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Rechercher : l'archipel d'une autre vie

  • La douceur de la vie - Paulus Hochgatterer

    Le voyage d’hiver 

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    Une si jolie petite ville

    Après deux romans décevants j'ai lu ce livre avec délectation et lenteur. 

    Le roman s’ouvre classiquement sur le crime odieux d’un vieil homme à qui son meurtrier a quasiment supprimé le visage avec une rage et une haine rares. Près du corps sa petite fille Catherine une enfant de six ou sept ans que la découverte a rendu mutique et qui garde enfermés dans sa main, deux petits objets comme si sa vie en dépendait.

    Nous sommes à Furth en Basse Autriche une petite ville comme les autres avec son lac, son hôpital et son église, une ville figée, repliée sur elle-même. 


    Le commissaire Louis Kovacs est chargé de l’enquête, privé de son témoin oculaire il fait appel à Raffael Horn le psychiatre local qui va tenter sortir Catherine de sa sidération.

    Le récit va osciller sur un rythme lancinant de métronome entre ces deux hommes et le prêtre de la petite communauté. 

    Récit polyphonique sur fond de préparatifs de Noël et d’odeur d’encens.

    Nous sommes invités à déplacer notre regard et à observer les différents personnages sous plusieurs angles, l’invitation est faite avec une grande subtilité et joue sur nos nerfs de façon extrêmement efficace. 

    Le flic cherche des indices, interroge, le psy explore la fragilité et les zones d’ombre des hommes. Tous les personnages secondaires ont de l’épaisseur et l'auteur prend le temps de nous les présenter, de nous faire entrer dans leur intimité, de nous dire ce qu’ils aiment, ce qui les inquiète, ils ont eux aussi leur mot à dire.

    Je suis très discrète sur l’intrigue que je vous laisse découvrir.
    Ce livre est une étude sociale autant qu’un polar, le récit est construit très intelligemment, il fait par petites touches monter un sentiment d’inquiétude. Un critique allemand le compare à « des chocolats empoisonnés ». Un portrait en profondeur et sans concession de la société autrichienne qui nous dit qu’il ne faut pas se fier au charme des paysages de montagne.

     

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    Paul Hochgatterer est psychiatre et a rencontré déjà un vrai succès en Autriche et en Allemagne, il y a donc d’autres titres à venir, c’est ce que je j’espère du moins.

     

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    Le Livre : La douceur de la vie - Paulus Hochgatter - Quidam Editeur  2012

    Grand prix de littérature policière allemande en 2007.
    Prix de Littérature de l’Union Européenne en 2009.

  • Une vie - Guy de Maupassant

    une vie.jpgUne vie - Guy de Maupassant - lu par Anny Duperey - Editions Naïve
    Un rapide résumé du roman de Maupassant : Jeanne, jeune fille issue de la petite aristocratie normande, ses années de couvent l’ont préparé à son rôle mais certainement pas à la « vie »
    Son mariage très rapide avec Julien aristocrate désargenté et très peu fidèle, va la mener par étapes de désillusions en désillusions.
    La condition féminine de l’époque, avec ses préjugés et ses contraintes, est particulièrement bien rendue et Anny Duperey sert parfaitement cette peinture noire et lucide.

    Ce roman de Guy de Maupassant a été publié en feuilleton en 1883, pourquoi ne pas retrouver le côté feuilletonesque en écoutant ce roman par chapitres.
    J’ai pris un grand plaisir à cette écoute et si vous partez en vacances en Normandie pourquoi ne pas l’écouter sur les lieux même ?

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    Les environs de Fécamp ( photo Aifelle)

    Vous pouvez gratuitement écouter l'oeuvre de Maupassant sur votre ordinateur sur le site  Guy de Maupassant

    Pour les amateurs de Maupassant rendez vous sur le site Maupassantiana

  • Mon libraire sa vie, son oeuvre - Patrick Cloux

    Liber, livres, librairies

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    Pour poursuivre le voyage en terre de librairie je vous propose un abécédaire au ton joyeux, qui bien entendu fait l’éloge de la librairie.

    Peut-être connaissez-vous déjà l’auteur : Patrick Cloux, pour les amateur de marche je vous recommande son livre Marcher à l’estime.

    Ici c’est avec bonhommie mais aussi avec sérieux qu’il parle de son métier et de ses difficultés mais aussi de son rôle de guide en lecture.

