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  • Journal 1918-1920 - Nelly Ptachkina

     Fuir la Russie 

     

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    Etre adolescente en 1918 en Russie, être emportée par la tourmente révolutionnaire, c’est ce qui a poussé Nelly Ptachkina à tenir un journal. Il y a une certaine banalité à tenir un journal à cet âge mais le tenir pendant une guerre civile c’est tout autre chose.

     

    Bien entendu on pense à Anne Franck, on pense à Marie Bashkirtseff. Ce journal ne diffuse pas la même émotion que celui d’Anne Franck, il est nettement moins intellectuel que celui de Marie Bashkirtseff mais il y a ici une fraîcheur, une vivacité qui le rendent très agréable.

     

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                     La ville de Kiev en 1918

     

    Le journal suit les pérégrinations de la famille ballotté de ville en ville, Moscou, Kiev, Rostov puis en route vers l’émigration.

    Voilà une jeune fille issue d’un milieu privilégié qui voit se dérouler sous ses fenêtres une guerre civile. Son journal est ainsi un mélange entre la violence de l’époque et la vie quotidienne d’une jeune fille passionnée. 

    Elle est tout feu tout flamme Nelly, elle aime les livres, la littérature, l’histoire, elle s’enthousiasme pour tout : la planète terre ET le théâtre, le féminisme ET les garçons, la politique ET les bals.

    Elle lit énormément et développe une vraie réflexion qui lui permet d’observer ce qui se passe avec une oeil vif.

    Elle souffre aussi et sait le dire avec sincérité « Je souffre pour la Russie » et se projette vers un avenir où elle veut prendre sa place « Je désire être utile au peuple russe, je ne resterai pas indifférente à la vie politique de mon pays. »

    Elle aime les études et le dit bien fort « Etudier, étudier, étudier, quel bonheur ! » et s’affirme comme femme « Donnez-nous la possibilité de faire des études et nous vous prouverons que nous ne sommes en rien inférieures aux hommes. »

     

     

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                                   La cascade du Dard à Chamonix 

     

    On a beaucoup de plaisir à lire ces pages d’une intelligence aïgue, on est touché par la sincérité de cette jeune fille qui aime la lecture et nous confie son bonheur de lectrice « On sent, on vit, on apprend tant de choses en lisant ! Quel plaisir extraordinaire » 

    Elle imagine l’avenir et sait nous communiquer sa passion «.. devenir écrivain. Quel bonheur ce serait ! » 

    Elle est témoin aussi d’événements que l’on connaît moins bien : les terribles combats pour une République Ukrainienne, les pogroms des armées nationalistes, la guerre avec la Pologne. Elle lit énormément y compris la presse et développe une vraie réflexion qui lui permet d’observer ce qui se passe avec une oeil vif, sans a priori et avec une maturité tout à fait étonnante. 

     

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    Le journal s’arrête abruptement car Nelly Ptachkina qui a échappé à une guerre civile connaît un destin dramatique, elle fait une chute mortelle à Chamonix quelques mois après son arrivée en France.

     

    Une préface éclairante de Luba Jurgenson qui assure aussi la traduction.

     

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    Le Livre : Journal (1918-1920) - Nelly Ptachkina - Editions des Syrtes

     
  • Mémoires d'un commissaire du peuple - Joseph Kessel

    Rentrer en Russie ?

     

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    Paru en 1925 cette courte nouvelle a une saveur particulière. Dans une série de textes sur la Russie révolutionnaire Joseph Kessel montre tout son intérêt pour son pays d’origine. En 1919 Kessel est à Vladivostok, son expérience va modifier son regard sur la Révolution.

    Parmi tous ces textes j’ai choisi une longue nouvelle Mémoires d’un commissaire du peuple.

     

    Août 1914  Fedia est un bolchevique exilé en France. 

    Il vit des journées d’angoisse en ce début de guerre, mais la guerre en elle-même lui indiffère sauf si elle permet l’éclosion de la Révolution y compris au prix de la défaite de la Russie.

