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Voyager - Page 19

  • Le Temps des offrandes - Patrick Leigh Fermor

    L' Europe de Londres à Esztergom

     

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    Mon troisième billet européen sera double car Patrick Leigh Fermor a écrit deux volumes qui se font suite et je ne pouvais pas vous parler de l’un sans l’autre

    Un jour de décembre 1933, un jeune homme de dix-huit ans décide de partir à pied « Comme Childe Harold ! » pour traverser l’Europe, de la Corne de Hollande jusqu’au Bosphore. 

    Patrick Leigh Fermor, écrivain-voyageur d'origine britannique a retracé ce voyage en deux livres magnifiques Le temps des offrandes  et Entre fleuve et forêts 

     

    Patrick Leigh Fermor in 2008. Photograph - Eamonnb McCabe.jpg

    Toujours à la recherche de récits de voyage quand ces livres sont parus en 1991 je les ai achetés sans savoir qu’il serait mes préférés dans une bibliothèque pourtant riche de livres de ce genre. 

    Un peu plus tard je découvrais chez Bernard Pivot le visage de l’auteur, ce n’était plus évidemment le jeune homme fringant du livre mais je dois dire qu’il portait encore beau. 

    Récit de voyage et journal d’un jeune homme qui jusque là s’est contenté de vivre en dilettante, c’est donc en même temps un récit initiatique, celui de l’entrée dans un monde d’adultes, une pérégrination dans une Europe aujourd’hui disparue.

     

    Après une scolarité très chaotique, échappant de peu (trop mauvais en math) à Sandhurst, le jeune homme s’interroge sur son avenir quand l’hiver par trop mélancolique fut venu. 

    Examinant les cartes il décide d’abandonner l’Angleterre et de

    « traverser l’Europe comme un clochard ». 

     

    Le temps de rassembler un sac à dos, un bâton de marche, de glisser dans le sac carnet, crayons, une anthologie de vers et un petit Horace de poche, il débarque un matin de décembre à Rotterdam où « la neige s’empilait sur les épaules de la statue d’Erasme ».

    Dans une taverne il annonce sa destination : Constantinople ! le patron  « me fit signe d’attendre, produisit deux petits verres, les remplit d’un liquide transparent issu d’une longue bouteille en grès. Nous trinquâmes ; il vida le sien d’un coup et je l’imitai. Les oreilles pleine de ses souhaits de bon voyage et l’estomac brûlé par le bols, la main broyée par sa poignée d’adieu, je me mis en chemin. »

     

    Dès les premiers jours il trouve chaque soir un gîte sans problème, parfois dans une grange, un édredon chez l’habitant ou dans une cellule de prison offerte aux voyageurs pauvres. 

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    « Dès que pointait une ferme ou un village, j’entrais dans le monde de Pierre Brueghel.»
    Les chemins glacés, des landes couvertes de neige « la couleur, la lumière, le ciel, l’amplitude de l’espace, l’étendue et les détails des villages et des villes s’entremêlaient pour tisser un charme merveilleusement consolant et réparateur. »

     

    La Hollande vite traversée il entre en Allemagne « La barrière était peinte en noir, blanc et rouge, et je discernai bientôt le drapeau écarlate avec son disque blanc et sa croix gammée. »

     

    La journée il marche en déclamant tout ce qu’il sait de poésie anglaise, de tirades de shakespeare, Pour passer le temps en marchant, il récite à haute voix « la plupart des Odes de Keats » ainsi que  Tennyson, Browning et Coleridge. De la poésie française et quand la journée est longue il a recours au latin, Virgile et son Enéïde, la Pharsale et bien sûr Horace toujours présent.

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    Le soir il respecte un rituel « je m’installais devant une lourde table d’auberge, avec ma neige fondante, des fourmillements dans tout le corps et, à portée de la main, du pain, du vin, du fromage et mes papiers, mes livres et mon journal. »

    Il est heureux !!

