Le roman d'un admirateur de Gogol
Et voilà le troisième billet russe, avec un roman qui par son côté extravagant est plus proche de Gogol que de Maître et serviteur de Tolstoï
Mikhail Markianovitch Guermacheff
La traversée de la grande steppe russe est toujours une épreuve en hiver et Platon Ilitch Garine est franchement pressé et exige de repartir du relais où il a fait halte car il y a une épidémie qui l’attend et il convoie des vaccins.
« Écoute-moi bien, mon brave ! Tu vas me dénicher des chevaux… jusque chez le diable, s’il le faut ! Je te préviens : si je n’arrive pas à destination aujourd’hui, je te traîne devant les tribunaux ! Pour sabotage ! »
Mais point de chevaux disponibles sauf ceux du porteur de pain dit le Graillonneux. Sa trottinette est tirée par 50 (oui oui vous n’avez pas mal lu) chevaux minuscules gros comme des perdrix.
Et voilà l’équipage partit, les courageux chevaux bravent la tempête et filent filent car il importe que Platon Ilitch arrive à temps pour apporter le vaccin miracle au village contaminé.
Oui mais voilà si vous n’avez pas été très étonné à ce drôle d’attelage vous ne le serez pas plus quand vous apprendrez que le temps peu lui s’allonger, se dilater à l’infini et la course prévue pour durer quelques heures prendre un temps .....
Nikifor Krylov, L`Hiver russe,
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Comme dans Roman que j’avais beaucoup aimé, Sorokine s’amuse ici avec tous les poncifs de la littérature russe, le récit nous semble familier à nous lecteurs de la Steppe, de Maître et serviteur, il y a des samovars, des bouleaux, des peaux de bêtes pour le froid, et même des loups.
Fiodor Alexandrovitch Vassiliev
« Le ciel nocturne, purifié, planait au-dessus de l’immense plaine neigeuse. La lune régnait sans partage, elle rayonnait, scintillait dans les myriades de flocons qui venaient de tomber, argentait la natte sur la caisse, la moufle du cocher serrant le bradillon, la toque de renard, le pince-nez et la houppelande du médecin. Les étoiles hautes jetaient leur impérial éclat en semis de diamants. Le vent glacial, pas trop fort, lançait ses assauts sur la droite, apportant les senteurs de la nuit profonde, de la poudreuse et d’une lointaine présence humaine. »
Mais Sorokine est diabolique et il aime tordre les belles images de l’hiver russe, il aime se tourner vers le passé pour mieux « tourmenter » son lecteur.
On perd ses repères exactement comme Platon Ilitch et le Graillonneux, le chemin littéraire s’efface et l’on ne sait plus bien en quel temps et quel lieu l’on est. La tempête brouille non seulement le paysage mais aussi la lecture ! Et l’on cherche sa route dans cet univers qui se situe dans une Russie intemporelle.
Isaac Levitan Hiver en forêt
Dans les Âmes mortes Gogol finissait son roman en disant « Russie, où cours-tu donc ? », ne comptez pas sur Vladimir Sorokine pour vous donner une réponse mais je vous invite à vous laisser emporter par son talent.
Le Livre : La Tourmente - Vladimir Sorokine - Traduit par Anne Coldefy-Faucard - Editions Verdier
Commentaires
Je te laisse galoper dans les espaces temporels et dans le froid , je sais que ce genre de romans m'ennuie à cause de leurs côtés complètement irrationnels.
@ luocine : comme je comprends car la plupart du temps le fantastique et moi on est pas ami mais là je me suis laissée surprendre et bien m'en a pris
J'aime beaucoup Sorokine. Chapeau pour le commentaire que tu fais de ce livre qui m'a plu tout en ayant une préférence pour "Roman".
@ nadejda : idem pour moi, j'ai trouvé cette Tourmente intéressante mais je préfère Roman
J'étais dubitative... jusqu'à la fin où: " ha ha c'est verdier". Argument de choc;
@ Keisha : c'est surtout un auteur un peu spécial, je te recommande Roman mais attention ça décoiffe
Quelle belle photo! Je ne connaissais pas cet auteur, il faudra que je refasse un tour du côté des Russes.
@ miriam : peut être pas le russe le plus emblématique !
D'autant plus familier que chaque matin nous amènons notre petite fille à l'école d'Arlesovskov en Troïka au milieu de la tourmente de neige et au son des grelots tandis que notre fidèle moujik et cocher, Franciskob Wensanovtich, mène de main de maître l'attelage! Tout ça pour dire que j'adorerais ce livre!
@ claudialucia : attention Sorokine est un empêcheur de lire en russe, on se croit dans un roman russe, les noms sont russes, la neige est russe mais ....
Je viens d'acheter un autre Russe chez Verdier, alors celui-ci attendra ..
@ Aifelle : ah il y a tellement de belles découvertes à faire chez eux
Comme la Russie inspire les peintres ! Vous dirais-je que les toiles me donnent envie d'hiver ?
Une Russie intemporelle de Sorokine me tente aussi, biens sûr.
@ Christw : amateur d'hiver ? alors nous voilà avec un point commun
L'hiver me plaît lorsqu'il est hiver. Et depuis quelques temps, il ne vient plus. L'an passé, aucune neige ici. Toutes les saisons ont leur charme, y compris les obscurités automnales, les gris et les brumes et les neiges éclatantes.
Ce serait usé de dire qu'il n'y a plus de saison, ça se dit à tous les coins de rue, mais j'ose quand même, je voudrais de la neige à Noël... et tant pis se je me fais canarder par les gosses en traversant le parc.
Oh, que c'est tentant ! Et ces belles illustrations en plus ! Rien lu encore de cet écrivain, je note ces deux titres, hop là.
@ Tania : une découverte à faire même si Sorokine a l'art de détourner le roman russe du droit chemin
Ton extrait "angélique" est tout à fait tentant, on galope avec toi avec plaisir !!! Bises. brigitte
@ Plumes d'anges : tentant mais attention c'est pour mieux te duper mon enfant que Sorokine fait parfois dans l'angélisme
La science fiction et moi .....cela se rapproche plus du cauchemar que du rêve !
Alors je passe mon tour
@ Aloïs : pas vraiment science fiction plutôt du fantastique mais un fantastique bien à lui comme dans son précédent roman
Je prends note car j'aime beaucoup la littérature russe et beaucoup le pays et ses immensités qui ont donné à l'art sa magie si particulière et déconcertante à bien des titres. Tout y est extrême.
Plongée, avec délice, dans les âmes mortes, je note celui-ci en me léchant les babinettes.
Que de belles illustrations aussi, merci Dominique.
Je ne connais pas du tout cet auteur mais entre ton billet et ces magnifiques tableau, j'ai tout à coup envie de voir l'hiver arriver ;-)