    Il se livre peu à peu, raconte son enfance sordide, une éducation qu’il doit à un déporté « Il me parla, me donna des livres, m’instruisit et m’ouvrit le monde  » un peu trop au goût du pouvoir tsariste qui l’expédia en Sibérie.

    Il est en contact avec Lénine qui envoie des directives qui le comblent « sa circulaire est admirable de clarté et de ruse » dit-il, attendre attendre et  convaincre les ouvriers, de se joindre à la Révolution qui est en marche et si ce n’est pas volontairement alors il faut le faire par la force « je veux par le fer et par le feu faire le bonheur de ce troupeau, même malgré lui.  »

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    Le personnage est plein de haine, de rage, de dégoût pour sa patrie dont il souhaite ardemment la défaite, défaite qui fera le lit de la révolution si l’on imagine « un plan quelconque pour profiter de cette tuerie bénie. » 

     

    La nouvelle est courte et réserve quelques surprises.

    J’ai aimé ces textes et particulièrement cette nouvelle, comme le rappelle Gilles Heuré dans la présentation, Kessel était « Russe de toutes ses fibres » et sa vision du totalitarisme est hautement prémonitoire si l’on songe qu’il l’a écrit entre 1919 et 1925 date de sa publication.

     

    Dans son parcours européen Geert Mak montrait le retour de Lénine en Russie, ici ce serait plutôt un bolchevique qui aurait raté son train.

     

    Le Livre : Reportages, Romans - Joseph Kessel - Editions Gallimard Quarto

  • Le manteau de Proust - Lorenza Foschini

    De fil en aiguille : le collectionneur

     

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    C’est l’histoire d’un passionné, d’un collectionneur, d’un obsédé, d’un amoureux.

    C’est à la fois un livre d’admiration envers Proust mais aussi pour l’ admirateur obsessionnel que fut Jacques Guérin

     

    Lorenza Foschini est journaliste et c’est en journaliste qu’elle va partir sur les traces de Jacques Guérin et de sa collection ahurissante d’objets et documents ayant appartenus à Marcel Proust.

     

    Le récit se focalise en partie sur le fameux manteau de l’écrivain, celui qu’il portait en permanence hiver comme été, qu’il jetait sur son lit quand il écrivait, dont tous ses amis se souviennent. Mais ce manteau mité et plus que défraichit n’est que le clou du spectacle offert par Jacques Guérin à la postérité. 

    Imaginez un collectionneur opéré d’une banale appendicite mais opéré par Robert Proust !  Quelle joie pour ce collectionneur, lors d’une visite chez le médecin d’apercevoir les manuscrits de Marcel Proust et d’être effaré par le peu d’intérêt que semble avoir le frère de l’écrivain pour l’oeuvre du grand Marcel.

     

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                                Les deux frères © Ph. Coll. Archives Larbor

     

    La suite ? une traque, une quête. Vous allez chiner avec Jacques Guérin , négocier des prix, chercher et …trouver des reliques qui permettront de reconstituer la chambre de Proust, que vous pouvez aujourd’hui voir au Musée Carnavalet.

    Vous pénétrez à sa suite auprès de Marthe Proust, la belle soeur qui ne souhaite qu’une chose c’est protéger l’honneur de la famille et pour cela n’hésite pas à brûler lettres et papiers  qui pourraientt rappeler les penchants de Marcel, ceux que la famille a toujours refusé de voir. 

     

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    Chambre au musée Carnavalet 

    L’enquête de la journaliste se lit comme un roman. On est ému par la ferveur de Jacques Guérin, et époustouflé par ses efforts et sa passion, il fut non seulement un grand parfumeur mais de plus il parvint à rassembler une fabuleuse collection de manuscrits et objets qui fut disséminée à la fin de sa vie.

     

     

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                                            Proust par Jean Cocteau © Maison de Milly la Forêt

     

    Pour info le manteau est toujours au Musée Carnavalet Lorenza Foschini l’a vu, touché, sous le regard sourcilleux et méfiant du conservateur.

     

     

    Le livre : Le Manteau de Proust - Lorenza Foschini - Edtions Quai Voltaire 

  • Chardin et Rembrandt - Marcel Proust

    De fil en aiguille : l'écrivain 

     

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                     " la fanfaronnade d'un vieillard qui ne se prend pas au sérieux "

    Proust journaliste, Proust chroniqueur d’art, des écrits qui ne furent jamais publiés de son vivant et que l’on retrouva dans ses papiers après sa mort.