     

    Balade de A à Z sur les étagères des librairies. On démarre à Amitié car proposé un livre c’est pour lui « un adoubement complice et fraternel ».

    Il reconnait qu’il y a des villes, des lieux qui sont des déserts de librairies ( et depuis 2007 ça ne s’est pas arrangé) 

    Il a des exigences Patrick Cloux, pour lui une librairie doit être belle « pas forcément riche, mais belle » elle se doit d’être un « doux refuge » mais attention elle ne doit pas être trop pomponnée dit-il dans l’entrée Bouquiniste car elle doit permettre de « trouver ce qu’on ne cherche pas »

     

    Il faut au libraire supporter la clientèle qui « piaffe sans relâche » ces clients qui veulent être vite servis « car ils sont mal garés » qui suivent les yeux fermés ce que les « bluffs médiatiques leur intiment d’aimer »

    Il passe en revue les campagnes pour le livre, les lois, les aides et aussi les mesures qui déstabilisent ( une augmentation de TVA par exemple!)

    Vous ferez un tour dans les grandes librairies pratiquement toutes disparues aujourd’hui. 

     

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    L’obligation douloureuse de vendre le tout venant pour pouvoir vendre ce à quoi l’on croit, ce à quoi l’on tient.

    Mais  disons-le tous les libraires ne sont pas parfaits, il y en a de fort peu aimables, de franchement acariâtres, et même , si si , des libraires qui ne lisent pas ………….

    Pour lui lecteur est un métier qui permet de « voir germer un jour, un texte porteur de joie là où on ne l’attendait pas ».

    Quand vous saurez qu’il y a l’entrée  engouement , inventaire, fidélité, je sais que vous ne pourrez pas résister.

     

     

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    « Le meilleur vendeur de librairie générale

     fut pendant quinze ans

    un certain Bernard Pivot » 

     

    J’ai aimé la combativité de Patrick Cloux, sa truculence, sa bonne humeur. Mais il n’y a pas à se tromper c’est un libraire entré en résistance. Sa défense de la profession est passionnante et passionnée et un peu comme avec les épidémies, à le lire, il vous prend un prurit de lecture.

    Le genre de livre qui vous donne une envie furieuse d’ouvrir une librairie ou du moins d’aller y faire un tour, bref une oeuvre de salut public et avoir mis Gérard Philipe en couverture est un appât supplémentaire.

     

    Le livre : Mon libraire, sa vie, son oeuvre - Patrick Cloux - Editions Le Temps qu’il fait- 2007

  • Comment vivre ? Une vie de Montaigne

    Pourquoi ne pas tenter l'aventure ?

     

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    Vous êtes déjà un lecteur assidu des Essais ? ce livre va vous enchanter par la richesse des points de vue développés.

    Vous êtes un nouveau lecteur de Montaigne ? c’est une entrée en matière splendide, familière, éclairante. 

    J’ai acheté ce livre parce que je suis toujours à l’affut de livres sur Montaigne et aussi parce que l’auteure dans sa prestation à la Grande Librairie m’a paru simple et joyeuse.

     

    Ma bibliothèque Montainienne est déjà bien fournie et pourtant ce livre m’a vraiment enchanté. 

    Ce que j’ai aimé ? 

    Tout d’abord le ton : gai, jovial, enlevé et savoureux. Il y a un joli clin d’oeil à Montaigne et ses Essais , à l’homme qui aimait tant la conversation, car c’est à une conversation entre amis que nous convie Sarah Bakewell.

     

     

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    L’auteur a fait le choix de chapitres qui questionnent le texte des Essais.

    Y a t-il une bonne façon de vivre ?  Sarah Bakewell balaie ainsi tous les thèmes chers à Montaigne et pour chacun propose une tentative de réponse, une solution, un truc, un conseil qu’elle va chercher chez le philosophe qui lui, préfère parfois nous livrer son point de vue par petits bouts, bien caché au milieu d’anecdotes, de digressions ou de citations latines.

     

    Comment vivre ? 

    - Lire beaucoup, oublier l’essentiel de ce qu’on a lu (ohhhhh)

    - Utiliser de petites ruses

    - Tout remettre en question

    - S’arracher au sommeil de l’habitude

    - Faire du bon boulot sans trop ( je l’aime beaucoup ce chapitre là) 

    Et beaucoup d’autres comme : Garder son humanité, un thème qui revient souvent sous la plume de Montaigne lui si résolu contre la torture, les procès en sorcellerie, l’intolérance, les conflits armés. 

