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  • Bribes de Colette

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     « Le mot «presbytère» venait de tomber, cette année-là, dans mon oreille sensible, et d'y faire des ravages.

    «C'est certainement le presbytère le plus gai que je connaisse…» avait dit quelqu'un.  »

     

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     « Loin de moi l'idée de demander à l'un de mes parents: «Qu'est-ce que c'est, un presbytère?» J'avais recueilli en moi le mot mystérieux, comme brodé d'un relief rêche en son commencement, achevé en une longue et rêveuse syllabe… Enrichie d'un secret et d'un doute, je dormais avec le mot et je l'emportais sur mon mur. «Presbytère!» Je le jetais, par-dessus le toit du poulailler et le jardin de Miton, vers l'horizon toujours brumeux de Moutiers. Du haut de mon mur, le mot sonnait en anathème: « Allez! vous êtes tous des presbytères!» criais-je à des bannis invisibles.  »

     

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     « Un peu plus tard, le mot perdit de son venin, et je m'avisai que «presbytère » pouvait bien être le nom scientifique du petit escargot rayé jaune et noir…  »

      

    Le livre : La maison de Claudine - Colette - Editions Bouquins Robert Laffont

  • La Tourmente - Vladimir Sorokine

    Le roman d'un admirateur de Gogol

     

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    Et voilà le troisième billet russe, avec un roman qui par son côté extravagant est plus proche de Gogol que de Maître et serviteur de Tolstoï 

     

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                        Mikhail Markianovitch Guermacheff

     

    La traversée de la grande steppe russe est toujours une épreuve en hiver et Platon Ilitch Garine est franchement pressé et exige de repartir du relais où il a fait halte car il y a une épidémie qui l’attend et il convoie des vaccins.

    « Écoute-moi bien, mon brave ! Tu vas me dénicher des chevaux… jusque chez le diable, s’il le faut ! Je te préviens : si je n’arrive pas à destination aujourd’hui, je te traîne devant les tribunaux ! Pour sabotage ! »

     

    Mais point de chevaux disponibles sauf ceux du porteur de pain dit le Graillonneux. Sa trottinette est tirée par 50 (oui oui vous n’avez pas mal lu) chevaux minuscules gros comme des perdrix.

    Et voilà l’équipage partit, les courageux chevaux bravent la tempête et filent filent car il importe que Platon Ilitch arrive à temps pour apporter le vaccin miracle au village contaminé.

    Oui mais voilà si vous n’avez pas été très étonné à ce drôle d’attelage vous ne le serez pas plus quand vous apprendrez que le temps peu lui s’allonger, se dilater à l’infini et la course prévue pour durer quelques heures prendre un temps .....

     

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    Nikifor Krylov, L`Hiver russe,
    Lire la suite: http://french.ruvr.ru/2013_12_03/Paysage-d-hiver-dans-l-art-russe-du-XIXe-au-debut-du-XXe-siecles-4488/

    Comme dans Roman que j’avais beaucoup aimé, Sorokine s’amuse ici avec tous les poncifs de la littérature russe, le récit nous semble familier à nous lecteurs de la Steppe, de Maître et serviteur, il y a des samovars, des bouleaux, des peaux de bêtes pour le froid, et même des loups. 

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                               Fiodor Alexandrovitch Vassiliev 

     

    « Le ciel nocturne, purifié, planait au-dessus de l’immense plaine neigeuse. La lune régnait sans partage, elle rayonnait, scintillait dans les myriades de flocons qui venaient de tomber, argentait la natte sur la caisse, la moufle du cocher serrant le bradillon, la toque de renard, le pince-nez et la houppelande du médecin. Les étoiles hautes jetaient leur impérial éclat en semis de diamants. Le vent glacial, pas trop fort, lançait ses assauts sur la droite, apportant les senteurs de la nuit profonde, de la poudreuse et d’une lointaine présence humaine. »

     

    Mais Sorokine est diabolique et il aime tordre les belles images de l’hiver russe, il aime se tourner vers le passé pour mieux « tourmenter » son lecteur.

    On perd ses repères exactement comme Platon Ilitch et le Graillonneux, le chemin littéraire s’efface et l’on ne sait plus bien en quel temps et quel lieu l’on est. La tempête brouille non seulement le paysage mais aussi la lecture ! Et l’on cherche sa route dans cet univers qui se situe dans une Russie intemporelle.  

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    Isaac Levitan Hiver en forêt 

    Dans les Âmes mortes Gogol finissait son roman en disant « Russie, où cours-tu donc ? », ne comptez pas sur Vladimir Sorokine pour vous donner une réponse mais je vous invite à vous laisser emporter par son talent.

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    Le Livre : La Tourmente - Vladimir Sorokine - Traduit par Anne Coldefy-Faucard - Editions Verdier

  • Les Âmes mortes - Nikolaï Gogol


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    En route en britchka

     

    Un grand classique de la littérature Russe que j’ai lu il y a très longtemps mais dont je gardais un souvenir mitigé. J’ai mis la main sur une édition de 2009 avec une traduction renouvelée et des illustrations de ...Marc Chagall, c’était l’occasion de repartir à la rencontre de Tchichikov le

    héros de Gogol. 