    Une visite au Louvre de Marcel Proust avant la Recherche

    Il est « un jeune homme de fortune modeste » dont le regard se laisse prendre aux peintures du quotidien de Jean Baptiste Siméon Chardin.

     

    Dans l’impossibilité de partir pour l’Italie ou la Hollande, c’est dans les musées qu’il va chercher de la beauté et tout particulièrement auprès des oeuvres du peintre français.

     

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    « Le plaisir que vous donne sa peinture d’une chambre où l’on coud, d’un office, d’une cuisine, d’un buffet… »

     

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    « La femme qui prépare la table, la nappe antique et les assiettes encore intactes dont depuis tant d’années elle sent la fermeté douce résister toujours à la même place entre ses mains soigneuses, entre cette nappe et la lumière… »

     

    Proust nous prend par la main, non en critique mais en amateur de beauté, la beauté la plus simple  « Pour l’artiste véritable, comme pour le naturaliste, chaque genre est intéressant, et le plus petit muscle a son importance. »

     

    Avant d’être l’écrivain du petit pan de mur jaune  il nous guide  « comme Dante se laissa jadis guider par Virgile »

     

    Un tout petit livre illustré des tableaux des deux peintres, avec une postface qui vient heureusement compléter la lecture.

     

    Le livre : Chardin et Rembrandt - Marcel Proust - Editions Le Bruit du temps 

  • Chardin la petite table de laque rouge - Alice Dekker

    De fil en aiguille : le peintre 

     

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    Quand on est provinciale une visite au Louvre se prépare pour en profiter au maximum. Je connais à peu près par coeur le parcours à faire pour aller rejoindre les tableaux que j’aime, ceux que je vais revoir à chaque visite. 

    Les tableaux de Chardin en font partie, portraits ou natures mortes.

    Le choix de ce livre était donc tout à fait évident. 

     

    C'est une lettre, une lettre au fils, l’âge venu Chardin, le peintre des petites choses, se livre. Il fait retour sur sa vie de peintre, ses espérances déçues, ses réussites, ses remords.

     

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                                     Le Gobelet d'argent

     

    « Toucher, émouvoir, attendrir, révéler à chacun, l’ignorant comme le connaisseur, la poésie qui frémit dans les choses les plus humbles, dans les scènes les plus banales »

     

    Joli programme pour un peintre qui longtemps est jugé comme mineur par ses pairs, il vit à une époque où les tableaux d’inspiration religieuse ou historique sont les seuls vraiment admirés. 

    Il lui manque la culture et le talent pour les grands tableaux, il va alors peindre à sa mesure mais sans beaucoup de chance de se faire remarquer avec ses « carrés de viande » et « ustensiles de cuisine »

     

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                                       La Fontaine de cuivre

     

    Acharné et à la recherche des honneurs, Chardin parvient à être élu à l’Académie en tant que « peintre dans le talent des animaux et des fruits » et même à y occuper une place importante. 

    Artisan solitaire et soigneux il va se faire une place et bientôt il s’attaque aux portraits ou comme l’on dit à l’époque à la peinture de « figures ». Sa femme, son frère lui servent de modèles. 

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                   « Le profil de ta mère était des plus gracieux »

     

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    «  Dans une Dame qui prend du thé son cher visage était plus lumineux » 

     

    Après la mort de sa femme il vit des jours difficiles mais qui nous donnerons des chefs d’oeuvres. 

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    « J’ai peint l’intime chaleur d’une maison, la candeur de l’enfance, la paisible simplicité du quotidien »

     

    Dans ce livre l’homme Chardin apparait avec ses failles, ses incertitudes, ses efforts, ses pudeurs. 

    Une belle biographie romancée, subtile et attachante qui invite à s’offrir une petit visite au Louvre ! 

