L'un et l'autre
En Pléiade c’est 8 ou 9 volumes, pas certaine que vous êtes prêts à vous embarquer dans une aventure aussi longue, aussi je vous propose une version raccourcie, très très raccourcie.
Jean Michel Delacomptée est le spécialiste chez Gallimard des microbiographies, j’ai lu avec grand intérêt son livre sur Ambroise Paré et j’ai dans ma bibliothèque plusieurs essais de lui.
C’est une vraie gageure de parler de Saint Simon de façon aussi simple et percutante et en un nombre de pages très réduit. C’est un art et l’auteur y excelle.
Comment s’y prend t-il pour nous faire entrer dans le coeur de l’oeuvre ?
Il nous le situe dans son siècle, sa vie même et il s’interroge sur le projet que Saint Simon mêne à bien à un âge déjà avancé, il nous dit « A partir de quel moment un écrivain, chargé d'un projet longuement fermenté mais qui lui résiste, finit par se lancer et, d'une traite, le réalise ? »
Songez que Saint-Simon commence à écrire vraiment alors qu’ il a plus de soixante ans « A soixante quatre ans (...) Louis de Saint-Simon rompant les amarres, s'élança dans l'océan »
Son oeuvre s’achèvera pratiquement avec sa vie.
Le château en 1668 Pierre Patel
Il nous présente des Mémoires de Saint-Simon les portraits les plus incisifs, ces portraits tantôt méchants, tantôt méprisants de la cour et des courtisans avec lesquels il partageait le vivre et le couvert. Si vous avez vu le film tiré du roman de Chantal Thomas, Les adieux à la Reine, vous avez eu une idée de ce qu’était la vie quotidienne à Versailles.
Saint-Simon a l’oeil qui traîne partout et la dent dure, la santé à l’époque était précaire mais il a pour le moins conservé une bonne mâchoire, ses coups de dents sont saignants. Son mariage lui permet de résider au château de Versailles, d’être un courtisan, de ceux qui peuvent approcher le Soleil.
Le tout est mis en mots avec une langue extraordinaire « Une langue écrite par le vieil homme, mais qui était si neuve, si vibrante de passion, si chargée de la grandeur même du règne dont il blâmait les tares. »
Les courtisans
Cet homme d’une fidélité exemplaire, il admire Louis XIII qui pour lui fut « chaste, désintéressé, modeste, sobre, charitable » Il est aussi capable d’inimitiés terribles et de rancunes tenaces et il dit de Louis XIV que c'était un roi à l'esprit « au dessous du médiocre »
A la mort du Grand Dauphin il sait que la place sera libre pour Philippe d’Orléans qui est son ami et il le dit « Il me semblait, avec une évidence encore plus parfaite que la vérité, que l'État gagnait tout en une telle perte. Parmi ces pensées, je sentais malgré moi un reste de crainte que le malade en réchappât, et j'en avais une extrême honte. »
Louis de Rouvroy Duc de Saint-Simon
Jean-Michel Delacomptée avec un titre parfaitement choisi, nous dresse un portrait tout en nuances « Grandeur modeste par son altruisme, ambitieuse par son objectif, audacieuse par l'exposition de soi , avec pour clé de voûte la franchise, la véracité des faits rapportés et l'honnêté morale »
Son portrait m’a rappelé celui de La Fontaine par Marc Fumaroli, une même célébration de la langue, une même admiration de l’homme, une même nostalgie d’un passé révolu et magnifiquement ressuscité.
Le livre : La Grandeur Saint-Simon - Jean-Michel Delacomptée - Editions Gallimard collection l’un et l’autre