     

    Les haltes sont parfois un rien coquines, quelques jours passés chez deux jeunes filles où il écluse la cave du propriétaire des lieux sans vergogne tel un « bois-sans-soif  »

     

    Il est à Ulm un jour de marché, une ville magnifique où il se serait attardé s’il avait pu deviner que « les trois quarts de la vieille ville périraient dans les flammes et les bombes quelques années plus tard »

     

    A Munich une halte un peu trop prolongée à la Höfbrauhaus lui valut une superbe Katzenjammer, son vocabulaire allemand s’est brutalement élargi jusqu’à la gueule de bois.

    Ayant déposer tous ses bien dans une auberge de jeunesse avant cela, le lendemain est dur, tout à disparu, le sac, son argent, son journal.

    Le gouvernement bienveillant de sa Majesté lui permit de poursuive sa route en lui allouant un prêt. 

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                Munich et la Höfbrauhaus 

     

    Ici intervient la première halte d'un genre nouveau et qui va devenir un rituel.

    Des amis de sa famille ont écrit un peu partout en Europe pour que l’on accueille ce vagabond dissipé. Ces étapes de schloss en palais sont les bienvenues après le confort précaire des granges, une hospitalité pleine de noblesse, un bain chaud, parfois un bon whisky et toujours l’accès à de somptueuses bibliothèques.

    Un petit Horace in-12 est venu remplacé celui disparu et « il ennoblit aussitôt le clochard que j’étais en fait »

     

    En janvier 1934 il est à Salzbourg, il lorgne sans espoir vers les sommets enneigés rêvant de ski, un nouveau Schloss, une nouvelle recommandation et le soir il paie son écot en racontant son voyage.

    Faisons des sauts, Linz, l’abbaye de Melk

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    Vienne enfin,  Vienne, « La splendeur d’une capitale et l’intimité familière d’un village.» 

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    Là, grâce à un compagnon de rencontre, il va gagner quelques sous en crayonnant des portraits mais n’oubliera de voir ni le ring, ni la crypte des capucins, ni les musées. Trois jours se transforment en trois semaines, il est temps de reprendre la route.

     

    Il va devoir ajouter deux langues à son répertoire dans les villes et villages traversés

    « le petit brouhaha de magyar et de slovaque étaient noyé par les voix parlant allemand prononcé à l’autrichienne ou avec l’accent invariable du hongrois. Le plus souvent on conversait en Yiddish, dont l’inflexion allemande me faisait toujours croire que j’allais saisir un semblant de sens. »

    A Vienne il a fait connaissance de Hans qui est tchèque et qui va lui proposer un détour jusqu’à Prague.

    Trois jours bénis où il tombe amoureux de la ville, Prague dont Patrick Leigh Fermor dit « Aujourd’hui quand je regarde les photos de cette belle ville perdue, le charme opère encore »
    A l’heure ou PL Fermor écrit Prague est encore une ville derrière le rideau de fer !

     

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    La fin de cette première grande étape arrive, l’hiver s’en est allé, notre vagabond va faire une dernière halte dans un château, chez le Baron Pips qui l’accueille un livre de Proust en main « J’ai commencé le premier volume en octobre et j’ai poursuivi ma lecture tout l’hiver.(...) Je me sens si proche de tous ces personnages, je suis au désespoir à l’idée de les quitter » 

     

    Les boiseries de la bibliothèque sont invisibles sous les livres, le baron à un air de Charles Haas et fait un peu l’éducation du jeune homme «  Ces jours passés à Kövecses furent une période de complet bonheur et une étape importante dans mon évolution personnelle. »

     

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                           Esztergom sur le Danube

     

    Quelques villages hongrois, des douaniers qui le prennent pour un contrebandier et notre Child Harold va passer sa première nuit à la belle étoile, le printemps est là, les cigognes sont revenues, et le dimanche de Pâques au milieu de la foule endimanchée il va atteindre Esztergom

    « sur le quai, les quelques personnes encore sur l’embarcadère se hâtaient toutes dans la même direction, je leur emboîtai le pas à mon tour. Je ne voulais pas être en retard. »

     

    Dans le prochain billet la fin du périple et une petit biographie de l’auteur

     
    Le livre : Le Temps des offrandes - Patrick Leigh Fermor - Editions Payot 1991
  • Aux frontières de l'Europe - Paolo Rumiz

    L'Europe l'Europe l'Europe 

     

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    Dans mon triptyque européen voici le deuxième élément. 