     

    Le livre : La petite table de Chardin -  Alice Dekker - Editions Arléa

     

    L'avis de Claudialucia 

     

    Et si vous cherchez un livre sur les oeuvres de Chardin simple et peu coûteux je vous recommande celui là , les reproductions sont de bonne qualité.

     

    Le livre : Chardin - Etienne Jollet - Editions Herscher 

     

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  • Une petit île heureuse - Lars Sund

    Chez nos voisins du nord

     

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    Après deux étapes polonaises, un peu de légèreté et de cocasserie à la condition que vous acceptiez de monter dans mon bateau et plein gaz en direction d’un petit archipel caché au sud-ouest de la Finlande.

    Une flotille d’îles : Busö, Aspskär, Hemsö, Kokär.....

     

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    Mais attachons nous à Fagerö, une Petite île heureuse, on vit de la pêche depuis la nuit des temps. L’été « il y faisait bon vivre durant cette saison si diaphane. »

    Tout le monde connaît tout le monde. On peut cancaner et colporter les nouvelles, parler de Judit que personne n’appelle par son prénom mais que tous désignent comme «  la reine d’Aspskär  » , tout le monde parle de Mattsson l’homme politique le plus influent de l’archipel. Et puis il y a Pettersson qui va bientôt faire faillite ( si si c’est le facteur qui le dit), les Kangarn les voyous locaux.

    Et si les nouvelles circulent si bien c’est un peu grâce à Janne le facteur, quand on arrive chez lui on entend un sifflement « Nous frappons, ouvrons, entrons. Le sifflement s’intensifie » Janne est occupé à ouvrir consciencieusement tout le courrier de Fagerö « C’est un véritable expert que nous observons à l’action. » C’est comme ça qu’il est au courant du cancer d’Abrahamsson, le pauvre !! 

     

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    " Les funérailles furent célébrées à l'extérieur, c'est toujours la coutume à Fagerö "

     

    La saison touristique bat son plein quand l’île se met à recevoir quelques invités un peu ...spéciaux.

    Jour après jour, nuit après nuit, des corps viennent s’échouer sur les côtes de Fagerö, un ça irait mais dix, vingt, cent, là ça devient une habitude et ce n’est pas tenable. Surtout que ....tous ces morts y sont même pas d’ici !! et que ça va gâcher la saison touristique. Alors les renvoyer d’où ils viennent ? leur faire une place dans le cimetière

    L’idéal serait de trouver un bouc émissaire .........Le pauvre policier local Riggert von Haartman ne sait plus quoi en penser et ça n’arrange pas sa déprime ! Peut être que Ghita Saarinen la journaliste du coin sera d’un quelconque secours.

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    " Dépéchez vous êtres humains de profiter de la lumière du début de l'été ! Les ténèbres seront de retour bien trop vite "

     

    Ah que voilà un bon roman, exubérant, goûteux, acidulé au point d’en avoir les dents agacées. La littérature nordique au mieux de sa forme.

    Vous avez bien compris que se cache là dessous une critique à peine voilée de nos travers, de nos penchants xénophobes, de notre amour pour notre pays mais pas de ces immigrants qui se présentent en masse à nos portes. 

    Une île métaphorique et un récit à la forme parfaite, nous sommes invités dans les maisons, on pourrait presque goûter les plats, nous nous penchons sur les tombes encore fraîches. Les personnages sont cocasses et très bien croqués. C’est un feu d’artifice d’images, de rires grinçants, d’espièglerie parce que "créer un monde fictif à partir de rien, à l'aide d'outils que la langue met à notre disposition, est véritablement une entreprise noble et exigeante "

    On pense aux meilleurs romans de Paasilina ou de Laxness.

     

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    Je ne l’ai pas lâché une fois que je me suis un peu accoutumée à la cuisine (ah la confiture d’airelles ) et aux noms finlandais. 

     

     

    Le livre : Une petite île heureuse - Lars Sund - Traduit du suédois par Carine Bruy - Editions Mercure de France

     


    609449f7ec37d9acb_1.jpgL’auteur
    : Lars Sund, né en Finlande, il fait partie d’une minorité qui s’exprime en Suédois. Il est l’auteur d’une trilogie, Siklax, dont chaque volume a été un best-seller en scandinavie.