Depuis ma lecture de Le temps où nous chantions de Richard Powers je n’ai plus lu l’auteur car ses récits ne m’attiraient pas vraiment mais je crois que j’ai eu manifestement tort.
Je viens de lire le dernier de ses romans et là je suis prête à lui accorder cinq étoiles sans aucune restriction.
Voici l’histoire de Robin et Théo Byrne.
Robin est un petit garçon autiste à l’intelligence étincelante, Théo lui est astrobiologiste.
Des exoplanètes
Théo est créateur d’exoplanètes !! bon un peu d'explications : il crée des mondes imaginaires peuplés de planètes où il invite son petit garçon. C’est l’évasion qui aide celui - ci à tolérer la vie comme elle est.
Ils sont seuls et vivent un peu en autarcie, Alyssa la mère de Robin est morte récemment, Robin fréquente l’école mais la vie est dure pour un enfant comme lui. La tolérance des enseignants et enfants est très précaire hélas.
Le père tente de faire oublier à l’enfant les difficultés de l’école :
« Un soir de la mi-août, il demanda une planète avant de se coucher. Je lui offris Chromat. Elle avait neuf lunes et deux soleils, l'un petit et rouge, l'autre grand et bleu. Ce qui produisait trois types de jour de longueur différente, quatre types d'aube et de couchant, des dizaines d'éclipses possibles, et d'innombrables saveurs de crépuscule et de nuit. La poussière dans l'atmosphère transformait les deux types de lumière solaire en aquarelles tourbillonnantes. Les langues de ce monde avaient pas moins de deux cents mots pour désigner la tristesse et trois cents pour la joie ».
Ecologistes dans l’âme père et fils sont en veille permanente pour surveiller l’extinction des espèces, les ravages du climat, la souffrance animale.
Robin hypersensible tolère mal ces destructions annoncées et fort des convictions de sa mère il dessine sur le sujet en permanence.
Les ravages du climat ?
Bientôt c’est le parcours du combattant pour Théo qui risque de voir son fils contraint de prendre des traitements miracle pour freiner son émotivité et son instabilité émotionnelle.
Ne voulant pas que l'on administre un traitement à base de psychotropes à son fils il fait appel à une de ses connaissances , un neurologue qui travaille sur la cartographie des émotions, neurologue qui m’a rappelé Antonio Damasio dont les livres m’ont passionné.
la cartographie de nos émotions
Le neurologue lui propose un traitement expérimental, exempt de toute chimie et basé sur le feedback neurologique permettant de rééduquer les perceptions et les émotions à l’aide d'enregistrements faits autrefois sur la mère de Robin.
Robin nous rappelle combien passons à coté des beautés du monde, des choses importantes.
« Les choses les plus banales ralentissaient son pas. Une fourmilière. Un écureuil gris. Une feuille de chêne sur le trottoir, aux nervures rouges comme de la réglisse ».
Il est fort d’un espoir fort « T'inquiète pas, papa. Nous, on trouvera peut-être pas la solution. Mais la Terre, si »
L’empathie de Robin pour le monde se développe.
Ce père qui enveloppe son enfant de tendresse et fait preuve d’une complicité poétique, est émouvant, leurs échanges sont magnifiques, parfois drôles, la relation est fusionnelle entre le père et le fils. Théo est paniqué par l’impossibilité qu’il a d’aider son fils.
L’auteur sait à merveille enrichir son propos d’images magnifiques, de poésie, de philosophie et de littérature
Les résultats du traitement dépassent vite toutes les espérances, mais… car il y a forcément un mais !
J’ai tout aimé dans ce livre : les personnages, la relation père-fils d’une profondeur et d’une émotion rares.
J’ai aimé la façon d’aborder l’autisme, la rage de l’homme de science, l’érudition scientifique omniprésente.
Ne vous laissez pas repousser par le coté scientifique ou par l’extravagance de l’imaginaire de Théo, ses constructions, ses hypothèses. Laissez-vous envoûter.
Ses allusions à l’univers comme à un être vivant et à notre moi comme un tout et un rien à la fois m’a fait rouvrir un livre puissant et qui m’occupe toujours l’esprit après bien des lectures : L'advaita Vedanta.
Dans le premier roman de Richard Powers je me souviens que déjà le père était un fan de mécanique quantique. L’auteur rend la science omniprésente et sait éveiller la curiosité du lecteur, alertant celui ci sur la disparition programmée de notre monde actuel même s’il nous laisse une petite lueur d’espoir. On devine la proximité avec l’inoubliable Des fleurs pour Algernon de David Keyes.
Un livre splendide, magnifique, fort, émouvant, profond.
L'avis de Sibylline
Les livres :
Sidérations - Richard Powers - Traduit par Serge Chauvin - Editions Actes Sud
L'Advaita Vedanta - Dennis Waite - Editions Almora 2015
Des fleurs pour Algernon - Daniel Keyes - Editions J'ai lu