    Après le journaliste historien voici l'amoureux des voyages, des frontières, des grands espaces. Normal me direz-vous pour un homme né à Trieste ville chargée de la folle histoire européenne. Autrichienne du temps de l’empire austro-hongrois, flirtant avec les Balkans.

     

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                                 Trieste © Kevin Galvin/Alamy

     

    "Agrippée à l'extrémité septentrionale de la mer Méditerranée, Trieste, ma ville, est un sismographe, une balustrade vers d'autres horizons. Dans les cafés, il était normal de parler de ce qui se passait à l'étranger. Les hommes qui sont nés à mon époque ont été nourris au pain de la géopolitique."

     

    En un long périple de 6000 km de la mer de Barents à la mer Noire, il effectue une traversée verticale de l’Europe et comme il ne craint pas les zigzags, on le suit de la Norvège du Cap Nord à Odessa en passant par la Biélorussie, l’Ukraine.

    Journaliste un peu désabusé après avoir couvert la guerre des Balkans c’est pour lui l’occasion de vivre à son rythme. amoureux des confins, il a choisi de nous mener au plus proche de « l’âme slave »
    Un mois de pérégrinations, le passage des frontières de dix pays sac sur le dos, carnet et crayon en main pour satisfaire sa curiosité, son goût des rencontres. 

     

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                           Ferme de Mazurie  © Przed 

     

    Il traverse des territoires qui ont changé de nom, des contrées oubliées par l’histoire, des pays tout nouvellement créés, des villes aux noms imprononçables et magiques,« ces anciennes provinces frontalières englouties par la géopolitique »  la Carélie, la Courlande qui porte un nom de princesse, la Bucovine, la Mazurie et ses lacs...

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               Sur le lac Onega © Christine Barber

    « c'est ici que bat le coeur, à des centaines de km au-delà de l'ex-rideau de fer, entre les bouleaux et les grands fleuves méandreux, dans une terra incognita faite de périphéries oubliées.» 

    Paolo Rumiz préfère les trains bringuebalants au TGV, les horaires improbables et les correspondances impossibles qui obligent à demander l’hospitalité. Au gré des rencontres son périple nous fait prendre  « un bain d’humanité » : Un prêtre orthodoxe qui fut soldat dans les forces spéciales russes, des moines et des vieux-croyants,  l’écrivain Mariusz Wilk qui a choisi de vivre au bord du lac Oniega, Allia et ses blinis, les vieux juifs de la synagogue de Grodno.

     

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                   Synagogue de Grodno en Biélorussie © Thierry Jamard

     

    Son regard est sensible, plein de curiosité, de chaleur humaine qui s’épanouit dans les rencontres, il est à classer dans la famille des grands écrivains voyageurs, celle des Colin Thubron, des William Darymple. En le lisant on pense au Danube de Magris, à  L’usage du monde  de Bouvier. Des estampilles bien tentantes non ?

     

    A l’origine ce texte a été publié en feuilleton dans la presse italienne, et c’est bien d’un feuilleton qu’il s’agit car on attend avec impatience le passage de la prochaine frontière, si vous ne fermez pas ce livre avec du vague à l’âme ou l’envie de partir je suis prête à manger mon chapeau !!

     

    Une interview de l’auteur dans Courrier international.

     

    L'avis de miriam dans ses carnets de voyages

     

    Le livre :  Aux frontières de l’Europe - Paolo Rumiz - Traduit par - Editions Hoëbeke

     

    rumiz.jpgL’auteur

    Paolo Rumiz n’est pas un étranger pour moi car je l’ai déjà suivi sur les traces d’ Hannibal avec grand plaisir 

  • L'ombre d'Hannibal - Paolo Rumiz

    Dans les pas d'Hannibal 

     

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    Une incursion, loin dans le temps et sur des chemins escarpés, que je dois à une exposition au Musée Dauphinois à Grenoble.

    Si je vous dis Guerre punique cela vous rappelle quelque chose ? Nous n’allons voyager ni en avion, ni en bateau, mais à pieds avec les 100 000 hommes et les 37 éléphants de l’armée d’Hannibal.