     

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    le héros vu par Chagall

    Dans tous les livres sur la littérature russe vous trouverez résumé et analyse de ce roman, les plus grands s’y sont collés et Nabokov en premier lieu grand admirateur de Gogol. Donc un résumé très succinct et quelques impressions pour vous donner envie de partir sur les traces de ces Âmes mortes.

     

    Pavel Ivanovitch Tchichikov écume la région dans sa britchka et se fait présenter à tous les notables du coin, du moins à tous ceux qui sont propriétaires d’âmes, le nom pudique donné aux moujiks que leur propriétaire peut à l’envi, vendre, louer, ou exploiter.

    Il veut racheter des âmes mortes, ces hommes et femmes qui sont morts dans le servage mais qui apparaissent encore dans les états du recensement ce qui obligent les propriétaires à payer des impôts dont ils se passeraient bien.

     

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    un village de Gogol

     

    Le mécanisme par lequel Tchichikov pense s’enrichir avec ces achats est un peu mystérieux et il se heurte parfois au refus des propriétaires. Mais c’est un malin, c’est même pour le dire franchement Satan lui-même. C’est un maître de la flatterie, il connait les points faibles de tous ses interlocuteurs : l’argent, le jeu, le billard ou la boisson c’est au choix.

    C’est le diable certes mais un diable bien policé, bien masqué qui sait fort à propos perdre son interlocuteur dans un discours sur la loi, le devoir et l’intérêt.

     

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    les personnages loufoques

     

    On est loin ici du sérieux des romans de Tolstoï ou de l’écriture torturée de Dostoïevski. Les héros sont menteurs, voleurs, pratiquent l’arnaque à petite ou grande échelle.

    On nage dans le grotesque, au est au royaume de l’absurde; le comique est décapant, Gogol use à profusion de métaphores animalières, tous les types humains sont représentés, le couard, le colérique, l’envieux et leurs noms même en Russe provoquent l’hilarité ce que la traductrice à chercher à rendre avec une grande réussite. 

    Le tableau de la société provinciale russe est subversif et inoubliable. La satire est dure mais aussi loufoque ce qui adoucit un peu le trait.

     

     

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                         Au dessus de Vitebsk - Marc Chagall

     

    Les illustrations de Marc Chagall sont parfaites et Anne Coldefy-Faucard nous dit que sans doute le peintre reconnu sous la ville de N...de Gogol le Vitebsk qu’il a connu.

     

     

    Voici la voix de Nabokov qui conteste le caractère russe du roman.

    « Il serait aussi vain de chercher dans les Âmes mortes un arrière plan russe authentique que d’essayer de se faire une idée du Danemark à partir de la mince affaire qui se déroula jadis dans les brumes d’Elseneur. »

     

    Mais s’incline devant la richesse du roman.

    « Les Âmes mortes offrent au lecteur attentif une collection d’âmes bouffies (..) décrites avec brio (..) et cette foison de détails singuliers qui élèvent l’oeuvre au niveau d’un fantastique poème épique » 

     

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    Les livres

    Les âmes mortes - Nicolaï Gogol - Illustré par Marc Chagall - Traduction de Anne Coldefy-Faucard -Editions du Cherche-midi 2009

    Littératures - Vladimir Nabokov - Editions Bouquins Robert Laffont

     

    L'auteur (source l'éditeur)

    220px-Портрет_Гоголя.jpgAprès des études médiocres, il s'établit à dix-neuf ans à Saint-Pétersbourg, où il trouve une place d'expéditionnaire dans un ministère. Instable, il abandonne bientôt son emploi et se met à écrire. Il se lie alors avec Pouchkine, qui sera pour lui un excellent conseiller. Un roman, Tarass Boulba, lui vaut une chaire d'histoire à l'université de Saint-Pétersbourg. 

    Gogol donne alors une série de nouvelles pétersbourgeoises qui mettent l'accent sur le divorce existant entre le rêve et la réalité. De 1841 date son chef-d'oeuvre, qui introduisit le thème de la pitié sociale dans la littérature russe, Le Manteau. En 1841, il rentre en Russie pour la publication de son roman Les âmes mortes dont la seconde partie ne fut pas publiée. 

    En 1848, il part pour Jérusalem afin de travailler, dit-il, à sa perfection spirituelle. Il en revient dans un état d'exaltation religieuse extraordinaire, et mène désormais une vie de prière et de jeûne. Épuisé, il meurt d'une fièvre typhoïde en 1852.

