau scintillent sur les crosses des fougères » 

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    «  Des arbres se déploient et montent vers le ciel, ou prennent place au long des pelouses, comme l’armée des figurants sur la scène d’un théâtre. »

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    «  Un jardin où venir s’illusionner et méditer »

    Le livre : Florentiana - Thierry Laget - Editions Gallimard L’un et l’autre

  • Sartoris - William Faulkner

    C’est le premier roman des oeuvres complètes de Faulkner en pléiade. 
    Il n’a pas encore fait le grand saut vers l’écriture qui sera la sienne pour les années à venir.

    Ce roman là est de conception classique avec comme revers qu’il n’emporte pas le lecteur comme le feront les romans suivants. Pourtant pas question de faire la fine bouche, même classique ça reste du Faulkner.

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    Il restitue dans ce roman toute l’atmosphère déliquescente d’une propriété dans un comté du Mississippi et d’une famille : les Sartoris, lignée sur le déclin. 
    Attention on peut parfois se prendre les pieds dans l’arbre généalogique car il n’y a pas moins de trois John et autant de Bayard, allez vous y retrouver. 

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    Aucun des ancêtres Sartoris n’est mort tranquillement dans son lit, les uns ont tué à la guerre, les autre en duel. Comme le dit un des personnages  « Quand on se met à tuer des gens, on ne sait plus où ça s'arrête. Et quand on s'y met on est comme qui dirait déjà mort soi-même »

    Le dernier John est mort aux commandes de son avion du côté des champs de bataille français et son frère, Bayard le fils, rivalise avec lui par delà la mort au volant de sa voiture en s’enivrant de vitesse ou en tentant de stopper un cheval au galop.

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    Il reste aussi Bayard le vieux, sans oublier Miss Jenny dont l’âge est indécidable. Et bien sûr il y a toute la maisonnée noire, faite de serviteurs sans âge, roublards et dévoués à l’image du vieux Simon.

    N’est-il pas temps de redonner vie à cette lignée ? Est-ce encore possible où le pire est-il déjà là ? 

    Faulkner ne raconte pas vraiment une histoire dans Sartoris, il suggère, laisse entendre. Les personnages sont en fuite, le destin leur joue des tours et Miss Jenny est là pour faire de sombres prédictions telle Cassandre.
    La violence les tient et plus encore l’orgueil, orgueil du nom, de la lignée. Ils aiment fanfaronner, narguer la mort et faire un pied de nez au destin qui s’annonce tragique.

    Faulkner s’est inspiré de sa famille et de son comté 
    « Je n’ai fait que me servir de l’instrument le plus près, à portée de ma main. Je me suis servi de ce que je connaissais le mieux, c’est-à-dire le pays où je suis né et où j’ai passé la plus grande partie de ma vie [...] J’ai essayé de peindre des êtres, en me servant du seul instrument que je connaissais, c’est-à-dire le pays que je connaissais.»

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    C’est le tableau de la fin d’une époque, le roman du déclin et une bonne façon d’entrer dans le monde de Faulkner, les descriptions champêtres sont belles, il y a quelques scènes burlesques dont une très drôle qui oppose médecin et rebouteux. 

    Il faut un été très chaud pour bien lire Faulkner et l'été dernier était parfait pour cela mais je crois que je n'attendrai pas l'été prochain pour poursuivre ma lecture.

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    Le livre : Sartoris dans Oeuvres Tome 1 - William Faulkner - traduit par RN Raimbaud et H Delgrove- Gallimard pléiade 

  • Bribes de musique céleste

    Un pasteur américain, en 1860, a noté les sons que les gouttes de la pluie faisaient retentir sur l’herbe et les petits sentiers de graviers du jardin de la cure.

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    Il transcrit des mois durant, des saisons durant, des années durant, tous les chants des oiseaux qui viennent y nicher, se percher dans les branches, se dissimuler sous les feuilles des arbres.

     

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    Il s’appelait Simeon Pease Cheney.
    Le révérend Cheney vivait exactement au temps où le pasteur Brontë finissait ses jours, alors que ses trois filles et son fils étaient morts.

     

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    Une odeur de champignon délicieuse s’élève quand on marche dehors et qu’on rentre en direction de la maison en soulevant un peu de terre à chaque pas.
    C’est un parfum de mousse, de feuilles détrempées, de fougères rousses, de limace, de bière.
    Accroché au muret du jardin, au moindre rayon fragile de soleil, le lierre sent le miel.
    Seuls les oiseaux nocturnes, la nuit, expriment, sans beaucoup les varier, leurs pépiages si bas, si beaux, si pauvres, si étranglés, si brefs.
    Fragments sonores qui sont comme écourtés, arrêtés sur place devant l’hiver qui vient.

     

    Le livre : Dans ce jardin qu’on aimait - Pascal Quignard - Editions Grasset

  • La Tanche d'or - Constantin Paoustovski

    Constantin Paoustovski est un écrivain russe qui a vécu la révolution et le bolchevisme, parmi ses multiples écrits un peu oubliés aujourd'hui il y a des nouvelles.