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    "Vinrent ensuite les carthaginois, qui étaient des Phéniciens africanisés, imprégnés de culture grecque. Eux aussi étaient des navigateurs indomptable."

    Le mythe est vieux de 2000 ans, Hannibal Barca a laissé son nom à des villages, des routes, des rues, des ponts, c’est un héros que François Ier ou Napoléon ont tenté d’imiter, que les peintres ont pris pour sujet de Claude Lorrain à J.M.W.Turner, en passant par Giambattista Tiepolo, le sujet valait bien un livre non?

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    " Avec le contenu d'un seul sac à dos je dois affronter toute une rose des vents de latitudes, dénivellations, et climats à peu près incompatibles les unes avec les autres "

    la carte n'est pas parfaite mais donne une idée du parcours, absente du livre, c'est son seul défaut)

                               

    Partir sur les traces d’un mythe n’est pas toujours chose aisée, il faut une documentation et des sources fiables. C’est précisément ce qui manque le plus pour Hannibal. Mais l’auteur a des ressources, tout d’abord ses lectures, Polybe et Tite-Live qui vont être du voyage et il a un peu partout des amis qui sont des chercheurs, des historiens, des archéologues, certains vont faire un bout de chemin avec lui.

     

     

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    La traversée du Rhône 

    C’est que le périple est considérable, après avoir quitté Carthage, Hannibal va traverser l’Espagne non sans livrer quelques batailles, perdant des hommes et en recrutant d’autres. D’un bond on franchit les Pyrénées et après un passage en Gaule nous voilà aux pieds des Alpes et là Paolo Rumiz va tenter d’imaginer, de rêver, de découvrir par quel col a bien pu passer Hannibal et son armée, sa cavalerie et ses éléphants. Le col Clapier ? un autre ? Les historiens s’en donne à coeur joie,  chacun son scénario, chacun son col favori. Après le passage des Alpes c’est la descente par la plaine du Pô.

     

     

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                  La bataille de Cannes - François Chifflart- Petit palais Paris

     

    " Soixante mille morts (...) le double d'Austerlitz. Davantage que le nombre de morts américains pendant toutes les années de guerre au Vietnam. Cannes est le plus épouvantable massacre du monde antique "

     

    Les pages de Paolo Rumiz font doucement apparaître le portrait d’un chef tout à fait hors du commun, de l’enfant jurant à son père que toute sa vie il combattra Rome, au stratège qui fit trembler l’Empire romain sur ses bases. 

    Tite-Live est un peu porté sur la caricature, le peignant comme un barbare sanguinaire, sans foi ni loi. Mais Tite-Live est de parti pris n’oublions pas qu’il est romain. 

    Nous suivons cette armée qui bizarrement évite Rome, et livre une bataille gigantesque à Cannes, une bataille qui est un modèle de stratégie, d’habileté politique au point d’être aujourd’hui encore un sujet d’étude pour les militaires.

    Hannibal est celui qui a osé s’opposer à la puissance Romaine et qui a bien failli réussir. Pendant plus de dix ans il va rester en Italie narguant les Romains et les faisant trembler.

    On va terminer le voyage au Caucase, face au Mont Ararat, l’ultime exil d’Hannibal.

     

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    J’ai énormément aimé ce livre, qui marie l’histoire d’hier et des péripéties d’aujourd’hui.  Ah la révolte des habitants de la Vallée de Suze contre le TGV /TAV !! je vous recommande cet épisode là car Paolo Rumiz en bon journaliste ne peut pas traverser une région sans avoir un oeil un peu inquisiteur. 

    Deux autres écrivains voyageurs apparaissent dans le livre, Ryszard Kapuściński, ami de Paolo Rumiz et Patrick Leigh Fermor que l’auteur admire. C’est un parrainage qui a lui seul peut vous donner envie d’ajouter ce livre à votre bibliothèque.

     

    Et si vous voulez en savoir plus sur les itinéraires possibles d'Hannibal suivez Tania qui nous guide vers les cols des Alpes 

     

    Le livre : L'ombre d'Hannibal - Paolo Rumiz - traduit de l'italien par Béatrice Vierne - Editions Hoëbeke

  • Mes Voyages avec Hérodote Ryszard Kapuscinski

    Dans les pas de l'histoire  :  Le journaliste et l'historien

     

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    Ryszard Kapuscinski était polonais, journaliste et grand voyageur.
    Si vous ne l’avez jamais lu je vous envie cette découverte et je vous souhaite de prolonger cette lecture par l’autre grand succès du journaliste : Ebène, une vision de l’Afrique que le temps n’a fait que confirmer, un réquisitoire sans concession.

