« Le mot «presbytère» venait de tomber, cette année-là, dans mon oreille sensible, et d'y faire des ravages.
«C'est certainement le presbytère le plus gai que je connaisse…» avait dit quelqu'un. »
« Loin de moi l'idée de demander à l'un de mes parents: «Qu'est-ce que c'est, un presbytère?» J'avais recueilli en moi le mot mystérieux, comme brodé d'un relief rêche en son commencement, achevé en une longue et rêveuse syllabe… Enrichie d'un secret et d'un doute, je dormais avec le mot et je l'emportais sur mon mur. «Presbytère!» Je le jetais, par-dessus le toit du poulailler et le jardin de Miton, vers l'horizon toujours brumeux de Moutiers. Du haut de mon mur, le mot sonnait en anathème: « Allez! vous êtes tous des presbytères!» criais-je à des bannis invisibles. »
« Un peu plus tard, le mot perdit de son venin, et je m'avisai que «presbytère » pouvait bien être le nom scientifique du petit escargot rayé jaune et noir… »
Le livre : La maison de Claudine - Colette - Editions Bouquins Robert Laffont
Commentaires
Fraîcheur de la voix enfantine, fraîcheur de la campagne, Colette a le don d'enchanter tout ce qu'elle raconte. Il est temps que j'y retourne.
@ miriam : j'y retourne régulièrement par plaisir
Quelle écriture... je ne me lasserai jamais des textes de Colette... Ce texte m'évoque une émission sur "l'enfancité" écoutée sur France Culture ce week-end, je te la conseille vraiment, c'est ici :
http://www.franceculture.fr/emission-les-nouvelles-vagues-l%E2%80%99enfant-45-l%E2%80%99enfancite-dans-l%E2%80%99ecriture-2014-11-27
Bon dimanche :-)
@ Margotte : merci pour le lien d'autant que c'est une émission que je ne podcast pas
Un petit bonheur à cueillir pour ce dimanche gris, merci, Dominique !
@ Anne : quand les femmes prennent la plume c'est du bonheur
Lu il y a longtemps ; encore un que j'aimerais bien reprendre un jour.
@ Aifelle : c'est bon d'y refaire une pause
Belles bribes de Colette autour du mot presbytère. On peut faire de beaux détours grâce à un mot si on le suit...
@ nadejda : chez elle c'est un feu d'artifices
Ah oui Colette! je l'ai découverte bine trad , il n'y a pas longtemps, mais il n'est jamais trop tard...depuis dés que je trouve un livre d'elle, je lis...il y a 2 ans, revenant du Loir et cher vers Grenoble, nous avons traversé la Puysaie et visité la maison de Colette...beaucoup de photos, qqs costumes...un peu décevant ; ça n'avait pas la vie, le côté accumulation surprenante, chaleureuse, sensuelle, sensible et bricabraceuse que décrit Colette....mais c'était sa maison!
dans un café qui fut monté par une femme qui voulait que les gens se rencontrent, aux murs couverts de livres, on apporte on prend, j'ai trouvé "Chéri"..je l'ai pris....j'écouterai l'émission...merci
@ Martine : si tu n'as jamais tenté le livre audio c'est avec Colette qu'il faut commencer
Colette, j'en redemande et j'aime bien écouter ses livres, une écoute qui sonne en moi comme une première lecture, et pourtant...
Bonne soirée
@ Enitram : chéri et Gigi sont parfaits en livres audio et je les écoute bien souvent comme ça juste pour le bonheur de la langue de Colette et les voix de Françoise Fabian et Danièle Delorme
Je connais bien ce petit texte et je l'adore! Si nous cherchons bien, nous avons tous eu ce genre d'expérience avec les mots!
@ claudialucia : je me souviens de mon interprétation du poème de Rutebeuf chanté par Brassens, en un sac en Seine était pour moi un seul mot que bien sûr je n'arrivais pas du tout à comprendre
De très beaux souvenirs de lecture avec Colette !
@ hélène : des souvenirs d'heureuses lectures
Joli! Toujours bien agréable d'entendre un tel passage!
Dans ma vingtaine j'ai eu ma 'période" Colette (ah je l'aime, tiens)
Délicieuse, vraiment, délicieuse bride, une variation autour d'un mot, qui quand on pense, finalement, n'est pas si religieux qu'il en a l'air. Merci pour ce joli moment !
Très bel extrait, merci Dominique.
On ne se lasse pas de la lire et de la relire pour sa sensualité, l'alliance de ses mots ; avec elle, nous sommes assurés d'un véritable retour aux sources.