J’ai pris un grand plaisir, qui s’est étalé sur un temps considérable, à la lecture du journal de Virginia Woolf.
J’ai lu avec intérêt la biographie d’Hermione Lee et avec un agacement certain celle de Vivian Forrester qui a tendance à ramener tout Virginia Woolf à sa vie sexuelle.
C’est une jolie expérience que la lecture de ce petit livre, une façon d’entrer dans l’intimité de l’écrivaine sans aucun voyeurisme, comme une amie qui viendrait prendre des nouvelles.
Leonard peint par Roger Fry en 1940
Dès la préface on entend la voix de Cecil Woolf, neveu de Leonard qui dit « Sans lui, Virgnia n’aurait pas vécu assez longtemps pour écrire ses chef-d’oeuvre » et je dois dire qu’en confrontant ce livre avec le journal, je suis du même avis.
On voit à travers ses pages, naitre, s’épanouir et souffrir un écrivain. Mais avant d’aller plus avant une ou deux choses : saviez-vous que le texte qui a présidé à la création de la Société des Nations après la Première Guerre est tout droit sorti de la plume et de la réflexion de Leonard Woolf ? Pour autant cet homme ne fit pas vraiment une carrière, il s’effaça derrière son épouse, la privilégiant, l’aidant à surmonter ses accès de folie.
Vu par Holywood
Quelques pages nous parlent de la vie de Leonard avant Virgnia, le temps des colonies en somme, à Ceylan, expérience qui lui donna le goût ensuite de la politique pour défendre les peuples, se battre contre le colonialisme et le racisme.
Il côtoie la famille Stephen, Vanessa est la plus belle mais son attention est attiré par Virginia « Son expression, la forme même de son visage, changeaient avec une rapidité inouïe dès que se faisait sentir une tension, un souci, une inquiétude. »
Manifestement amoureux il dit de Virginia « Elle est la seule personne que j’ai connu intimement et dont je peux dire qu’elle méritait l’appellation de génie. »
Leonard Woolf détecta très tôt les problèmes psychiques de sa femme, on le sent d’une cruelle lucidité lorsqu’il évoque les épisodes de violence, l’anorexie, le basculement dans la folie, les crises de logorrhée, les tentatives de suicide.
The writing lodge. ©NTPL/Eric Crichton
On sent aussi à travers son texte toute l’attention qu’il fallait donner pour Virginia mène une vie sans heurts, de surveiller les moments annonciateurs ceux par exemple où « elle décolle au cours d’une conversation », la vie mondaine du couple qui parfois conduit Virginia au bord du gouffre.
J’ai retrouvé intact dans ces pages, qu’on trouve aussi dans le Journal, les moments de création littéraire, l’angoisse au moment de la relecture et de la publication d’un manuscrit, la folie qui rôde dans l’attente des critiques.
On sent l’aide et le soutien qu’a pu apporter Leonard au détriment de sa propre carrière : Les voyages faits ensemble, l’aventure de la Hogarth Press, les amis communs, l’achat et l’embellissement de Monk’s House.
« C’est un témoignage d’une qualité rare » nous dit M Venaille le traducteur et c’est vrai que ce texte est d’une haute tenue.
Leonard est celui à qui Virginia Woolf a pu écrire « Ce que je veux dire, c'est que je te dois tout le bonheur de ma vie »
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Le livre : Ma vie avec Virginia - Leonard Woolf - Traduit par Micha Venaille - Editions Les Belles lettres