     

     

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    Une façon de revisiter les essais tout à fait réussie, pas une fausse note, pas un moment d’ennui. L’auteure nous invite avec espièglerie à retrouver Montaigne dans ses successeurs qui furent parfois des frères ennemis : Pascal ou Rousseau qui le pillèrent tout en le critiquant, s’en inspirèrent tout en le moquant. 

    Pas possible de sortir du livre avant d’avoir croiser Shakespeare ou John Florio, Nietzsche, Virginia Wolf ou Stefan Zweig, admirateurs inconditionnels.

     

     

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    un article de la société des amis sur le livre de Sarah Bakewell

    Ce livre doit se lire avec à côté de soi une version des Essais comme celle d’Arléa qui permet une approche simple de la langue et une traduction immédiate des citations sans avoir recours à des notes.

    Ce livre sera votre allié, votre aide, votre lampe de secours quand Montaigne se fera un peu obscur, quand vous errerez un peu dans  son maquis, quand vous perdrez le fil de sa conversation.

    Le père de Montaigne souhaitait que son fils apprenne avec « douceur et liberté sans rigueur et contrainte »  c’est exactement ce que Sarah Bakewell nous propose. La traduction est parfaite !!

     

    On sent dans ce livre toute la richesse des Essais, ce livre « à hauteur d’homme » et toute la passion de Mme Bakewell qui dit à la manière de Montaigne « Quand j’aime, j’aime »  

     

     

                    Une interview de l'auteure

     

     

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    Le livre :   Comment vivre? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse  - Sarah Bakewell - Traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat - Editions Albin Michel

  • La Splendeur de la vie - Michael Kumpfuüller

    L'amour à mort

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                                          Dora Diamant

    J’ai dans ma bibliothèque le journal et les romans de Kafka. Autant le dire, j’aime le journal mais je suis toujours restée imperméable à ses romans 
    Ce roman m’a attiré car il apporte un éclairage sur l’écrivain sans être une vraie biographie.

     

    Ici nous abordons aux rivages de la fin de vie de l'écrivain. Malade, tuberculeux, lors d’un séjour au bord la Baltique, nous sommes à l’été 1923, il fait connaissance avec Dora Diamant, elle est immédiatement séduite par le Docteur, comme elle l’appelle, il a quarante ans et elle vingt cinq mais qu’importe. Il va mourir de tuberculose dans les mois qui suivent. Ils décident de vivre ensemble à Berlin

    C’est la grande dépression, pas facile de se loger et de vivre et les déménagements seront nombreux. L’antisémitisme montre le bout de son nez. Kafka se remet à l’écriture de nouvelles et de temps à autre Max Brod passe prendre ses écrits pour les faire publier. Il écoute Dora pour qui les traditions juives tiennent une place dans sa vie, elle la « juive de l’est » comme l’apelera la mère de Kafka. Elle sagement écoute ses amis, assiste à des représentations théâtrales, lit ce que Franz Kafka lui donne à lire.

    Elle le nourrit, l’apaise, le rassure sans poser beaucoup de conditions est là lorsque son souffle se fait court. Elle est la mère, la femme, l’amante, l’infirmière. L’argent manque mais c’est le bonheur. Quant la maladie rattrape Kafka, quand il ne peut plus respirer, plus avaler, il faut partir à la recherche d’un sanatorium et l’on est un peu transporté chez Hans Castorp sur la Montagne magique de Thomas Mann.

     

     

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                                         une page du journal 

     

    L’auteur nous propose un kafka amoureux mais toujours sous l’emprise de sa famille. Toujours accablé par le mépris de son père, par la sévérité des ses proches. 

    Dora, elle, est la femme un peu soumise mais follement amoureuse, prête à tout par amour, par abnégation.

    Dès la première rencontre on devine que la fin est proche. Kafka souffre de solitude et pourtant pas question pour lui de retourner à Prague au sein de sa famille.

     

    Aujourd’hui pas la moindre trace de cet amour car la famille de Kafka et peut être Dora elle-même ont fait disparaitre les lettres échangées.

    L’auteur s’est donc inspiré de la vie de Kafka, avec intelligence et sensibilité il parvient à nous restituer ces derniers mois de la vie de l’écrivain. Une magnifique histoire d’amour un peu sombre mais magnifier par Dora Diamant prête à tout donner, tout accepter. 