    Dans ce livre c’est le monde qui est son terrain de jeux, l’Inde, la Chine, le Congo, l’Iran, Kapuscinski livre ses souvenirs de reporter, ses débuts modestes et marqué du sceau de la chance.

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    La chine et la Campagne des Cent fleurs

    Dans les années cinquante le rideau de fer s’entrouvre et les journalistes sont invités à aller " voir ailleurs "
    Destination l’Inde de Nehru, dans sa valise le jeune journaliste emporte un gros livre qui sera le compagnon fidèle de tous ses voyages :  Hérodote le grec, le fameux Père de l’Histoire ( et tout ça avec des majuscules).

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              Nehru à la conférence de Bandung en 1955


    Les voyages de Ryszard Kapuscinski assouvissent son envie de " territoires inconnus",  de voir " derrière la frontière". La pensée de Kapuscinski est riche, subtile, et toujours empreinte de tendresse pour les pays explorés, pour les personnes rencontrées.
    Son ami grec  lui est un modèle car dit-il

    "Hérodote et les hommes qu'il rencontre m'intriguent dans la mesure où le contenu de nos reportages provient essentiellement des hommes, la qualité de notre texte est tributaire de notre relation à autrui, de la nature et de la température de cette relation."

    Sa lecture permanente d’Hérodote  a aiguisé sa réflexion, acéré son regard, lui qui connut la Guerre froide, sait aussi bien expliquer, commenter, s’interroger sur les relations entre l’Europe et l’Asie aujourd’hui.
    Hérodote voulait comprendre le monde qui l’entourait, déceler les raisons des guerres, connaître les peuples, il s’étonne de ce qu’il voit, s’émerveille devant les contrées traversées et répond au travail de Kapuscinski dans ses reportages.
    Les commentaires du livre d’Hérodote s’accompagnent de remarques sur son métier, pour lui le Grec est avant tout un précurseur de l’enquête journalistique, il veut savoir, raconter, comparer et témoigner.

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    Le monde d'Hérodote


    Le reporter d’aujourd’hui se reconnaît en lui au point d’entremêler ses souvenirs au texte d’ Hérodote et de faire en sa compagnie une belle réflexion sur la quête des informations, sur la validité des récits, et plus généralement le statut du journaliste.
    Quand l’antiquité vient éclairer les événements contemporains et ainsi dévoiler "l’art du reportage" c’est un grand plaisir pour le lecteur.
    L’auteur nous communique en sus sa passion et ses propos sur son vieil ami donnent envie d’ouvrir ses fameuses Enquêtes

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    Père et fils

    Cette complicité  à plus de deux mille ans de distance m’a séduite, je l’ai lu avec à mes côtés les trois volumes d'Hérodote et je suis revenue plus riche de ce voyage. Ce sont du coup quatre livres que je vous propose d'ajouter à votre bibliothèque.

     

    Les livres
    Mes voyages avec Hérodote - Ryszard Kapuscinski - Editions Plon 2006
    Enquêtes - Hérodote - 3 tomes - Editions Paleo

  • Le Refuge - Terry Tempest Williams

     Emotions et sentiments 

     

    Douleur et beauté de la vie car « Tout ce que nous avons, c’est l’instant présent »

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      Bruant des neiges

    Les oiseaux ont « le pouvoir de dénouer les fils de mon chagrin. »

     

    J'ai choisi ce livre d’abord pour les oiseaux. L’auteur est une femme passionnée d’ornithologie qui passe ses journées à observer, cataloguer, photographier, surveiller les oiseaux d’une réserve d’un des lacs les plus extraordinaire de la planète : le Grand Lac salé

     

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                                                              Le Grand Lac salé 
     

    « Marcher le long de la ligne d’algues du Grand Lac salé après une tempête n’a rien à voir avec une promenade au bord de la mer. Il n’y a pas de coquillages, pas de varech qui craque sous les pas, ni de crabes. Ce qui reste c’est une histoire délavée de plumes, d’os, d’oiseaux encroûtés de sel. »

     

    Elle scrute jour après jour le niveau du lac car le bel équilibre de la réserve menace d’être à jamais détruit par la montée des eaux. Les oiseaux risquent de fuir ou de disparaître faute de trouver de quoi se nourrir et de se reproduire.Si leur habitat est détruit, ils vont être les victimes de cette montée des eaux.

    nous sommes dans l’Utah en 1983.

