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  • En mémoire de la forêt - Charles T Powers

    Chers Voisins : le retour du passé

     

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    « Il sera question d’un village polonais, de péripéties locales, de corruptions mineurs en vue de profits douteux, de châtiment et de pardon, d’un passé que l’on respecte ou que l’on redoute »

    Attention on est chez Sonatine donc tout commence par un meurtre, celui de Tomek Powierza, eh oui autant vous habituer tout de suite aux noms car nous sommes en Pologne « vieux pays de la vieille Europe »

    Leszek est son ami, ils habitent un village, un gros bourg du nom de Jadowia, le corps de Tomek est retrouvé dans la forêt, le crâne enfoncé. Il n’était pas clair Tomek mais de là à le tuer ! Leszek veut en avoir le coeur net et va mener sa petite enquête.

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                              Dans la forêt profond

     

    Nous sommes quelques années après la chute du communisme, plus personne n’a peur de rien et  les magouilles vont bon train. 

    Mais il est toujours difficile de faire table rase du passé, et à l’occasion de ce meurtre et de l’enquête qui va suivre, les secrets enfouis vont ressortir au grand jour. Vous savez il y a toujours un voisin qui s’en ait mis plein les poches grâce au Parti, l’autre s’est enrichi avec des marchés publics truqués.....Vous avez l’impression d’être en pays de connaissance ? on se demande pourquoi !

     

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                       attention au charme trompeur

     

    Charles T Powers prend son temps pour installer son intrigue, pas question de nous livrer un polar clé en main, il y va à l’économie. Cette lenteur fait monter doucement la tension, les personnages se dessinent peu à peu : petits truands, paysans matois, élus prévaricateurs, bref une commune comme les autres, sauf que.....nous sommes en Pologne et pendant la dernière guerre des événements ont eu lieu ici dont personne n’a très envie de souvenir. 

    Leszek est obstiné et va gratter là où ça fait mal et il va aller de surprise en surprise. 

     

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                      Que sont ces voisin devenus ?

     

    Rien de tel qu’un village pour garder un secret, on dénoncerait bien le voisin mais ce serait se dénoncer soi-même alors ...

    C’est un polar qui n’entre pas dans la catégorie des romans haletants, le récit est sombre, c’est la mémoire qui domine, la mémoire d’un pays où il ne fut pas toujours facile d’être un bon voisin !!!

     

    L'avis d'Aifelle : Un excellent roman, à la fois distrayant, instructif et très bien écrit.

     

    Le Livre : En mémoire de la forêt - Charles T Powers - Traduit par Clément Baude - Editions Sonatine

     

  • La Peur -L'antisémitisme en Pologne après Auschwitz - Jan T Gross

    Chers voisins : quand ils se font bourreaux

     

    Un sujet grave et diffcile, celui de l’antisémitisme en Pologne après la Seconde Guerre mondiale. La Pologne a perdu 90% de sa population juive et rares sont les survivants qui sont revenus se réinstaller dans leur pays d’origine. Quand ils reviennent ils sont accueillis non seulement froidement mais avec une réelle animosité. 

    Ces personnes qui viennent de passer des mois en camps de concentration ou en exil en URSS, qui ont pour la plupart perdu toute leur famille, sont à nouveau victime d’antisémitisme.

     

    Et l’incroyable se produit, alors que chaque famille polonaise eût à souffrir de l’occupation nazie, une hostilité se manifeste à l’égard des juifs survivants. 

    Il va y avoir plus de juifs tués après la fin de la guerre qu’avant celle-ci. Des pogroms eurent lieu dans plusieurs villes, presque en toute impunité. Ce qui paraît impossible et impensable a pourtant lieu. Il y eut sans doute plus d’un millier de victimes dans tout le pays.

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               La ville de Kielce aujourd'hui

     

    Lorsque l’on cherche les causes de ce déferlement de violence la première raison invoquée est un soi-disant soutien apporté par les juifs au communistes lors de l’invasion d’une partie de la Pologne par l’URSS en 1939.

    Cette explication est largement insuffisante  « Il est surprenant que les tenants de cette explication, prompts à dénoncer l’accueil chaleureux que les Juifs réservèrent prétendument aux Soviétiques en 1939, n’évoquent jamais la joie que manifesta une frange de la population lors de l’arrivée des nazis, dans l’est du pays, en 1941… »

     

    Jan Gross pense qu’une « des racines fondamentales du conflit entre les Polonais et les Juifs après la guerre, était l’appropriation illégale de biens appartenant à des Juifs pendant la guerre. »

    Un peu partout des pillages avaient eu lieu lors de la déportation des familles juives, vols et pillages souvent perpétrés par ....leurs voisins. Des polonais occupèrent les appartements et des maisons des Juifs Polonais déportés, certains même passèrent de spectateur à délateur auprès des autorités nazies.

    Après guerre des questions se posaient « qui s’était enrichi au dépens des juifs et dans quelles proportions ? » d’ailleurs l’administration n’avait pas été en reste dans cette main mise sur des biens juifs.

     

    En juillet 1946 à Kielce un jeune garçon de 8 ans fugue pour aller rejoindre des amis à quelques kilomètres, il rentre le soir même à son domicile mais le lendemain le père porte plainte accusant les juifs d’être à l’origine de l’enlèvement de son fils.

    La foule se rassemble, un homme juif est suspecté, des immeubles sont perquisitionnés sans rien trouver et tout dégénère.