     

    Eeguab parle lui de lecture "précieuse et vivace" 

     

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    Le livre : La splendeur de la vie - Michael Kumpfmüller - Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss - Editions Albin Michel 

     

  • Vies de Job - Pierre Assouline

     Parcours dans le monde de la Bible deuxième étape 

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    Job et sa femme- Georges de La Tour

     Tout le monde connait Pierre Assouline, son blog, ses critiques, ses livres. Je ne suis pas une inconditionnelle, si j’aime ses biographies je n’apprécie pas vraiment ses romans, venant de terminer le livre de Meir Shalev j’ai enchainé avec  Vies de Job  c’est tout le plaisir des ricochets dans les lectures.

     

    En choisissant la forme du roman Pierre Assouline s’offre la liberté totale, il ne fait ici ni oeuvre d’historien, ni de philosophe, mais oeuvre d’homme pour qui Job aujourd’hui est une figure obsédante et universelle. Partons sur les traces de Job, un peu partout dans le monde, dans la littérature, la peinture ou le théâtre. 

     

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     Job par Gerard Seghers

     

    " Ce livre que l'on garde autant qu'il nous garde, les juifs l'ont judaïsé, les chrétiens l'ont christianisé, les musulmans l'ont islamisé, les poètes l'ont poétisé."

     

    Parlons d’abord du livre de Job lui-même, vous le trouverez dans toutes les bonnes Bibles, un livre assez court et qui hante énormément de lecteurs, croyants ou non :  Julien Green le portait en permanence sur lui dans un petit exemplaire relié nous dit Pierre Assouline. 

    Job c’est l’homme dépossédé de tout : ses enfants, son troupeau et tous ses biens. Il est atteint dans sa chair même et se retrouve seul sur un tas de cendres. Il survit, il résiste et cherche à comprendre.

    C’est un juste souffrant, "il est droit de coeur, intègre craignant-Dieu " et pourtant il se débat dans la nuit et la solitude,  il ne comprend pas où est sa faute, il exige des explications ! 

    Cette histoire, cette parabole qui hante l’auteur va entraîner celui-ci à la recherche de Job, pour s’en approcher au plus près car Pierre Assouline a la conviction que cet homme qui n’a jamais existé, cet homme est toujours vivant parce que son influence est toujours présente et qu’aujourd’hui encore il aide les gens à survivre.

     

     

    Une version fleurant bon le Québec

     

    La recherche est celle d’un journaliste, une véritable enquête qui le conduit auprès des exégètes, des chercheurs, des théologiens, chrétiens ou juifs. Il va comparer des textes, comparer les traductions et tirer patiemment le fil de ce livre qui est sans doute antérieur à la Bible car on en trouve trace dans des textes mésopotamiens et même indiens.

    Il va faire un séjour dans un monastère, fouiller la bibliothèque de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem et interroger les érudits qui « lisent la Torah mieux que bien des juifs »

    Son enquête autour de ce « un craignant-Dieu » le porte vers la philosophie et par exemple le thème de la souffrance développé par Marcel Conche dans Orientation philosophique. Mais il va aussi inviter à une promenade littéraire parmi ceux que le livre de Job a inspiré ou questionné : Kafka, Camus, Unamuno...

     

    Roman ou bien sûr car Assouline s’accorde une grande liberté de cheminement qui laisse parfois la place à un livre très personnel qui le dévoile avec pudeur et émotion

    « La mort de mon frère m’a éloigné de Dieu, celle de mon père m’en a rapproché »

    Le témoignage de sa présence auprès de François Nourissier dans les dernières semaines de sa vie ou de ses échanges avec Carlos Fuentes qui a vu mourir ses deux enfants ou cette cette confidence qu'il livre : pendant un an et trois fois par jour Pierre Assouline a récité le kadish pour son père disparu.

     

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    Job sur le fumier - Jean Fouquet

    " On y trouve toutes les qualités du style ancien, la concision, la tendance à l'énigme, un tour énergique et comme frappé au marteau" Ernest Renan cité par Pierre Assouline 

    C’est ce mélange qui m’a rendu ce livre très proche, je l’ai trouvé grave et intense, les digressions aidant à ne pas s’appesantir. Job fait déormais partie de la " famille de papier " de l'auteur et de la mienne.

    C’est un livre auquel je reviendrai moi l’incroyante absolue, parce que c’est un livre qui touche tous les hommes bien au-delà de leurs croyances ou de leur appartenance à une religion. 

     

    Le livre : Vies de Job - Pierre Assouline - Editions Gallimard