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                                                            Une avocette 

     

    Terry Tempest Williams tient une sorte de journal ornithologique et météorologique. Elle nous fait admirer toutes les espèces qui peuplent la réserve, pluviers, avocette, courlis, bruants des neiges, phalarope de Wilson, fuligule à tête rouge.

    Au fil des chapitres qui porte chacun le nom d’une espèce, et dans le même temps elle annonce la hauteur des eaux, leur montée inéluctable.

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                      Refuge de Bear River © By Steve Shames

     

    Son travail et les oiseaux l’aide à  apaiser son inquiétude « C’est peut-être l’étendue du ciel en haut et l’étendue d’eau en bas qui apaisent mon âme. » car la vie professionnelle ne nous définit pas entièrement et Terry Tempest Williams qui lutte pour la survie d’un écosystème, se bat aussi aux côtés de sa mère atteinte pour la seconde fois d’un cancer. 

    La mère de Terry est le neuvième membre de la famille à être atteint, les essais nucléaires du Nevada qui ont été poursuivis jusqu’en 1992 font des dégâts longtemps après leur arrêt. 

    Diane est atteinte d’un cancer des ovaires, elle se bat depuis 15 ans contre une maladie apportée par le vent qui souffle au dessus des déserts. 

    La famille appartient à la communauté mormonne, attachée aux valeurs et traditions familiales sans être corsetée par elles. 

    Les rapports mère fille sont chaleureux même si l’une défend la gente ailée alors que l’autre la déteste ! La mère de Terry fut traumatisée par Tippi Hedren et le méchant Alfred. 

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      Un lieu en danger 

     

    Ce double combat est douloureux, difficile, la scientifique comme la fille, se sentent pleines de rage. Militante énergique et en colère car dit-elle en cent ans « La Californie a perdu 95 % de ses marécages. L’Utah vient d’en perdre 80 % en deux ans. »  

    Elle suit la progression de la maladie chez sa mère, sans pour autant renoncer aux petits plaisirs du quotidien, ceux qui aident au combat pour la vie et donne à ce récit une lumineuse beauté. 

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    Un bon et beau récit, plein de douleur, d’amour, de compassion mais aussi d’impuissance devant la colère de la nature, devant la maladie. Un livre plein de larmes qui peuvent être un soulagement à une condition dit la grand-mère de Terry « Seulement quand on sait que ces larmes ont une fin » 

    Un livre à double entrée, un auteur qui est un guide que l’on a envie de suivre sur les chemins de Bear River. N’oubliez pas vos jumelles 

     

    L'avis de Wallace Stegner  

    Ce qui est extraordinaire dans Refuge, c’est que Terry Tempest Williams est trop pleine de vitalité elle-même, trop fascinée par toutes les manifestations de la vie pour écrire un livre sombre. Il n’est pas une page dans Refuge qui ne bruisse de battements d’ailes

     

    Le livre : Refuge - Terry Tempest Williams - Editions Gallmeister -2012

     

    L'auteurTerry Tempest Williams est née en 1955 dans le Nevada et a grandi dans l’Utah. Naturaliste et activiste engagée dans la défense des

    TerryTempest_418w.jpgdroits des femmes, son combat pour la préservation de l’environnement l’amène à témoigner devant le Congrès à plusieurs reprises. Elle y dénonce les effets des essais nucléaires réalisés dans le désert du Nevada et qui sont alors minorés par le gouvernement. Auteur de nombreux récits, essais et poèmes, elle est aujourd’hui une voix incontournable de l’Ouest américain.(source l'éditeur)

     

     

  • L'Été grec - Jacques Lacarrière

     Dernière étape de notre voyage en Grèce

     

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    " Décomposez la Grèce et vous verrez qu’il ne restera pour finir, qu’un olivier, une vigne et un bateau". Elytis Odysséas 

     

     « Enfant j’ai souvent rêvé de la Grèce. » et pour assouvir son rêve, Jacques Lacarrière prend le large dans les années cinquante, il va vagabonder en Grèce pendant plusieurs années, du Péloponnèse au Mont Athos, des sites mythiques d’Epidaure aux villages crétois, de Sparte aux Cyclades.