  • Récits d'un jeune médecin- Mikhaïl Boulgakov

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    Alexis Savrasov  Hiver 

    J’avais envie de lire ce livre depuis déjà plusieurs mois. Sous couvert d’un roman l’auteur nous livre son expérience personnelle dans les premiers mois de son installation comme médecin

     

    Nommé à tout juste 24 ans au fin fond d’une campagne russe, Vladimir Mikhaïlovitch Bomgard se voit confier un hôpital pendant qu’à Moscou éclate la Révolution.

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    Des débuts affolants : loin de tout, une population en proie à la pauvreté, à l’absence de médicaments, à une hygiène plus que précaire et par dessus tout victime des superstitions les plus arriérées.

    Vladimir est terrorisé, diplômé depuis quelques mois, autant dire tout à fait novice, il redoute les accouchements, les amputations, l’impossibilité d’en référer à un collègue, bref tout pour faire des cauchemars.

    Sa première intervention se finit bien et lui donne le courage de poursuivre malgré la fatigue, l’obscurantisme de la population, les moujiks finissent par lui accorder leur confiance, et parfois c’est plus de cent personnes qu’il examine dans la journée.

     

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    Les déplacements l’hiver sont dignes de Tolstoï et sa tempête de neige, il doit lutter sans cesse tout en continuant à apprendre et la nuit venue il compulse fiévreusement ses manuels.

    C’est un récit autobiographiques, il n’y a pas à s’y tromper, Boulgakov garde un souvenir vif de ses débuts dans les années 1916, il situe d’ailleurs les récits près de Smolensk où il a exercé.

    On trouve dans ces nouvelles un réalisme total mais déjà la plume de Boulgakov est à l'oeuvre, il manie la dérision avec habileté permettant au lecteur de ne pas trop reculer devant des scènes parfois très violentes, certaines scènes s’apparentent à la tragi-comédie et on le sent proche du moujik qui bientôt prendra les armes. 

     

    891381ffa2ad5f6662ac54808b63d379.jpgCes récits sont pris sur le vif  et traduisent une certaine empathie de Boulgakov avec le peuple russe mais qui sait aussi approcher la réalité de la toxicomanie de façon tout à fait étonnante.

    J’ai aimé ce court livre qui ne peut que donner envie de se plonger dans les deux livres importants de Boulgakov : Le maître et marguerite et La Garde blanche.

    Pour tous les amateurs de littérature russe.

     

     

    Le billet de Tania et celui de Mango 

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    Le livre : Récits d’un jeune médecin - Mikhaïl Boulgakov - traduit par Paul Lequesne - Editions Le livre de poche

  • Une Russie contrastée

    Que diriez-vous d'appréhender un peu cet immense pays à travers trois romans, deux classiques et un récent 

    Vite il faut partir avant les tempêtes de neige si redoutées et si bien racontées par Tolstoï 

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                         Troïka Nicolas Vassiliev   (j'avoue je l'ai chipé à Claudialucia) 

  • La petite lumière - Antonio Moresco

    Dans un village abandonné

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    « On n’entend que le bruit de mes pas qui résonnent dans les ruelles, j’aperçois les marches de pierre d’un petit escalier sur le point de s’effondrer, la porte enfoncée d’une étable, les restes de toits en ardoise écroulés et recouverts de plantes grimpantes, d’où jaillissent les cimes de figuiers ou de lauriers poussés entre les gravats, deux abreuvoirs en pierre remplis d’eau, des portails à la peinture éblouissante et craquelée. »

     

    Un homme, le narrateur de cette histoire, vit seul dans un hameau abandonné. S’il reste quelques habitants dans les villages voisins, la plupart de ceux-ci ont été désertés, et malgré la présence d’éléments familiers et quotidiens l’atmosphère donne une impression de fin du monde imminente.

    La nature est très présente parfois très oppressante, les objets sont à la fois beauté et ennemis potentiels.

    La marche rythme les journées de l’homme, la nature s’avère dangereuse : grêle, secousses sismiques, les plantes pourrissent, les insectes grouillent, les chiens sont agressifs. 

    Chaque nuit l’homme aperçoit une petite lumière loin dans la vallée. Au village le plus proche personne ne semble savoir ce qu’est cette lumière.

    Le héros se décide un jour à aller voir de plus près. Ce qu’il va trouver ressort de l’étrange

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    Le village déserté et abandonné que l’auteur décrit est le point de départ d’un récit envoûtant et d’un questionnement sur le réel, sur le bien et le mal et la mort. Une quête métaphysique. 

    Roman étrange, qui fait la part belle à la poésie mais une poésie parfois dérangeante, déroutante. Le silence tient une grande place, les dialogues sont courts et peu nombreux. Les descriptions donnent une allure crépusculaire et angoissante au récit qui est partagé entre réalisme et merveilleux.

    L’écriture est forte, magnifique et exigeante, la traduction vraiment parfaite.

     

    C’est un livre  qui a une certaine parenté avec Maison des autres pour la beauté de l’écriture. 

     

     

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    Le livre : La petite Lumière - Antonio Moresco - Traduit par Laurent Lombard - Editions Verdier