Les Amoureux de la Grèce : Lawrence Durrell
"Les ruines du monastère de Bellapaix comptaient parmi les vestiges gothiques les plus remarquables du Levant "
C’est une année anniversaire pour Lawrence Durrell né en 1912. Ce diplomate romancier m’a toujours plu, découvert en lien avec la lecture d’Henry Miller avec qui il fut ami, c’est son amour pour la Grèce, Chypre et Alexandrie qui fait de lui l’écrivain de la Méditerranée, des îles, du soleil.
Occupant des emplois variés, attaché de presse à Athènes, employé par le Foreign Office, les années cinquante le trouve à Chypre, il tirera de son séjour Citrons Acides
Un peu d’histoire pour comprendre
Chypre après beaucoup d’autres envahisseurs, était « occupée » par les anglais depuis 1878 !
Le Royaume-Uni avait promis le rattachement de Chypre à la Grèce si celle-ci combattait aux côtés des alliés lors de la Première Guerre, les grecs refusent et en 1953 Chypre est toujours sous domination britannique.
Un mouvement nationaliste naît et l’île sera après des mois de tergiversations des anglais, plongée dans le chaos et la violence.
Au lieu du rattachement prévu à la Grèce, c’est l’indépendance qui sera proclamée en 1960 avec un très fragile équilibre entre les communautés turques et grecques, puis la partition et pour finir l’entrée dans la Communauté Européenne.
Citrons acides est donc un livre présentant deux facettes de Chypre, une ensoleillée et idyllique et une seconde plus sombre et entâchée par la violence.
Commençons par le versant ensoleillé.
Lawrence Durrell à son arrivée à Chypre cherche à se loger, il fait très vite connaissance avec l’instituteur, l’épicier, les pêcheurs avec qui il passe nombre de soirée, vidant des gobelets de vin parfumé.
Il a l’intention d’accueillir sa famille et ses amis et il se met en quête d’une maison à un prix raisonnable et pas trop loin de Nicosie où il doit travailler comme prof d’anglais.
Et le bonheur du lecteur commence, cette chronique au quotidien de la vie de l'île, la magnificence de la nature, la beauté des paysages millénaires, la chaleur amicale des habitants, tout est superbe.
« Dehors, le soleil de printemps brillait sur les arbres gonflés de mandarines ; un petit vent frais chargé du parfum des neiges du Taurus agitait doucement la cime des palmiers »
Je vous laisse la joie de la découverte des tractations immobilières avec un turc madré et une propriétaire qui se cabre, à elles seules elles valent la lecture de ce livre.
Durrell choisit de vivre dans le village de Bellapais par lui baptisé dans le livre Bellapaix pour exorciser la violence.
« L’atmosphère du village était absolument ensorcelante (...) Partout des roses, et les pâles nuages de fleurs d’amandier et de pêcher »
La visite de la maison lui ôte toute raison :
« Le jardin avait quelques mètres carrés, mais il était planté d’arbres (...) six mandariniers, quatre citronniers, deux grenadiers, deux mûriers et un grand noyer au tronc penché »
La période des travaux venue gare à celui qui s’assoit sous l’arbre de la paresse
« Ce fut bientôt la lente procession des mules montant leurs charges de briques et de sacs de ciment par les ruelles tortueuses du village »
Enfin la maison est prête à recevoir son frère, l’étonnant naturaliste Gerald Durrell qu’il a tenté de faire mourir à la bataille des Thermopyles (je vous laisse le plaisir de l’anecdote savoureuse) mais qu’il sait ressusciter fort à propos
les amis : Freya Stark et surtout Paddy le magnifique.
« Le voilà un bras sur l’épaule de Michaelis qui lui a indiqué le chemin » Patrick Leigh Fermor connaisseur hors pair des chants grecs envoûtants qu'il entonne pour la joie de tout le village
Patrick Leigh Fermor © Ulf Andersen/Getty Images
« Je vois qu’un attroupement s’est formé devant la maison, ils sont quinze ou vingt qui écoutent dans la nuit et dans le plus parfait silence »
Je ne sais pas ce qui l’emporte du comique des situations, de l’évocation des lieux chargés d’histoire, de la description des paysages qui vibrent sous le soleil ou des personnages si hauts en couleur.
Si l’on vient au versant sombre, sès son arrivée il est frappé par les inscriptions « Enosis seulement » et assez vite les habitants lui confient « Nous ne voulons pas chasser les Anglais, nous voulons qu’ils restent mais en amis et non en maîtres »
Les troupes anglaises à Chypre en 1958
Lawrence Durrell n’approuve pas la violence et ne se range pas aux côtés des Chypriotes mais condamne les tergiversations anglaises qui ne font qu’attiser la situation. Un lent processus de rancune et d’exaspération dit-il qui finira par lui faire quitter Chypre.
Une belle façon de faire connaissance avec cet écrivain.
Pour connaitre mieux Chypre rendez vous chez Miriam
Le livre : Citrons Acides - Lawrence Durrell - Editions Buchet Chastel 1994 ou Phébus libretto 2012