    Si le titre est au singulier mais de fait c’est au cours de plusieurs années et de plusieurs voyages que Jacques Lacarrière va entrer dans le monde grec. Ses études l’ont familiarisé avec la langue, venu pour la première fois comme membre d’une troupe théâtrale, il est tombé amoureux de la Grèce.

     

     

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    "Un voyage à Athos c’est d’abord un voyage dans le temps. (...) Athos est une survivance, une parcelle de Byzance enclose en notre époque."

     

     

    De ses voyages il a tiré cette chronique indémodable, l’âge ne fait rien à l’affaire et l’on éprouve autant de joie à la lire aujourd’hui même si la Grèce décrite a bien changée.

    Il va tout au long de ses voyages, multiplier les rencontres, en commençant au Mont Athos qu’il arpente longuement. 

    Les monastères vont du simple bâtiment construit au dessus du vide au monastère riche de manuscrits mais agonisant faute de vocations. Des lieux peuplés de moines proches du monde rabelaisien, mais aussi des derniers anachorètes vivant sur des terrasses surplombant le vide et nourrit grâce à une nourriture montée par des jeux de poulies  jusqu’à des cabanes inaccessibles. 

     

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                               Fresques du Palais de Cnossos

     

    La Crète ensuite qu'il aime particulièrement, Cnossos où il fut seul pendant quatre jours « un monde ancré à la fois dans l’histoire et dans le mythe, comme si on retrouvait intacts les palais, les lumières et les odeurs de l’Atlantide. »

    Une île où il va rencontrer des muletiers, des bergers, des paysans, une île dont il aime la nourriture « ses fromages secs, ses olives, ses fruits, ses bouillies d’épeautre, son pain noir, son vin rosé et d’autres saveurs que je découvris: les graines et l’huile de sésame, le fenouil séché au soleil, le basilic frais, le miel de résine »

    Il aime les chants anciens comme Patrick Leigh Fermor, les kleftika, ces chants épiques de la guerre d'Indépendance et sans doute comme Zorba le son du Santouri.

     

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    " Delphes était vide abandonné, livré à tous les fantômes de l’histoire"

     

    Tous la Grèce est là : Epidaure, Mycènes, Delphes et son oracle, le Styx, Thèbes..........

    Question mythologie Jacques Lacarrière ne craint personne, alors c’est un festival tout au long des pages. 

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                              île et monastère d'Amorgos

     

    Mais vous ne quitterez pas le pays sans faire une petite croisière dans les îles. Des îles peuplées de chats, couvertes de vignes ou de forêts de pins, elles sont le refuge des chèvres sauvages ...bref le paradis. Il voyage sur le pont des bateaux, se fait des amis : le cafetier, l’instituteur, boit le raki en leur compagnie et n’a aucune envie de rentrer en France.

    Dans une dernière partie il fait retour en Grèce après le temps des colonels. La Grèce a changé et l’été prend fin. 

     

     

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                                        île de Santorin

     

    Voyager avec Jacques Lacarrière est un privilège, il est servi par une expérience sans pareille et l’art de communiquer son bonheur, son plaisir. Un bonheur et un plaisir simple comme  « l'odeur des feuilles de figuier qu'on froisse dans ses mains »

    Ce livre est gorgé du soleil et des parfums de la Grèce. C’ est un témoignage passionné et une approche vivante de la Grèce, un chant d’amour pour un pays, un peuple et son histoire, sa langue, ses chants, ses poètes.

     

    Un livre indispensable à tous les amoureux des voyages et de la Grèce
     

    Le livre : L’Été grec - Jacques Lacarrière - Editions Plon Terre Humaine - 1975