    La foule s’arme de barre de fer, de pierres, des juifs sont défenestrés, des coups de feu sont tirés.

     

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               Les victimes

     

    Les personnes hospitalisées ont peur de représailles et craignent une attaque de l’hôpital par la foule.

    « Tout au long de la journée, dans toute la ville, des hommes en uniforme, des soldats, des policiers, des scouts des cheminots, poursuivirent, agressèrent, frappèrent et tuèrent des Juifs »

    Le Parti communiste avait tout à gagner aux dissensions entres les communautés, le PC local suggéra après le pogrom que « l’on crée une institution pour faciliter le départ des Juifs de Pologne »

     

     

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                     Les blessés 

     

    L’Eglise catholique quant à elle ne trouva pas nécessaire de s’adresser à ses fidèles par une lettre pastorale et en réponse à 9 journalistes étrangers qui l’interrogeait, le Cardinal Hlond précisa « J’ai enquêté sur les faits et je n’ai pas découvert d’éléments justifiant la publication d’une lettre ». Plus tard il y eu une condamnation vague pour les « violences » commises, sans pour autant parler de pogrom ou de juifs.L’Eglise ferma les yeux une nouvelle fois.

    Pas d’éléments ?  43 personnes furent tués ce jour là à Kielce.

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                      La population juive après le pogrom

     

    Jan Gross livre une étude extrêmement précise et détaillée du pogrom de Kielce qui eût lieu le 4 juillet 1946 et d’une façon générale de la vague de violence qui se produisit, des réactions officielles, des mesures prises ou plutôt l’absences de mesures. 

    C’est un livre d’historien, tout est passé au crible, les documents policiers de l’époque, les enregistrements des témoignages, les interrogatoires des polonais spectateurs ou acteurs. Il montre les réactions de toutes les instances. : administration, Parti Communiste Eglise catholique, justice.  « Là où il devrait y avoir une culpabilité et une honte absolues il n’y a qu’un silence gêné »

     

    115926.jpgJan Gross est américano-polonais ce qui lui donne une crédibilité certaine. Il fut la cible de procès en Pologne pour diffamation et incitation à la violence ! Les charges furent finalement abandonnées.

    Il a publié un livre qui porte pour titre Les Voisins, porte sur les réactions du village Jedwabne dans lequel en 1941, les Polonais, inspirés par les Allemands, ont brûlé des centaines de juifs. 

     

    Pour moi un livre utile « Un livre écrit avec passion par un auteur engagé » qui a le mérite d’informer sur des faits passés sous silence. Comme dans de nombreux pays occupés, comme en France, comme dans les Pays Baltes, il est bon que des livres comme celui-ci paraissent. Ce n’est pas en niant le passé que l’on peut en éviter le retour. Ce n’est pas en niant l’antisémitisme qu’on le fera disparaître.

     

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    Le livre : La peur - L’antisémitisme en Pologne après Auschwitz - Jan T Gross - Editions Calmann-Lévy

     

  • Le frémissement de la grâce - Jean Christian Petitfils

    Anniversaire 

     

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    J’avais promis hommage ET anniversaire donc passons à l’épisode 2

     

    Il y’a cent ans Henri Fournier publiait le Grand Meaulnes sous le pseudonyme d’Alain-Fournier. 

    Convenez que ça se fête ça !! 

    Le roman unique, le roman d’une vie, l’auteur d’un seul roman mort avant d’avoir pu connaître son apothéose.

     

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    Le grand amour d'Alain-Fournier

    Quand j’ai croisé chez le libraire cette biographie, dont le titre superbe est emprunté à Alain-Fournier, je me suis précipitée. Si vous attendez de moi un conseil, c’est vite vu : je vous invite à relire le Grand Meaulnes et à laisser de côté cette biographie. 

    Non qu’elle soit mal écrite ou pas documentée, non, c’est plutôt que je n’ai rien appris de vraiment important. J’aime que les biographies m’aident à mieux comprendre les oeuvres de l’auteur, à m’immiscer dans sa vie pour en suivre les méandres.

    Ici j’ai appris des choses, oui, mais des détails, on sait tous que l’héroïne du roman est aussi le grand amour d’Alain-Fournier, qu’il a transposé dans son oeuvre  « l'ineffable nostalgie d'un amour impossible »

    On sait aussi que l’école qu’il décrit dans les premières pages du roman c’est celle où ses parents ont vécu et travaillé.

     

     

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    Enfin personne n'ignore sa fin dans les premières semaines de la Grande Guerre

     

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    Certes on a quelques informations sur l’enfantement du roman, sur la vie d’Henri Fournier dans les années qui précédent, mais sa vie de l’époque, ses relations dans le milieu littéraire sont largement plus intéressantes au travers de sa correspondance avec Jacques Rivière son ami et beau-frère.

    Si vous voulez retrouver celle qui illumina la vie de l’auteur, si vous voulez retrouver le chemin du domaine découvert par Augustin Meaulnes : lisez-le , relisez-le ou écoutez le roman et faites l’impasse sur cette biographie.

     

    Le site du Grand Meaulnes

     

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    Les livres : Le frémissemnt de la grâce - Jean-Christian Petitfils - Editions Fayard

    Choisissez plutôt : Une amitié d'autrefois - lettes choisies - Gallimard folio

    ou le livre audio lu par Yves Belluardo