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    La Russie de toujours 

    Les récits de La Tanche d’or sont un peu comme des souvenirs magiques, on plonge dans la Russie rurale avec onze nouvelles pleines de fraicheur comme si on passait ensemble une soirée auprès d’un bon feu en se racontant des histoires. Ce sont onze nouvelles qui vous entrainent dans la région natale de Paoustovski.

     

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    Isaac Levitan Village en hiver

    C’est la Russie des bois et des lacs, des longs hivers, de la première neige : 

    « nous savions bien qu’en grattant la couche de neige molle avec la main, il serait encore possible de découvrir de fraîches fleurs sauvages; que le feu allait continuer à crépiter dans les poêles; que les mésanges allaient hiberner avec nous. L’hiver nous sembla alors posséder une splendeur analogue à celle de l’été. »

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    Isaac Levitan 

    Les petits matins de pêche, les étangs poissonneux,  les paysages de toujours : isbas, grands espaces et bouleaux magnifiques. Les personnages de toujours, le paysan, le garde forestier, le pêcheur, le chasseur. 

    C’est intimiste on se croirait dans un tableau de Isaac Levitan, dans un monde d’harmonie où le temps n’a pas de prise
    C’est tout au long une exaltation de la vie, les blaireaux se brûlent le museau dans les poêles à frire, des lièvres sauvent la vie des hommes, la pluie chaude résonne sur les toits et dans le jardin.

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    Jour de printemps - Isaac Levitan

    Ce sont des moments empreints d’une grande poésie alors que dans le même temps le stalinisme fait des ravages, peut être une façon pour l’auteur de célébrer malgré tout la vie russe. 

    C’est la Russie de Tolstoï quand Levin fait les foins avec ses paysans, c’est la Russie de Tourgueniev et ses mémoires d’un chasseur, celle aussi qu’Ivan Bounine peint dans la Vie d’Arseniev. Une traduction parfaite.  

    Une chronique chez Lire et Merveilles 

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    Le livre : La Tanche d’or -Constantin Paoustovksi - Traduit par Alain Cappon -  Editions de l’Aube

  • Les Braves gens ne courent pas les rues - Flannery O'Connor

    J’ai lu récemment trois recueils de nouvelles, l’un où l’amour tient la première place, un recueil d’une poésie magnifique et le troisième où j’ai pris une baffe monumentale, c’est de celui-ci qu’il va être question.

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    L'auteur et ses paons

    Ne vous laissez pas berner par le titre, Flannery O’Connor est une adepte de la litote.

    Une histoire de grand-mère un peu casse-couille débute la série de nouvelles, la famille envisage un petit voyage et la grand-mère va obtenir gain de cause pour une petite virée au Tennessee, je me suis un rien laissée endormir par cette gentille famille et je vous assure que le réveil est brutal. 

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    Après cette première nouvelle qui m’avait laissée un peu assommée je m’attendais au pire et j’avais bien raison, la nouvelle « Le fleuve » est d’une violence inouïe sous des dehors convenus et bien pensants et un rien dépassés, Flannery O’Connor s’y connait en humour noir, cruauté en tous genres, elle cultive allègrement le ridicule, quant à la bonté des hommes, elle nous laisse entendre qu’elle est parfois plus horrible que consolante, la preuve avec la nouvelle apparement réconfortante de cette vieille fille simplette que sa mère parvient enfin à caser…

    Elle nous mène en bateau Flannery, elle rit de nous, de nos préjugés, de nos jugements à l’emporte pièce, prenez cette nouvelle où un vendeur de bibles séduit une jeune femme à la jambe de bois, quel altruisme direz-vous, l’auteur avec un brin de perversion va vous faire revenir sur votre jugement premier. 

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    Rien n'a vraiment changé 

    La nouvelle qui m’a le plus touchée c’est celle qui a trait à « La personne déplacée » où les personnages rivalisent de bêtise et de méchanceté face à un travailleur immigré trop courageux et compétent pour son bien.

    On ressort un peu sonné, admiratif de l’art de l’auteur pour cette mise en scène d’une humanité égoïste, mesquine, cruelle, ridicule, bigote, et souvent grotesque. 

    Un monde de petits blancs racistes et xénophobes, qui vivent eux mêmes dans une misère profonde, et pourtant l’auteur parvient à nous faire rire, un rire grinçant je vous l’accorde, mais rire quand même.

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     Il a fallu deux ans à l’auteur pour écrire ces dix nouvelles, dont au moins la moitié sont des chefs-d’oeuvre absolus. Aucun sentimentalisme, aucune mièvrerie, l’humour est ravageur et cinglant.

    J’avais beaucoup aimé son roman, Ce sont les violents qui l’emportent, mais ses nouvelles sont largement au dessus.

    Cecilia Dutter a écrit un essai biographique sur Flannery O’Connor :

    « Son œuvre est un pied-de-nez au prêt-à-penser consensuel. Elle nous bouscule, nous secoue, torpille nos préjugés et nos pauvres évidences pour nous révéler l’envers du décor »

     

    Kathel aussi a aimé 

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    Le livre : Les braves gens ne courent pas les rues - Flannery O’Connor - Traduit par - Editions Gallimard Quarto